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26/09/2014 | FRANCE | N°12/05523

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 26 septembre 2014, 12/05523


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 26 SEPTEMBRE 2014



N°2014/ 498















Rôle N° 12/05523







[Z] [B]





C/



SA STRATEGIES NETWORK'S





















Grosse délivrée le :



à :



-Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- Me Cédrine RAYBAUD, avocat au barreau de TARASCON <

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Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 13 Mars 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1708.





APPELANTE



Madame [Z] [B], demeurant [Ad...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 26 SEPTEMBRE 2014

N°2014/ 498

Rôle N° 12/05523

[Z] [B]

C/

SA STRATEGIES NETWORK'S

Grosse délivrée le :

à :

-Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Cédrine RAYBAUD, avocat au barreau de TARASCON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 13 Mars 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1708.

APPELANTE

Madame [Z] [B], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SA STRATEGIES NETWORK'S, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cédrine RAYBAUD, avocat au barreau de TARASCON substitué par Me Patrice HUMBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Catherine VINDREAU, Conseiller,, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre qui a rapporté

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

Madame Laurence VALETTE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2014

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2014

Signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [B] a été embauchée en qualité de secrétaire par la société STRATEGIES NETWORKS selon contrat à durée indéterminée en date du 2 novembre 2008, lequel avait été précédé d'un contrat à durée déterminée en date du 1° août 2008.

Madame [B] a fait l'objet de deux avertissements délivrés les 2 et 26 novembre 2009.

Madame [B] a été arrêtée pour maladie du 4 au 20 décembre 2009 puis à partir du 6 janvier 2010.

Le 14 juin 2010 Madame [B] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Marseille pour demander la résiliation judiciaire du contrat de travail et demander à l'encontre de son employeur le règlement de diverses sommes.

Le médecin du travail a, le 24 mars 2011, conclu à l'inaptitude définitive de l'intéressée à son poste.

Le 9 mai 2011, un licenciement lui a été notifié pour inaptitude.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salaire brut mensuel de base de Madame [B] était de 1400, 01euros

-------------------------------------------------

Par jugement du 13 mars 2012, le Conseil de Prud'hommes de Marseille a:

- Rejeté la demande de sursis à statuer de l'employeur.

- Dit le licenciement pour inaptitude fondé.

- Condamné la SARL STRATEGIES NETWORK'S à verser à Madame [B] [Z] les sommes suivantes:

- 10000 Euros de dommages et intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail

-700 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- Débouté du surplus des demandes.

- Débouté de la demande reconventionnelle.

- Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à 1400 Euros

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

- Condamné le défendeur aux entiers dépens.

------------------------------------

Madame [B] a interjeté appel de cette décision.

----------------------------------------

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Madame [B] demande de :

- CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société STRATEGIES NETWORKS au paiement des sommes suivantes;

- 10 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail,

- 700,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. LE REFORMER pour le surplus.

Statuant à nouveau des chefs réformés,

- PRONONCER l'annulation des avertissements prononcés les 2 novembre 2009 et 26 novembre 2009.

- DIRE les manquements de harcèlement commis par la société STRATEGIES NETWORKS établis et suffisamment graves pour que la rupture du contrat de travail lui soit déclarée imputable à ses torts exclusifs.

- DIRE que la résiliation emporte les mêmes effets qu'un licenciement nul, en application des dispositions de l' Article L.1l52-3 du Code du Travail.

- CONDAMNER en conséquence la société STRATEGIES NETWORKS au paiement des sommes suivantes :

- 700,00 € au titre des salaires pour la période du 25 avril 2011 au 9 mai 2011, en application des dispositions de l'Article L.1226-4 du Code du Travail,

- 70,00 € à titre d'incidence congés payés sur salaires précités.

- 2 800,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 280,00 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée,

- 25 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail équivalent, en ses effets, à un licenciement frappé de nullité

- L'ENJOINDRE, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard, .à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de régulariser et de justifier de la régularisation de la situation de la salariée auprès de l'organisme de prévoyance.

- L'ENJOINDRE, sous même astreinte, d'établir et de délivrer à la concluante les documents suivants:

- Bulletin de salaire rectifié comportant les rappels de rémunération judiciairement fixés,

-Attestation destinée au POLE EMPLOI rectifiée de même.

- DIRE que la Cour se réserve la faculté de liquider les astreintes instituées.

- CONDAMNER en outre la Société STRATEGIES NETWORKS au paiement de la somme de 2 000,00 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile, l'indemnité allouée à ce titre par le Premier Juge étant maintenue.

- DIRE qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter de la demande en Justice, soit le 14 juin 2000, avec capitalisation, en application des Articles 1153-1 et 1154 du Code Civil.

- CONDAMNER la société intimée aux entiers dépens.

----------------------------------------

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société STRATEGIES NETWORKS demande de :

- REFORMER la décision dont appel ECARTER des débats 'les pièces' (sic)

- DEBOUTER Madame [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- CONDAMNER Madame [B] à verser la somme de 2.000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- La CONDAMNER aux entiers dépens

Subsidiairement

- REVOIR à de plus justes proportions la demande de dommages-intérêts

- REJETER la demande d'application des sanctions financières de l'article L 1235-11 du Code du travail

- DONNER ACTE que l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de congés payés ont déjà été versées dans le cadre du licenciement pour inaptitude.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de certaines pièces

La société STRATEGIES NETWORKS a renoncé spontanément à l'audience à sa demande de sursis à statuer ;

S'agissant des pièces dont elle demande le rejet, sont en cause les courriels des 30 octobre et 2 novembre 2009, dont celui du 30 octobre par lequel Monsieur [Y], supérieur de Madame [B], questionne son comptable en ses termes :« Je souhaite me séparer de Mlle [B] le plus tôt possible.

Pouvez-vous me dire quelles sont mes options et à quelles coûts ... ''

Madame [B] soutient qu'elle a eus accès à ces documents de manière régulière dès lors qu'elle avait naturellement accès à l'ordinateur de Monsieur [Y] ;

Cependant les investigations très complètes menées par l'employeur avec le concours d'un consultant informatique démontrent, sans que ses conclusions soient utilement contredites, que ces mails provenaient de la messagerie personnelle de Monsieur [Y], et que Madame [B] n'en était pas destinataire ;

L'accès à ces documents viole le secret des correspondances et excède le droit du salarié de produire en justice des documents dont en l'espèce il ne devait logiquement pas avoir connaissance ;

En conséquence les pièces numérotée 11, 12, 13 sont écartées des débats ;

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Tout salarié a la possibilité de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de manquements d'une gravité suffisante qu'il reproche à son employeur, et qu'il lui incombe d'établir.

La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l'employeur produit les effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement;

En l'espèce est invoquée par Madame [B] la volonté soudaine de Monsieur [Y] de se séparer d'elle en la soumettant à partir d'octobre 2009 à un véritable harcèlement moral, ce qui s'est notamment traduit par la délivrance de deux avertissements dont elle conteste le bien fondé ;

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du même code, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1152-4 oblige l'employeur à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

L'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment de harcèlement moral; l'absence de faute de sa part ou le comportement fautif d'un autre salarié de l'entreprise ne peuvent l'exonérer de sa responsabilité à ce titre.

Il résulte des articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Madame [B] invoque les faits suivants :

Les avertissements déjà mentionnés, liés à la personnalité 'manipulatrice' de Monsieur [Y], lequel constituait un dossier en vue de son licenciement, la multiplication de reproches vagues ou injustifiés, ou l'imputation d'erreurs volontairement commises par lui-même, caractérisant la volonté de la prendre en défaut et de l'évincer ;

Elle mentionne également que, de manière déloyale, l'employeur a dénaturé à son préjudice une demande de congés payés, et n'a pas respecté son devoir de maintien de salaire à son retour d'arrêt de travail en avril 2010 ;

Pour étayer ses affirmations, Madame [B] produit notamment les avertissements prononcés et les mails échangés entre elle et Monsieur [Y] ;

Madame [B] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

La société STRATEGIES NETWORKS fait valoir que ces accusations sont fausses ; que s'il est avéré qu'il y a eu erreur sur ses congés payés, elle provient pour partie de Madame [B], qui en a rédigé la demande en sa qualité de secrétaire ; que la question du complément de salaires allie une erreur de l'expert comptable et le retard du à la propre carence de Madame [B], à qui le Groupe Malakoff Mederic a en vain réclamé les documents nécessaires, et auprès de qui la société est intervenue ;

La société STRATEGIES NETWORKS précise ensuite que les avertissements querellés étaient justifiés et que, dès lors que Madame [B] a alerté la gérante sur les faits de harcèlement dont elle se plaignait, celle-ci a saisi dans les trois semaines l'inspection du travail, qui lui conseillé de recourir à un médiateur ;

Elle produit les pièces afférentes à ces diverses questions ;

Le courrier adressé le 24 novembre 2009 à la gérance de la société STRATEGIES NETWORKS avec copie à l'Inspection du travail et à la Medecine du travail est ainsi libellé:

'Objet: signalement de harcèlement

Je suis au regret de vous signaler r que je suis victime depuis quelques semaines et ceci de façon répétitive, de pressions de la part de [S] [Y], votre Directeur.

Le point d'orgue de ces agissements s'est déroulé ce jour, le 24 novembre 2009. En effet, M. [Y] a concentré en une matie ce que je vis depuis des semaines: insulte , menaces, violence et dénigrement de ma fonction et de a personne.

Il se permet de critiquer systématiquement le travail que je mène sans problème depuis 2 ans en instaurant un climat de terreur qui devient insoutenable lorsqu'il menace qu'il trouvera un moyen de me pousser à la faute. Et ceci il le fait essentiellement en invoquant une prétendue incompétence et me faisant croire que j'ai commis de graves erreurs ayant des conséquences lourdes pour la société!

Il va jusqu'à m'imputer ses propres erreurs sous prétexte que cela sera plus acceptable vis à vis de nos clients et partenaires professionnels.

Mes différentes tentatives de dialogue se son toujours soldées par une fin de non recevoir, une multiplication des injures et des violences verbales. Une de ses dernières réponses de vendredi 20 novembre fut" le dialogue, l'écoute' Mais cela est ce que l'on écrit dans les courriers pour y mettre la forme mais en réalité, avec moi, vous allez en baver maintenant, je suis très rancunier je vais vous faire craquer et personne ne peut vous aider car aux yeux de tous je serai le gentil patron et vous la nulle. Comptez sur moi, je m'y emploie".

Dois-je aujourd'hui surveiller tous mes actes de façon exagérée de peur que mon supérieur hiérarchique ne me piège ' Dois-je lui demander de me signifier ses ordres par écrit pour qu'il ne m'accuse pas de fautes imaginaires ou fabriquées.

Ces agissements répétés semblent tomber sous le coup de la loi et plus particulièrement de l'article L.122-49 du code du travail qui stipule qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel".

Etant donné votre fonction de gérant de la société, je souhaiterais que vous fassiez part de mes remarques à la direction de notre société afin qu'elle cesse ces brimades, menaces et tentatives de déstabilisation trop répétitives depuis quelques semaines et que vous lanciez une enquête ainsi qu'une campagne de prévention, comme l'y oblige la loi (article L.122-51 du code du travail).'

L'examen des pièces produites dénote, dans la période précédant celle ici en cause, l'existence d'une relation de travail entre Madame [B] et Monsieur [Y] non exempte de critiques de la part de ce dernier et il est avéré qu'un certain nombre d'erreurs étaient commises par la première ; pour autant elles n'ont donné lieu ni à des mises en garde ni à la délivrance d' avertissements ;

Il est-au vu des documents en cause, soit essentiellement les mails échangés entre Madame [B] et Monsieur [Y] -avéré que les échanges portant sur des erreurs imputées à Madame [B] se sont multipliés passé le mois d'octobre sans que, à une exception près ('[Z] ce devis est lamentable '..'en quoi est-il lamentable '' ' travail bâclé ' )le ton ne dépasse les limites d'une relation de travail normale, au delà d'une exigence légitime de Monsieur [Y] de contrôler l'ensemble des tâches exécutées dans une entreprise de deux personnes ;

Il n'est ainsi pas inutile de mentionner que l'appréciation de ces conditions de travail au regard de l'allégation d'un climat de harcèlement moral est délicate ;

Pour autant se posent d'une part la question de cette accélération des critiques adressées soudainement par Monsieur [Y] à une collaboratrice dont il connaissait les failles mais aussi les qualités, et dont le travail était dans l'ensemble satisfaisant, puisque l'intéressée bénéficiait depuis un an d'un contrat à durée indéterminée, lui même précédé d'un premier contrat à durée déterminée, et d'autre part les raisons qui auraient pu tout aussi soudainement conduire Madame [B] à se plaindre, en des termes très précis, du comportement de son employeur, dès lors qu'il n'existe aucune raison apparente qui puisse conduire à expliquer ces griefs par une volonté de rupture : Madame [B] est du reste revenue dés le mois de janvier 2010 à son travail après avoir alerté la direction sur ses problèmes ;

Il y a lieu ainsi de s'interroger sur la brusque délivrance de deux avertissements, et sur leur bien fondé ;

Le premier de ces avertissements est ainsi libellé :

'Je vous ai demandé un de nos prospects: ROGE CAVAILLES

Or avant d'envoyer au prospect le devis, j'ai vérifié la propriété et me suis aperçu qu'il contenait les mentions propres à la société SOGEC

Pour notre société, cette copie constitue un grave délit répréhensible selon le code de la propriété intellectuelle

En conséquence, je me vois dans l'obligation de vous adresser un avertissement.

J'espère que cet avertissement vous permettra de vous ressaisir et d'apporte plus de rigueur à votre fonction

Sachez que e suis à votre écoute pour discuter des difficultés que vous pourriez rencontrer sur votre lieu de travail et vous aider à les resoudre ensemble. '

Madame [B] a contesté cette faute et mentionne que le nouveau document édité ne peut contenir aucune référence visible qui concerne l'ancien ;

Les éléments produits aux débats ne permettant pas de trancher de cette question informatique, et le doute devant profiter au salarié, cet avertissement est annulé ;

Le second avertissement est en date du 26 novembre 2009 :

'Au cours de cet entretien (du 23 précédent) ,vous n'avez pas accepté mes remarques et vous avez mis en cause mon invalidité et ma maladie ...

Avant toute chose, sachez que je ne tolère pas de tels propos intégrité physique ou ma vie personnelle. Que ces propos sont déplacés et que rien ne peut excuser de tels dérapages verbaux.

Je vous ai expliqué que vous devez vous appliquer à accompli correctement vos taches et ne plus faire d'erreurs comme celles-ci

Erreur dans le tableau de facturation

Erreurs dans le tableau de relances des impayés

Erreur dans la vérification des comptes bancaires

Erreur de confusion d'avocats (M°[Q] [L], M°[U] [Q], M° [K])

Ne plus utiliser en recyclage d'impression, les feuilles contenant des informations confidentielles de la société, (devis, factures, courriers aux clients ou aux fournisseurs, ... )

Prendre soin du matériel Informatique mis à votre service (ordinateur, imprimante, où j'ai dû intervenir pour réparer) ,

Je vous ai dit à maintes reprises, qu'en cas de doute, j'étais à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. '

Madame [B] a, à juste titre, opposé en réponse le caractère vague de ces griefs et contesté fermement celui lié à l'état physique de Monsieur [Y] ;

Monsieur [Y] a lui même, le 30 décembre suivant, pris note des remarques de sa salariée, tout en maintenant les siennes, en précisant que 'l'erreur était humaine' mais qu'il en allait de l'avenir de la société et qu'il n'avait rien de personnel à l' encontre de sa salariée ;

Force est de rappeler que la délivrance d'un avertissement constitue en premier chef une sanction, non un appel au dialogue et que lors que Monsieur [Y] écrit à sa salariée ' Concernant les explications e vous sollicitez sur les griefs invoqués, je suis à votre entière disposition pour en discuter et vous les expliciter, (Erreur de facturation, erreur sur les avocats, etc .. .) ' ces termes conduisent à douter de la nécessité de délivrer en préalable une sanction devant en fait être précisée a posteriori;

L'analyse des griefs invoqués a en effet cette particularité qu'elle est rétroactive et leur accumulation ne traduit pas une logique réelle, dès lors que l'employeur, en communication constante avec sa secrétaire et susceptible de l'alerter à tout moment, n'a pas cru bon, pour certain de ces manquements, dont il prétend actuellement justifier en ce qu'il a vérifié plus tard leur incidence auprès de sa comptable-('comme l'expliquera la comptable Madame [R], et ce, dans son courriel du 03.02.10 ' ou encore 'il est constaté dans le procès verbal en date du 30 décembre 2009 que certaines factures sont absentes de la pochette dans laquelle elles devaient être placées'et enfin 'dans le procès verbal en date du 30 décembre 2009, il est constaté que de nombreuses factures se trouvent encore dans le classeur des factures en attente de relance, ce depuis le mois de septembre pour certaines')- de lui en faire remarque, la mention 'je suis à votre entière disposition pour en discuter ' dénotant que ces erreurs n'avaient pas été lors de la délivrance de l'avertissement été clairement exposées ;

Il est du reste patent que certaines d'entr'elles (confusion d'avocats)ne sont pas d'une gravité telle qu'elle n'aient pu être corrigées oralement et que d'autres (utilisation en recyclage d'impression) ne sont pas prouvées, d'anciens salariés attestant de l'usage de ce papier dans l'entreprise ; qu'il en est de même pour la dégradation du matériel ;

Enfin il n'existe aucune preuve de ce que Madame [B] ait 'insulté son supérieur hiérarchique', aucun propos de cette nature n'étant du reste cité à cet égard ;

En conséquence cet avertissement circonstanciel est également annulé ;

Force est de constater ensuite que, dès le retour de Madame [B] en janvier 2010, sa charge de travail s'est trouvée conséquente, et que Monsieur [Y] y a ajouté par exemple, le 4 janvier, l'obligation de lui communiquer ses tâches heure par heure sur un tableau à faire pur chaque semaine, ce qui apparaît comme une mesure inutile et vexatoire ; que Madame [B] a, le même jour protesté contre deux mails des 25 décembre et 1° janvier (les dates sont remarquables) lui imputant des erreurs dont elle a expliqué de façon détaillée et pertinente qu'elles n'étaient pas cohérentes et dues en réalité aux propres procédés de Monsieur [Y] , lequel n'a pas répondu sur ce point ;

L'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par Madame [B] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral est établi.

Vainement est-il allégué de ce que la gérante de l'entreprise a, trois semaines après réception du courrier de Madame [B], saisi l'inspection du travail, dès lors qu'il lui incombait nonobstant cette démarche, de convoquer sans délai les parties et prendre les mesures d'urgence appropriées ;

En application de l'article L.1152-3 du code du travail, le licenciement intervenu dans ce contexte est nul.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eu pour Madame [B] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant pour Madame [B] doit être réparé par l'allocation de la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Sur les rappels de salaires

Sont en cause les salaires du 25 avril au 9 mai 2011 :Madame [B] soutient que, en violation des dispositions de l'Article L.l226-4 du Code du Travail la société STRATEGIES NETWORKS s'est abstenue de reprendre le paiement des salaires à l'issue du délai d'un mois suivant le second examen médical de reprise pratiqué le 24 mars 2011 ; elle sollicite le paiement du salaire correspondant à l'emploi qu'elle occupait avant la suspension de son contrat de travail à compter du 25 avril 2011, ce jusqu'au 9 mai 2011, date de son licenciement, soit la somme de 700, 00 outre celle de 70,00 € à titre d'incidence congés payés;

En l'absence de toute réponse et justification de la société STRATEGIES NETWORKS sur ce point, il est fait droit à la demande ;

Sur les incidences indemnitaires

- indemnité de préavis

L'employeur entend contester cette demande au regard de ce que pièces à l'appui, Madame [B] aurait été réglée de cette indemnité par un chèque qu'elle a encaissé ;

Madame [B] ne s'explique pas sur ce règlement ;

La cour constate que ce règlement concerne le salaire du mois, l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de congés payés ;

Au visa des articles L 122-6 devenu L 1234-1 et L 122-8 devenu L 1234-5 du code du travail, et tenant compte de l'ancienneté dans l'entreprise et du salaire brut perçu à la date du licenciement, Madame [B] est en conséquence en droit de prétendre à la somme de 2800 euros, outre celle de 280 euros en plus au titre des congés payés afférents, de telle sorte que le jugement doit être infirmé sur ce point.

- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au visa de l'article L 1235-5 du code du travail, au regard de l'ancienneté, de l'âge, de la qualification et de la rémunération du salarié, des circonstances de la rupture, ainsi que de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, notamment la situation de chômage et d'emploi de Madame [B], qui ne donne aucune précision sur ce point , il convient de lui allouer la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié.

Madame [B] sollicite enfin d'enjoindre la société STRATEGIES NETWORKS , sous astreinte de régulariser et de justifier de la régularisation de la situation de la salariée auprès de l'organisme de prévoyance ;

Elle prétend que l'employeur a déclaré auprès de l'organisme de prévoyance MEDERlC PREVOYANCE avoir versé à Madame [B], au titre du mois d'avril 2009, une rémunération d'un montant de 1 400,01 €, lors que c'est une rémunération de 2100,01 € qui avait été servie ce mois là, et que cette déclaration inexacte a eu pour conséquence de minorer le montant du complément de salaire servi par l'organisme de prévoyance ;

Force est cependant de constater que Madame [B] ne justifie pas du préjudice qu'elle allègue ;

Sur la demande de remise des documents légaux

Aucun motif ne s'oppose à cette demande, sans qu'il soit opportun de prévoir une astreinte à la charge de l'employeur.

Les sommes allouées en exécution du contrat de travail (préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, rappel de salaires) porteront intérêts au taux légal à compter de la demande initiale.

En revanche les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.

Il n'y a lieu à déroger à ces règles.

Il sera fait application des règles en matière de capitalisation des intérêts pour ceux dus sur une année entière ;

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité justifie au regard des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de faire droit à la demande de Madame [B] à hauteur de la somme de 1.000 euros en plus de celle allouée par les premiers juges qui doit être confirmée.

Par contre, au visa du même principe d'équité, la demande de la société STRATEGIES NETWORKS n'est pas fondée

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Déclare l'appel recevable en la forme.

Infirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille en toutes ses dispositions, hormis celles afférentes à l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau

Dit que les pièces numérotée 11, 12, 13 sont écartées des débats

Dit le licenciement de Madame [B] nul

Condamne la société STRATEGIES NETWORKS à payer à Madame [B] les sommes suivantes:

- rappel de salaires: 700euros,

- congés payés afférents: 70 euros,

- indemnité compensatrice de préavis : 2800 euros,

- indemnité de congés payés sur préavis: 280 euros,

- indemnité pour licenciement nul: 6000 euros,

- dommages intérêts pour harcèlement moral: 3000euros,

Dit que les sommes allouées en exécution du contrat de travail (préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, rappel de salaires) porteront intérêts au taux légal à compter de la demande initiale avec application des règles en matière de capitalisation des intérêts pour ceux dus sur une année .

Dit que les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.

Ordonne la capitalisation des intérêts pour ceux dus sur une année dans les conditions de l'article 1154 du code civil

Ordonne la délivrance par la société STRATEGIES NETWORKS à Madame [B] des documents légaux ( bulletins de salaire rectifiés et attestation Pôle emploi )

Dit n'y avoir lieu à fixation d'une astreinte

Condamne la société STRATEGIES NETWORKS à payer à Madame [B] la somme de MILLE EUROS (1.000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société STRATEGIES NETWORKS

Rejette toutes autres demandes

Condamne la société STRATEGIES NETWORKS aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/05523
Date de la décision : 26/09/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°12/05523 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-26;12.05523 ?
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