COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 16 OCTOBRE 2014
N° 2014/
Rôle N° 13/04923
SAS VERLINGUE
SAS GANI
C/
[P] [N] [T] [H] épouse [X]
Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MART IMES
Grosse délivrée
le :
à :
Me Brunel
Me Magnan
Me Sider
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 05 Novembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 11/01309.
APPELANTES
SAS VERLINGUE, [Adresse 1]
représentée par la SELARL BRUNEL - CASTELLACCI, avocat au barreau de NICE
assistée de la SCPA M. NORMAND - F. SARDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Adeline LAVAULT, avocat au barreau de PARIS,
SAS GANI, [Adresse 3]
représentée par la SELARL BRUNEL - CASTELLACCI, avocat au barreau de NICE
assistée de la SCPA M. NORMAND - F. SARDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Adeline LAVAULT, avocat au barreau de PARIS,
INTIMEES
Madame [P] [N] [T] [H] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1964, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Joseph-Paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Nicolas DONNANTUONI, avocat au barreau de NICE substitué par Me David JACQUEMIN, avocat au barreau de NICE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARTIMES Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités audit siège, [Adresse 2]
représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Septembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christiane BELIERES, Présidente
Mme Jacqueline FAURE, Conseiller
Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2014,
Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 29 novembre 2009, Mme [X] a chuté devant l'entrée du magasin à l'enseigne Intermarché situé [Adresse 4] à [Localité 1] et s'est blessée.
Une ordonnance de référé du 20 juillet 2010 a prescrit une expertise médicale réalisée par le Dr [G] qui a déposé son rapport le 29 septembre 2010.
Statuant sur l'assignation délivrée les 16, 17 et 18 février 2011par Mme [X] à la société Gani et à la société Verlingue, en présence de la CPAM des Alpes maritimes, le tribunal de grande instance de Nice a :
- Mis hors de cause la société Verlingue,
- Déclaré la société Gani entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime Mme [X],
- Condamné la société Gani à payer à Mme [X] la somme de 16 413,04 euros en réparation de son préjudice, provisions non déduites,
- Condamné la société Gani à payer à la CPAM des Alpes maritimes la somme de 11 208,83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 août 2012
Le tribunal a retenu que la bande vidéo produite établissait que le sol était anormalement glissant en raison des intempéries, ce qui suffit à établir l'anormalité de son état et son rôle actif dans la chute de Mme [X].
Par déclaration du 7 mars 2013, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, les sociétés Verlingue et Gani ont formé un appel général contre cette décision.
Prétention et moyens des parties :
Par leurs dernières conclusions du 21 juillet 2014, les sociétés Verlingue et Gani ont sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Verlingue et son infirmation en ce qu'il a débouté cette société de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de Mme [X] à lui verser la somme de 2 000 euros sur ce fondement. Elles ont également conclu à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la société Gani responsable des conséquences dommageables de la chute de Mme [X] et au débouté de l'intégralité des demandes de celle-ci, en ce compris sa demande de provision.
A titre subsidiaire, elles ont conclu à la réduction des demandes d'indemnisation de celle-ci aux sommes suivantes :
Frais restés à charge : débouté
Pertes de gains professionnels actuels : 5 505,90 €
Déficit fonctionnel temporaire : 2 500 €
Souffrances endurées : 2 000 €
Déficit fonctionnel permanent : 5 000 €
Préjudice esthétique : 1 000 €
Elles ont également conclu au débouté de la demande de la CPAM des Alpes maritimes au titre de dépenses de santé futures.
Elles ont sollicité la condamnation de Mme [X] à leur verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens.
Par ses dernières conclusions du 1er août 2013, Mme [X] a sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la société Gani entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime mais son infirmation en ce qui concerne l'évaluation de ses préjudices et a demandé la condamnation de la société Gani à lui verser la somme de 24 788,04 euros se décomposant comme suit :
Pertes de gains professionnels actuels : 788,04 € après déduction des indemnités reçues de la CPAMl
Déficit fonctionnel temporaire total : 5 000 €
Déficit fonctionnel temporaire partiel 50% : 3 000€ Souffrances endurées : 2 000 €
Déficit fonctionnel permanent : 8 000 €
Préjudice esthétique : 3 000 €
Elle sollicite enfin la condamnation de la société Gani à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La CPAM des Alpes maritimes, par conclusions du 17 juillet 2013, a sollicité la confirmation du jugement indiquant que ses débours se décomposent comme suit :
- Indemnités journalières : 4 717,86 €
- Frais d'hospitalisation et médicaux et assimilés : 6 490,97 €
Elle sollicite en outre la condamnation de la société Gani à lui verser la somme de 1015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Au soutien de ses demandes elle produit une attestation d'imputabilité rédigée par le médecin conseil, le Dr [V] , le 20 juillet 2012.
A l'audience, les parties ont été invitées à s'expliquer sur la recevabilité de l'appel de la société Verlingue, qui, mis hors de cause en première instance, sollicite la confirmation de la décision sur ce point. Aucune partie n'a déposé de note en délibéré.
Motifs de la décision :
Sur la procédure :
La société Verlingue sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le dispositif du jugement attaqué ne contient pas de rejet de la demande formée par la société Verlingue sur ce fondement. Cependant, la lecture des motifs du jugement fait apparaître que cette demande a effectivement été présentée et rejetée, de sorte que c'est en raison d'une erreur matérielle, qui sera ici corrigée, que le dispositif ne reprend pas ce chef de décision.
L'appel de la société Verlingue est donc recevable et le jugement sera confirmé purement et simplement en ce qu'il a mis cette société hors de cause, cette mise hors de cause n'étant critiquée par aucune partie en appel.
Sur la responsabilité de la société Gani :
Selon l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. Par ailleurs, le gardien d'une chose inerte n'est responsable du fait de cette chose que si celle-ci a été l'instrument du dommage par son caractère anormal ou sa position dangereuse ou anormale.
En l'espèce, Mme [X], qui indique avoir chuté en raison du sol dont la société Gani avait la garde doit établir que celui-ci a eu un rôle causal dans sa chute en raison de son caractère anormal.
Il résulte de la bande de video surveillance du magasin dans lequel voulait se rendre Mme [X] que celle-ci est tombée, devant les portes coulissantes de l'entrée du magasin, où elle se trouvait seule et qu'elle a immédiatement été secourue par une personne qui sortait de l'établissement, et qui a pu voir la chute, et par une autre qui s'y rendait. Les images permettent de constater que Mme [X] a glissé sur le sol constitué de carreaux de carrelage identiques à ceux du magasin lui-même, alors qu'elle marchait à une allure totalement normale et n'était gênée dans sa marche par aucune circonstance extérieure.
Cependant, ces images ne permettent pas d'établir si le sol était mouillé ou sec. En effet, elles font apparaître que les autres personnes passant au même endroit, personnes venues à son secours ou autres clients qui entrent dans le magasin, marchent sans précaution particulière sur le sol, sans y glisser. Elles permettent également de constater que dans la rue, certaines personnes ont ouvert un parapluie.
Par ailleurs, les attestations produites de part et d'autre aux débats sont contradictoires, la personne venue secourir Mme [X], Mme [R], employée du magasin à l'époque des faits et qui en sortait, a indiqué que Mme [X] s'était tordu la cheville et que le sol était parfaitement sec, alors que Mme [X] produit trois attestations dont l'une émanant de son mari, indiquant que Mme [X] a glissé sur le carrelage glissant. Cependant, la fiabilité de ces attestations est douteuse, ces trois témoins attestant avoir assisté à la chute alors que celle-ci s'est produit sans témoin autre que les deux personnes apparaissant sur la video, dont l'une est une salariée du magasin.
Enfin, la vidéo ne permet pas d'exclure que Mme [X] se soit tordu la cheville avant de glisser et de chuter.
Dans ces conditions , alors que la seule survenue d'une chute sur un carrelage un jour de pluie ne suffit pas à établir que le sol était anormalement glissant, il y a lieu de considérer que la preuve du rôle anormal du sol qui incombe à Mme [X] n'est pas rapportée en l'espèce.
Mme [X] sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Par voie de conséquence, toutes les demandes formées par la CPAM des Alpes maritimes seront également rejetées.
Sur les demandes annexes :
La société Verlingue sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de Mme [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Cependant, outre les motifs pertinents retenus par le tribunal, l'équité commande de confirmer cette décision.
De même, pour des raisons d'équité, les sociétés Gani et [Y] seront déboutées de leurs demandes fondées sur le même article au titre de l'instance d'appel.
Mme [X], qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et ne peut prétendre à une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de rejeter également toutes les demandes annexes formulées par la CPAM des Alpes maritimes.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Verlingue et rejeté la demande de celle-ci formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- Rejette l'ensemble des demandes formulées par Mme [X],
- Rejette toutes les demandes formulées par la CPAM des Alpes maritimes,
- Rejette la demande formée par les sociétés Gani et Verlingue sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejette la demande formée au même titre par Mme [X],
- Condamne Mme [X] aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le Président,