COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2014
FG
N°2014/565
Rôle N° 13/18337
SOCIETE P.H.S. - PATRIMONE HOLDING SYNERGIE
C/
[E] [Q]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ
SCP LATIL PENARROYA-LATIL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 28 Août 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00436.
APPELANTE
SOCIETE P.H.S. - PATRIMONE HOLDING SYNERGIE
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
venant au droits de la SAS P.H.S. - PATRIMONE HOLDING SYNERGIE
dont le siège social est sis [Adresse 1].
représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Pascal KLEIN de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE substituée par Me Estelle CIUSSI, avocat plaidant au barreau de NICE.
INTIME
Maître [E] [Q],
notaire associé de la SCP [A] [N] [F] [B] [V] [G] [Q]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE , assisté par Me Philippe DUTERTRE de la SCP FRANCK-BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat plaidant au barreau de NICE.
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François GROSJEAN, Président, et Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2014.
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
La société par actions simplifiée Patrimoine Holding Synergie PHS est une société ayant notamment pour objet la prise de participation dans des opérations immobilières.
Elle a décidé de participer à un projet de promotion immobilière à La Réunion.
Une société civile de construction vente SCCV de la Gare a été constituée pour cette opération.
La société PHS est associée de cette SCCV de La Gare pour 29%.
Un financement devait être donné par le Crédit Agricole de La Réunion. La commercialisation était confiée à une Sas Médicis.
Me [E] [Q], notaire associé à [Localité 1], a été amené à intervenir en cette opération.
Il a établi en août 2008 une attestation selon laquelle un certain nombre de logements du projets auraient déjà fait l'objet de réservations. Cette attestation aurait servi à un déblocage de financement par le Crédit Agricole de la Réunion, amenant la société SCCV de La Gare à s'endetter.
Les réservations se sont avérées sans suite et le programme immobilier avoir des difficultés.
La société PHS estime que Me [Q] a commis une faute qui lui causé préjudice.
Le 13 décembre 2011, la SAS PHS a fait assigner Me [E] [Q] devant le tribunal de grande instance de Nice sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
Par jugement contradictoire en date du 28 août 2013, le tribunal de grande instance de Nice a :
- débouté la SAS PHS. de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SCP POSTILLON [N] [F] [B] [V] [G] [Q], en la personne de Me [E] [Q],
- débouté Me [E] [Q] de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné la SAS PHS à payer à Me [E] [Q] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la SAS PHS aux dépens, distraits au profit de la SCP FRANCK BERLINER DUTERTRE LACROUTS, avocats.
Le tribunal a dit qu'il n'était pas démontré que l'attestation, était erronée et qu'une faute de Me [Q] soit démontrée.
Par déclaration de Me Jérôme LATIL, avocat, en date du 16 septembre 2013, la SAS PHS a relevé appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 25 août 2014, la SAS PHS Patrimoine Holding Synergie demande à la cour de:
- vu l'article 1382 du code civil,
- déclarer la SAS PHS recevable et bien fondée en son appel,
- infirmer le jugement du 28 août 2013 en ce qu'il a débouté la SAS PHS de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SCP notariale [A] [N] [F] [B] [V] [Q] et l'a condamné au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que la SCP notariale [A] [N] [F] [B] [V] [Q] prise en la personne de Me [E] [Q], a commis des fautes engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil en établissant l'attestation litigieuse non justifiée et non fondée du 29 août 2008,
- juger que la SCP notariale [A] [N] [F] [B] [V] [Q] devra indemniser la SAS PHS de l'ensemble des conséquences préjudiciables subies par elle causalement rattachées aux fautes de Me [Q] telles que ces dernières pourront être appréciées et quantifiées au final de l'opération après la vente des derniers lots et la détermination de l'insuffisance d'actif,
- juger que l'entier préjudice indemnisable est constitué par la quote-part des pertes de l'opération que la SAS PHS aura à supporter tant en l'état des engagements de caution souscrits par elle au profit du Crédit Agricole qu'en l'état des apports réalisés par elle en qualité d'associé,
- condamner la SCP notariale au paiement d'une indemnité de 7.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCP notariale aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP PERRANOYA LATIL.
La société PHS expose que les actes de vente devaient être réalisés par Me [Q].
La société PHS précise avoir découvert que la pré-commercialisation du programme n'avait pas été effectuée, que les sommes débloquées par le Crédit Agricole étaient insuffisantes pour payer les travaux effectués.
La société PHS estime que Me [Q] a commis une faute en délivrant une attestation non conforme à la réalité.
La société PHS expose que Me [Q] était chargé de collationner l'ensemble des dossiers de réservation et d'établir les attestations correspondantes, qu'il a établi le 29 août 2008 une attestation par laquelle il indiquait détenir en son office 33 réservations de lots, avec chèques.
La société PHS fait valoir que les faits ont démenti cette attestation.
La société PHS estime que Me [Q] a manqué à son obligation de conseil et aurait déconseillé à la société PHS un engagement contractuel.
La société PHS estime que la faute du notaire lui a causé préjudice qui pourra être apprécié à la fin de l'opération après la vente des derniers lots, par la quote-part des pertes que la société PHS devra supporter.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 27 août 2014, Me [E] [Q] demande à la cour de:
- juger que la SAS PHS ne rapporte pas la preuve d'une faute quelconque de Me [Q] en relation de causalité certaine avec un préjudice né et actuel susceptible d'engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382 du code civil et d'ouvrir droit à indemnisation,
- la débouter en conséquence de toutes ses demandes, fins et prétentions radicalement infondées et d'une parfaite mauvaise foi,
- confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,
- condamner la SAS PHS au paiement de la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- la condamner au paiement de la somme de 4.000€ à titre de frais irrépétibles, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens, qui seront distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocats.
Me [Q] fait observer que le notaire en charge l'opération était Me [H], notaire à [Localité 2] de La Réunion.
Me [Q] fait valoir qu'à la suite de la crise financière des investisseurs ont renoncé à leurs projets et que des contrats de réservation sont devenus caducs.
Me [Q] affirme ne pas avoir attesté d'une pré-commercialisation à hauteur de 40%;
Il relève que le Crédit Agricole avait écrit subordonner son financement à la pré-commercialisation de 40% du projet. Il affirme que la commercialisation n'était pas centralisée chez Médicis et par ricochet entre ses mains, alors que [U] ne commercialisait que les 90 logements et parkings rattachés à ces logements.
Me [Q] précise qu'à la date du 28 août 2008, il détenait 33 contrats de réservation représentant un prix global de 5.513.163 € mais il ajoute que ces contrats sont restés sans suite soit que les acheteurs se soient désistés, soit qu'ils n'aient pu obtenir de prêt, soit au vu du retard du chantier. Me [Q] précise avoir redonné ces contrats à la société Médicis. Il précise n'avoir jamais eu les chèques de réservation en mains. Il estime n'avoir commis aucune faute.
Me [Q] fait observer qu'il n'est pas établi que son attestation aurait été déterminante dans l'octroi de concours bancaires. Il fait observer que le préjudice est purement hypothétique.
L'instruction de l'affaire a été déclarée définitivement close, d'accord des parties, le 25 septembre 2014, juste avant les débats.
MOTIFS,
La société Patrimoine Holding Synergie PHS recherche la responsabilité de Me [E] [Q], notaire associé à [Localité 1], en ce qu'il aurait, par une attestation du 29 août 2008, contribué à un financement accordé par le Crédit Agricole de La Réunion à la SCCV de la Gare, qui aurait mis cette société dans une situation financière difficile
La société par actions simplifiée Patrimoine Holding Synergie PHS, qui avait son siège à [Localité 3] (Alpes Maritimes), et maintenant au Luxembourg, s'est associée à une opération immobilière avec défiscalisation consistant à acquérir des terrains à l'Ile de La Réunion et construire un programme dit '[Adresse 4] avec 90 logements, 37 commerces, 31 bureaux et 422 parkings en sous-sol.
Ce programme est réalisé par la société civile de construction vente SCCV de La Gare, dont les statuts sont du 6 mars 2008. Cette société comprend comme associés : la Sarl Holdteck (M.[P] [L]) pour 29% des parts, l'Eurl Patelin (M.[J] [L]) pour 19% des parts, M.[R], architecte, pour 19% des parts, et la Sarl Patrimoine Holding Synergie PHS pour 29 % des parts.
Le financement est accordé par le Crédit Agricole de La Réunion.
Une acte de prêt a été établi entre Crédit Agricole et SCCV de La Gare pour 3.120.000€, acte reçu par Me [Z] [O], notaire à Saint Denis de La Réunion, le 28 avril 2008.
Les terrains ont été acquis, selon un premier acte reçu le 28 avril 2008 par Me [K], notaire à Saint Denis de La Réunion, pour 3.000.000 €, et un deuxième acte reçu le 11 juin 2008 par Me [H], notaire à Saint Pierre de La Réunion, pour 2.815.400 €.
Un acte de cautionnement du Crédit Agricole a été reçu le 14 août 2008 par Me [I], associé de Me [H], notaire à Saint Pierre de La Réunion.
Un crédit d'accompagnement 6.500.000 € a été accordé par le Crédit Agricole par acte reçu par Me [H] notaire à Saint Pierre de La Réunion ,le15 septembre 2008.
Tous les actes authentiques relatifs à cette opération ont été passés par des notaires de La Réunion, Me [H], Me BARET et Me RAGOT SAMIT.
Me [Q], notaire à [Localité 1], n'a reçu aucun acte authentique relatif à cette opération.
La raison de la présence de Me [Q] dans ce litige est que la société par actions simplifiée Médicis, présente à [Localité 1] et à l'Ile de la Réunion a été mandatée par la SCCV de la Gare pour commercialiser le programme, tout au moins en sa partie logements, en le présentant aux acquéreurs investisseurs en défiscalisation (LMP-LMNP) dans les Alpes- Maritimes et que Me [Q] est un notaire spécialisé dans ce genre de vente et en relation avec cette société de commercialisation [U].
C'est dans ces conditions que la société Médicis recevait les réservations et les transmettait à Me [Q].
Me [Q] n'a eu pour rôle que celui de collationner les réservations. Il n'est pas précisé s'il devait recevoir des procurations authentiques en vue des ventes en l'état futur d'achèvement.
Il a été, selon les termes du courrier litigieux, désigné pour participer à l'élaboration de l'état descriptif de division règlement de copropriété, mais sa responsabilité n'est pas recherchée à ce titre.
Le rôle de collationnement de contrats de réservations ne correspond pas à un acte entrant dans le cadre du monopole de l'officier ministériel.
A ce stade, il s'agit d'un service rendu à la SCCV de la Gare.
Le document litigieux qui fonde toute cette procédure est une attestation du 29 août 2008.
C'est une simple lettre. Ce n'est pas un acte authentique ,ni même un acte préparatoire à un acte authentique.
Celle 'attestation' est ainsi libellée :Monsieur le Directeur, Je vous confirme bien volontiers détenir en ma possession pour le programme immobilier [Adresse 4], 33 réservations de lots d'appartements pour un montant total de 5.513.163 euros TTC. En outre, l'état descriptif de division-règlement de copropriété est en cours d'élaboration avec Monsieur [W], expert en copropriété et Monsieur [X], et sera définitif courant septembre$gt;$gt;.
La société PHS estime que cette attestation est fausse alors qu'à la date du 29 août 2008, il n'y aurait pas eu 33 réservations de lots.
Il est à noter que la société SCCV de la Gare avait des relations contractuelles directes avec la société Médicis, chargée de la commercialisation, que les réservations reçues par Me [Q] ne pouvaient venir que de la société Médicis et que la SCCV de la Gare aurait pu demander directement à son co-contractant, la société Médicis, la copie des contrats de réservations.
Me [Q] affirme avoir eu entre les mains ces contrats, mais comme ils n'ont pas abouti, les avoir restitués à la société Medicis.
Rien ne permet de dire que cette attestation aurait été une attestation de complaisance donnée à la SCCV de la Gare pour avoir son crédit de la part du Crédit Agricole. Si tel avait été le cas, la SCCV de la Gare, en relation directe avec la société Médicis, ayant connaissance des réservations, aurait été auteur d'une fraude avec la complicité de Me [Q] or la société la société PHS, associée de la SCCV de la Gare était bien placée pour savoir ce que faisait la société SCCV dont elle détenait 29% du capital.
Au demeurant, il n'est pas établi que cette attestation a eu un rôle déterminant dans l'octroi du financement par le Crédit Agricole de La Réunion.
Il n'est pas établi non plus que ce financement soit à l'origine des difficultés de la SCCV de la Gare.
Qui plus est le programme de la Maison de la Vanille est toujours en cours et le préjudice allégué est totalement hypothétique et incertain.
Dans sa propre demande, la société PHS sollicite une indemnisation d'un préjudice éventuel, futur et hypothétique dont elle est incapable de fixer le montant.
La faute de Me [Q] n'est pas établie.
Le préjudice allégué est hypothétique.
Le lien entre ce préjudice allégué et la faute prétendue de Me [Q] n'est pas prouvé.
En conséquence le jugement ne pourra qu'être confirmé sur les demandes de la société PHS à l'encontre de Me [Q].
Me [Q] a relevé appel incident quant à sa demande de dommages et intérêts.
Me [Q] a délivré une attestation qu'il n'était pas obligé de faire, et qui ne rentre pas dans son rôle d'officier ministériel, un notaire n'étant pas l'auxiliaire d'un promoteur immobilier ni d'un commercialisateur. Il ne peut se plaindre de s'être trouvé mêlé à ce litige. Le jugement sera confirmé en ce que sa demande de dommages et intérêts a été rejetée.
Pour cette raison aussi et par équité, chaque partie conservera ses dépens, de première instance et d'appel, et ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 28 août 2013 par le tribunal de grande instance de Nice en ce qu'il a débouté la SAS PHS de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SCP POSTILLON [N] [F] [B] [V] [G] [Q], en la personne de Me [E] [Q] et débouté Me [E] [Q] de sa demande de dommages et intérêts,
Le réforme sur les dépens et les frais irrépétibles,
Dit que chaque partie conservera ses dépens de première instance et d'appel et ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT