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16/10/2014 | FRANCE | N°13/08042

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 16 octobre 2014, 13/08042


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 16 OCTOBRE 2014



N°2014/475













Rôle N° 13/08042







[W] [B]





C/



[P] [Y]

[M] [N]

SA CLINIQUE [2]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR





































Grosse délivrée

le :

à :

Me Tollinchi>
Me Latil

Me Mayanrd

Me Fiorentini-Gatti

Me Pinatel









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de TOULON en date du 14 Mars 2013 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11-12-2826.





APPELANTE



Madame [W] [B]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/5769 du 18/07/2013 accord...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 16 OCTOBRE 2014

N°2014/475

Rôle N° 13/08042

[W] [B]

C/

[P] [Y]

[M] [N]

SA CLINIQUE [2]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

Grosse délivrée

le :

à :

Me Tollinchi

Me Latil

Me Mayanrd

Me Fiorentini-Gatti

Me Pinatel

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de TOULON en date du 14 Mars 2013 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11-12-2826.

APPELANTE

Madame [W] [B]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/5769 du 18/07/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Charles TOLLINCHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Philippe-Youri BERNARDINI de la SCP BERNARDINI - GAULMIN - POUEY-SANCHOU, avocat au barreau de TOULON,

INTIMES

Monsieur [P] [Y], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Véronique ESTEVE, avocat au barreau de NICE substitué par Me Nicolas RUA, avocat au barreau de NICE

Monsieur [M] [N], [Adresse 3]

représenté par Me Sylvie MAYNARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Philippe CARLINI de la SCP CARLINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Véra TCHIFTBACHIAN, avocat au barreau de MARSEILLE,

SA CLINIQUE [2] SA au capital de 61.744 euros enregistrée au RCS de TOULON prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège., [Adresse 5]

représentée par Me Sandra FIORENTINI-GATTI, avocat au barreau de MARSEILLE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, [Adresse 2]

représentée par Me Vincent PINATEL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Ludovic HERINGUEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christiane BELIERES, Présidente, et Mme Jacqueline FAURE, Conseiller, chargées du rapport.

Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2014. Le 02 Octobre 2014 le délibéré a été prorogé au 16 Octobre 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2014.

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

Le 25 mars 2002 Mme [W] [B] a été opérée par M. [Y] à la clinique du [1] à [Localité 1] par coelioscopie pour traiter un reflux oesophagien.

Le 6 octobre 2004 elle a été opérée à la clinique [2] à [Localité 1] par M. [N] pour une hystérectomie totale par laparotomie.

Le 10 octobre 2005 elle a été à nouveau opérée à la clinique du [1] (qui a depuis lors été mise en liquidation judiciaire), par M. [Y] pour une récidive d'hernie hiatale par laparotomie.

Deux ans plus tard, le 19 octobre 2007, à l'occasion d'un autre problème de santé un scanner thoraco-abdominal a mis en évidence une tuméfaction liquidienne de grande taille évoquant la présence d'un textilome.

Le 4 décembre 2007 la nouvelle laparotomie pratiquée à l'hôpital Sainte Anne à [Localité 1] a mis à jour une formation kystique au fond de laquelle ont été retrouvés une compresse chirurgicale et quelques clips, outre la présence de liquide purulent en grande quantité (800 cc) susceptible d'entraîner une septicémie.

Par ordonnances de référés du président du tribunal de grande instance de Toulon en date du 12 décembre 2008 puis du 5 juillet 2011 une mesure d'expertise a été prescrite, confiée au professeur [O] qui a déposé son rapport le 26 janvier 2012.

Par actes du 12 et 13 septembre 2012 Mme [B] a fait assigner M. [Y] et M. [N] et la Sa Clinique [2] devant le tribunal d'instance de Toulon en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis et a appelé en cause la Caisse Primaire d'Assurances Maladie (Cpam) du Var en sa qualité de tiers payeur

Par jugement du 14 mars 2013 cette juridiction

- s'est déclarée compétente matériellement pour statuer

- a débouté Mme [B] de l'ensemble de ses demandes

- a laissé les entiers dépens à sa charge.

Pour statuer ainsi elle a considéré que le rapport d'expertise ne permettait pas de déterminer l'acte chirurgical auquel pouvait être rattaché l'oubli de la compresse.

Par acte du 18 avril 2013, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [B] a interjeté appel général de cette décision.

MOYENS DES PARTIES

Mme [B] demande dans ses conclusions du 25 juillet 2013 de

Sur la compétence

- confirmer le jugement

Sur le fond

- réformer le jugement

- déclarer M. [Y], la Sa Clinique [2] et M. [N] responsables solidairement du préjudice subi en raison de la présence d'un textilome suite à l'intervention d u 6 octobre 2004 ou du 10 octobre 2005 nécessitant un retrait suivant intervention du 4 décembre 2007

- les condamner solidairement à lui payer les sommes suivantes :

* dépenses de santé actuelles : 79 €

* frais divers : assistance médicale : 550 €, déplacements : 126,10 €, correspondance et reprographie : 69,19 €

* déficit fonctionnel temporaire : total 1.000 €, partiel 1.000 €

* souffrances endurées : 4.500 €

* préjudice esthétique temporaire : 2.000 €

- dire que les intérêts pour une année entière seront capitalisés en application de l'article 1154 du code civil

- déclarer la décision à intervenir opposable à la Cpam

A titre subsidiaire

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nouvelle expertise

- désigner une nouvel expert afin de tenter de découvrir lors de quelle intervention chirurgicale la compresse a été oubliée

En toute hypothèse,

- réformer le jugement en ce qu'il a laissé les dépens à sa charge et l'a débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [Y], la Sa Clinique [2] et M. [N] à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- les condamner solidairement aux entiers dépens en ce compris les frais de référés et d'expertise médicale avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile pour les dépens d'appel.

Elle fait valoir qu'une faute thérapeutique a été commise, caractérisée par l'oubli d'une compresse qui procède nécessairement d'une inattention, d'une imprudence ou d'une négligence, étant rappelé que toute maladresse engage la responsabilité du praticien voire de l'établissement et est par la même exclusive du risque inhérent à l'acte médical, oubli relayé par le non respect d'une règle de bon sens imposant pour le personnel de la clinique de compter le nombre de compresses utilisées et le nombre de celles récupérées conformément à l'article R 43 11-11 du code de la santé publique.

Elle en déduit qu'un tel oubli engage non seulement la responsabilité du chirurgien pour faute d'inattention mais aussi celle de la clinique en raison du fait de sa préposée, l'infirmière assistant le chirurgien, qui par sa négligence dans le comptage des compresses a commis une faute, ces deux fautes ayant concouru à la réalisation de son dommage.

Elle considère que même si il n'est pas possible médicalement de déterminer quelle était l'opération au cours de laquelle la compresse a été oubliée, cette incertitude ne saurait permettre aux défendeurs d'échapper à leur responsabilité contractuelle à son égard au sens des dispositions de l'article 1134 du code civil dans la mesure où l'expert a retenu, avec certitude, que la présence du textilome avait pour origine soit l'intervention de 2004 soit celle de 2005 ce qui, en application de la causalité adéquate, conduit à retenir leur condamnation in solidum, faute pour eux d'apporter la preuve d'une absence de faute.

M. [Y] demande dans ses conclusions du 17 septembre 2013 de

- confirmer le jugement

- débouter Mme [B] et la Cpam de l'ensemble de leurs demandes

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens

A titre subsidiaire,

- dire que la Sa Clinique [2] devra le relever et garantir de toute condamnation

- ramener les demandes de Mme [B] à de plus justes proportions

- ramener la demande de Mme [B] au titre des dépenses de santé actuelles à la somme de 32,26 € et de rejeter celle présentée au tire d'un préjudice esthétique temporaire

- la débouter de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Il fait valoir qu'aucune faute personnelle en relation de causalité directe avec le préjudice subi n'est démontrée à son encontre alors qu'il n'est tenu qu'à une obligation de moyens.

Il soutient qu'il n'a pu personnellement oublier une compresse pendant l'intervention pratiquée en 2005 dans la mesure où les compresses font l'objet d'un comptage par l'infirmière de bloc, qu'elles ont toutes été récupérées, le nombre annoncé en fin de procédure étant identique à celui en début d'intervention et estime que l'oubli a du vraisemblablement intervenir lors de la précédente intervention de 2004.

Il rappelle qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre lui dès lors que la preuve formelle d'une faute à son encontre n'est pas rapportée.

Il souligne que la clinique [2] devait s'assurer de la conservation du dossier médical de Mme [B] dont elle avait la garde en application des disposition de l'article R 1112-7 du code de la santé publique, que sa perte constitue une négligence fautive qui lui est imputable à l'origine d'une perte de chance pour le patient d'engager la responsabilité de tel ou tel intervenant et en déduit qu'il appartenait à Mme [B] d'agir contre la clinique et de rechercher sa responsabilité sur ce fondement juridique.

M. [N] demande dans ses conclusions du 27 septembre 2013 de

- confirmer le jugement

- condamner Mme [B] à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Mme [B] aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile

Il conteste avoir engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L 1142- du code de la santé publique en l'absence de toute faute démontrée à son encontre en relation avec un préjudice subi, d'autant que l'imputabilité de l'acte litigieux n'est pas établie de manière certaine puisqu'il n'est pas possible de déterminer lors de quelle intervention chirurgicale de 2004 ou de 2005 la compresse a été oubliée.

Il soutient que Mme [B] ne peut demander la condamnation solidaire des deux chirurgiens afin de palier un défaut de preuve.

Il fait valoir que deux éléments permettent de justifier son absence de faute personnelle, d'une part son intervention étant antérieure à celle du docteur [Y], ce dernier aurait du nécessairement retrouver la compresse lors de son intervention, ce qui n' a pas été le cas, d'autre part, Mme [B] n'a présenté aucun trouble après son intervention, les douleurs n'ayant commencé qu'après celle effectuée par M. [Y].

Il souligne que le fait que la fiche de bloc n'ait pu être produite par la clinique [2] n'implique pas automatiquement un manquement de la part du chirurgien libéral dans le comptage des compresses et le fait que ce comptage ait été tracé sur la fiche de bloc produite au titre de la deuxième intervention peut s'avérer erroné.

Il indique que tous les oublis de compresses correspondent à un mauvais comptage par l'infirmière de bloc alors que les feuilles de traçabilité ne laissent apparaître aucun manquement, qu'en toute hypothèse, c'est l'établissement en tant qu'employeur de l'infirmière qui doit assumer la responsabilité dans la mesure où elle donne des informations erronées au chirurgien qui procède ensuite sereinement à la suture des incisions.

Il considère que si une perte de chance pour disparition du dossier médical devait être imputée à la clinique, elle serait minime et lui même ne saurait être tenu in solidum d'une quelconque condamnation à ce sujet.

Subsidiairement, il offre d'indemniser le préjudice de Mme [B] comme suit : déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % pendant 2 mois : 1.125 € et souffrances endurées : 3000 €, et rejet du préjudice esthétique non retenu par l'expert

Il s'oppose à toute nouvelle mesure d'expertise en l'absence d'élément technique de nature à remettre en cause les conclusions expertales.

La clinique [2] sollicite dans ses conclusions du 20 août 2013 de

- constater que n'est rapportée la preuve d'aucune faute à son encontre

- dire que sa responsabilité n'est pas engagée

- confirmer le jugement

- rejeter l'intégralité des demandes dirigées à son encontre par Mme [B] et la Cpam du Var

Elle fait valoir qu'en tant qu'établissement privé à but lucratif elle ne saurait voir sa responsabilité engagée du fait de l'activité libérale de ses praticiens.

Elle soutient qu'aucune faute n'est démontrée à son encontre en relation de causalité avec le préjudice subi au sens de l'article L 1142-1 du code de la santé publique dès lors que Mme [B] ne démontre pas que la compresse aurait été oubliée lors de l'intervention chirurgicale qui s'est déroulé en 2004.

Elle ajoute que la perte du dossier médical n'est pas de nature à engager sa responsabilité et ne change rien au fait que l'expert n'a pas pu déterminer au décours de quelle intervention la compresse a été oubliée et qu'une nouvelle mesure d'expertise ne serait d'aucune utilité.

La Cpam du Var sollicite dans ses conclusions du 11 juillet 2013 de

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le responsabilité de l'accident don a été victime Mme [B]

Pour le cas où la cour retiendrait la responsabilité totale ou partielle des intimés,

- faire droit à sa demande et les condamner à lui rembourser la somme de 4.787,77 € avec intérêts légaux à compter du jour de la demande jusqu'au jour du règlement de cette sommes

- lui allouer le montant de l'indemnité forfaitaire en application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale

- réserver ses droits au remboursement de toutes autre sommes qui peuvent ou pourront lui être dues

- condamner les intimés aux dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les responsabilités

L'expert indique que Mme [B] a été opérée par le docteur [Y], chirurgien digestif, le 25/03/2002 pour un reflux gastro oesophagien dont les suites opératoires ont été simples ; le 10 octobre 2005 une nouvelle intervention de ce même chirurgien a été nécessaire en raison d'une récidive qui a conduit à pratiquer une nouvelle intervention commencée par coelioscopie puis poursuivie en raison des adhérences par laparotomie.

Dans l'intervalle Mme [B] a subi en octobre 2004 une hystérectomie totale par laparotomie pour fibrome utérin pratiquée par le docteur [N].

Une compresse a été retirée de l'abdomen de Mme [B] le 4 décembre 2007 de 54 cm x 54 cm

L'intervention de 2005 a nécessité l'utilisation de compresses disposées dans l'abdomen aux fins d'éponger les épanchements de sang et d'améliorer le contrôle visuel du champ opératoire; ces compresses ont été comptés au début et en fin de procédure ; le nombre annoncé en fin de procédure a été identique à celui annoncé en début d'intervention, ce qui permettait au docteur [Y] de penser qu'aucune compresse ne subsistait dans l'abdomen de sa patiente et que la fermeture de l'abdomen pouvait être réalisée.

L'opérateur de l'intervention de 2004 a noté en début d'intervention l'existence d'une adhérence épiplo pariétale sur la cicatrice ombilicale ; on peut donc penser qu'il a du libérer la région abdominale comportant le colon transverse et le grand épiploon, libération responsable parfois de suffusions hémorragiques nécessitant l'application temporaire de compresse à visée hémostatique.

Il n'est donc pas possible d'exclure que la présence de cette compresse soit concommittante à l'acte opératoire du docteur [N] ; de la même manière il n'est pas possible d'exclure que la compresse laissée dans l'abdomen de Mme [B] vienne de l'intervention menée par le docteur [Y].

L'appartenance et la provenance du corps étranger ne peuvent être formellement attribuées ni à la clinique du [1] de [Localité 1] ni à la clinique [2] de [Localité 1]'.

En vertu de l'article L 1142-1 I du code de la santé publique le professionnel ou l'établissement de santé n'est responsable des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute de sa part.

Une négligence fautive est caractérisée puisque l'oubli d'une compresse sur le site opératoire traduit nécessairement une défaillance dans le comptage du nombre de compresses utilisées et du nombre de compresses récupérées.

Mais aucune donnée ne permet de rattacher la présence de ce textilome à une intervention précise, celle de 2004 ou celle de 2005, pratiquées par des chirurgiens différents et dans des cliniques distinctes et qui ont, l'une et l'autre, nécessité l'usage de compresses.

Aucune présomption grave, précise ou concordante ne permet de l'attribuer à telle intervention plutôt qu'à telle autre.

Le dossier médical de la clinique du [1] contient un comptage effectué en début et en fin de procédure qui se révèle exact ; aucune pièce de comptage n'a été communiqué pour l'intervention de 2004 ; mais l'expert souligne 'qu'un comptage reste une manipulation qui n'a pas été en l'espèce corroborée par une radiographie de l'abdomen post opératoire montrant l'absence de fil repère radio opaque (l'état de santé de Mme [B] ne justifiant pas un tel examen).

La radiographie de face et de profil du thorax du 1er juillet 2005 avant la 2ème intervention du docteur [Y] ne fait pas apparaître d'image suspecte ; mais l'expert explique qu'une simple radiographie sans préparation ne permet pas d'éliminer la présence de tissu étranger du fait d'un nombre trop réduit d'incidences et du dosage des rayons X utilisés au moment du cliché (rayons mous non utilisés) de sorte que cet examen n'a pas de valeur significative (page 24 du rapport) ; d'ailleurs, la radiographie de même type pratiquée le 28 avril 2006 après cette 2ème intervention ne met pas davantage en évidence d'image suspecte de corps étranger, ni même celle réalisée le 11 juillet 2007.

Le textilome n'a été détecté que par un scanner pulmonaire du 10 octobre 2007 (dans le cadre de l'évaluation d'une pathologie liée à l'amiante) montrant une volumineuse masse abdominale s'insinuant entre l'estomac, le rein et la rate complété par un scanner thoraco abdominal du 19 octobre 2007 montrant une image d'allure kystique de même aspect et topographie.

Le compte rendu d'hospitalisation pour retrait de la compresse mentionne 'une masse abdominale de découverte fortuite, absence de symptomatologie fonctionnelle, masse palpable en hypochondre gauche, compresse mesurant 54 cm x 54 cm pesant 56 gr, dépourvue de repère radio visible, de remaniement fibreux ou de calcification'

L'expert note que ce type de compresse est fréquemment utilisé en chirurgie générale (page 22 du rapport).

Il souligne, également, que les mécanismes de variations de pression intra péritonéale et particulièrement celui de la 'pompe inter hépato diaphragmatique' sont à l'origine de migrations septiques ou de corps étrangers.

Aucun comportement fautif de tel ou tel médecin exerçant à titre libéral ou auxiliaire médical n'étant démontré alors que leur responsabilité ne peut être engagée qu'en raison d'une faute personnelle de leur part, dont la charge de la preuve pèse sur celui qui l'invoque, l'action indemnitaire engagée par Mme [B] tant à l'égard de M. [Y] ou de M. [N] ou de la clinique [2] exclusivement recherchée du fait des agissements de son préposé, l'infirmière de bloc, doit être rejetée, ce qui ne permet pas de faire droit à la réclamation du tiers payeur, la Cpam.

Toute nouvelle mesure d'expertise doit être écartée ; l'expert [O] a procédé à ses investigations après avoir recueilli l'ensemble des pièces médicales disponibles, procédé à une analyse complète du dossier médical, transmis aux parties un pré-rapport en les invitant à formuler leurs dires, déposé un rapport motivé répondant point par point à chacun des chefs de la mission confiée ; et aucun élément nouveau n'est produit par Mme [B].

Sur les demandes annexes

Mme [B] qui succombe supportera la charge des entiers dépens de première instance, en ce compris les frais de référé et d'expertise en application de l'article 695 4° du code civil et d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire application de ce dernier texte au profit de l'une ou l'autre des autres parties

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

- Condamne Mme [B] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffieLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 13/08042
Date de la décision : 16/10/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°13/08042 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-16;13.08042 ?
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