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06/11/2014 | FRANCE | N°12/00024

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Chambre des expropriations, 06 novembre 2014, 12/00024


ARRÊT AU FOND DU 06 NOVEMBRE 2014

No2014/ 28
Rôle No 12/ 00024
EUROMEDITERRANEE

C/

Société ANF IMMOBILIER M. LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DE MARSEILLE

Grosse délivrée :

à :
le :

réf Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'expropriation des BOUCHES DU RHONE en date du 14 Juin 2012, enregistré au répertoire général sous le no 12/ 1.

APPELANTE

EUROMEDITERRANEE, demeurant Les Docks-10 Place de la Joliette-13. 002 MARSEILLE

représentée par Maître Olivier BURTEZ-DOUCEDE, avoca

t au Barreau de MARSEILLE

INTIMES

Société ANF IMMOBILIER, représentée par M. Bruno X..., Président du directoire, demeurant ...-75. ...

ARRÊT AU FOND DU 06 NOVEMBRE 2014

No2014/ 28
Rôle No 12/ 00024
EUROMEDITERRANEE

C/

Société ANF IMMOBILIER M. LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DE MARSEILLE

Grosse délivrée :

à :
le :

réf Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'expropriation des BOUCHES DU RHONE en date du 14 Juin 2012, enregistré au répertoire général sous le no 12/ 1.

APPELANTE

EUROMEDITERRANEE, demeurant Les Docks-10 Place de la Joliette-13. 002 MARSEILLE

représentée par Maître Olivier BURTEZ-DOUCEDE, avocat au Barreau de MARSEILLE

INTIMES

Société ANF IMMOBILIER, représentée par M. Bruno X..., Président du directoire, demeurant ...-75. 008 PARIS

représentée par Maître Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au Barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant Maître Eric DE FENOYL, avocat au Barreau de MARSEILLE substitué par Maître Agathe MAURER, avocat au Barreau de MARSEILLE
MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DE MARSEILLE, demeurant Hôtel des Impôts de Sainte Anne-38, boulevard Baptiste Bonnet-13. 285 MARSEILLE CEDEX 8

représenté par Monsieur Christian B..., Commissaire du Gouvernement
*- *- *- *- *

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Octobre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Chantal MUSSO, Présidente désignée pour présider la Chambre des Expropriations, en qualité de titulaire, par ordonnance de la Première Présidente de la Cour d'Appel d'Aix en Provence.

Madame Françoise BARBET, Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance de TOULON, Monsieur André TOUR Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS, spécialement désignés comme juges de l'Expropriation.

Greffier lors des débats : Monsieur Maurice NGUYEN

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au Greffe le 06 Novembre 2014

Les avocats présents ont été entendus.

Le Commissaire du Gouvernement a été entendu en ses réquisitions.
Après clôture des débats, la Cour a mis l'affaire en délibéré.
Puis les mêmes magistrats ont délibéré de l'affaire, conformément à la loi, hors la présence du Commissaire du Gouvernement et du Greffier.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé publiquement le 06 Novembre 2014 et signé par Madame Chantal MUSSO, Présidente et Monsieur Maurice NGUYEN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par délibération du 29 mars 2007, le conseil d'administration de l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée, crée par décret du 13 octobre 1995, a décidé d'engager les procédures portant sur les opérations, acquisitions, expropriations permettant la réalisation de la Zone d'Aménagement Concerté La Cité de la Méditerranée, visant à réhabiliter le secteur, notamment par la réalisation d'équipements publics, logements et commerce.
Par arrêté du 26 février 2009, le préfet de Région a prescrit l'ouverture sur le territoire de la commune de Marseille, et au bénéfice d'Euroméditerranée, d'une enquête portant sur l'utilité publique des aménagements nécessaires à la réalisation de cette Zone d'Aménagement Concerté.
Par arrêté du 9 octobre 2009, le Préfet de la Région Provence Alpes Côte d'Azur a déclaré d'utilité publique sur le territoire de la commune de Marseille et au bénéfice d'Euroméditerranée, les aménagements nécessaires à la réalisation de la Cité de la Méditerranée.
La société ANF Immobilier est propriétaire de diverses parcelles dans le périmètre de la Zone d'Aménagement Concerté, dont l'établissement public poursuit l'expropriation. Il s'agit de parcelles situées 146 à 154 rue de Ruffi, 1 rue d'Anthoine, et 147 avenue Roger Salengro, figurant au cadastre de la ville de Marseille quartier d'Arenc section 807 D no 5 pour 300m2, no 8 pour 100m2, no 9 pour 1130m2, no 15 pour 550m2 et no 76 pour 316m2.
L'établissement Euroméditerranée a saisi le juge de l'expropriation de Marseille afin que soient fixées les indemnités revenant à l'exproprié, en application des dispositions de l'article R13-21 du code de l'expropriation.
L'expropriant a offert une indemnité de 1 450 600 ¿, se décomposant ainsi que suit : indemnité principale : 1 317 800 ¿ (2396m2x550 ¿) indemnité de remploi : 132 780 ¿, soit 5000x20 % = 1000 ¿, 10 000 ¿ x15 % = 1500 ¿, 1 202 800 ¿ x10 % = 130 280 ¿

La société ANF Immobilier a demandé que le montant de l'indemnité principale soit fixée à la somme de 2 546 948 ¿ (2396m2x1063 ¿) au regard de 3 points de comparaison portant sur des accords amiables de cessions de terrains situés dans le même secteur, intervenus entre juillet 2007 et décembre 2011. Elle réclame une indemnité de remploi de 256 945 ¿, ainsi que la somme de 2500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le Commissaire du Gouvernement a indiqué que la valeur du terrain en cause pouvait être estimée à 750 ¿ soit une indemnité principale de 1 800 000 ¿ et une indemnité de remploi de 181 000 ¿. Il a cité 6 termes de comparaison de terrains à bâtir en zone UA ou assimilable, dont 3 dans le périmètre de la Zone d'Aménagement Concerté, et dans les 2ème et 3ème arrondissements de Marseille qui faisaient apparaître une valeur de 700 à 1000 ¿/ m2
Par jugement en date du 14 juin 2012, le juge de l'expropriation de Marseille a fixé à la somme de 2 228 082 ¿ l'indemnité de dépossession due à la société ANF Immobilier, soit : indemnité principale : 2 024 620 ¿ soit 2396m2x 845 ¿ indemnité de remploi : 203 462 ¿

La méthode retenue a été celle de la comparaison, et le juge de l'expropriation a écarté les termes de comparaison proposés par l'expropriant et l'exproprié, et conservé quatre termes de comparaison fournis par le Commissaire du Gouvernement, les deux autres ayant été jugés trop anciens (ventes intervenues en mai et juin 2009).
L'établissement public d'aménagement a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée en date du 4 juillet 2012, reçue au greffe de la cour le lendemain.
Dans son mémoire, il critique la décision entreprise en ce qu'il n'a pas été retenu les points de comparaison les plus pertinents. Selon lui, le premier juge n'avait pas à écarter la vente par la SNCF à Euroméditerranée, qui concernait l'ilot d'en face, non plus que la vente des consorts A..., intervenue en 2011, qui concernait une parcelle de 2331m2 comportant un immeuble bâti destiné à être démoli. Enfin le juge de l'expropriation a pris les 4 mutations citées par le Commissaire du Gouvernement qui ne pouvaient être retenues dans la méthode des points de comparaison car il s'agissait de mutations concernant des terrains bénéficiant d'un permis de construire. Il a pris en effet une moyenne pour des terrains bénéficiant de droits à bâtir reconnus, ce qui n'était pas le cas du terrain, alors qu'il fallait prendre le prix des cessions intervenues sur des terrains bâtis ou non bâtis pour lesquels aucune constructabilité n'avait été établie. Il estime que lorsque l'on prend la méthode des points de comparaison, il faut faire des comparaisons avec des ventes en l'état, et non pas avec des ventes de terrain ayant bénéficié au jour de la vente de l'obtention d'un permis purgé donnant les droits à bâtir attachés réellement à la parcelle.
Il demande donc la réformation de la décision en toutes ses dispositions. Il réitère sa proposition d'une-indemnité de dépossession de 1 450 600 ¿, sur la base de 550 ¿ le m2, soit :- indemnité principale : 1 317 800 ¿ (2396m2x550 ¿)- indemnité de remploi : 132 780 ¿, soit 5000x20 % = 1000 ¿, 10 000 ¿ x15 % = 1500 ¿, 1 202 800 ¿ x10 % = 130 280 ¿

Par mémoire no 3 en date du 1er septembre 2014, la société ANF Immobilier forme appel incident.
Elle demande à la cour :
- A titre principal de dire et juger que l'indemnité principale d'expropriation qui lui est due s'élève à la somme de 2 456 948 ¿, soit 1063 ¿ par m2, et l'indemnité de remploi à 256 945 ¿, et fixer l'indemnité totale de dépossession à la somme de 2 803 893 ¿
- A titre subsidiaire, de confirmer le jugement-à titre infiniment subsidiaire, en cas de réformation du jugement déféré en application du raisonnement de l'expropriant excluant les termes de comparaison indiquant une SHON autorisée, dire et juger que l'indemnité principale d'expropriation due à ANF Immobilier s'élève à la somme de 2 288 180 ¿ (soit 955 ¿/ m2) que l'indemnité de remploi s'élève à 229 818, et fixer l'indemnité totale de dépossession à un montant de 2 517 998 ¿- en tout état de cause, condamner l'Etablissement public d'aménagement Euroméditerranée, à lui verser la somme de 2500 ¿ par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'intimée considère que le raisonnement tenu par le premier juge de retenir quatre termes de comparaison cités par le Commissaire du Gouvernement ne lui apparait pas pertinent, compte tenu de la forte et rapide évolution du prix des biens immobiliers et plus particulièrement des terrains à bâtir sur le secteur en devenir de la Zone d'aménagement concerté Cité de la Méditerranée. Cette évolution ressort de manière significative selon l'intimée, de l'arrêt du 6 janvier 2011 produit par l'expropriant lui-même. Dans cette affaire, le Commissaire du Gouvernement avait été saisi en novembre 2009, et constatait que sur ce secteur, les prix se situaient entre 228 et 719 ¿/ m2. En mars 2012, les conclusions du Commissaire du Gouvernement dans la présente instance, faisaient état d'une concentration entre 700 et 1000 ¿/ m2. En l'espace de 3 années, il y a donc eu une augmentation d'environ 40 % à 300 % du prix du m2. La méthode de calcul utilisée par le premier juge a nécessairement abouti à une dévaluation du prix du terrain, dans la mesure où il fait une moyenne des prix de vente constatés entre juin 2010 et avril 2011, alors qu'il a statué le 14 juin 2012, et que l'appréciation de la valeur vénale du bien se fait à la date de la décision de première instance. Par ailleurs il a écarté le terme de comparaison no 1 de l'exproprié, qui pourtant datait de décembre 2011, et s'est ainsi privé du terme de comparaison le plus récent.
Elle critique ensuite par le menu les termes de comparaison de l'expropriant, ainsi que l'évaluation du Commissaire du Gouvernement dans ses différentes conclusions, qui aboutissent à réduire le montant de l'indemnité de dépossession proposée, bien que l'évaluation de 750 ¿/ m2 reste la même, de par la suppression de l'arrondi appliquée par le Commissaire du Gouvernement précédent, et qui n'avait donné lieu à aucune contestation de l'expropriant. Par ailleurs, le Commissaire du Gouvernement introduit de nouveaux termes de comparaison, totalement contestables. L'intimée développe ses critiques à point par point.
L'intimée porte à la connaissance de la cour de nouveaux éléments de comparaison, qu'elle énumère. Elle rappelle qu'en cas d'annulation de la décision de première instance, les juges d'appel doivent se placer à la date à laquelle ils statuent pour évaluer la valeur du bien exproprié.

Si par extraordinaire, la cour retenait le raisonnement de l'expropriant concernant la prise en compte des seuls terrains auxquels serait attaché un permis de construire, qui est au demeurant parfaitement infondé, elle devrait alors prendre en compte deux points de comparaison sur lesquels il n'est pas indiqué de SHON autorisée, les termes no 5 et 6.

Par mémoire du 10 juin 2014, le Commissaire du Gouvernement rappelle que la date de référence pour apprécier l'usage effectif du bien, est, dans le cadre d'une Zone d'Aménagement Concerté, fixée un an avant l'ouverture de l'enquête préalable, soit le 13 mars 2008, et que la parcelle, libre d'occupation, située en zone UA, a la qualification de terrain à bâtir au regard de l'article L13-15 du Code de l'expropriation dès lors qu'elle est desservie par 3 voies d'accès et les réseaux publics et que l'immeuble est situé dans une zone reconnue constructible par le PLU.
Il présente 9 termes de comparaison. Il fixe la valeur métrique à 750 ¿, et conclut à la réformation du jugement et à la fixation de l'indemnité de dépossession à la somme de 1 977 700 ¿, se décomposant ainsi :- Indemnité principale : 1 797 000 ¿- Indemnité de remploi : 180 700 ¿ soit 5000 ¿ x20 % + 10000 ¿ x15 % + 1 782 000 ¿ x10 %

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des appels
Elle n'est pas contestée.
Sur la consistance du bien
Aux termes de l'article L13-14 du code de l'expropriation, la juridiction fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.
En l'espèce, le bien exproprié est constitué de cinq parcelles figurant au cadastre de la ville de Marseille, quartier de la Villette, sous les références 807 D : no 5 sise 154 rue de Ruffi pour 300m2, no 8 sise 146 rue de Ruffi pour 100m2, no 9 sise 1 rue d'Anthoine pour 1130m2, no 15 sise 147 avenue Roger Salengro pour 550m2, et no 76 sise 146 rue de Ruffi pour 316m2 soit au total une superficie totale de 2396m2.

Il s'agit d'un terrain plat en nature de friche, de configuration irrégulière, libre de toute occupation. L'une des parcelles (no 76) supporte une bâtisse murée en état médiocre. L'accès à ce terrain peut se faire par chacune des trois voies ci-dessus mentionnées.

Sur l'indemnisation

Aux termes de l'article L13-13 du code de l'expropriation, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
Sur l'indemnité principale
Conformément à l'article L13-15 du code de l'expropriation, la date de référence quant à l'usage effectif de l'immeuble et des droits réels immobiliers, est celle du 13 mars 2008, soit un an avant l'ouverture de l'enquête préalable prévue à l'article L11-1 du même code.
A cette date de référence, le bien était situé dans le périmètre de la ZAC de la Méditerranée, classé en secteur Uzci Aph. Il reçoit la qualification de terrain à bâtir, dès lors qu'il est desservi par trois voies d'accès et les réseaux publics, et que l'immeuble est situé dans une zone constructible par le PLU.

Conformément à l'article L13-15 du code de l'expropriation, le bien est évalué à la date de la décision de première instance, soit le 14 juin 2012.

Aucune des parties ne conteste la méthode de la comparaison, seuls les termes retenus par le premier juge étant en débats.
En ce qui concerne l'évaluation du bien, il convient de retenir à titre de comparaison des biens situés dans une zone soumise aux mêmes contraintes ou avantages en termes d'urbanisme, de taille comparable, situés dans un secteur géographique proche du bien à estimer, de nature analogue, et selon des évaluations effectuées à une date proche de la décision de première instance.
C'est à bon droit que le premier juge a écarté les termes de comparaison proposés par l'expropriant.
Le premier concerne une vente amiable intervenue le 3 novembre 2010 relativement à la parcelle 814 D no 101 située rue de Ruffi-rue Camille Pelletan, d'une superficie de 3868m2, mais dans laquelle sont intégrés 1416m2 de surface affectés à une voirie existante et ses dépendances, ce qui minore la valeur de la parcelle.
La vente intervenue au mois de novembre 2011de quatre parcelles no 44, 45, 59 et 60 comprises dans le périmètre délimité par les rues de Ruffi et d'Anthoine, et les boulevards de Paris et Mirabeau, dans le quartier de la Vilette, et à proximité du terrain objet du débat, aurait pu constituer un intéressant point de comparaison si cette vente n'était pas intervenue entre l'expropriant et l'établissement public du Grand Port Maritime, donc entre établissements publics d'Etat, qui ont fixé le prix de l'acquisition vraisemblablement au regard d'éléments étrangers aux conditions du marché de l'immobilier local.
La vente intervenue le 29 décembre 2011 (soit à une date très rapprochée de la décision de première instance) concerne deux parcelles cadastrées 807 D no 121 et 83, sises Chemin de la Madrague Ville 13002 Marseille. Un accès à ce terrain se fait par la rue d'Anthoine, qui dessert les parcelles objets des débats. Mais outre le fait que cette vente est intervenue là encore entre deux établissements publics, le vendeur n'étant autre que la SNCF, ce qui permet de reprendre l'argument développé ci-dessus pour ce type de mutation, il convient de remarquer en sus que ces deux parcelles comprennent des réseaux SNCF, un transformateur électrique, et d'autres bâtiments à démolir, ce qui ne peut qu'avoir eu une incidence sur le prix d'acquisition.
Enfin, le premier juge a rejeté la quatrième référence qui concernait la vente les 13, 18 et 25 juillet 2011 par les consorts A..., d'une parcelle de 2331m2 située rue de Peysonnel cadastrée 814Dno30, au motif que l'expropriant n'avait pas produit les documents permettant de savoir dans quelles conditions cette vente était intervenue. En appel, l'acte de vente est produit, qui permet de constater que :- le bien entre dans le champ d'application des articles R. 1334-14 et suivants du Code de la santé publique ; les recherches effectuées, conformément à l'article R. 1334-24 de ce code, ont révélé la présence d'amiante, ainsi qu'il résulte du rapport technique établi par IMMO CONTROLE-108 rue Breteuil-13006 MARSEILLE, le 28 septembre 2009.- l'activité industrielle du site était liée à l'exploitation d'huiles, de lubrifiant, graisse et produit annexe pour l'automobile. Une cessation d'activité est intervenue dans le courant de l'année 2008. La société ORTEC OGD est intervenue sur le site en vue du démantèlement d'une cinquantaine de cuves. Il a été demandé à la société ORTEC OGD un diagnostic des sols et des eaux souterraines. Le rapport en date du 15 janvier 2009 a été remis à l'acquéreur De ce rapport il résulte notamment ce qui suit : « L'investigation sur les sols ont permis de mettre en évidence un impact de pollution principalement par les hydrocarbures totaux C10- C40 et les HAP, caractéristiques des huiles, Des teneurs modérées à élevées en métaux lourds ont également été mises en évidence, celles-ci semblant liées à la présence de remblais sur les premiers mètres du terrain. Un deuxième diagnostic environnemental a été effectué le 7 avril 2011 par la société ERG Environnement a été remis à l'acquéreur.

De ce rapport il résulte notamment ce qui suit.- la pollution est globalement délimitée en profondeur sur le site.

- compte tenu de l'absence de terrain naturel, les remblais hétérogènes ne permettent pas d'orienter les futurs déblais en ISDI avec certitude. Un risque de changement rapide de qualité de sol est à considérer. lors de tous travaux d'aménagement, le Maitre d'Ouvrage prendra toutes les précautions d'usage (caractérisation, sécurisation) en cas d'éventuelles découvertes suspectes voire inhabituelles d'un point de vue environnemental.

L'acte stipule page 15 : L'acquéreur fera son affaire personnelle des éventuels mesures, coûts ou travaux qui pourraient être engagés pour atteindre un niveau de réhabilitation conforme à l'usage auquel il destine l'immeuble objet des présentes, sans aucune possibilité de recours d'aucune sorte contre le VENDEUR notamment si l'acquéreur décide d'en faire un usage autre que celui objet des présentes. Le prix de la présente vente tenant compte de cette situation et de l'engagement de l'acquéreur de procéder au lieu et place du vendeur à la dépollution du terrain conformément aux préconisations des sociétés ORTEC OGD et ERG GEOTECHNIQUE.
Cette vente intervenue au prix de 1 000 000 ¿, soit une valeur métrique de 429 ¿, ne peut donc constituer un point de comparaison au vu des différentes contraintes techniques que l'acquéreur a prises en charge au lieu et place du vendeur.
En ce qui concerne les points de comparaison proposés par la Société ANF Immobilier, c'est à juste titre que le premier juge les a écartés. La vente amiable intervenue le 29 novembre 2010, concerne un terrain dont la surface est nettement supérieure à la parcelle objet du litige, et la valeur métrique (1770 ¿/ m2) est tout à fait atypique par rapport aux ventes constatées dans le secteur. La vente du 20 décembre 2011 par la société ANF Immobilier à Euroméditerranée concerne une parcelle dont la surface est de dix fois inférieure à la parcelle litigieuse, tout comme la parcelle objet du dernier point de comparaison, outre le fait qu'elle a été vendue le 31 juillet 2008, ce qui constitue une référence trop ancienne pour être retenue.
Restent donc les points de comparaison proposés par le Commissaire du Gouvernement, au nombre de 9 devant la cour.
Le premier juge a écarté les deux premiers qui concernaient des ventes intervenues en 2009.
Les points de comparaison no 8 et 9 doivent être écartés, car ils correspondent pour le premier à la vente du 20 décembre 2011, proposée par la société ANF Immobilier, le second à la vente du 3 novembre 2010 proposée par Euroméditerranée.
Les cinq autres points de comparaison concernent des ventes intervenues dans le quartier ou dans un quartier limitrophe.
La vente intervenue le 30 juin 2010 d'un terrain à bâtir sis rues des Chevalier Paul, Désirées Clary et d'Urfé, ne sera pas retenue, dans la mesure où la surface est nettement supérieure à la parcelle dont s'agit.
En revanche les autres ventes constituent des termes de comparaison intéressants, étant ici précisé qu'il ne sera pas fait de distinction entre ceux pour lesquels il est indiqué une SHON autorisée et les autres, dans la mesure où comme le fait remarquer pertinemment la société ANF Immobilier, les transactions immobilières se réalisent en fonction de la faisabilité potentielle de l'opération au regard des droits à construire conférés par le document d'urbanisme.
Il sera donc retenu les ventes suivantes :- Vente du 5 octobre 2010 relative à un terrain à bâtir (collectif vertical/ UA) de 1145m2 sis 42/ 44 avenue Edouard Vaillant à Marseille (3ème arrondissement) cadastré Saint Mauront, section K no 23, 177 et 178 ¿ SHON autorisée : 2460m2 Montant de la vente : 600 000 ¿- Valeur métrique : 524 ¿/ m2- Vente du 29 juillet 2010 d'un terrain à bâtir (collectif vertical ZAC CIMED assimilable Ua) de 1346m2 sis 118/ 120 rue de Ruffi 13002- cadastré Arenc section D no 41 et 42- SHON autorisée : 5465m2 Montant de la vente : 950 000 ¿- valeur métrique : 743 ¿/ m2

- Vente du 14 avril 2011 d'un terrain à bâtir (collectif vertical Ua) de 614m2 sis rue Fauchier 13002 Grands Carmes section B N) Montant de la transaction : 535 000 ¿- valeur métrique : 871 ¿/ m2- Vente du 14 janvier 2011 d'un terrain à bâtir (collectif vertical ZACC CIMED assimilable Ua) de 682m2 sis boulevard de Paris et 67 rue Peyssonel 13003 cadastré Villette section E no 25 et 27 Montant de la transaction : 708 000 ¿- valeur métrique : 1038 ¿/ m soit une valeur métrique moyenne de 794 ¿/ m2.

Cette valeur est inférieure à celle retenue par le premier juge. Malgré ce, dans la mesure où la date de l'estimation des biens est le 14 juin 2012, donc plus d'une année après le terme de comparaison le plus récent, et que les documents versés par les parties démontrent une progression nette de la valeur métrique pour les transactions intervenues dans le secteur en quelques années, la valeur métrique retenue par le premier juge sera confirmée.
L'indemnité principale due à la société ANF Immobilier sera donc de 2 024 620 ¿ (soit 845 ¿ x 2396m2)
Sur l'indemnité de remploi
L'article R13-46 du code de l'expropriation édicte que l'indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l'indemnité principale. L'alinéa 3 rajoute que le montant de l'indemnité de remploi éventuellement prévue doit être calculé compte tenu des avantages fiscaux dont les expropriés sont appelés à bénéficier lors de l'acquisition de biens de remplacement.
Le taux de l'indemnité de remploi usuellement appliqué pour les immeubles bâtis ou non bâtis est de 20 % pour la fraction de l'indemnité principale inférieure ou égale à 5000 ¿, 15 % pour la fraction comprise entre 5001 ¿ et 15 000 ¿, et 10 % pour le surplus.
En l'espèce, l'indemnité de remploi se chiffre à la somme de 203 462 ¿, soit : 5000 ¿ x 20 % = 1. 000 ¿ 10 000 ¿ x15 % = 1. 500 ¿ 2 009 620 ¿ x10 % = 2. 228 082 ¿

Sur les dépens

L'expropriant et l'exproprié succombant en leurs prétentions, ils seront tenus l'un et l'autre aux dépens de l'instance d'appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la société ANF IMMOBILIER la charge des frais non compris dans les dépens par elle exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions
Dit que la date de référence est le 13 mars 2008
Fixe l'indemnité de dépossession à la somme de 2 228 082 ¿, soit :- indemnité principale : 2 024 620 ¿- indemnité de remploi : 203 462 ¿

Déboute la société ANF IMMOBILIER de sa demande au titre des frais irrépétibles
Dit que l'EPA EUROMEDITERRANEE et la Société ANF IMMOBILIER seront tenus aux dépens en cause d'appel

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Chambre des expropriations
Numéro d'arrêt : 12/00024
Date de la décision : 06/11/2014
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2014-11-06;12.00024 ?
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