COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 18 SEPTEMBRE 2014
N° 2014/ 532
Rôle N° 12/10826
[W] [P]
[H] [K]
SARL CONSEIL ISOLATION SERVICE (CIS)
C/
SA BANQUE CHAIX
SCP DOUHAIRE AVAZERI
Grosse délivrée
le :
à :
Me BELAICHE
Me ROUSSEL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 24 Mai 2012
APPELANTS
Monsieur [W] [P]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] (ITALIE), demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Régine BELAICHE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Alexandre ALQUIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS LA REUNION
Maître [H] [K]
Es qualités de Mandataire liquidateur de la CONSEIL ISOLATION SERVICE SARL,
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Régine BELAICHE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Alexandre ALQUIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS LA REUNION
SARL CONSEIL ISOLATION SERVICE (CIS)
prise en la personne de Me [H] [K] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CIS,
dont le siége social est [Adresse 2]
représentée par Me Régine BELAICHE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Alexandre ALQUIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS LA REUNION
INTIMEES
SA BANQUE CHAIX,
dont le siége social est [Adresse 3]
représentée par Me Hubert ROUSSEL de l'Association ROUSSEL JEAN/ CABAYE/ ROUSSEL HUBERT, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Marie-joseph ROCCA-SERRA, avocat au barreau de MARSEILLE
SCP DOUHAIRE AVAZERI
es qualités d' Administrateur judiciaire de la SARL CONSEIL ISOLATION SERVICE prise en la personne de Maître [N], demeurant [Adresse 4]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Juin 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine DURAND, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2014
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2014,
Signé par Madame Catherine DURAND, Président suppléant pour le Président empêché et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
L'EURL Conseil Isolation Services dite CIS, créée en 1990, ayant pour gérant Monsieur [W] [P], a ouvert un compte courant auprès de la Banque CHAIX le 9 février 2006.
Le 12 janvier 2010 Monsieur [P] s'est engagé en qualité de caution solidaire en garantie de tous engagements de la société CIS à hauteur de 325.000 euros pour une durée de 6 mois à compter de la signature de l'acte, soit jusqu'au 12 juillet 2010.
Par courrier du 16 juin 2010 la Banque CHAIX a dénoncé le concours accordé à la société sous forme de découvert s'élevant alors à 124.800 euros, lui demandant de procéder dans le délai de 60 jours au remboursement de cette somme, puis par lettre RAR du 7 septembre 2010 a dénoncé la convention de compte courant, mettant la société en demeure de lui régler la somme de 126.969,97 euros avant le 15 septembre 2010,cette mise en demeure étant réitérée le 11 octobre 2010.
Par courrier du 9 juillet 2010 la Banque a avisé Monsieur [P] de la situation du compte de la société, lui précisant avoir dénoncé ses concours par courrier du 16 juin avec effet au 18 août, lui disant que faute de règlement de sa créance au 12 juillet 2010, date d'échéance de l'engagement de caution, il resterait redevable des engagements en cours à cette date.
Par exploit du 17 novembre 2010 la Banque CHAIX a assigné la société CIS et Monsieur [P] devant le Tribunal de commerce de MARSEILLE en paiement solidaire de la somme de 126.324,13 euros.
Par jugement du 9 mars 2011 la société CIS a été placée en redressement judiciaire procédure convertie le 14 décembre 2011, Me [K] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire liquidateur judiciaire.
La Banque CHAIX a déclaré le 31 mars 2011 sa créance au passif de la procédure collective de la société CIS pour un montant de 122.824,56 euros, montant du solde débiteur du compte courant.
Par exploit du 1er avril 2011 la Banque CHAIX a appelé en la cause Me [K] et la SCP DOUAIRE AVAZERI ès-qualités.
Par jugement du 24 mai 2012 le Tribunal de commerce de MARSEILLE a :
Joint les deux instances,
Pris acte de l'intervention volontaire de Me [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société CIS,
Mis hors de cause la SCP [Y], ès-qualités d'administrateur judiciaire,
Vu l'article L 650-1 du code de commerce,
Déclaré Me [K], ès-qualités, irrecevable en sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'octroi abusif de crédit et manquement au devoir de mise en garde de la Banque,
Débouté Me [K], ès-qualités, de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Vu les articles L 622-21 et L 622-22 du code de commerce,
Fixé la créance de la Banque CHAIX au passif de la société CIS à la somme de 122.824,56 euros à titre chirographaire échu,
Déclaré valable l'engagement de caution souscrit par Monsieur [P] le 12 janvier 2010,
Débouté Monsieur [P] de ses demandes, fins et conclusions,
Condamné Monsieur [W] [P] à payer à la Banque CHAIX la somme de 122.824,56 euros en principal, intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2011 ainsi que 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les intérêts se capitaliseront par périodes annuelles et porteront intérêts au même taux légal,
Dit les dépens de l'instance enrôlée sous le numéro 2010F04465, frais privilégiés de procédure collective,
Condamne [W] [P] aux dépens de l'instance enrôlée soue le n° 2011F01682,
Ordonné pour le tout l'exécution provisoire,
Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions.
Par acte du 14 juin 2012 Monsieur [P] et Me [K], ès-qualités, ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions n° 2 déposées et notifiées le 11 janvier 2014, tenues pour intégralement reprises, les appelants demandent à la Cour de :
Vu les articles 1111, 1134 et suivants, 1147 et suivants, 1382 et suivants, 2288 et suivants du code civil,
Vu l'article L 650-1 du code de commerce,
Vu les articles L 341-1, L 341-3 et L 341-6 du code de la consommation,
Vu l'article L 313-22 du code monétaire et financier,
Infirmer le jugement attaqué,
Sur la société CIS,
A titre principal,
Dire que la Banque en dépit de l'absence de toute convention particulière en méconnaissance de la convention d'ouverture de compte, a fautivement octroyé à la société CIS une ouverture de crédit excessive qui l'a conduite à la liquidation judiciaire,
Dire que par son comportement et ses négligences elle a manqué à son devoir de mise en garde lui incombant en générant un risque d'endettement excessif pour la société CIS qui s'est trouvée progressivement incapable de rembourser le solde débiteur du compte courant, situation aggravée par le refus de la Banque à toute régularisation en l'absence de renouvellement de la caution de Monsieur [P],
Dire que la Banque a également manqué à son devoir de surveillance eu égard à la négligence à clôturer le compte débiteur,
Dire que la société CIS n'était pas en état de cessation des paiements lors de l'octroi excessif de crédit ni en procédure collective,
Dire que la Banque lui a causé un préjudice économique en ayant déclaré à tort à la BDF l'émission d'un chèque sans provision périmé et d'effectuer les démarches nécessaires auprès de la BDF une fois son erreur reconnue de sorte que la société est toujours interdite bancaire,
En conséquence,
Dire que la protection instaurée par l'article L 650-1 du code de commerce à l'égard des créanciers ne s'applique par à la Banque CHAIX, cet article étant limité aux créanciers ayant apporté leur concours à une entreprise déjà en procédure collective, de sorte que l'action en responsabilité pour octroi abusif de crédit et manquement au devoir de vigilance est recevable,
Débouter la Banque de ses prétentions,
La condamner à payer à la société CIS la somme de 122.824,56 euros au titre de dommages et intérêts pour octroi abusif de crédit et manquement à son devoir de vigilance, et celle de 10.000 euros pour préjudice économique,
Rejeter la créance de 122.824,56 euros la Banque au passif de la société CIS,
A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour dirait l'article L 650-1 du code de commerce applicable à la Banque,
Dire disproportionné l'acte de cautionnement à hauteur de 325.000 euros par rapport au découvert octroyé et revendiqué par la Banque,
Dire que l'une des conditions de l'article L 650-1 existant, l'action en responsabilité de la société CIS est recevable et que l'octroi excessif de crédit peut être retenu,
Débouter la Banque de ses demandes,
La condamner au paiement de ce chef de la somme de 122.824,56 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 10.000 euros pour préjudice économique,
Rejeter la créance de 122.824,56 euros la Banque au passif de la société CIS,
Sur la caution de Monsieur [P],
A titre principal
Dire que l'acte de cautionnement qui ne comporte aucune mention faisant référence à un contrat principal déterminé ne permet pas de définir les futures dettes cautionnées, que cette absence de contrat principal à l'acte de cautionnement a empêché Monsieur [P] de prendre un engagement conscient,
Annuler l'acte de cautionnement,
Dire que la mention rédigée dans l'acte de cautionnement par Monsieur [P] ne correspond pas à celle prescrite par l'article L 341-3 du code de la consommation à peine de nullité notamment au regard de la mention de l'article 2021 du code civil au lieu de l'article 2298 dudit code,
En conséquence, annuler le cautionnement,
Dire que cet acte de cautionnement signé le 12 janvier 2010 a pris fin le 12 juillet 2010,
Dire que conformément à l'article L 650-1 du code de commerce, la garantie prise en contrepartie des concours consentis par la Banque fautive à la société CIS revêt un caractère disproportionné,
En conséquence,
Dire que l'acte de cautionnement est éteint ou à tout le moins entaché de nullité et qu'il ne peut engager la caution,
Débouter la Banque CHAIX de ses prétentions,
A titre subsidiaire, si la nullité du contrat n'était pas encourue,
Dire que la Banque n'a pas respecté son obligation d'information à l'égard de la caution,
Dire qu'en laissant le solde débiteur du compte se creuser pendant des moisa causé à Monsieur [P] un préjudice personnel dans la mesure où il a été privé d'une chance de réagir plutôt,
Dire que la Banque en consentant une ouverture de crédit sans convention particulière pourtant préconisée par la convention d'ouverture de compte courant a augmenté les facilités de trésorerie déjà consenties à la société CIS contre le cautionnement de Monsieur [P], et en dépit des difficultés de cette dernière à rembourser le solde débiteur, a refusé la proposition de règlement de la société CIS, ce qui est fautif,
En conséquence,
Dire Monsieur [P] recevable à demander la déchéance des intérêts encore impayés, inscrits en compte courant en raison du manquement par la Banque à son devoir d'information,
Le dire recevable à demander la condamnation de la Banque au paiement de la somme de 122.824,56 euros à titre de dommages et intérêts, se compensant avec la somme demandée, en raison du préjudice personnel subi du fait de la faute de la Banque,
Rejeter la demande de capitalisation annuelle des intérêts, conformément à la jurisprudence qui commande qu'elle soit écartée si c'est par la faute du créancier par suite du retard ou obstacle apporté par lui qu'il n'a pu être procédé à la liquidation de la dette,
En tout état de cause,
Condamner la Banque CHAIX au paiement de la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions N° 3 déposées et notifiées le 21 mars 2014, tenues pour intégralement reprises, la BANQUE CHAIX demande à la Cour de :
Débouter les appelants,
Sur la débitrice principale,
Dire qu'elle ne peut utilement lui reprocher un octroi abusif de crédit,
Dire qu'elle ne peut engager sa responsabilité sans démontrer que la Banque ait commis à son préjudice une fraude, une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés,
Rejeter en conséquence comme irrecevable conformément à l'article L 650-1 du code de commerce toutes les demandes reconventionnelles,
Dire que le débiteur ne peut engager la responsabilité de la Banque pour manquement à un devoir de mise en garde que s'il établit d'une part que l'opération présentait des risques d'endettement excessif eu égard à sa situation et d'autre part qu'il n'était pas un emprunteur averti,
Dire qu'en l'espèce la société CIS n'établit pas que l'octroi des concours et leur utilisation généraient un risque d'endettement excessif et que dès lors la Banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde,
Dire que la société CIS n'établit ne pas être un emprunteur averti,
Dire que pour être fautif le concours doit être maintenu sciemment en dépit d'une situation irrémédiablement compromise,
Dire que faute de prouver cette situation la société CIS sera déboutée de ses demandes,
Dire que le débiteur en affirmant qu'il n'avait aucune difficulté financière de l'ouverture jusqu'à la fermeture du compte ne peut ensuite lui reprocher un soutien abusif,
Dire qu'une obligation ne peut être imposer perpétuellement,
Dire qu'un concours bancaire à durée déterminée peut être résilié par toute partie moyennant un délai suffisant,
Dire qu'en l'espèce la Banque a respecté la Loi,
Confirmer le jugement en ce qu'il a fixé sa créance au passif de la société CIS et a débouté cette dernière de ses reconventionnelles,
Sur la caution,
Dire que Monsieur [P] n'apporte aucun élément pour démontrer une contrainte ou justifier d'une erreur et se contente d'une pétition de principe,
Dire que tout chef d'entreprise peut cautionner l'ensemble des dettes de l'entreprise dont il est présumé irréfragablement connaître parfaitement la situation,
Dire que caution dirigeante il connaissait l'étendue de ses engagements et que le cautionnement est parfaitement clair puisque limitant les engagements en montant et précise couvrir toutes les dettes de la débitrice principale,
Dire que le fait d'avoir visé l'ancien article 2021 du code civil au lieu de l'article 2298 dudit code n'entraîne aucune nullité de l'engagement de caution ni la stipulation de solidarité,
Dire que si celle-ci était jugée irrégulière cela n'aurait aucune conséquence, la caution n'indiquant pas de biens à discuter préalablement et le liquidateur ayant dit la créance irrécouvrable,
Dire que sauf clause contraire, la limitation dans le temps de la caution omnibus signifie que la caution a entendu garantir les engagements contractés par le débiteur avant le terme fixé, quelles que soient leur échéance et leur époque, pourvu qu'il n'y ait pas prescription,
Débouter Monsieur [P] caution dirigeante de ses demandes de condamnation de la Banque et dire qu'elle ne peut reprocher à la Banque un octroi abusif de crédit sur le fondement de l'article L 650-1 du code de commerce,
Dire que la déclaration de patrimoine de la caution démontre qu'elle a estimé son patrimoine à 770.000 euros sur lequel figure une hypothèque de 125.000 euros soit un patrimoine résiduel de 650.000 euros,
Dire que faute de risques d'endettement excessif la Banque n'est débitrice d'aucun devoir spécifique de mise en garde envers la caution,
Dire que Monsieur [P] ne démontre pas qu'il n'était pas un emprunteur averti, ni sa perte de chance de ne pas contracter et que faute de déterminer un préjudice indemnisable ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts auraient dû être rejetées de toute façon,
Débouter Monsieur [P] de ses demandes reconventionnelles,
Le débouter de ses moyens tirés d'un défaut d'information,
Le débouter de ses prétentions et au visa des articles 1134 et 2288 du code civil, confirmer le jugement attaqué quant aux condamnations prononcées à son encontre et le déboutant de ses demandes reconventionnelles,
Le reformant partiellement,
Condamner Monsieur [P] au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 2.000 euros complémentaires en appel, ainsi qu'aux dépens.
L'affaire a été clôturée en l'état le 4 juin 2014.
MOTIFS
En ce qui concerne la société CIS, débitrice principale :
Attendu que dans le courrier adressé le 9 juillet 2010 à Monsieur [P] en sa qualité de caution de la société CIS, la Banque CHAIX lui précise le montant du solde débiteur du compte courant de la société immobilisé, que les concours accordés ont été dénoncés le 16 juin avec effet au 18 août et que l'absence de renouvellement de sa caution personnelle a entrainé l'annulation de l'autorisation de découvert qu'elle garantissait ;
Attendu que dans ce même courrier elle indiquait avoir pris note des offres de règlement de la société CIS au moyen de versements mensuels de 4.000 euros à laquelle il faut ajouter les retenues de garanties à domicilier sur le compte pour 103.510,95 euros, mais refusait d'y donner suite sauf si la caution acceptait de renouveler sa caution personnelle ;
Sur la créance de la BANQUE CHAIX :
Attendu que le solde débiteur du compte courant de la société CIS ouvert dans les livres de la Banque CHAIX s'élève à la somme de 122.824,56 euros, déclarée au passif de la société CIS, placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire ;
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de la Banque pour ce montant à titre chirographaire au passif de la société ;
Sur l'application de l'article L 650-1 du code de commerce :
Attendu qu'en application de l'article L 650-1 du code de commerce 'Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge ;'
Attendu que cet article s'applique que les concours litigieux aient été consentis avant l'ouverture de la procédure collective ou pendant, aux procédures collectives ouvertes aprés le 1er janvier 2006 ; qu'en l'espèce la société CIS a été placée en redressement judiciaire le 9 mars 2011 ;
Attendu que lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, que si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ;
Attendu que la société CIS soutient que la Banque lui a consenti une ouverture de crédit excessive et fait valoir qu'en demandant son gérant Monsieur [P] de se porter caution de tous ses engagements envers la Banque à hauteur de 325.000 euros elle a pris des garanties disproportionnées au regard du montant du découvert alors octroyé ;
Attendu que nulle convention ne vient fixer le montant des concours consentis par la Banque à la société CIS sous la forme de découvert autorisés à partir de janvier 2010 ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'au 31 décembre 2009 le solde débiteur du compte courant de la société était de 54.666,34 euros puis s'élevait à 66.761,07 euros le 28 février 2010, à 111.727,78 euros le 31 mars 2010, à 124.716,22 euros le 31 mai 2010, 124.797,30 euros le 30 juin 2010, 129.371,78 euros le 31 juillet 2010, 126.969,97 euros le 31 août 2010 et à 126.324,13 euros le 21 septembre 2010, étant noté que depuis janvier 2010 le solde du compte était constamment débiteur et que les découverts antérieurement autorisés avoisinaient les 40.000 50.000 euros ;
Attendu que le cautionnement à hauteur de 325.000 euros exigé de Monsieur [P] le 12 janvier 2010 en garantie de tous les engagements de la société à l'égard de la Banque pour une durée de 6 mois était manifestement disproportionné au regard des engagements de la société CIS d'un montant sans commune mesure avec les engagements de la société ;
Attendu que si la Banque pouvait consentir un concours financier à la société CIS sous forme de découvert autorisé, même en dehors de convention en fixant précisément les conditions, lesquelles étaient réglées par celles de la convention d'ouverture du compte courant, il n'en demeure pas moins que la Banque avait parfaitement conscience des difficultés rencontrées par la société CIS dans son activité et de son impossibilité à faire face au remboursement des concours accordés pour des montants supérieurs à ceux antérieurement tolérés, puisqu'en conditionnant l'accord, et surtout le maintien, à la caution personnelle de Monsieur [P] d'un montant très élevé, le refus de ce dernier de la renouveler étant à l'origine de sa décision de les dénoncer et d'exiger immédiatement leur remboursement et de refuser de d'accorder à la débitrice principale des délais de paiement, ce qui démontre le peu d'optimisme de la Banque sur les facultés de la société CIS à redresser sa situation financière et économique, celle-ci ayant été ensuite placée en redressement puis en liquidation judiciaire ;
Attendu que les résultats comptables de la société CIS démontrent qu'entre 2008 et 2009 son taux d'endettement est passé de 1,8 % à 3,8 %, que sa trésorerie nette était négative en 2009 de 427 K€ et que toutes les dettes se sont accrues soit une différence de - 244 K€ ;
Attendu que ces concours financiers octroyés sous la forme de découverts permanents à partir de 2010 pour des montants croissant représentant deux fois et demie ceux autorisés 6 mois auparavant, ont été accordés fautivement par la Banque CHAIX à la société CIS ;
Attendu que la société CIS est donc fondée à soutenir que la BANQUE CHAIX a engagé sa responsabilité à son encontre sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Attendu que la faute commise par la BANQUE CHAIX envers la société CIS justifie sa condamnation au paiement d'une somme de 62.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice économique :
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que le rejet d'un chèque périmé de 30,10 euros par la Banque CHAIX le 13 septembre 2010, régularisé le 4 octobre 2010, n'est pas le seul incident de paiement à l'origine du fichage de la société CIS à la BDF et de son interdiction d'émettre des chèques ;
Attendu qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 10.000 euros ;
En ce qui concerne le cautionnement donné par Monsieur [P] :
Sur la nullité de l'acte de cautionnement :
Attendu que l'acte d'engagement de caution précise bien garantir tous les engagements de la société CIS soit de toutes les sommes que celle-ci pourrait devoir à la Banque au titre de tous engagements directs ou indirects, éventuels ou futurs ;
Attendu que Monsieur [P] qui était le gérant et associé de la société CIS ne peut utilement prétendre ne pas avoir conscience de la portée de son engagement d'un montant de 325.000 euros d'une durée limitée de 6 mois à compter de la signature de cet acte ;
Attendu qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que cet acte serait entaché de nullité en raison en l'absence de contrat principal l'ayant empêché de s'engager en toute connaissance de cause ;
Attendu par ailleurs que si la mention manuscrite portée dans l'acte de cautionnement n'est pas identique aux prescriptions de l'article L 341-3 du code de la consommation pour faire référence à l'ancien article 2021 du code civil alors que cet article est devenu l'article 2298 du même code, le contenu de ces deux articles étant demeuré identique, la nullité du cautionnement ne peut être encourue dès lors que les différences ainsi observées n'affectaient pas la portée des mentions manuscrites prescrites par la loi ;
Attendu que la nullité du contrat de cautionnement ne sera pas en conséquence retenue ;
Sur le terme fixé par l'acte de cautionnement :
Attendu que l'acte de caution était consenti pour 6 mois son terme étant fixé au 12 juillet 2010, et Monsieur [P] soutient que ce terme le dégageait pour les dettes nées postérieurement, obligation de couverture, mais également des poursuites entreprises à son encontre pour les dettes nées avant l'obligation de règlement ;
Attendu toutefois que le terme fixé à cet engagement n'était que celui de la couverture des dettes garanties et non celui des poursuites, la Banque CHAIX étant recevable à engager à son encontre aprés le 12 juillet 2010 des poursuites pour obtenir le paiement des dettes de la société CIS nées avant le 12 juillet 2010, alors que cette action n'était pas prescrite ;
Sur l'application de l'article L 650-1 du code de commerce :
Attendu qu'en application de l'article L 650-1 du code de commerce dont il a été dit précédemment qu'il s'appliquait au litige, '...Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge ;' ;
Attendu que la responsabilité de la Banque CHAIX a été retenue pour avoir consentis des concours fautifs à la société CIS et pris des garanties disproportionnées en contrepartie de ces concours ;
Attendu que le cautionnement donné par Monsieur [P] à hauteur de 325.000 euros, disproportionné au regard des concours accordés, ne sera pas annulé mais réduit à hauteur de 60.000 euros eu égard aux montants des concours antérieurement consentis ;
Attendu que Monsieur [P], caution, sera en conséquence condamné à payer à la Banque CHAIX la somme de 60.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice valant mise en demeure ;
Sur la demande de déchéance des intérêts portés en compte courant :
Attendu que sa demande de déchéance des intérêts pour défaut de respect de l'obligation d'information de la caution par la Banque dès février 2010 du montant du solde débiteur du compte courant est sans intérêts au regard de la réduction opérée en application de l'article L 650-1 du code de commerce, étant noté en tout état de cause que Monsieur [P] a été avisé du premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement ;
Sur la demande de dommages et intérêts :
Attendu que la faute de la Banque dans l'octroi de concours fautifs et la disproportion des garanties prises a déjà été sanctionnée par la réduction du montant du cautionnement consenti par Monsieur [P] qui a été cantonné à 60.000 euros ;
Attendu que Monsieur [P] qui n'invoque à l'appui de sa demande de dommages et intérêts que la faute commise par la Banque dans l'octroi abusif de crédit sera donc débouté de sa demande de condamnation de la Banque à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 122.824,56 euros et de compensation de cette somme avec celle au paiement de laquelle il serait condamné ;
En ce qui concerne la demande de capitalisation des intérêts :
Attendu que la règle de l'article 1154 du code civil, d'ordre public, peut être écartée par le juge si c'est par la faute du créancier et par suite du retard ou obstacle apporté par lui qu'il n'a pas pu être procédé à la liquidation de la dette ;
Attendu que nulle faute de la Banque CHAIX à l'origine du retard de liquidation de la dette susceptible d'écarter l'application de l'article 1154 du code civil n'est démontrée, l'opposition de la Banque aux demandes reconventionnelles élevées par les appelants ne constituant pas une telle faute, étant noté qu'en première instance la Banque avait obtenu satisfaction ;
Attendu en conséquence que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts comme demandé par la Banque dans l'assignation en justice ;
En ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens :
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les parties seront donc déboutées de leurs demandes de frais irrépétibles ;
Attendu que les appelants et l'intimée succombant pour partie, chaque partie supportera la charge de ses dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par défaut à l'égard de la SCP DOUHAIRE AVAZERI,
Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a :
Vu les articles L 622-21 et L 622-22 du code de commerce,
Fixé la créance de la Banque CHAIX au passif de la société CIS à la somme de 122.824,56 euros à titre chirographaire échu,
Le Réforme pour le surplus,
Déclare l'article L 650-1 du code de commerce applicable au litige,
Dit que la BANQUE CHAIX a consenti fautivement des concours sous forme de découverts à la société CIS et pris en contrepartie de ces concours des garanties disproportionnées,
Condamne la BANQUE CHAIX à payer à Me [K], ès-qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société CIS une somme de 62.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Déboute Monsieur [P] de ses demandes en nullité du cautionnement consenti le 12 janvier 2010,
Déclare l'action engagée contre la caution par la Banque CHAIX recevable,
Réduit le montant du cautionnement garantissant les concours consentis par la Banque à la société CIS à la somme de 60.000 euros, en application de l'article L 650-1 du code de commerce, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice valant mise en demeure, en application de l'article 1153-1 du code civil,
Condamne en conséquence Monsieur [W] [P] à payer à la Banque CHAIX la somme de 60.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice valant mise en demeure, en application de l'article 1153-1 du code civil,
Dit que l'article 1154 du code civil s'applique en l'espèce en l'absence de faute établie de la Banque dans le retard de liquidation de la dette,
Ordonne en conséquence la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière comme demandé par la Banque dans l'assignation en justice,
Déboute Monsieur [W] [P] de sa demande de dommages et intérêts, de compensation, de déchéance des intérêts pour défaut de respect de l'obligation d'information de la caution par la Banque,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse à la charge de chacune des parties ses dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE. LE PRESIDENT.