COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 NOVEMBRE 2014
N° 2014/459
Rôle N° 13/17173
SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JOSEPH D
C/
MAIRIE DE [Localité 1]
Grosse délivrée
le :
à :
Me R. BUVAT
Me P. CAMPOLO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 02 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/03030.
APPELANTE
SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS JOSEPH DE BRESC
immatriculée au RCS de DRAGUIGNAN sous le n° 341 689 008
[Adresse 4]
représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Gilbert BOUZEREAU de la SELARL BOUZEREAU - KERKERIAN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, substitué par Me Grégory KERKERIAN, de la SELARL BOUZEREAU-KERKERIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
MAIRIE DE [Localité 1],
[Adresse 2]
représentée et plaidant par Me Philippe CAMPOLO de la SELAS LLC, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-François BANCAL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Jean-François BANCAL, Président (rédacteur)
Madame Patricia TOURNIER, Conseillère
Mme Marie-José DURAND, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2014,
Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige :
Le 25.2.2005, sur la commune de [Adresse 3], s'est produit un éboulement de roches provenant d'une falaise située sur une parcelle, propriété de [M] [O], éboulement qui a notamment endommagé la voie communale n° 6 '[Adresse 1], ainsi que le réseau d'alimentation en eau potable et nécessité l'évacuation de maisons situées à proximité, en vertu d'un arrêté de péril.
A la demande de la commune de [Localité 1], le 11.5.2005, le président du tribunal de grande instance de Draguignan a ordonné une expertise.
En cours d'expertise, selon devis du 17.3.2006, la société JOSEPH DE BRESC a proposé de faire réaliser des travaux, pour un montant de 486.538€ H.T, travaux qui furent réalisés et financés conjointement par la commune de [Localité 1] et par la MAIF, assureur de [M] [O].
[L] [P], expert finalement désigné, a déposé son rapport le 23.9.2006.
Par ordonnance du 23.1.2008, [L] [P] était à nouveau désigné en qualité d'expert.
Par acte du 20.11.2008, [M] [O] vendait sa parcelle à la commune de [Localité 1].
[L] [P] déposait son nouveau rapport le 30.3.2009.
Par acte du 31.3.2010, la commune de [Localité 1] faisait assigner la S.A.R.L JOSEPH DE BRESC et l'A.S.A du canal Saint Barthélémy devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins notamment de condamnation de l'entreprise à procéder aux travaux de mise en sécurité préconisés par l'expert et de condamnation de l'A.S.A au paiement de la somme de 144.287,17€ T.T.C.
A la suite d'une ordonnance d'incompétence rendue le 15.4.2011 par le juge de la mise en état concernant les demandes formées contre l'A.S.A du canal Saint Barthélémy, l'instance se poursuivait entre les autres parties.
Par jugement du 2.5.2013, le tribunal de grande instance de Draguignan a :
** condamné sous astreinte la S.A.R.L JOSEPH DE BRESC à réaliser les travaux préconisés par l'expert [L] [P] en page 17 de son rapport du 30.3.2009, à savoir :
-terrassements complémentaires et évacuation des déblais sur les parties sud et nord selon le profil en long établi,
- 'dressement' régulier vers la crête de la falaise des plates-formes à réaliser afin d'éviter les concentrations d'écoulements,
- nettoyage complet des plates-formes après terrassement pour éliminer les blocs et cailloux susceptibles d'être entraînés par les eaux de ruissellement,
- élimination des deux écailles sur la partie sud du front,
- reprofilage du talus en partie sud au pied du front rocheux (maximum à 2v/3h) avec aménagement en partie basse d'un fossé élargi pour réception des produits d'érosion,
- évacuation des arbres abattus lors des travaux initiaux et des terres laissées en dépôt sur le site,
** condamné la S.A.R.L JOSEPH DE BRESC à payer à la commune de [Localité 1] 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
** ordonné l'exécution provisoire,
** rejeté toute autre demande,
** condamné la S.A.R.L JOSEPH DE BRESC aux dépens incluant les frais d'expertise exposés à compter de l'ordonnance du 16.7.2008 étendant la mission de l'expert à l'examen des travaux qu'elle a réalisés.
Le 20.8.2013, la S.A.R.L JOSEPH DE BRESC interjetait appel.
Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées déposées et signifiées le 16.1.2013, la S.A.R.L JOSEPH DE BRESC :
- soulève, en vertu de l'article 564 du Code de procédure civile, l'irrecevabilité des prétentions nouvelles formulées en appel par la commune de [Localité 1] qui réclame sa condamnation au remboursement des travaux de mise en sécurité à hauteur de 196450€ ,
- demande à la cour :
** la réformation du jugement déféré dans toutes ses dispositions,
** de la mettre hors de cause, estimant notamment qu'elle ne peut être condamnée à prendre en charge des travaux pour lesquels elle n'avait pas été missionnée,
** de condamner la commune de [Localité 1] à lui payer 5000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées déposées et signifiées le 3.3.2014 la commune de [Localité 1] demande à la cour de condamner la S.A.R.L JOSEPH DE BRESC :
- à lui rembourser les travaux de mise en sécurité préconisés par l'expert [L] [P] en page 17 de son rapport du 30.3.2009, soit 196450€ avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
- à lui payer 5000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- à supporter les dépens incluant les frais d'expertise exposés à compter de l'ordonnance du 16.7.2008 étendant la mission de l'expert à l'examen des travaux exécutés par la S.A.R.L JOSEPH DE BRESC.
Elle conteste notamment l'irrecevabilité de ses demandes en appel, en invoquant l'article 565 du Code de procédure civile et invoque un manquement à ses obligations contractuelles et de conseil dont elle estime être en droit de se prévaloir dans le cadre de la responsabilité délictuelle.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16.9.2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande nouvelle formulée en appel par la commune de [Localité 1] :
L'article 564 du code de procédure civile énonce :
« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Et l'article 565 du même code ajoute que :
' Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent '.
En l'espèce, la commune de [Localité 1] avait demandé au premier juge la condamnation de l'entreprise à réaliser des travaux aux fins d'assurer la mise en sécurité du site, tandis qu'en appel, elle ne sollicite plus la condamnation de celle-ci à faire ces travaux, mais formule désormais une demande de condamnation à paiement de la somme de 196.450€ aux fins de 'remboursement' du coût de travaux qu'elle aurait fait exécuter à ses frais avancés (pages 8 et 11 de ses conclusions).
Cependant, la cour constate qu'elle ne produit aucune facture ou autre document concernant ces travaux dont elle demande pourtant le ' remboursement'. En tout état de cause, il s'agit d'une demande présentée aux fins d'être indemnisée d'un préjudice financier.
Cette demande qui n'a jamais été soumise au premier juge, ne constitue pas une prétention nouvelle en raison de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, puisqu'elle se réfère aux rapports d'expertise déjà soumis à la juridiction de première instance.
Elle ne vise pas à faire écarter les prétentions adverses.
En conséquence, cette prétention indemnitaire, soumise à la cour pour la première fois, qui ne tend pas aux mêmes fins que la demande de condamnation à réaliser des travaux aux fins d'assurer la mise en sécurité du site, est irrecevable.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
L'équité commande d'allouer à la S.A.R.L JOSEPH DE BRESC une indemnité de 3000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par contre, l'équité ne commande nullement d'allouer à la commune de [Localité 1] la moindre somme sur le même fondement.
Succombant, la commune de [Localité 1] supportera les dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût des deux expertises de [L] [P].
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Statuant publiquement,
Contradictoirement,
INFIRME le jugement déféré,
STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
DÉCLARE irrecevable la demande nouvelle d'indemnisation formulée en appel par la commune de [Localité 1],
CONDAMNE la commune de [Localité 1] à payer à la S.A.R.L JOSEPH DE BRESC 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la commune de [Localité 1] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que le greffe adressera une copie du présent arrêt à l'expert [L] [P],
CONDAMNE la commune de [Localité 1] aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût des deux expertises de [L] [P] et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT