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07/11/2014 | FRANCE | N°13/16898

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 07 novembre 2014, 13/16898


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 07 NOVEMBRE 2014



N° 2014/732













Rôle N° 13/16898





CPCAM DES BOUCHES DU RHONE





C/



[Q] [F]

LE PREFET DE REGION P.A.C.A

DRASS



















Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Elsa BARTOLI, avocat au barreau de MARSEIL

LE



LE PREFET DE REGION P.A.C.A



DRASS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section AD - en date du 22 Septembre 2011, enregistré au répertoire génér...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 07 NOVEMBRE 2014

N° 2014/732

Rôle N° 13/16898

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

C/

[Q] [F]

LE PREFET DE REGION P.A.C.A

DRASS

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Elsa BARTOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

LE PREFET DE REGION P.A.C.A

DRASS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section AD - en date du 22 Septembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/4058.

APPELANTE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [Q] [F], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Elsa BARTOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

LE PREFET DE REGION P.A.C.A, demeurant [Adresse 3]

non comparant

DRASS, demeurant [Adresse 2]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Madame Annick CORONA, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2014.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2014.

Signé par Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [Q] [F] a été engagé par la société MGM suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 Octobre 1975 ,en qualité d'aide décompteur classeur .

A compter du 9 Juin 1983 ,son contrat a été transféré au profit de la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône (CPCAM) , suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'agent technique de qualification supérieure (ATQS) ,coefficient 157 +10% avec reprise d'ancienneté .

A compter du 15 Mars 1999 et jusqu'au 1er Septembre 2000, Monsieur [F] a été détaché de façon permanente auprès du syndicat CFDT dans le cadre des dispositions du protocole d'accord du 1er Février 1980.

Monsieur [F] a ensuite exercé les fonctions de délégué syndical CGT avec un mandat de semi-permanent du 12 Février 2001 au 9 Janvier 2011 et du 3 Janvier 2012 au 30 Juin 2012 .

Le 1er Septembre 2000 ,il a été réaffecté , à sa demande ,sur un poste de technicien prestations maladie ,niveau 3, au sein du pôle d'affiliation des relations internationales .

Le 3 Octobre 2002 ,Monsieur [F] a été élu délégué du personnel suppléant et réélu à chaque élection jusqu'en Septembre 2010 ,ce mandat lui ayant permis de bénéficier d'un crédit d'heures de 15 heures par mois .

Le 26 Novembre 2009 ,Monsieur [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille , section activités diverses ,afin de voir condamner la CPCAM des Bouches du Rhône à lui payer ,avec exécution provisoire et intérêts à compter du jour de la demande en justice et capitalisation , la somme de 300 000€ à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et celle de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Par jugement de départage en date du 22 Septembre 2011 ,le conseil de prud'hommes a :

-Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et déclaré la demande recevable ,

-Condamné la CPCAM des Bouches du Rhône à payer à Monsieur [F] la somme de 100 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de la discrimination dont il a fait l'objet ,

-Rejeté toutes les autres demandes ,

-Condamné la CPCAM à verser à Monsieur [F] la somme de 1200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

-Dit que la décision est commune et opposable à Monsieur le Préfet de Région PACA ,

-Condamné la CPCAM aux dépens .

La CPCAM des Bouches du Rhône a , le 13 Octobre 2011 , interjeté régulièrement appel de ce jugement.

L'affaire a été radiée par arrêt en date du 28 Mars 2013 pour absence de diligences des parties et remise au rôle le 31 Juillet 2013 .

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 15 Septembre 2014 ,oralement soutenues à l'audience l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de dire à titre principal que les demandes de Monsieur [F] sont prescrites .

A titre subsidiaire elle entend voir débouter Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes et condamner celui-ci à lui payer la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens .

Aux termes de ses dernières écritures en date du 15 Septembre 2014 ,oralement soutenues à l'audience, Monsieur [F] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et retenu l'existence d'une discrimination syndicale à son encontre .

Il sollicite la condamnation de la CPCAM des Bouches du Rhône à lui payer ,avec intérêts à compter de la saisine du conseil et capitalisation la somme suivante :

-122 259 € dont 97 259€ en réparation de son préjudice matériel et économique et 25 000€ en réparation de son préjudice moral .

Il entend voir en outre condamner la CPCAM à lui verser la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Monsieur le Préfet de Région PACA régulièrement convoqué n'était ni présent ,ni représenté .

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

La CPCAM fait valoir qu'en application des dispositions des articles 2224 du code civil et L1134-5 du code du travail ,l'action tendant à obtenir la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice résultant d'un manquement à ses obligations ,et notamment d'une discrimination syndicale ,se prescrit par cinq ans ,le point de départ de ce délai de prescription étant fixé à la date de la révélation de la discrimination.

Elle indique que Monsieur [F] ne rapporte pas la preuve du fait que l'engagement de la procédure se situe à l'intérieur du délai de prescription de 5 ans .

Elle affirme que Monsieur [F] a eu ,en sa qualité de permanent ou de semi-permanent , comme l'ensemble des autres syndicalistes ,la connaissance exacte des promotions et nominations intervenant régulièrement au sein de l'entreprise .

Monsieur [F] expose qu'antérieurement à la loi du 17 Juin 2008 ,les actions en discrimination se voyaient appliquer le délai de prescription trentenaire de droit commun et le point de départ de ce délai était fixé au jour de la révélation de la discrimination et plus précisément au jour où l'employeur avait communiqué au salarié les éléments de comparaison nécessaires à la caractérisation de la discrimination .

Il fait valoir que la circulaire ministérielle du 8 Juillet 2008 ,prise pour l'application de la loi du 17 Juin 2008 , précise que le délai de la prescription quinquennale commence à courir à compter du moment où le salarié aura connaissance des faits qui lui permettent de penser qu'il est victime d'une discrimination et non à compter de la discrimination elle-même .

Il ajoute que sur le fondement des dispositions de l'article 2222 du code civil ,les faits révélés moins de 25 ans avant la promulgation de la loi du 17 Juin 2008 se prescrivaient le 18 Juin 2013 ;

Il explique que le législateur a précisé dans le dernier alinéa de l'article L1134-5 du code du travail que les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination ,de sorte que l'indemnisation du préjudice doit prendre en compte toute la durée de la discrimination .

*******

Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 2222 et 2224 du code civil et L1134-5 du code du travail que le délai de prescription de l'action tendant à obtenir la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice résultant d'un manquement à ses obligations ,et notamment d'une discrimination syndicale court à compter du jour de la révélation de la discrimination et plus précisément la date à laquelle l'employeur a communiqué au salarié les éléments de comparaison nécessaires à la caractérisation de la discrimination .

En l'espèce ,il résulte ses pièces communiquées par Monsieur [F] les éléments constants suivants :

-A compter du mois de Mars 2009 ,le secrétaire général du syndicat CGT de la CPCAM a sollicité à plusieurs reprises la direction de la CPCAM afin de se voir communiquer la liste nominative et annuelle des promotions du personnel , il est indiqué dans ces courriers que ces listes ont cessé d'être publiées depuis l'année 2000 ;

-L'inspection du travail , saisie de cette situation par le même syndicat ,a ,dans un courrier en réponse en date du 15 Mai 2009 ,indiqué avoir rappelé à la direction de la CPCAM ses obligations en matière d'information des délégués syndicaux et notamment celle relative à la communication du rapport annuel sur l'égalité professionnelle .

La CPCAM ne verse au débat aucune pièce ni aucun élément de nature à démontrer avoir renseigné ou répondu aux demandes du syndicat relativement à cette absence de transparence sur les promotions intervenues entre les années 2000 et 2008 .

La cour relève que la CPCAM qui affirme que Monsieur [F] avait , comme tous les autres syndicalistes ,connaissance exacte des promotions et nominations intervenant régulièrement au sein de leur organisme , ne produit aucun élément de nature à étayer cette prétention et à démontrer avoir communiqué au salarié ,au cours de la période considérée , les éléments de comparaison nécessaires à la caractérisation d'une éventuelle discrimination ,de sorte que la prescription de l'action n'a pu commencer à courir .

La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera dès lors rejetée .

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef .

Sur la discrimination alléguée

Aux termes de l'article L1132-1 du code du travail ,aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire ,directe ou indirecte ,telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 Mai 2008, notamment en matière de rémunération ,au sens de l'article L3221-3 ,de qualification ,d'affectation ,de classification, de promotion professionnelle ,en raison de ses activités syndicales

L'article L2141-5 du même code interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance syndicale ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de formation professionnelle ,d'avancement ,de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux .

Il résulte de l'article L1134-1 du code du travail qu'en cas de litige ,le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte , au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et le juge forme sa conviction après avoir ordonné ,en cas de besoin ,toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles .

En l'espèce ,Monsieur [F] invoque les faits suivants :

-Depuis son embauche , il se trouve au niveau 3 ,qui correspond au niveau minimum d'embauche de la convention collective ,alors que d'autres ,embauchés dans le même temps au niveau 3 ,se trouvent pour certains au niveau 6 .

-Il n'a bénéficié au sein de ce niveau que d'une augmentation automatique des coefficients par l'attribution de points de compétence et d'expérience ,qui ne constitue pas en soi une promotion.

-La simple lecture du règlement intérieur et des articles 33 et 37 de la convention collective démontre que la promotion découle exclusivement du passage d'un niveau à un autre .

-Il n'a bénéficié d'aucune promotion ,ni d'évolution de carrière depuis qu'il exerce une activité syndicale au sein de la CGT et que son évolution de carrière a été linéaire .

-Lors de la transposition de la nouvelle classification ,issue du protocole d'accord du 30 Novembre 2004 ,applicable à compter du 1er Février 2005 ,il a été reclassé niveau 3 ,coefficient 205 ,points de compétence 42 et points d'expérience 50 .

-La direction ne lui a jamais fait de proposition de promotion et a refusé de lui accorder la promotion suggérée le 18 Octobre 2010 par son organisation syndicale (passage au niveau 4 ) et lui a alloué seulement 7 points de compétence correspondant à une évolution conventionnelle normale en fonction de l'ancienneté .

-Il n'a bénéficié d'entretiens d'évaluation qu'à partir de 2010 ,soit à une date postérieure à la saisine de la juridiction prud'homale ,alors que l'organisation de ces entretiens est prévue par la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 Février 1957 .

-Les compte-rendus d'entretiens de 2010, 2011 ,2012 et 2013 font référence à son activité syndicale .

-Les absences liées à l'exercice d'activités syndicales et d'élu du personnel ne peuvent justifier une différence de traitement et d'évolution de carrière .

-La comparaison entre son évolution de carrière et celle de ses camarades de travail appartenant à d'autres organisations syndicales démontre de réelles distorsions ,alors que les salariés concernés par cette analyse comparative n'ont pas suivi de formation ou de concours, n'ont pas de diplômes particuliers ,ni de compétences particulières leur ayant permis d'accéder au niveau supérieur .

-La direction n'a pas respecté les dispositions du protocole d'accord du 1er Février 1980 et de son avenant du 14 Avril 1980 ayant pour objectif d'éviter le blocage de carrière des salariés exerçant un mandat syndical permanent .

-Les éléments relatifs aux diplômes ,à la mobilité géographique et à la formation avancés par la CPCAM pour justifier la différence de traitement ne sont ni établis ,ni pertinents dans la mesure où d'une part 12,61% seulement des salariés embauchés entre 1967 et 1975 avec un BEP sont encore au niveau 3 et d'autre part où un salarié niveau 3 ne pouvait pas postuler sur un poste de niveau supérieur ,sans être proposé par la hiérarchie et sans avoir bénéficié d'entretiens et de notations professionnelles .

-Les mutations dont il a fait l'objet en 1983 ,1988 ,1990 et 2000 et la 'formation cours de cadre' en 1985 n'ont eu aucune incidence sur sa progression .

Pour étayer ses affirmations ,Monsieur [F] produit notamment ses bulletins de salaire, la convention collective du 8 Février 1957 ,le règlement intérieur type pour l'application de la convention collective, le protocole d'accord relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois, les grilles de classification de 1993 et 2005 ,le protocole d'accord du 1er Février 1980 relatif à l'exercice de l'activité représentative et syndicale à la CPCAM des Bouches du Rhône , les compte-rendus d'entretien d'évaluation de 2010 à 2013 ,un tableau récapitulant l'évolution de carrière des salariés titulaires d'un mandat syndical autre que celui de la CGT ainsi que le courrier adressé à la direction de la CPCAM , le 18 Octobre 2010 , par le secrétaire général du syndicat CGT aux termes duquel il était émis le souhait que Monsieur [F] soit promu au niveau 4 .

Monsieur [F] établit ainsi l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre .

La CPCAM explique que le parcours professionnel de Monsieur [F] a été soumis aux trois classifications conventionnelles successives des 14 Février 1973 ,1er Janvier 1993 et 1er Février 2005 et que son évolution de carrière tient compte des critères fixés par ces conventions tant sur l'attribution d'échelons que sur celle de coefficients de carrière .

Elle fait valoir que la progression à l'intérieur de la plage salariale ne se fait pas sous l'obtention de pourcentages automatiques ,mais sous l'effet de la prise en compte de l'expérience professionnelle et du développement personnel, tous deux exprimés en points .

Elle expose que le salarié perçoit au terme de chaque année d'ancienneté des points dits 'd'expérience professionnelle' (deux par année d'ancienneté avec un nombre maximum de 50 points ) , qu'eu égard aux points d'expérience professionnelle ,chaque salarié peut ,sur décision de la direction ,se voir attribuer des points dits 'de compétences' (équivalents à 7,12 ou 15 points selon le niveau de qualification occupé) et que Monsieur [F] a bénéficié de ces critères .

Elle affirme que les salariés , dont la situation est comparée à la sienne par Monsieur [F] ne se trouvent pas dans une situation identique, qu'ils sont tous investis d'un mandat permanent syndical, et que leur évolution de carrière s'est faite , non pas sur proposition d'une hiérarchie classique , mais comme le prévoit le protocole d'accord ,sur demande de l'organisation syndicale les ayant mandatés .

Elle précise notamment , s'agissant de la situation de Monsieur [N] ,que celui-ci a obtenu son niveau 5A avant sa désignation de permanent syndical sur proposition de sa hiérarchie de l'époque .

Elle indique qu'eu égard à son activité professionnelle à mi-temps ,ses activités syndicales exercées de façon semi-permanente et ses mandats électifs , Monsieur [F] n'est jamais présent dans son service et qu'aucune demande n'a été formulée par le syndicat CGT pour Monsieur [F] sauf pour l'attribution d'un pas de compétence de 7 points au titre de l'année 2008 .

Elle fait valoir que 58% des agents entrés avec un BEP ,comme Monsieur [F] ,sont aujourd'hui dans la classification d'employés (niveaux 3 et 4 ) et Monsieur [F] fait partie des 7,8% des salariés entrés en qualité de techniciens de prestations en attente de passage au niveau 4 ,étant précisé que dans la même catégorie 78% des agents ont attendu entre 38 et 40 ans pour passer du niveau 3 au niveau 4 .

Elle ajoute que Monsieur [F] n'a jamais fait la démarche ,en 38 ans de carrière ,de répondre à un appel de candidature afin d'accéder à un poste supérieur ,ni marqué son intention de suivre une formation qualifiante ,ni fait une demande de simple mutation inter-service depuis 1975 .

La CPCAM soutient que la pratique des entretiens annuels a été mise en place au sein de son organisme des Bouches du Rhône à compter de 2008 avec l'apparition du logiciel informatique 'ALINEA',que l'absence totale ou partielle d'activité professionnelle dans l'emploi occupé par le salarié investi de mandats ne permet pas une appréciation objective des compétences professionnelles et qu'elle justifie cependant avoir procédé à ces entretiens au titre des années 2010 et 2011 ,étant précisé qu'en 2009 ,cet entretien n'a pas pu avoir lieu dans la mesure où Monsieur [F] occupait une position de permanent syndical .

La CPCAM produit à l'appui de son argumentation les protocoles cités ,les campagnes promotionnelles de 2006 à 2011 des syndicats CFDT,CGT ,FO ,et une étude comparative de l'évolution de carrière des salariés recrutés entre 1967 et 1975 et une documentation sur la mobilité interne .

*****

En l'état des explications et des pièces fournies par les parties ,la cour relève que Monsieur [F], titulaire de mandats syndicaux depuis 1999 et élu du personnel depuis Octobre 2002 , a bénéficié , depuis son embauche en Octobre 1975 ,d'une progression de carrière fondée essentiellement sur les critères d'appréciation définis par la convention collective en terme d'ancienneté ( points dits 'd'expérience professionnelle' ) .

Il résulte de la lecture de la convention collective du 8 Février 1957 ,du règlement intérieur et du protocole d'accord relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois du 30 Novembre 2004 que tout salarié doit pouvoir bénéficier d'un avancement ou d'une promotion dite au choix ou au mérite , cet avancement au choix étant nécessairement lié à son évaluation et à sa notation ( article 33 de la convention collective et article XIII du règlement intérieur) et que les salariés exerçant un mandat syndical ,permanent ou semi-permanent ne sont pas exclus du champ d'application de ces dispositions conventionnelles .

Aux termes des dispositions du protocole d'accord du 1er Février 1980 ,le déroulement de carrière, relatif aux avantages non automatiques ,des agents exerçant un mandat syndical permanent est examiné dans des conditions prévues par la direction ;avant toute prise de décision ,une concertation doit s'instaurer avec le secrétaire du syndicat ,à partir d'un profil de carrière médian déterminé pour la catégorie professionnelle dont relève le permanent en cause .

Ce protocole qui n'a pas pour objet de laisser au seul syndicat ,auquel est rattaché l'agent , l'initiative de proposer une promotion , énonce également le principe de l'élaboration d'un profil de carrière .

Il n'est pas contesté par la CPCAM que Monsieur [F] n'a fait l'objet d'aucune promotion dite au choix ,à l'exception d'une attribution de 7 points de compétence pour l'année 2008 ,suite à la demande formulée par le syndicat CGT .

La CPCAM ne formule aucune observation sur les raisons pour lesquelles elle n'a donné aucune suite à la proposition d'attribuer à Monsieur [F] le niveau 4, formulée par le secrétaire général de la CGT dans sa lettre en date du 18 Octobre 2010 .

La CPCAM ne fournit par ailleurs aucune explication pertinente sur le fait que Monsieur [F] n'ait bénéficié d'aucun entretien d'évaluation avant l'année 2010 .

La cour relève en outre que le fait de justifier l'absence d'évaluation du salarié et donc un retard de progression de carrière par ses absences liées à l'exercice de ses mandats et de faire référence à ses fonctions syndicales dans le cadre des entretiens annuels , tel que cela résulte des compte-rendus versés au débat , constitue une discrimination .

Les tableaux et graphiques de déroulement de la carrière de 6 autres salariés appartenant à d'autres organisations syndicales ,produits par Monsieur [F] et non sérieusement contredits par les éléments fournis par la CPCAM , montrent qu' au moins 4 salariés embauchés au niveau 3 entre 70 et 74 et exerçant un mandat syndical au profit d'un autre syndicat que la CGT , ont tous atteint le niveau 4 ,certains ayant été promus au niveau 5 et 6 .

La cour estime que l'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par Monsieur [F] sont justifiés par des éléments objectifs à toute discrimination et que celui-ci a fait l'objet d'une discrimination syndicale de la part de son employeur .

Compte tenu des circonstances de la discrimination subie ,de sa durée ,de ses conséquences dommageables telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies et notamment les bases d'évaluation du préjudice professionnel ,financier et moral proposées par Monsieur [F] ainsi que de l'absence de justification de demandes ou de manifestations de volonté d'avancement concrètement formulées par Monsieur [F] au cours de la relation contractuelle , il y a lieu d'allouer à Monsieur [F] la somme de 60 000€ à titre de dommages et intérêts ,laquelle produira intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la présente décision .

Le jugement déféré sera infirmé de ce chefs .

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens .

La CPCAM qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel , sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et devra , par application de ce texte, payer à Monsieur [F] la somme de 800 €, au titre des frais irrépétibles par lui exposés en cause d'appel ;

Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs .

Il convient de déclarer le présent arrêt commun et opposable à Monsieur le Préfet de Région PACA .

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt réputé contradictoire , prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;

-Confirme le jugement déféré sur la prescription , les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens .

-L'infirme pour le surplus ,

Statuant à nouveau et y ajoutant

-Condamne la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône à payer à Monsieur [Q] [F] la somme de 60 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de la discrimination syndicale dont il a fait l'objet ,

-Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l'article 1154 du code civil sont dus sur cette somme à compter du présent arrêt,

-Condamne la CPCAM des Bouches du Rhône à payer à Monsieur [F] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

-Dit que le présent arrêt est commun et opposable à Monsieur le Préfet de Région PACA ,

-Condamne la CPCAM des Bouches du Rhône aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/16898
Date de la décision : 07/11/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°13/16898 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-07;13.16898 ?
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