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30/10/2014 | FRANCE | N°13/21529

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre a, 30 octobre 2014, 13/21529


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 30 OCTOBRE 2014



N° 2014/387













Rôle N° 13/21529







[X] [S]





C/



[U] [Q]





















Grosse délivrée

le :

à :

SCP TOLLINCHI

Me BOUZEREAU

















Décision déférée à la Cour :



Jugement d

u tribunal de grande instance de Draguignan en date du 17 septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/03178.





APPELANT



Monsieur [X] [S]

né le [Date naissance 2] 1933 à [Localité 1] (Italie) demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Gilbert BOUZEREAU, avocat au barreau de Draguignan assisté par Me Yves BOUVERESSE, avoca...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 30 OCTOBRE 2014

N° 2014/387

Rôle N° 13/21529

[X] [S]

C/

[U] [Q]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP TOLLINCHI

Me BOUZEREAU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 17 septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/03178.

APPELANT

Monsieur [X] [S]

né le [Date naissance 2] 1933 à [Localité 1] (Italie) demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Gilbert BOUZEREAU, avocat au barreau de Draguignan assisté par Me Yves BOUVERESSE, avocat au barreau de Montbéliard, plaidant

INTIMÉ

Monsieur [U] [Q]

né le [Date naissance 1] 1923 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'Aix-en-Provence

assisté par Me Jacques STORELLI, avocat au barreau de Paris, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 septembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Muriel VASSAIL, vice-présidente placée, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Odile MALLET, président

Madame Hélène GIAMI, conseiller

Madame Muriel VASSAIL, vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 octobre 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 octobre 2014,

Signé par Madame Odile MALLET, président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [X] [S] est propriétaire d'une villa située [Adresse 3].

Par acte des 4 et 6 avril 2012, il a fait assigner M. [Q] devant le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN pour obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation à lui payer :

- 25 000 € de dommages et intérêts,

- 5 000 € au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par jugement contradictoire du 17 septembre 2013, le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a :

- débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes,

- rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire de M. [H] du 20 juillet 2010,

- condamné M. [S] à payer à M. [Q] 3 000 € du chef de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné M. [S] aux dépens.

Par déclaration reçue le 6 novembre 2013, enregistrée le 7 novembre 2013, M. [S], a fait appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures, déposées le 3 mars 2014, il demande à la cour, au visa notamment des articles 544, 1382 et 1383 et suivants du Code Civil, de ;

- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN le 17 septembre 2013,

- dire et juger que M. [Q] a, au mépris des règles d'urbanisme en vigueur, par deux fois trompé les services d'urbanisme de la commune de [Localité 2] pour construire un immeuble hors normes dans la copropriété du Capitou de l'Estérel,

- dire et juger qu'il en résulte qu'il a subi un préjudice de perte d'ensoleillement, de vis-à-vis et de perte de panorama,

- condamner M. [Q] à lui payer :

* 25 000 € de dommages et intérêts ,

* 5 000 € de participation aux frais de justice,

* les dépens avec distraction au profit de maître BOUZEREAU.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 27 mars 2014, M. [Q] demande à la cour, au visa de l'article L 480-13 du Code de l'Urbanisme, de l'article 544 du Code Civil et de la loi du 10 juillet 1965, de :

- dire et juger M. [S] mal fondé en son appel et l'en débouter,

- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 septembre 2013 par le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN en ce qu'il a débouté M. [S] de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamné au paiement de 3 000 € au titre des frais irrépétibles,

- condamner M. [S] à lui payer :

* 3 000 € d'amende civile sur le fondement de l'article 559 du Code de Procédure Civile,

* 8 000 € de dommages et intérêts pour appel abusif et procédure injustifiée,

* 6 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

* les dépens avec distraction au profit de la SCP TOLLINCHI.

L'avis de fixation pour plaidoiries a été adressé aux parties le 30 mai 2014 et la procédure a été clôturée le 4 septembre 2014.

Il conviendra de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIFS

Sur l'existence de troubles anormaux de voisinage

Conformément aux applications jurisprudentielles de l'article 544 du Code Civil, nul ne peut être contraint de supporter des troubles anormaux de voisinage.

Bien qu'il ne le précise pas expressément dans le dispositif de ses écritures, M. [S], qui vise l'article 544 du Code Civil, se prévaut de l'existence d'un trouble anormal de voisinage à l'appui de sa demande de dommages et intérêts.

Il lui incombe donc de démontrer, sans qu'il soit nécessaire qu'il établisse une faute, qu'il subit un trouble anormal, c'est-à-dire qui dépasse les inconvénients habituels d'un voisinage, en raison des nouvelles caractéristiques de la maison de M. [Q].

A l'appui de ses prétentions, il soutient que telle qu'elle a été réalisée la construction de son voisin lui cause :

- une perte d'ensoleillement,

- une perte de panorama,

- une dépréciation de sa propre villa.

Il affirme également que M. [Q] s'est ainsi créé une vue sur son fonds.

Comme M. [Q] le précise, il doit être rappelé que la résidence dont s'agit ne constitue pas le domicile habituel de M. [S] qui ne l'utilise qu'à titre de villégiature.

Par ailleurs, l'expert judiciaire a évalué :

- la perte d'ensoleillement de la maison et du jardin de M. [S] à 2, 5 %,

- la dépréciation de la maison de M. [S] en raison du vis-à-vis créé par la construction à 12, 8% de la valeur de l'immeuble.

Il doit également être noté que, même si elle n'est pas implantée dans une zone à très forte urbanisation, la construction de M. [S] est édifiée dans une copropriété, ce qui implique de supporter des désagréments.

Enfin, M. [S] ne justifie pas avoir été privé d'une vue sur la mer ou que sa vue ait été obstruée de manière intolérable du fait de la construction de M. [Q].

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il ne peut manifestement pas être considéré que les nuisances imposées à M. [S] par la nouvelle construction de M. [Q] aient un caractère anormal et dépassent les inconvénients ordinaires d'un voisinage en copropriété.

Sur la méconnaissance des règles d'urbanisme et la tromperie des services administratifs

Comme le rappelle l'article 1382 du Code Civil, celui qui par sa faute cause un dommage à autrui est tenu de le réparer.

M. [S] ne se prévaut plus d'une violation des règles de la copropriété.

Il reproche à M. [Q] d'avoir trompé la mairie de [Localité 2] et d'avoir fait une construction non conforme aux deux permis de construire qu'elle lui a délivrés et aux prescriptions du PLU.

Le premier juge a exactement relevé que :

- la conformité de la construction doit s'apprécier par rapport au permis modificatif du 1er octobre 2007 et non au regard du permis de construire initial du 28 juillet 2004,

- par décision du 4 février 2008, le maire de [Localité 2] a rejeté le recours gracieux formé par M. [S] contre le permis de construire après avoir fait réaliser une étude et un constat sur le terrain,

- aux termes d'un jugement définitif le tribunal administratif de TOULON a rejeté le recours formé par M. [S] à l'encontre du permis modificatif du 1er octobre 2007,

- la commune de FREJUS a contrôlé la conformité de la construction en se rendant sur les lieux et en faisant appel à un géomètre expert pour l'analyse du dossier.

Il en a justement déduit que M. [S] ne rapportait pas la preuve d'une tromperie à l'encontre des services administratifs de la ville de [Localité 2].

Toutefois, il ressort du rapport d'expertise judiciaire déposé le 20 juillet 2010 par M. [H] qu'en appliquant le mode de calcul prescrit par le PLU, la villa de M. [Q] dépasse la hauteur maximale autorisée des constructions, limitée à 7m jusqu'à l'égout du toit et à 8, 50m jusqu'au faîtage par le PLU de la ville de [Localité 2].

L'expert a, en effet, constaté à l'égout du toit un dépassement de la hauteur maximale autorisée de :

- 23 cm en façade Ouest,

- 66 cm en façade Nord,

- 20 cm en façade Est.

Il a également noté que, mesuré au faîtage, l'immeuble de M. [Q] dépasse la hauteur maximale autorisée de 83 cm.

Il est donc incontestable que la construction édifiée par M. [Q] ne respecte pas les règles d'urbanisme de la ville de [Localité 2] telles qu'elles étaient applicables à l'époque de l'expertise.

Comme le lui demande M. [S], la cour ne peut que le constater.

Sur la demande de dommages et intérêts formulée par M. [S]

La cour ayant écarté l'existence d'un trouble anormal de voisinage, M. [S] ne peut obtenir d'indemnisation de ce chef.

Cependant, il résulte des développements précédents que M. [Q] s'est rendu coupable d'une violation des règles d'urbanisme puisque sa construction dépasse les hauteurs maximales prévues par le PLU de la ville de [Localité 2].

Cette violation, qui a conduit à l'édification de son immeuble tel qu'il a été examiné par l'expert judiciaire, est sans contestation possible à l'origine des préjudices subis par M. [S] en termes de perte d'ensoleillement et de dépréciation de sa maison.

L'intéressé critique les évaluations faites par l'expert mais il ne soumet à la cour aucun élément pour rapporter la preuve d'un préjudice plus important et notamment démontrer qu'il a été privé de tout ou partie de sa vue (les photographies sur lesquelles il s'appuie sont inopérantes puisqu'elles concernent toutes la construction de M. [Q] et qu'il n'en existe aucune montrant de manière visible et incontestable ce qu'il voyait de chez lui avant la réalisation des travaux).

En conséquence, il convient de s'en tenir aux calculs de l'expert et d'allouer à M. [S] la somme globale de 5 000 € de dommages et intérêts en réparation de la perte d'ensoleillement et de la dépréciation de son immeuble en raison d'un vis-à-vis.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé.

Sur les demandes formulée par M. [Q]

Compte tenu de la solution admise par la cour, l'appel de M. [S] n'était manifestement ni abusif ni injustifié.

M. [Q] sera donc débouté de ses demandes tendant à ce qu'il soit condamné à une amende civile et à lui payer des dommages et intérêts.

Sur les dépens et les prétentions formulées au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile

M. [Q] qui succombe sera tenu des dépens de première instance et d'appel.

Il se trouve, ainsi, infondé en ses demandes au titre des frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel et le jugement déféré sera réformé de ce chef.

Il serait inéquitable de laisser supporter à M. [S] l'intégralité des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

La somme de 2 000 € lui sera allouée en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

La cour ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire déposé par M. [H];

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

Dit que la construction de M. [Q] ne respecte pas les prescriptions du PLU de la ville de [Localité 2] relativement à la hauteur maximale ;

Condamne M. [Q] à payer à M [S] 5 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte d'ensoleillement et de la dépréciation de sa maison ;

Déboute M. [Q] de ses demandes tendant à la condamnation de M. [S] à une amende civile et à des dommages et intérêts ;

Dit M. [Q] infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel ;

Condamne M. [Q] à payer à M. [S] 2 000 € au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamne M. [Q] aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de maître BOUZEREAU.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/21529
Date de la décision : 30/10/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°13/21529 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-30;13.21529 ?
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