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07/11/2014 | FRANCE | N°12/02013

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 07 novembre 2014, 12/02013


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 07 NOVEMBRE 2014



N° 2014/737





Rôle N° 12/02013





SAS LAFARGE GRANULATS SUD





C/



[T] [I]



























Grosse délivrée

le :



à :

Me Bertrand MERVILLE, avocat au barreau de PARIS



Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

















Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 19 Janvier 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/672.







APPELANTE



SAS LAFARGE GRANULATS ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 07 NOVEMBRE 2014

N° 2014/737

Rôle N° 12/02013

SAS LAFARGE GRANULATS SUD

C/

[T] [I]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Bertrand MERVILLE, avocat au barreau de PARIS

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 19 Janvier 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/672.

APPELANTE

SAS LAFARGE GRANULATS SUD, prise en la personne de son Président en exercice Monsieur [D] [S], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Bertrand MERVILLE, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [T] [I], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Septembre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Madame Annick CORONA, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2014.

Signé par Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [T] [I] a été engagé le 20 février 1990 par la Société Lafarge Granulats Sud (la société Lafarge), en qualité de 'conducteur d'installation polyvalent' dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il perçoit une rémunération mensuelle de base d'un montant brut de 1932,02 euros pour une durée de travail de 151,67 heures mensuelles. L'organisation de son temps de travail est réalisée dans le cadre d'un cycle, ce qui le conduit à travailler, de manière répétée, trente heures réparties sur trois jours une semaine et quarante heures reparties sur quatre jours la semaine suivante. La convention collective Union Nationale des Industries de Carrières et Matériaux (UNICEM), est applicable à la relation contractuelle.

Contestant le mode de calcul des congés payés adopté par la Société Lafarge, Monsieur [T] [I] a saisi, le 16 février 2011, le Conseil de Prud'hommes de Marseille - section Industrie -, lequel, par jugement en date du19 janvier 2012, a :

*condamné la Société Lafarge Granulats Sud à verser au salarié les sommes suivantes:

- 1689,58 € à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 3000 € à titre de dommages et intérêts pour inobservation des dispositions légales en matière de décompte de l'indemnité de congés payés,

- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*ordonné à la Société Lafarge Granulats Sud de :

- délivrer à Monsieur [T] [I] le bulletin de salaire rectifié en concordance avec le jugement, sous astreinte de 20 € par jour de retard à dater du 8ème jour de la notification du jugement et ce, pendant une durée de trente jours;

- procéder à un décompte des congés payés en jours, conformément aux dispositions de l'article L3143-3 du code du travail et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 8ème jour de la notification du présent jugement pendant une durée de trente jours, le conseil se réservant le droit de liquider les astreintes par lui instituées.

*débouté Monsieur [T] [I] du surplus de ses demandes.

*débouté la société Lafarge Granulats Sud de sa demande reconventionnelle.

*Condamné la société Lafarge Granulats Sud aux entiers dépens.

Le 1er février 2012 la Société Lafarge Granulats Sud a interjeté régulièrement appel de ce jugement qui lui a été notifié le 19 janvier 2012.

Dans ses conclusions, oralement soutenues à l'audience la société Lafarge demande à la cour d'infirmer en totalité le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille et de:

- constater que le calcul des droits à congés et de la prise de ceux-ci est effectué en jours,

- dire et juger que ce décompte est conforme aux dispositions légales,

- débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes,

- ordonner au salarié de restituer à la Société Lafarge la somme de 1689,58 € bruts qui lui a été versée au titre de l'exécution provisoire et ce, sous astreinte de 15 € par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification de l'arrêt de la cour d'appel qui se réservera le pouvoir de liquider l'astreinte.

L'appelante soutient que le décompte des droits à congés payés réalisé au sein de l'entreprise est pleinement conforme à la législation tant en ce qui concerne l'acquisition que la prise de ces jours de congés payés.

Elle rappelle les dispositions des articles L3141-3 et L3141-4 du code du travail et précise que le calcul des jours de congés est effectué en jours ouvrés au sein de la Société. Elle soutient que, contrairement à ce que prétend Monsieur [T] [I], le décompte des jours de congés est bien effectué en jours et non en heures et que celui-ci a eu droit chaque année à 25 jours ouvrés de congés payés comme l'attestent les bulletins de paie et conformément à la législation en vigueur.

Elle précise que l'aménagement du temps de travail sous forme de cycle a nécessairement une incidence mathématique s'agissant du suivi de l'acquisition et de la prise des congés mais que cet incidence mathématique ne remet nullement en cause le fait que le salarié travaillant dans le cadre d'un cycle acquiert et prenne 25 jours ouvrés de congés payés par an.

Aux termes de ses écritures, oralement soutenues à l'audience, Monsieur [T] [I] conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande à la cour d'y ajouter et de:

- dire y avoir lieu à rappel d'indemnité compensatrice au titre des congés payés liquidés postérieurement aux débats devant le Premier Juge,

- condamner la Société Lafarge Granulats Sud au paiement de la somme de 246,22 € à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

- enjoindre la Société Lafarge , sous astreinte de 200 € par infraction constatée, d'avoir à procéder, pour l'avenir, à un décompte des congés payés en jours et non en heures conformément aux dispositions de l'article L3141-3 du code du travail;

- enjoindre la Société Lafarge , sous astreinte de 20 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, d'avoir à délivrer au salarié les bulletins de salaire rectifiés du chef des rappels de rémunération judiciairement fixés;

- dire que la cour se réserve la faculté de liquider les astreintes par elle instituées;

- condamner l'appelante au paiement d'une indemnité de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'indemnité allouée de ce chef par le premier juge étant maintenue, et aux entiers dépens.

L'intimé soutient qu'il ne bénéficie pas des 25 jours ouvrés de congés légaux par an, la Société appelante opèrant selon lui un décompte des congés en heures pour les salariés travaillant dans le cadre d'un cycle et violant par là même les dispositions de l'article L3141-3 du code du travail.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

I Sur les demandes du salarié

Attendu qu'en préliminaire, il convient de relever que tant la société Lafarge que [T] [I] citent à l'appui de leur argumentation respective les mêmes dispositions légales à savoir les articles L3141-3 et L3141-4 du code du travail;

Que l'article L3141-3 du code du travail dispose que : 'Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables';

Que selon l'article L3141-4 du même code, 'Sont assimilées à un mois de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes équivalentes à quatre semaines ou vingt-quatre jours de travail';

Que l'intimé fait valoir que lorsqu'il pose 1 jour de congé payé, la Société Lafarge en décompte 1,43 jours , chiffres qui sont ainsi portés sur les bulletins de paie et qui ne sont pas contestés par la société Lafarge;

Qu'il déduit de cette écriture comptable qu'il ne bénéficie donc pas des 25 jours ouvrés de congés payés annuels auxquels il est en droit de prétendre.

Que cependant, la Cour relève que le salarié a bien bénéficié, pour chaque année en cause, de congés correspondant à 25 jours ouvrés entiers, soit cinq semaines calendaires, c'est - à - dire précisément des droits ouverts par le code du travail dans son article L3141-3.

Qu'en effet, [T] [I] travaille, dans le cadre d'un cycle de quatre semaines, trois jours la première semaine et quatre jours la suivante et qu'il acquiert 2,08 jours ouvrés de congés dès lors qu'il a travaillé quatorze jours, contrairement aux salariés non soumis à un cycle qui acquièrent 2,08 jours ouvrés de congés dès lors qu'ils ont travaillé vingt jours;

Que [T] [I] acquiert ainsi 1,43 fois plus vite de congés qu'un salarié qui travaille cinq jours par semaine (20/14=1,43);

Que lorsque l'intimé pose une journée de congé qui s'impute sur un jour où il aurait normalement dû travailler, il lui est donc soustrait la valeur d'1,43 jours, ce qui tient compte du seul fait qu'il travaille sur trois jours ou quatre jours selon les semaines et non sur cinq jours.

Que s'il ne lui était pas soustrait la valeur d'1,43 jours pour chaque jour de congé posé, Monsieur [I] disposerait , en posant 25 jours ouvrés, de 32 jours ouvrés de congés payés;

Qu'en d'autres termes et pour faciliter la compréhension du raisonnement, selon les dispositions légales, tout salarié a droit à 30 jours ouvrables ou 25 jours ouvrés de congés payés, ce qui correspond à cinq semaines calendaires;

Que [T] [I] travaillant dans le cadre d'un cycle de 4 jours une semaine et 3 jours la suivante, il en résulte que:

- en posant seulement quatre jours ouvrés de congé ( là où le salarié travaillant sur cinq jours devrait en poser cinq) il disposerait d'une semaine complète de congés payés, soit cinq jours ouvrés;

- en posant 25 jours ouvrés de congés il comptabiliserait non pas cinq semaines de congés payés mais six semaines et demie soit 32 jours ouvrés de congés payés;

- en posant 17 jours ouvrés de congés il dispose bien de cinq semaines complètes de congés payés, soit 25 jours ouvrés de congés payés.

Que, comme le soulève à bon droit la Société Lafarge, la singularité de l'aménagement du temps de travail sous forme de cycle ne doit ni desservir le salarié en cycle, ni à l'inverse l'avantager de manière injustifiée;

Que suivre l'argumentation de [T] [I] reviendrait à lui accorder un nombre de jours de congés plus important, en violation du principe d'égalité de traitement entre les salariés;

Que, comme le soutient à juste titre la Société Lafarge, le suivi des congés s'effectue bien en jours et non en heures, l'existence d'une virgule correspondant à la transposition d'un jour de congé d'un salarié travaillant 5 jours par semaine pour un salarié en cycle (1=1,43 dans le cas de [T] [I] qui travaille 14 jours dans le cadre d'un cycle de quatre semaines);

Qu'il est donc clairement établi que le décompte des congés est bien effectué en jours par la société Lafarge et que l'intimé a bien disposé de 25 jours ouvrés de congés payés, soit cinq semaines de congés payés chaque année de sorte que, contrairement à ce qu'il soutient, ses droits ne sont nullement compromis ;

Attendu ,dès lors, qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de la société Lafarge qui a démontré la régularité du calcul effectué en matière de droits à congés payés du salarié, si bien que ce dernier n'est fondé à réclamer ni un rappel d'indemnité compensatrice de congés payés, ni des dommages et intérêts pour inobservation des dispositions légales, ni la délivrance d'une quelconque injonction à la société Lafarge;

Qu'il y a donc lieu d' infirmer le jugement entrepris et de débouter [T] [I] de l'ensemble de ses demandes;

II Sur la demande reconventionnelle de la société Lafarge

Attendu que la société Lafarge demande que soit ordonnée la restitution de la somme qu'elle a versée au salarié en vertu de la disposition du jugement relative au rappel d'indemnité compensatrice de congés payés assortie de l'exécution provisoire ;

Que, même si le présent arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution de la somme versée en exécution du jugement et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution, il convient, toutefois, pour clarifier les effets de la décision, d'ordonner expressément la restitution par le salarié de ladite somme à la société Lafarge, sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte ;

Qu'il convient, en outre, de rappeler que la somme devant être restituée portera intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, du présent arrêt ouvrant droit à restitution;

III Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu que [T] [I] qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel;

Que le conseil de prud'hommes a, justement, rejeté la demande à ce titre de la société Lafarge, laquelle ne formule aucune prétention sur ce fondement en cause d'appel;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile:

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 19 janvier 2012, sauf en ce qu'il a débouté la société Lafarge de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;

Statuant à nouveau et y rajoutant,

Dit que le calcul par la société Lafarge granulats Sud des droits à congés payés et la prise de ceux-ci sont effectués en jours conformément aux dispositions légales,

Déboute Monsieur [T] [I] de l'ensemble de ses demandes,

Ordonne la restitution par Monsieur [T] [I] à la société Lafarge de la somme de 1689,58 € versée en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré, sous astreinte,

Rejette la demande de Monsieur [T] [I] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [T] [I] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/02013
Date de la décision : 07/11/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-07;12.02013 ?
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