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11/09/2014 | FRANCE | N°12/09538

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 11 septembre 2014, 12/09538


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 11 SEPTEMBRE 2014



N° 2014/ 514













Rôle N° 12/09538







[S] [Z]

[W] [U]

Société LB HOLDING





C/



SAS MTU FRANCE





















Grosse délivrée

le :

à :



Me SIMONI

SCP TOLLINCHI

SELARL CHERFILS











>
Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Avril 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2009/07722.





APPELANTES



Madame [S] [Z]

prise tant en sa qualité de liquidateur amiable qu' es qualité de co-indivisaire de la Société Phocéenne d'Etude électrique sous le nom com...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 11 SEPTEMBRE 2014

N° 2014/ 514

Rôle N° 12/09538

[S] [Z]

[W] [U]

Société LB HOLDING

C/

SAS MTU FRANCE

Grosse délivrée

le :

à :

Me SIMONI

SCP TOLLINCHI

SELARL CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Avril 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2009/07722.

APPELANTES

Madame [S] [Z]

prise tant en sa qualité de liquidateur amiable qu' es qualité de co-indivisaire de la Société Phocéenne d'Etude électrique sous le nom commercial PHOCELEC,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Michèle GRUGNARDI, avocat au barreau de MARSEILLE,

Madame [W] [U],

ès-qualités de co-indivisaire de la sté phocéenne d'études éklectriques, exerçant sous le nom commercial de PHOCELEC -

intervenante volontaire

-demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Michèle GRUGNARDI, avocat au barreau de MARSEILLE,

, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Société LB HOLDING

Société de droit belge,

dont le siége social est [Adresse 1]

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Louis-Marie DE ROUX, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS MTU FRANCE

dont le siége social est [Adresse 3]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Eric HARM, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Juin 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Guy SCHMITT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Guy SCHMITT, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2014,

Signé par Madame Catherine DURAND, Président suppléant , pour le Président empêché et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement frappé d'appel rendu le 24 avril 2012 par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence ;

Vu les conclusions déposées le 5 juillet 2013 par la société LB HOLDING, appelante ;

Vu les conclusions déposées le 20 mai 2014 par [S] [Z], appelante et [W] [U], intervenante volontaire ;

Vu les conclusions déposées le 28 mai 2014 par la société MTU FRANCE, intimée ;

Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties ;

Attendu que la société de droit belge LB HOLDING a acquis en 2007 une vedette à passagers sinistrée et en a confié la remise en état à la société PHOCELEC qui a commandé à la société MTU la réfection du moteur; que, n'ayant pas été totalement réglée de sa facture, cette dernière a fait procéder à la saisie conservatoire de la vedette et a assigné les sociétés PHOCELEC et LB HOLDING en paiement de la somme de 142 528,29 €, ultérieurement réduite à 120'056,62 €uros, avec les intérêts et pénalités contractuelles à compter de la mise en demeure ; que, la société PHOCELEC ayant fait l'objet le 30 juin 2008 d'une dissolution amiable clôturée le même jour, [S] [Z] est intervenue dans la procédure en sa qualité de liquidateur puis d'indivisaire propriétaire de l'actif subsistant; que les sociétés défenderesses ainsi que [S] [Z] ont contesté devoir la somme réclamée; que la société LB HOLDING a sollicité reconventionnellement la condamnation de la société MTU FRANCE à payer à titre de dommages-intérêts une somme totale de 4 114 458,75 €, [S] [Z] ayant pour sa part réclamé à la même société une somme de 284 434,30 €;

Attendu que par le jugement attaqué le tribunal de commerce de Marseille a fait droit à la demande principale à concurrence de 100'473,65 €uros minorés des sommes de 42'044,64 €uros et 10'169,53 €uros , et à la demande reconventionnelle à concurrence de 29'166 €, en retenant pour l'essentiel qu'aucun des dysfonctionnements relevés par un expert n'était imputable à la société MTU, que cette dernière avait facturé une somme excédant sans justification de 42'044,64 €uros les devis qu'elle avait établis, qu'elle pouvait en outre se voir reprocher d'avoir refusé d'intervenir après s'être vu signaler des dysfonctionnements et avait ainsi retardé la vente du navire, et que le préjudice en résultant pouvait être chiffré à 29'166 €; que ce jugement a été frappé d'appel le 29 mai 2012;

Attendu que [W] [U], associée de la société PHOCELEC à concurrence de 60%, est intervenue dans la procédure d'appel en sa qualité de copropriétaire indivise de l'actif subsistant de cette société; qu'elle sollicite conjointement avec [S] [Z] l'infirmation du jugement attaqué, le rejet de la demande de la société MTU FRANCE, la condamnation de cette dernière au paiement d'une somme de 284'434,30 €uros à titre de dommages-intérêts ainsi que d'une somme de 25'000 € au titre des frais irrépétibles, et la condamnation de la société LB HOLDING au paiement d'une somme de 1 139 844,18 €uros correspondant à la part non réglée des factures émises à l'adresse de cette dernière par la société PHOCELEC; que la société LB HOLDING conclut à l'irrecevabilité des demandes présentées par [S] [Z] et [W] [U], au rejet de celles de la société MTU FRANCE, et, reconventionnellement, à la condamnation de cette dernière au paiement des sommes de 52'820, 290'697 et 800'000 € ainsi que d'une somme de 40'000 € au titre des frais irrépétibles ; que la société MTU FRANCE sollicite la radiation de l'instance par application des dispositions de l'article 526 du code de procédure civile, la condamnation de la société LB HOLDING au paiement de la somme de 120'056,62 €uros et au remboursement des frais engagés à l'occasion de la mise en vente de la vedette réparée, le rejet des demandes de la société LB HOLDING, de [S] [Z] et de [W] [U], et la condamnation solidaire de la société LB HOLDING et de [S] [Z] au paiement des entiers dépens ainsi que d'une somme de 25'000 € au titre des frais irrépétibles ;

SUR CE,

Sur la demande de radiation de l'instance par application des dispositions de l'article 526 du code de procédure civile.

Attendu que par ordonnance en date du 11 octobre 2012 le magistrat de la mise en état a rejeté la demande de radiation de l'instance présentée sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile par la société MTU FRANCE aux motifs que [S] [Z] n'était pas imposable sur le revenu et que la créance invoquée était suffisamment garantie par la saisie conservatoire du navire réparé pratiquée par la requérante ; que cette dernière demande à présent à la cour de prononcer cette sanction au motif que le navire n'a pu être vendu après sa mise aux enchères; que cette demande sera rejetée dès lors, d'une part qu'aux termes de du texte précité seul le conseiller de la mise en état est compétent pour en connaître et, d'autre part, qu'elle serait en toute hypothèse totalement inopportune au stade du jugement ;

Sur la recevabilité des demandes de [S] [Z] et de [W] [U] dirigées contre la société LB HOLDING.

Attendu qu'en première instance [S] [Z] n'a réclamé aucune somme à la société LB HOLDING, que ce soit en sa qualité de liquidateur de la société PHOCELEC ou en celle d'indivisaire propriétaire de l'actif de cette dernière ; que, conjointement avec [W] [U], intervenante volontaire en appel dont la qualité d'ancienne associée de la société PHOCELEC et d'indivisaire n'est pas discutée, elle réclame à présent à la société LB HOLDING le solde impayé des factures émises par la société PHOCELEC ; que les deux indivisaires soutiennent qu'elles ne peuvent se voir opposer le caractère nouveau de leur demande dès lors qu'en première instance les sociétés LB HOLDING et PHOCELEC ainsi que [S] [Z] étaient représentées par le même avocat de sorte que les demandes ont été dirigées exclusivement contre la société MTU FRANCE, mais qu'en appel la société LB HOLDING a constitué avocat pour son propre compte et qu'ainsi se trouvent remplies les conditions de l'article 554 du code de procédure civile;

Attendu qu'il s'évince de l'adhésion en appel par [W] [U] aux initiatives prises en première instance par [S] [Z], que cette dernière, conformément aux règles des articles 815 ' 2 à 815 ' 5 du Code civil, a pris ces initiatives pour le compte de sa coassociée en qualité de gérante d'affaires ou en vertu d'un mandat tacite de sorte que [W] [U] n'est pas tiers et ne peut intervenir en appel en vertu des dispositions de l'article 554 du code de procédure civile ; que, son intervention serait-elle recevable, elle ne pourrait en toute hypothèse soumettre à la cour une demande soustraite à l'appréciation des premiers juges ; que, s'agissant de [S] [Z], force est de constater qu'elle n'a rien réclamé à la société LB HOLDING et ne soutient pas qu'elle avait confié à cette dernière mandat d'agir contre la société MTU pour le recouvrement du solde de la créance de la société PHOCELEC; que, les changements dans les modalités de représentation des parties à la seule initiative de ces dernières ne caractérisant pas un élément nouveau survenu postérieurement au jugement attaqué ou révélé par ce dernier, la demande de condamnation de la société LB HOLDING qu'elle présente à la cour est par conséquent nouvelle et irrecevable par application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile ;

Sur la créance de la société MTU FRANCE.

Attendu qu'il résulte des pièces produites et du rapport d'un expert désigné en référé le 30 avril 2010 que la société MTU a établi à l'adresse de la société PHOCELEC quatre devis d'un montant total de 184'950 € HT, mais a facturé 226 994,64 €uros ; que l'expert, après une analyse minutieuse des diligences invoquées par la société MTU, récapitulées en pages 58 à 66 de son rapport, a émis l'avis motivé que cette société ne pouvait justifier la plus-value par rapport à ses devis que par la facturation de ses propres erreurs dans une proportion de 224 heures et 45 minutes sur un total de 700 heures et 19 minutes correspondant notamment au remplacement de soupapes initialement pourvues de tiges trop longues, aux remèdes portés à un manque de puissance, à deux passages au banc au lieu d'un seul, et aux fournitures correspondant à ces travaux ; qu'il a justement considéré dans ces conditions, en l'absence de démonstration contraire probante administrée par les parties, que le montant total réclamé in fine devait être minoré de la somme de 42'044,64 €uros HT, soit un solde de 184 950 €uros correspondant au montant des devis; que, la société PHOCELEC ayant réglé une somme de 102'214,60 €uros, reste dû un solde de 82735,40 €;

Attendu qu'en l'état de la démonstration faite par l'expert du caractère injustifié d'un certain nombre de prestations facturées, il n'y a pas lieu à majoration de ce solde par application des conditions générales de la société MTU permettant un dépassement de devis de 15 % ; que, le dispositif des conclusions n'en comportant pas la revendication, il n'y a pas lieu à application d'intérêts et pénalités conventionnels ; que les intérêts de retard au taux légal sont dûs à compter du prononcé du présent arrêt ; qu'il est pris acte de ce que la société LB HOLDING, qui ne critique par la condamnation solidaire prononcée à son encontre de ce chef, ne conteste pas être débitrice du montant des factures ; qu'il n'y a pas lieu de la condamner au remboursement des frais engagés par la société MTU FRANCE à l'occasion de la mise en vente de la vedette réparée dès lors que cette créance, qui ne fait l'objet d'aucun justificatif spécifique indiscutable, n'est chiffrée et détaillée ni dans les motifs ni dans le dispositif des conclusions et qu'au surplus la minoration substantielle de la créance fondant la saisie conservatoire dont a fait l'objet la vedette, à l'origine de l'adjudication infructueuse ordonnée par le juge de l'exécution, rend cette condamnation inopportune en toute hypothèse ;

Attendu que la société MTU FRANCE a obtenu en première instance la condamnation solidaire de la société LB HOLDING et de [S] [Z] prise en sa qualité de liquidateur de la société PHOCELEC qu'elle n'avait plus à la date du jugement; qu'aucune demande n'est dirigée explicitement en appel contre cette dernière et [W] [U] prises en leur qualité d'indivisaires venant aux droits de la société PHOCELEC; qu'au contraire le dispositif des conclusions de la société MTU ne comporte qu'une demande de condamnation 'solidaire et conjointe ' de la seule société LB HOLDING, de sorte qu'il n'y a pas lieu à condamnation de [S] [Z] et de [W] [U];

Sur la responsabilité de la société MTU FRANCE.

Attendu que les trois devis du 8 avril 2008 établis par la société MTU FRANCE et acceptés par la société PHOCELEC sont relatifs, le premier à la réfection du moteur en atelier, le second à l'installation et au câblage de l'électronique dans la salle des machines, et le troisième au passage du moteur au banc d'essai ; que le premier prévoit un délai d'exécution de quatre semaines et les deux autres un délai supplémentaire d'une semaine ; que l'expert, qui a justement relevé que la société MTU FRANCE avait considéré son intervention comme facile dans l'une de ses correspondances, a constaté dans son rapport qu'à la date de la première réunion d'expertise du 9 septembre 2010 le moteur tribord réparé n'était toujours pas opérationnel ; qu'il a énuméré un certain nombre de problèmes relevant indiscutablement de la responsabilité de cette société, à savoir le montage en mai 2008 de soupapes pourvues de queues trop longues, un défaut de l'arbre à cames constaté en juin et juillet 2008, une insuffisance de puissance mise en évidence au mois d'août 2008, l'achèvement de l'installation de l'électronique le 25 septembre 2008 seulement, l'installation du moteur sur la vedette fin décembre 2008, un dysfonctionnement électronique et le remplacement d'un alternateur pourtant neuf en février 2009, la correction des programmes électroniques en Allemagne en octobre 2009, et des essais infructueux fin octobre 2009;

Attendu que l'expert a constaté qu'à la date de sa première intervention, le 7 juin 2010, le moteur tribord réparé par la société MTU FRANCE ne pouvait être testé en pleine charge en raison de la survenance d'une alarme de pression d'huile sur l'inverseur du moteur tribord et de l'apparition de voyants lumineux interprétés comme une interdiction d'utiliser les moteurs ; qu'en définitive à l'issue du deuxième essai de navigation, et après le remplacement de l'inverseur tribord, la remise en état du moteur bâbord et le remplacement des capteurs de ce dernier, et après l'information donnée par la société MTU FRANCE à la société PHOCELEC quant à la procédure de neutralisation des voyants, le moteur tribord, selon l'expert, était en état d'être réceptionné le 7 avril 2011; qu'il a constaté que les interventions sur l'inverseur du moteur tribord et sur le moteur bâbord n'étaient pas contractuellement de la compétence de la société MTU FRANCE, et que l'allumage des voyants n'avait pas pour cause une défaillance du moteur tribord mais une simple décharge des accumulateurs due au stationnement prolongé de la vedette; qu'il a néanmoins émis l'avis que la société MTU FRANCE devait renseigner la société PHOCELEC quant à la procédure applicable pour neutraliser les voyants et que l'information tardive qu'elle a fournie à cet égard se trouvait à l'origine du retard depuis la prise en charge du moteur, le 8 avril 2008, jusqu'au 18 mai 2010, date de la première consignation d'une avance sur honoraires d'expert;

Attendu que ces constatations et avis doivent être mis en relation avec les constats d'huissier dressés en 2008, 2009 et 2010 qui révèlent, à la date du 17 avril 2009, le démarrage du moteur bâbord mais pas celui du moteur tribord, le 19 juin 2009 le déclenchement lors du démarrage du moteur tribord, d'une sonnerie d'avertissement et de deux voyants rouges, et le 3 septembre 2010 la persistance de l'allumage des voyants malgré une intervention de la société MTU FRANCE ; que la carence de cette dernière résulte également des nombreux courriels émis par la société PHOCELEC stigmatisant les retards et l'immobilisme de sa cocontractante jusqu'au 11 juin 2009 ; qu'alors que les prestations incombant à la société MTU FRANCE incluaient l'installation et le câblage de l'électronique dans la salle des machines, et bien qu'en définitive il se soit avéré que les causes du déclenchement des alarmes sonores et visuelles étaient indépendantes de ces prestations, il n'en demeure pas moins que dans l'ignorance de ces causes la société MTU FRANCE se devait de les rechercher, ne serait-ce qu'afin d'éliminer l'hypothèse qui n'était pas inenvisageable qu'elles fussent en relation avec ses propres prestations, alors qu'il est établi que le moteur bâbord ne pouvait être utilement testé tant que les voyants restaient allumés ; que ce devoir se trouve cependant tempéré, en premier lieu par la présence sur le chantier de la société PHOCELEC, entrepreneur principal présumé compétent dont l'incapacité à détecter les causes des alarmes est d'autant plus surprenante qu'elle vante les qualités de l'ingénieur qui a suivi les travaux pour son compte et que, chargée de la remise en état du moteur bâbord qui n'avait pas fonctionné depuis de nombreux mois ainsi que de l'inverseur du moteur tribord, elle n'avait, à la date à laquelle les dysfonctionnements empêchant la réception du moteur tribord ont été supprimés, effectué aucune de ces prestations et ne s'était pas inquiétée du niveau de charge des batteries alors que sa vérification était pourtant élémentaire ;

Attendu que dans les tableaux chronologiques figurant dans son rapport l'expert a constaté que compte tenu des délais stipulés dans les devis la livraison du moteur aurait dû intervenir le 26 mai 2008, après l'achèvement des travaux de coque le 16 mai 2008, mais que néanmoins des interventions correctrices ont été effectuées jusqu'au 28 décembre 2008, de sorte que jusqu'à cette dernière date le retard de 32 semaines est entièrement imputable à la société MTU FRANCE ; que, les dysfonctionnements ultérieurs ayant pour cause pour moitié l'inexécution de prestations qui incombaient à la société PHOCELEC et pour l'autre moitié l'intransigeance et les carences de la société MTU FRANCE, et le moteur tribord ayant été en état d'être réceptionné le 7 juin 2010, date à laquelle le technicien de la société MTU FRANCE a supprimé les alarmes en présence d'un représentant de la société PHOCELEC selon une procédure qui n'avait rien de secret, un retard supplémentaire de 38 semaines sera imputé à la société MTU FRANCE ; que cette dernière doit en conséquence répondre d'un retard total de 70 semaines à l'égard de la société PHOCELEC ; que, la société LB HOLDING, distincte de la société PHOCELEC, ne pouvant se voir reprocher la contribution de cette dernière au retard qu'elle a subi, ne peut davantage se voir opposer un partage de responsabilité de sorte qu'à son égard la société MTU FRANCE est responsable de l'entier retard de 107 semaines ; qu'il est pris acte cependant de ce que la société LB HOLDING ne conteste pas l'estimation de l'expert qui a chiffré le retard total, non à 52 semaines comme indiqué par erreur dans son rapport, mais à 100 semaines (du 8 avril 2008 au 18 mai 2010 moins 5 semaines) ;

Sur préjudice de la société PHOCELEC invoqué par [S] [Z] et [W] [U].

Attendu que la société MTU FRANCE ne conteste pas le droit d'agir de [S] [Z] et de [W] [U] ; que ces dernières réclament une somme totale de 231 169,20 au titre de l'annulation de trois interventions de l'ingénieur de la société PHOCELEC au Qatar, en Nouvelle-Calédonie et à Madagascar en 2008, une somme de 36'000 € au titre de la perte d'une prime sur la vente du navire en mai 2008, une somme de 2913,10 €uros correspondant à des frais engagés pour la procédure d'expertise judiciaire, et une somme de 14'352 € au titre du travail administratif consacré à la même procédure ;

Attendu que l'expert a considéré que les revendications de [S] [Z] et de [W] [U] n'étaient pas étayées par des pièces probantes ; que sont versés aux débats pour l'essentiel, pour justifier le manque-à-gagner lié à l'indisponibilité de l'ingénieur, une confirmation de commande du 6 mai 2008 émanant de la société MÉDITERRANÉENNE ÉLECTRICITÉ ÉLECTRONIQUE ÉLECTROTECHNIQUE, et trois accusés de réception d'annulation notifiés par cette dernière ; qu'il n'est cependant pas démontré, alors que le même technicien n'a pas été en mesure d'influer en quoi que ce soit sur le déroulement des travaux de la société MTU FRANCE, que sa présence sur la vedette en voie de réparation était indispensable voire même simplement utile;

Attendu, concernant la perte de la prime sur la vente du navire, que sont produits une promesse de la société LB HOLDING, une attestation d'un expert maritime faisant état de la visite du navire par des acheteurs vietnamiens, des courriers d'une agence réclamant des rendez-vous, et une attestation d'un second agent affirmant que le navire a été visité de février à avril 2008 par des Panaméens puis de décembre 2008 à février 2009 et avril 2009 par des Vietnamiens, les transactions n'ayant pas abouti en raison de la déficience du moteur tribord ; qu'en l'absence de tout autre élément, notamment d' attestations des candidats à l'acquisition, et même à considérer que les visites sont suffisamment prouvées, il ne peut être retenu que la vente a échoué spécifiquement en raison de la défaillance du moteur tribord alors que le moteur bâbord, comme constaté par l'expert, n'était pas davantage opérationnel en raison de la carence de la société PHOCELEC, et que le prix réclamé en 2008 de 2 millions d'€uros, était nettement surévalué par rapport à l'estimation de l'expert de 1'500'000 € ; que dans ces conditions la perte de la chance de percevoir, à l'issue de négociations, la prime de 36'000 € promise par la société LB HOLDING en cas de vente à un prix minimum de 1'800'000 € ne peut être chiffrée à plus de 5000 € ;

Attendu que n'est rapportée aucune preuve des impenses prétendument liées à la procédure d'expertise, si ce n'est une facture d'une agence de voyages relative à un déplacement du responsable de la société PHOCELEC de Marseille à Saint-Denis-de-la-Réunion sans rapport démontré avec l'expertise et le présent contentieux ; que, les frais liés à la procédure autres que les honoraires d'avocat devant être inclus dans les frais irrépétibles, la demande sera en conséquence rejetée dans son intégralité;

Sur le préjudice de la société LB HOLDING.

Attendu que la société LB HOLDING réclame une somme de 52'820 € au titre du coût de stationnement et d'entretien du navire pendant la période d'immobilisation, une somme de 290'697 € au titre des frais financiers liés au remboursement de l'emprunt contracté pour l'acquisition et la remise en état du navire du 26 mai 2008 au 7 mai 2010, et une somme de 800'000 € au titre de la perte de valeur vénale du navire au cours de la période d'immobilisation;

Attendu qu'elle se réfère exclusivement, s'agissant du coût du stationnement et de l'entretien, au rapport de l'expert qui a retenu pour le stationnement un préjudice de 24220 €uros pour 64 semaines d'indisponibilité ; qu'elle produit des factures de stationnement relatives à la période du 17 janvier 2009 au 31 mai 2010 d'un montant total de 28 240,65 €, ainsi que des justificatifs de frais de transfert pour les besoins de l'expertise de 1076,40 € ; que, le retard n'étant pris en considération que jusqu'au 18 mai 2010, la dernière facture de stationnement du mois de mai 2010, de 1847,82 €uros, sera réduite au prorata à 1073 €, de sorte que le montant total relatif à la période d'immobilisation imputable à la société MTU FRANCE se monterait à 27465,83 €; que l'évaluation de l'expert sera en conséquence retenue ; que pour le surplus l'expert a pris en considération un préjudice consécutif à l'obligation d'assurer le navire qui n'est pas explicitement revendiqué ; que la condamnation sera en conséquence limitée aux frais de stationnement ; qu'en l'absence de production du contrat de prêt et du tableau d'amortissement, il n'y a pas davantage lieu à remboursement de prétendus frais financiers liés à l'acquisition du navire ;

Attendu que, sans autre référence que sa propre appréciation, l'expert a émis l'avis que la valeur vénale de la vedette en cause 'devait être en 2008 voisine' de 1 500 000 €, que sa valeur théorique en 2011 était de 1'050'000 € et que la perte théorique de valeur en trois ans était de 30 %, soit 450'000 €; que, aucune estimation d'aucune sorte n'accréditant la valeur de 2 millions d'€uros en 2008, excepté celle d'un agent chargé de la vente dont l'impartialité ne paraît pas suffisante, l'estimation non sérieusement combattue de l'expert sera retenue ; qu'en l'absence de toute cote officielle et de tout tableau retraçant l'évolution de cette valeur au cours de la période de retard imputable à la société MTU FRANCE, la perte subie en raison de ce retard par la société LB HOLDING sera chiffrée à 300'000 € ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare les appels réguliers et recevables en la forme.

Déclare irrecevables les demandes dirigées en instance d'appel par [S] [Z] et [W] [U] à l'encontre de la société LB HOLDING.

Réforme le jugement attaqué et, statuant à nouveau,

Condamne la société LB HOLDING à payer à la société MTU FRANCE la somme de 82735,40 €uros avec les intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Condamne la société MTU FRANCE à payer à [S] [Z] et à [W] [U] qui en bénéficieront solidairement une somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts.

La condamne à payer à la société LB HOLDING à titre de dommages-intérêts une somme de 324 220 €uros avec les intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.

Condamne [S] [Z] et [W] [U] in solidum aux entiers dépens nés de leurs demandes dirigées en appel contre la société LB HOLDING.

Fait masse du surplus des dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise, et les partage à raison d'1/10e à la charge de [S] [Z] et de [W] [U] qui seront tenues solidairement entre elles, de 2/10° à la charge de la société LB HOLDING, et de 7/10e à la charge de la société MTU FRANCE.

Condamne la société MTU FRANCE à payer au titre des frais irrépétibles des deux instances une somme de 6000 € à [S] [Z] et [W] [U] qui en bénéficieront solidairement et une somme de 15'000 € à la société LB HOLDING.

Accorde aux avocats des parties bénéficiaires de condamnations aux dépens le bénéfice de distraction de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/09538
Date de la décision : 11/09/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°12/09538 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-11;12.09538 ?
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