COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 25 SEPTEMBRE 2014
om
N° 2014/307
Rôle N° 13/21347
[J] [K]
C/
[U] [O]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON
Me Fatima HAMMOU ALI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de BRIGNOLES en date du 18 Septembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 11/12/267.
APPELANT
Monsieur [J] [K]
né le [Date naissance 2] 1936 à [Localité 3] (VAR), demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Marie-Paule PERALDI, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [U] [O]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1] (ALGERIE), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Fatima HAMMOU ALI, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Juin 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Odile MALLET, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2014,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 22 avril 2009 Monsieur [J] [K], propriétaire des parcelles cadastrées commune de [Localité 2], section D n°[Cadastre 2]-[Cadastre 3]-[Cadastre 4], a assigné Monsieur [U] [O], propriétaire de la parcelle D n°[Cadastre 5] en bornage de leurs fonds contigus.
Par jugement du 7 juillet 2009 le tribunal d'instance de Brignoles a, avant dire droit, ordonné une expertise confiée à Monsieur [Z] [I]. L'expert a déposé son rapport le 1er décembre 2010.
Par jugement du 18 septembre 2012 le tribunal d'instance a :
'homologué' le rapport d'expertise déposé par Monsieur [I],
fixé la limite séparative entre les parcelles D '[Cadastre 1]' et D [Cadastre 5] selon une ligne reliant les points B1 B2 B3 B4 du plan figurant en annexe 2 du rapport d'expertise,
désigné à nouveau Monsieur [I] aux fins de procéder à l'implantation des bornes aux points déterminés par le plan de bornage, à frais partagés par moitié entre les parties et de rédiger un procès-verbal de bornage qui devra être déposé au greffe du tribunal d'instance,
invité en tant que de besoin la partie la plus diligente à faire publier le jugement au bureau des hypothèques de la situation des immeubles concernés,
ordonné l'exécution provisoire du jugement,
partagé les dépens par moitié entre les parties.
Monsieur [K] a interjeté appel de ce jugement le 31 octobre 2013.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2014.
POSITION DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 31 janvier 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens Monsieur [K] demande à la cour :
de réformer le jugement,
de dire et juger que seule la 'décision' n°1 préconisée par l'expert [I], à savoir la limite A1 A2 A3 A4 devra être retenue,
de dire et juger qu'en aucun cas la solution n°2 proposée par l'expert et homologuée par le tribunal ne saurait être retenue dans la mesure où cette solution n'est fondée que sur de vagues photographies,
subsidiairement, d'ordonner une contre-expertise en l'état des solutions divergentes proposées par divers géomètres experts,
de condamner Monsieur [O] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures déposées au greffe le 1er avril 2014 auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur [O] demande au contraire à la cour, au visa des articles 646 du code civil et R321-22 du code de l'organisation judiciaire:
de déclarer prescrite l'action de Monsieur [K],
de débouter Monsieur [K] de l'ensemble de ses demandes,
à défaut, de confirmer le jugement, sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
de condamner Monsieur [K] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* sur la prescription
Monsieur [O] conclut à la prescription de l'action engagée par Monsieur [K] en soutenant que sa demande en bornage inclut une action en revendication et que celle-ci est prescrite puisque les configurations cadastrales n'ont subi aucune modification depuis 1830.
Toutefois le droit de propriété étant imprescriptible Monsieur [O] ne saurait utilement faire plaider que l'action en revendication formée par son voisin se trouve prescrite.
* sur le tracé de la limite séparative
La limite séparative entre deux fonds doit être définie au regard des titres, de la possession, des marques ou indices trouvés sur les lieux.
Dans le cas présent les titres des parties, qui se réfèrent aux numérotations cadastrales, ne fournissent aucune indication sur les limites périmétriques des fonds.
L'expert a formulé deux propositions :
une limite représentée par les points A1-A2-A3-A4 du plan constituant l'annexe 2 de son rapport ; cette limite est une application du plan cadastral,
une limite B1-B2-B3-B4 qui correspond à la possession qui n'a pas changé depuis au moins 1972, lorsque les terres étaient encore cultivées, ainsi que le démontre une photographie aérienne.
La solution n°1 correspond à une application moyenne du plan cadastral. En effet l'expert a procédé successivement à deux calages du plan cadastral sur l'état des lieux. Il a abouti à deux tracés discordants suivant les points de calage retenus et a suggéré de définir le tracé selon une ligne située à égale distance de ces deux tracés discordants. Cette solution n'apparaît pas satisfaisante dans la mesure ou d'une part le cadastre n'est qu'un document de nature purement fiscale, d'autre part il n'existe pas de point de calage incontestable, de sorte que la proposition ne correspond qu'à une moyenne entre deux tracés envisagés.
La solution n°2 est fondée sur une photographie aérienne datant de 1972 qui démontre que le tracé du chemin desservant les fonds et l'occupation de part et d'autre de ce chemin n'a pas subi de modification malgré les mutations intervenues. L'expert a constaté que la photographie de 1972 permettait aisément de repérer la délimitation entre les fonds en l'état des cultures qui y étaient respectivement exploitées. Cette solution est donc la meilleure en ce qu'elle est fondée sur une possession trentenaire.
Pour contester la solution n°2 privilégiée par l'expert et retenue par le tribunal, Monsieur [K] reproche à Monsieur [I] d'avoir formulé deux propositions totalement différentes et de ne pas avoir défini une limite précise. Toutefois il entrait dans la mission de l'expert, après avoir recueilli tous renseignements utiles, de proposer une ou plusieurs solutions à charge pour le tribunal de trancher le litige.
En l'absence de titre commun définissant de manière incontestable le tracé de la limite séparative, celle-ci ne peut être définie qu'au regard d'un faisceau d'indices et de présomptions de sorte qu'il n'est nullement anormal que les propositions de l'expert judiciaire ne soient pas strictement identiques à celle formulées par Monsieur [R], géomètre expert sollicité par Monsieur [K]. Ce dernier n'est donc pas fondé à critiquer le jugement et solliciter une nouvelle mesure d'expertise au motif que, selon lui, un bornage doit reposer sur des éléments précis et tangibles, alors que le juge ne peut statuer qu'au vu des présomptions les meilleures et les plus caractérisées. Monsieur [K] n'est pas davantage fondé à critiquer le jugement au motif qu'il se serait prononcé au vu 'de vagues photographies aériennes' alors que le cliché joint au rapport d'expertise est parfaitement exploitable et précis et a permis à l'expert de définir un ensemble d'éléments topographiques propres à circonscrire les zones de possession respectives.
En conséquence, et sans qu'il ne soit besoin d'ordonner une nouvelle mesure d'instruction, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la solution n°2 qui est conforme à la possession trentenaire et ordonné l'implantation de bornes aux frais partagés par moitié entre les parties.
* sur les dépens et frais irrépétibles
Au visa de l'article 646 du code civil le jugement sera confirmé en ce qu'il a partagé les dépens, y compris les frais de l'expertise, par moitié entre les parties. Echouant en son recours Monsieur [K] sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Monsieur [U] [O].
Rejette la demande présentée par Monsieur [J] [K] tendant à voir ordonner une nouvelle expertise.
Confirme le jugement déféré.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute Monsieur [K] de sa demande et le condamne à payer à Monsieur [O] une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [K] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
le greffier le président