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16/10/2014 | FRANCE | N°14/00893

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 16 octobre 2014, 14/00893


COUR D'APPEL D'[Localité 1]

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 16 OCTOBRE 2014

D.D-P

N° 2014/550













Rôle N° 14/00893







[V] [C]





C/



SAS TRANE





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Pierre RANCAN





Me Philippe RAFFAELLI







Décision déférée à la Cour :



Jugement

du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Décembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00467.





APPELANT



Monsieur [V] [C]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 2] (Algérie),

demeurant [Adresse 2]





représenté et assisté par Me Pierre RANCAN, avocat plaidant au barreau d'AIX-EN-PROVE...

COUR D'APPEL D'[Localité 1]

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 16 OCTOBRE 2014

D.D-P

N° 2014/550

Rôle N° 14/00893

[V] [C]

C/

SAS TRANE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Pierre RANCAN

Me Philippe RAFFAELLI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Décembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00467.

APPELANT

Monsieur [V] [C]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 2] (Algérie),

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté par Me Pierre RANCAN, avocat plaidant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SOCIÉTÉ TRANE SAS,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège.

représentée par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Anne DUMAS-L'HOIR, avocat plaidant au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Septembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2014,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

M. [V] [C] a conclu un contrat de travail avec la SAS TRANE le 1er novembre 1968. Il est devenu directeur de l'agence le 1er novembre 1974.

Le 28 décembre 2004, la SAS TRANE lui a adressé une lettre de licenciement, suite à un différend sur la préparation du départ à la retraite de M. [C].

Par acte du 12 janvier 2005, les parties ont conclu une transaction aux termes de laquelle le salarié renonçait à toute contestation relative tant aux motifs de son licenciement qu'à la procédure suivie, exécutait un préavis de 6 mois et percevait une somme de 110.678€ à titre de dommages et intérêts.

Suite à un audit réalisé au sein de l'agence d'[Localité 1], la société TRANE a fait poursuivre M.[C] et des agents salariés pour faux, recel et abus de confiance ou complicité. Les autres salariés ont été licenciés pour faute lourde

M. [C] a été condamné par le tribunal correctionnel d'[Localité 1] le 4 septembre 2012, qui a alloué des dommages et intérêts au plan civil à la SAS TRANE. La société TRANE a fait procéder à des mesures de saisi conservatoire sur les biens de M. [C].

Par exploit du 6 janvier 2012, la SAS TRANE a fait assigner M.[V] [C] devant le tribunal de grande instance d'[Localité 1] sur le fondement de l'article 1382 du code civil en paiement de dommages et intérêts en invoquant un dol de M. [C] l'ayant conduite à transiger avec lui.

Par jugement contradictoire en date du 19 décembre 2013, le tribunal de grande instance d'[Localité 1] a :

' déclaré recevable l'action de la SAS TRANE,

- condamné M.[V] [C] à lui payer la somme de 110.678 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2005 et capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- débouté la SAS TRANE de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamné M.[V] [C] au paiement de la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- et ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal énonce en ses motifs :

Sur la recevabilité de l'action

- que le litige porte non sur un litige individuel du travail au sens des articles L 1411-1 et suivants du code du travail, mais sur un vice du consentement qui entacherait une transaction et ses conséquences, convention externe au droit social, de sorte qu'il y a lieu de déclarer le tribunal, compétent ;

S'agissant de la fin de non-recevoir tirée des articles 2044 et suivants du Code civil

conformément aux dispositions de l'article 2052 du Code civil, les transactions ont entre les parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, mais que si elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit ou pour cause de lésion, elles peuvent en revanche être rescindées lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation et dans tous les cas où il y a dol ou violence aux termes de l'article 2053 du même code ; que la demande doit donc être déclarée recevable, les conditions de l'éventuel dol devant faire l'objet d'un examen au fond ;

Sur le fond du litige

- que la société fait valoir qu'en lui dissimulant les détournements de fonds opérés pendant de longues années et en invoquant l'existence d'un préjudice moral du fait de la rupture de son contrat de travail(la transaction faisant mention expressément de ce que 'le salarié fait état du préjudice très important tant moral que professionnel que lui cause le licenciement, licenciement ('), après quasiment 31 ans durant de bons et loyaux services vexatoire en plus d'être abusif'), , M. [C] a vicié son consentement aux fins d'obtenir le versement d'une indemnité transactionnelle, alors que si la société avait eu connaissance de ces man'uvres, elle n'aurait pas conclu pareil accord ;

- qu'il est établi que M. [C] a commis les faits délictueux au préjudice de la société TRANE qui ont conduit à sa condamnation par une juridiction pénale le 4 septembre 2012,faits commis antérieurement à la conclusion de la transaction du 12 janvier 2005 ; que les déclarations mensongères et la réticence dolosive de M. [C] ont conduit la société à considérer de manière erronée qu'elle était débitrice envers lui à raison de la rupture à l'initiative de la société du contrat de travail et qu'elle lui était redevable de sommes au titre d'un préjudice moral important, pensant que cette allocation de dommages intérêts venait compenser une concession réciproque qu'elle croyait lui être accordée par son salarié, alors qu'il n'en était rien ;

- que cette réticence dolosive civile constitue une faute civile ayant entraîné un préjudice pour la société égale au montant des sommes dont elle s'est reconnue à tort débitrice dans la transaction litigieuse ;

- et que M. [C] sera donc condamné à restituer la somme de 110'678 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2005, date du versement des fonds et de la survenance de dommages, avec anatocisme.

Par déclaration du 17 janvier 2014, M. [V] [C] a relevé appel de ce jugement.

L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 11 août 2014, M. [V] [C] demande à la cour, au visa des articles L. 1411-1 et suivants du code du travail, 2044 et suivants, 1109 et 1116 du code civil, de :

- recevoir son appel,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- déclarer irrecevables les demandes de la SAS TRANE L. 1411-1 et suivants du code du travail,

à titre subsidiaire,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner au paiement de la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelant soutient au fond :

- que le tribunal n'a pas caractérisé la volonté de tromperie de la part du salarié en vue de contraindre l'employeur à conclure une transaction destinée à régler les conséquences de son licenciement, transaction intervenue du fait de son refus d'accepter les modalités d'aménagement progressif de son départ en retraite telles que proposées par l'employeur ;

- que si la révélation était intervenue après le licenciement prononcé le 28 décembre 2008 et durant le préavis, aucune négociation n'aurait été engagée en vue d'une transaction, mais que l'employeur aurait engagé une procédure disciplinaire en vue de mettre un terme immédiat au préavis en cours qui devait expirer le 30 juin 2005 et que dans ce cadre-là le salarié aurait certes été privé de toute indemnité transactionnelle mais qu'il aurait pu prétendre à tout ou partie de ses droits à indemnité de licenciement et à une indemnité compensatrice de congés payés ;

- que la dissimulation par le salarié de ses agissements frauduleux délictueux antérieurs n'a pas déterminé la volonté de transiger de l'employeur, puisque si la société les avait connus, elle aurait procédé à un tout autre type de rupture du contrat de travail ;

- qu'il ne pouvait être exigé de M. [C], lors de la conclusion de la transaction, qu'il s'accusât spontanément de ses agissements antérieurs, au mépris de la règle selon laquelle nul ne peut être contraint de s'auto incriminer, résultant de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme en son article 6§1 ;

- que le silence gardé sur des faits qui ne se rattachaient pas à l'objet de la transaction consécutive au licenciement prononcé par l'employeur, ne saurait caractériser une réticence dolosive ayant déterminé le consentement de la société TRANE ;

- et que par ailleurs les faits délictueux ont été sanctionnés pénalement et qu'il a été condamné sur l'action civile à réparer envers la société toutes les conséquences matérielles et morales découlant de ses agissements, de sorte qu'il ne saurait être sanctionné de nouveau sur le plan financier.

Par ses dernières conclusions notifiées le 10 septembre 2014, la société TRANE demande à la cour, au visa de l'article 1382 du code civil, de :

à titre principal,

- dire M.[C] mal fondé en son appel, et l'en débouter,

- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice moral de la société TRANE,

- dire la société TRANE bien fondée en son appel incident,

- condamner M.[C] à lui payer la somme de 20.000 € en réparation de son préjudice moral,

et en tout état de cause,

- condamner M.[C] à lui payer la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d'appel, avec distraction.

La société TRANE soutient :

- que c'est après le départ de M. [C] qu'ils se sont aperçus de son système de détournement et de fausses factures que cet ancien dirigeant avait mises en place avec la participation de la quasi-totalité des salariés de l'établissement aixois de la société ; que celle-ci a déposé plainte avec constitution de partie civile 3 novembre 2005 ; que le 18 mai 2007, soit huit jours après sa mise en examen et plus de deux ans après son licenciement et la transaction, M. [V] [C] a saisi le conseil des prud'hommes pour solliciter l'annulation de la transaction conclue le 12 janvier 2005 et réclamer les sommes de 200'000 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement 26'000 € à titre d'indemnité de non-concurrence 300'000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 20'000 € à titre de dommages intérêts pour préjudices distincts, instance aujourd'hui périmée ;

- qu'en dissimulant ses malversations pendant de nombreuses années et en détournant l'argent de la société TRANE pour son profit personnel et en ayant intentionnellement dupé la société afin d'obtenir une indemnité transactionnelle, M. [C] a commis une faute délictuelle dolosive;

- qu'il a invoqué de mauvaise foi l'existence d'un préjudice moral aux seules fins d'obtenir le paiement d'une lourde indemnité transactionnelle, alors qu'il détournait l'argent de la société TRANE depuis de longues années ; que si la société avait eu connaissance des faits délictueux, elle l'aurait licencié pour faute lourde et en aucun cas accepté de négocier son départ en retraite puis conclut une transaction à la suite du différend né à ce sujet ; que tous les salariés qui ont participé à la fraude ont d'ailleurs été licenciés sur-le-champ pour faute et qu'il en eut été de même pour M. [C] s'il avait été encore salarié de la société au moment de la découverte des faits ;

- que l'erreur provoquée par la réticence dolosive présente donc un caractère déterminant de la volonté de transiger de la société TRANE ;

- que pour justifier son silence au moment la conclusion de la transaction, M. [C] invoque la règle selon laquelle nul ne peut être contraint de s'auto-incriminer, alors qu'en matière pré-contractuelle le devoir général de loyauté interdit de dissimuler à son cocontractant un fait « dont il avait connaissance et qui aurait empêché son cocontractant, s'il avait connu, de contracter aux conditions prévues' ;

- et que la présente demande ne poursuit pas les mêmes objectifs que l'action civile devant la juridiction pénale;

MOTIFS

Attendu en premier lieu sur la recevabilité de l'action que le tribunal a déjà répondu aux deux fins de non-recevoir soulevées par l'appelant par des motifs développés pertinents qui méritent adoption ;

Attendu qu'il est à relever au fond que l'action a été introduite en vue d'obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, et non sur le fondement d'un dol ayant vicié le consentement, cause de nullité de la transaction, action soumise à la prescription quinquennale ;

Attendu que la cour estime que le fait pour M. [C] d'avoir transigé sur les modalités de son licenciement, faute d'accord entre salarié et employeur sur un départ progressif en retraite, en se présentant comme un honnête homme, ce qu'il n'était pas, et en s'abstenant de dénoncer ses agissements frauduleux lesquels ont donné lieu par la suite à sa condamnation pénale, n'est pas constitutif d'une faute au sens de l'article 1382 du Code civil ouvrant droit à réparation ;

Attendu que l'appelant fait valoir exactement que l'obligation pré-contractuelle d'information se heurte au cas d'espèce au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, même lorsqu'on est déjà accusé, issu de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; Qu'au demeurant ce n'est pas la responsabilité contractuelle, mais délictuelle de M. [C] qui est recherchée ;

Attendu qu'il s'ensuit la réformation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et le rejet de toutes les demandes de la société TRANE ;

Attendu que chacune des parties supportera la charge des dépens par elle exposés ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant

Déboute la SAS TRANE de toutes ses demandes,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de faire application de ce texte,

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 14/00893
Date de la décision : 16/10/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°14/00893 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-16;14.00893 ?
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