COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2014
N° 2014/366
Rôle N° 13/19270
Syndicat des copropriétaires [Adresse 2]
C/
SA CABINET BORNE ET DELAUNAY
SCI VIGNALE INVESTISSEMENT
Grosse délivrée
le :
à :
Me BRICE
SCP JOURDAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal de grande instance de Nice en date du 16 septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 09/01278.
APPELANT
LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 2]
représenté par son syndic en exercice Monsieur [Q] [Y]
demeurant [Adresse 3]
représenté et assisté par Me Emmanuelle BRICE, substituée par Me Souad SAMMOUR, avocats au barreau de Nice, plaidant
INTIMÉES
LA SA CABINET BORNE ET DELAUNAY
dont le siège est [Adresse 1]
représentée par la SCP J.F.JOURDAN P.GWATTECAMPS ET ASSOCIES, avocats au barreau d'Aix-en-Provence
assistée par Me Antoine PONCHARDIER, avocat au barreau de Nice, plaidant
LA SCI VIGNALE INVESTISSEMENT
dont le siège est [Adresse 4]
[Localité 1]
non comparante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 septembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Muriel VASSAIL, vice-présidente placée, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, président
Madame Hélène GIAMI, conseiller
Madame Muriel VASSAIL, vice-présidente placée
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2014
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2014,
Signé par Madame Odile MALLET, président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Jusqu'au 1er juillet 2005, le cabinet BORNE ET DELAUNAY a été le syndic de la copropriété [Adresse 2].
Par deux décisions du tribunal de grande instance de NICE (25 octobre 2002 et 10 novembre 2003), confirmées par deux arrêts de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE du 28 avril 2008, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] a été condamné à payer à deux copropriétaires, Mme [W] et la SCI JOEL diverses sommes:
- en réparation de leur préjudice subi du fait de désordres affectant les parties communes,
- correspondant à une astreinte suite au défaut d'exécution de décisions de justice.
La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi concernant la procédure de Mme [W] le 10 mai 2011.
S'agissant de la procédure de la SCI JOEL, par arrêt du même jour, elle a partiellement cassé la décision de la cour.
Par acte du 23 février 2009, le syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 2] a fait citer le cabinet BORNE ET DELAUNAY devant le tribunal de grande instance de NICE pour ;
- voir sa responsabilité engagée au titre de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965,
- obtenir :
* 199 081, 24 € outre les dépens non encore liquidés et à parfaire en considération des décisions à venir,
* 3 000 € au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SCI VIGNALE INVESTISSEMENT est intervenue volontairement à la procédure au soutien des prétentions du syndicat des copropriétaires, réclamant 3 000 € du chef de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par jugement du 16 septembre 2013, le tribunal de grande instance de NICE a :
- déclaré le syndicat des copropriétaires irrecevable en ses demandes,
- débouté le cabinet BORNE ET DELAUNAY de ses demandes,
- condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration reçue le 1er octobre 2013, enregistrée le 2 octobre 2013, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] a fait appel du jugement précité.
Aux termes de ses dernières écritures, déposées le 29 août 2014, il demande à la cour, au visa des articles 480 du Code de Procédure Civile et 18 de la loi du 10 juillet 1965, de :
- infirmer le jugement du 16 septembre 2013,
- dire et juger que son action est recevable,
- dire et juger que le cabinet BORNE ET DELAUNAY a commis une faute engageant sa responsabilité en ne procédant pas à l'exécution des travaux nécessaires à l'entretien de l'immeuble, aux travaux préconisés par l'expert, à l'exécution des décisions de justice et en ne convoquant pas d'assemblée générale annuelle,
- condamner le cabinet BORNE ET DELAUNAY à lui payer :
* 332 433, 29 € outre les dépens non encore liquidés et à parfaire en considération des décisions à intervenir,
* 3 000 € au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 1er septembre 2014, le cabinet BORNE ET DELAUNAY, demande à la cour de:
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires en raison de l'autorité de la chose jugée attachée aux arrêts rendus par la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE le 28 avril 2008,
En toute hypothèse,
- le recevant en son appel incident, dire qu'à ce jour le syndicat des copropriétaires ne justifie d'aucune créance certaine, liquide et exigible ne produisant aucun document au soutien des sommes réclamées,
- dire et juger que l'action est prescrite à son égard et prononcer l'irrecevabilité des demandes en application de l'article 122 du Code de Procédure Civile,
A titre subsidiaire et sur le fond,
- dire qu'en aucun cas il n'a commis une faute dans l'accomplissement de son mandat,
- débouter l'appelant de ses demandes, fins et conclusions,
Sur l'intervention volontaire de la SCI VIGNALE INVESTISSEMENT,
- la déclarer irrecevable et sans fondement
- condamner la copropriété appelante et tout autre succombant à lui payer 10 000 € au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile, soit :
* 5 000 € pour les frais irrépétibles de première instance,
* 5 000 € pour les frais irrépétibles de la procédure d'appel,
- condamner l'appelant et tout autre succombant aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP JOURDAN-WATTECAMPS.
La SCI VIGNALE INVESTISSEMENT, citée en la personne de son gérant par acte du 2 décembre 2013, n'a pas constitué avocat.
Par courrier du 12 février 2014 les parties ont été avisées de la fixation de l'affaire à l'audience des plaidoiries du 11 septembre 2014 et la clôture de la procédure est intervenue le 2 septembre 2014.
Il conviendra de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit.
MOTIFS
Sur la recevabilite de la demande initiale
Sur l'autorité de la chose jugée
Il résulte des articles 1351 du Code Civil et 480 du Code de Procédure Civile que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision qui tranche tout ou partie du principal n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été débattu et jugé entre les parties.
En application de ce principe, lorsque la demande a été présentée pour la première fois devant la cour d'appel et déclarée irrecevable en tant que telle, aucune disposition légale ou jurisprudentielle n'interdit au demandeur de saisir la juridiction de première instance compétente pour en connaître.
En décider autrement serait contraire à la lettre des textes sus-visés et constituerait un obstacle illicite et illégitime au droit d'action des justiciables tel qu'il est garanti, notamment, par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
En l'occurrence, par arrêts du 24 avril 2008, la cour d'appel de céans a déclaré la demande du syndicat des copropriétaires visant à faire constater la responsabilité de la société CABINET BORNE ET DELAUNAY et obtenir l'indemnisation de son préjudice irrecevable au motif qu'elle était nouvelle en cause d'appel.
Il est donc incontestable que le litige n'a été ni discuté ni tranché.
Dès lors, c'est à tort que le premier juge a déclaré la demande irrecevable.
Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef et, dans un souci de bonne administration de la justice, il doit être fait application de l'article 568 du Code de Procédure Civile.
Sur la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires
La société CABINET BORNE ET DELAUNAY soutient que l'action du syndicat des copropriétaires serait prescrite aux motifs que :
- s'agissant d'une action personnelle ou mobilière, elle serait soumise à la prescription quinquennale par l'effet de l'article 2224 du Code Civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008,
- comme toute société commerciale, elle est soumise à la prescription de l'article L110-4 du Code de Commerce qui a, elle aussi, été réduite à 5 ans par la réforme du 17 juin 2008,
- les faits remontent à 1997 et l'instance a été introduite le 23 février 2009.
Cependant, s'agissant d'une action en responsabilité contractuelle, le point de départ du délai de prescription est le fait dommageable.
Or, en l'occurrence, comme le soutient l'appelant et contrairement à ce qu'affirme l'intimée, le fait dommageable ne s'est manifesté qu'à la date des décisions qui ont sanctionné la responsabilité du syndicat et l'ont condamné à indemniser les préjudices subis par deux copropriétaires, soit au plus tôt, au moment où la cour d'appel de céans a rendu les arrêts du 28 avril 2008.
En l'état d'une assignation du 23 février 2009, délivrée sur la base d'une autorisation de l'assemblée générale du 23 juillet 2008, quel que soit le délai de prescription applicable, il y a lieu de constater que l'action n'était pas prescrite.
La fin de non recevoir sera donc rejetée.
Sur la responsabilité de la société CABINET BORNE ET DELAUNAY et la demande de dommages et intérêts formulée par le syndicat des copropriétaires
L'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 rappelle que le syndic est notamment chargé :
- d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale,
- d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à sa sauvegarde.
Par ailleurs, l'article 7 du décret du 17 mars 1967 impose au syndic de réunir l'assemblée générale des copropriétaires au moins une fois par an.
Le syndicat des copropriétaires, reproche à la société CABINET BORNE ET DELAUNAY, en sa qualité de syndic de la copropriété, alors que depuis 2002 des décisions de justice avaient condamné la copropriété à faire réaliser des travaux sous astreinte, d'avoir violé les obligations de son mandat en s'abstenant de :
- convoquer des assemblées générales pour appeler les fonds indispensables aux travaux,
- faire effectuer les travaux d'étanchéité préconisés par l'expert,
- exécuter les décisions de justice,
- veiller à assurer l'entretien de l'immeuble.
Dans la mesure où une expertise a été nécessaire pour révéler la cause des désordres, liés à l'inadéquation des normes de construction en vigueur au moment de l'édification de l'immeuble et aux travaux faits sans autorisation par un copropriétaire, aucun défaut d'entretien ne peut être imputé à la société CABINET BORNE ET DELAUNAY qui en sa qualité de syndic, fut-il professionnel, ne disposait pas des compétences techniques lui permettant de détecter les vices de construction affectant l'immeuble.
Ce grief ne peut être retenu.
Alors que les premiers désordres sont apparus en juillet 1997 ( procès-verbal de constat d'huissier pièce n° 18 de l'intimée) la société CABINET BORNE ET DELAUNAY a diligenté une procédure de référé expertise le 29 août 1997 (pièce n°20 de l'intimée).
D'autre part et jusqu'à la fin de son mandat, elle est régulièrement intervenue en qualité de représentant du syndicat des copropriétaires dans toutes les procédures ultérieures.
Cependant, postérieurement au premier rapport d'expertise judiciaire, déposé le 14 mars 2000, toutes les décisions de justice, la première étant intervenue le 25 octobre 2002, pointent l'inertie du syndicat des copropriétaires dans la réalisation des travaux d'étanchéité indispensables non seulement pour faire cesser les troubles soufferts par la SCI JOEL et Mme [W] mais aussi à la sauvegarde de l'immeuble.
Sur ce point, il doit être noté, comme l'a fait le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de NICE dans sa décision du 17 septembre 2007, qu'en date du 15 avril 2004, des travaux avaient été effectués mais seulement de manière partielle puisque restait à accomplir le confortement du plancher haut de Mme [W] tel que décrit par l'expert judiciaire dans son second rapport déposé le 2 février 2002.
Par ailleurs, la société CABINET BORNE ET DELAUNAY produit le procès-verbal de l'assemblée générale du 19 janvier 2005 aux termes duquel il a été mis fin à ses fonctions à partir du 1er juillet 2005.
C'est donc le comportement de cette société sur la période comprise entre le 14 mars 2000 et le 1er juillet 2005 qui doit être examiné pour apprécier si sa responsabilité peut être mise en jeu.
En effet, à compter de la date du dépôt du 1er rapport de l'expert judiciaire, en sa qualité de professionnel, la société CABINET BORNE ET DELAUNAY, avisée de la gravité des désordres affectant les parties communes et des troubles supportés par Mme [W] et la SCI JOEL, aurait dû alerter le syndicat des copropriétaires et l'assemblée générale des copropriétaires sur l'impérieuse nécessité d'une intervention rapide et efficace et sur les conséquences prévisibles de toute carence ou de tout retard dans la réalisation de travaux.
Or, la société CABINET BORNE ET DELAUNAY, qui supporte la charge de la preuve de ses propres diligences, ne soumet à la juridiction aucun :
- élément pour établir qu'elle a attiré l'attention du syndicat des copropriétaires sur ses obligations légales,
- procès-verbal, ni aucun autre document démontrant qu'entre l'année 2001 et le 19 janvier 2005 elle a régulièrement convoqué les assemblées générales annuelles et insisté sur la nécessité d'appeler des fonds.
Il est donc incontestable qu'il est justifié qu'elle a ainsi manqué aux obligations de son mandat.
Toutefois, toutes les décisions de justice versées aux débats démontrent que jusqu'au 10 mai 2011, date de rejet et d'admission partielle de ses pourvois en cassation, le syndicat des copropriétaires, représenté par son conseil, a toujours contesté sa responsabilité dans la survenance des désordres et devoir supporter le coût des travaux de remise en état.
Il doit donc en être conclu que c'est cette réticence qui est la cause exclusive des condamnations prononcées à son encontre et qu'il ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'existence du moindre lien de causalité entre la faute commise par la société CABINET BORNE ET DELAUNAY et son préjudice.
Il est, en effet, indéniable qu'en raison de l'importance des fonds à engager le syndic n'avait aucun moyen de contraindre le syndicat des copropriétaires à effectuer des travaux qu'il ne voulait manifestement pas payer et que la procédure d'urgence prévue à l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 ne pouvait pas être mise en oeuvre.
Le syndicat des copropriétaires sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Sur l'intervention volontaire de la SCI VIGNALE
Compte tenu des développements précédents et contrairement à ce que prétend la société CABINET BORNE ET DELAUNAY, l'intervention volontaire de la SCI VIGNALE doit être déclarée recevable puisqu'elle vient au soutien des demandes du syndicat des copropriétaires et qu'étant elle-même propriétaire d'un lot au sein de la copropriété [Adresse 2] elle justifie d'un intérêt à agir.
Toutefois, il convient de constater qu'elle n'a formulé aucune prétention propre devant le premier juge à l'exception d'une demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et qu'elle est défaillante en cause d'appel.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de Procédure Civile
Le syndicat des copropriétaires qui succombe à titre principal dans le cadre de la procédure d'appel sera tenu aux dépens.
Il se trouve, ainsi, infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles.
Pour la même raison, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a condamné à supporter les dépens de première instance.
Aucune considération d'équité n'impose de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice de la SCI VIGNALE et de la société CABINET BORNE ET DELAUNAY que ce soit en première instance ou en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté la société CABINET BORNE ET DELAUNAY et la SCI VIGNALE de leurs prétentions au titre des frais irrépétibles,
- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] aux dépens,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et faisant usage de son pouvoir d'évocation ;
Rejette les fins de non recevoir ;
Déclare recevable la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] ;
Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] de ses demandes tendant à la reconnaissance de la responsabilité de la société CABINET BORNE ET DELAUNAY et de dommages et intérêts ;
Reçoit la SCI VIGNALE en son intervention volontaire ;
Constate que la SCI VIGNALE, défaillante en cause d'appel, n'a formulé aucune demande propre ;
Déboute la société CABINET BORNE ET DELAUNAY de sa demande du chef de l'article 700 du Code de Procédure Civile formulée en cause d'appel ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP JOURDAN WATTECAMPS.
La greffière, La présidente,
: