COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 10 SEPTEMBRE 2014
N°2014/619
Rôle N° 13/08913
SAS CASINO DU GOLFE
C/
URSSAF DU VAR
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée le :
à :
Me Laurence NASSI-DUFFO, avocat au barreau de MARSEILLE
URSSAF DU VAR
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOULON en date du 21 Décembre 2012,enregistré au répertoire général sous le n° 21001435.
APPELANTE
SAS CASINO DU GOLFE LE JUGEMENT RENDU PAR LE TRIBUNAL DE SECURITE SOCIALE DE TOULON EN DATE DU 21 DECEMBRE 2012, A ETE NOTIFIE A LA SAS CASINO DU GOLFE EN DATE DU 15 AVRIL 2013, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Laurence NASSI-DUFFO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE
URSSAF DU VAR, demeurant [Adresse 3]
représentée par M. [K] [M] (Inspecteur du contentieux ) en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 1]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2014
Signé par Madame Florence DELORD, Conseiller, pour le Président empêché, et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Suite à un contrôle opéré courant 2009 sur les deux années 2007 et 2008 ayant donné lieu à une lettre d'observation du 9 novembre 2009 contestée le 23 novembre 2009, puis à une décision de la commission de recours amiable en date du 2 juin 2010, la SAS Casino du Golfe (13/10449) et l'URSSAF (13/08913) ont fait appel d'un jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale du Var en date du 21 décembre 2012 qui a déclaré fondé le redressement n°2 du chef de l'obligation de nourriture, a annulé le redressement du chef de la déduction forfaitaire spécifique (n°5), a validé la mise en demeure pour la somme de 10.040 euros, et a maintenu l'observation de l'URSSAF relative aux pourboires.
Les deux procédures 13/10449 et 13/08913 ont été jointes sous le numéro 13/08913 par ordonnance du 18 février 2014.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 18 juin 2014, la SAS Casino du Golfe a demandé à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a confirmé le redressement du chef de l'obligation de nourriture, et a maintenu l'observation relative aux pourboires, de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le redressement du chef de la déduction forfaitaire spécifique, et de condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience, l'URSSAF a demandé à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré fondé le redressement du chef de l'obligation de nourriture et l'observation relative aux pourboires, de l'infirmer en ce qu'il a annulé le redressement du chef de la déduction forfaitaire spécifique et de condamner la SAS Casino du Golfe au paiement de la mise en demeure pour son montant initial soit 26.692 euros.
La MNC régulièrement avisée n'a pas comparu.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'obligation de nourriture (n°2)
L'URSSAF a constaté que Mme [H], assistante comptable, ne percevait pas d'indemnités compensatrices de nourriture et a réintégré la somme de 437 euros dans l'assiette des cotisations sociales.
L'URSSAF soutient que la convention collective nationale des casinos soumet le personnel des sociétés de casino à une obligation de nourriture pour tout le personnel dès lors que l'établissement est ouvert aux heures des repas et que le personnel est présent à l'heure des repas, et rappelle la lettre circulaire du ministère du travail du 9 juillet 2003.
La société Casino du Golfe considère que cette salariée ne faisait pas partie du personnel de restauration, qu'elle ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier d'un avantage en nature de nourriture, qu'elle n'avait donc pas droit à une indemnité compensatrice et que le redressement était infondé.
La société Casino du Golfe emploie du personnel affecté aux salles de jeu, du personnel affecté à la restauration et du personnel administratif.
D'après les termes de son contrat de travail en vigueur pendant la période soumise à contrôle, Mme [H] qui relève du personnel administratif, était présente dans l'établissement 35 heures par semaine (sans autre précision).
Les salles de jeu ne sont ouvertes au public que de 21 heures à 4 heures, sauf la salle des machines à sous de 10 heures à 3 heures (voir pièce 2).
Aucune indication n'est fournie pour les heures d'ouverture au public de la salle de restauration.
Selon l'arrêté du 28 avril 2003, le personnel compris dans le champ de la convention collective nationale des casinos doit être nourri gratuitement par l'employeur à condition « que les conditions particulières de travail, les accords collectifs ou les usages l'imposent à l'employeur ».
La convention collective nationale des casinos, assimilée sur ce point à la convention collective nationale des cafés-hotels-restaurant (CHR), est un accord collectif au sens de l'arrêté du 28 avril 2003.
Ce texte impose à l'employeur l'obligation de nourrir ses salariés, sans aucune distinction, lorsque deux conditions cumulatives sont remplies :
- l'établissement est ouvert à la clientèle au moment des repas,
- le salarié est présent au moment des repas.
En l'espèce, la société contrôlée n'a pas contesté sur la présence de la salariée dans ses locaux au moment des repas de la clientèle.
L'employeur avait donc une obligation à nourriture pour cette salariée.
La Cour confirme le jugement déféré qui a validé ce chef du redressement.
Sur la déduction forfaitaire spécifique (n°5)
Les personnels des casinos et cercles autorisés par l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts à pratiquer une déduction forfaitaire spécifique sont ceux exerçant effectivement leur activité dans les locaux spéciaux, distincts et séparés où sont autorisés les jeux mentionnés à l'article 1er du décret du 22 décembre 1959, que leurs fonctions soient liées directement aux jeux ou qu'elles se rattachent aux services annexes proposés aux joueurs.
L'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales les sommes que la société avait déduites dans le cadre de la « déduction forfaitaire spécifique » pour les membres du comité de direction, pour le directeur administratif et financier, et pour le responsable technique.
La société appelante a accepté le redressement pour le directeur administratif et financier et pour le responsable technique, mais a contesté le redressement pour les membres du comité de direction, en raison des frais de veillée et des frais vestimentaires imposés pour leur présence dans les salles de jeux la nuit à tour de rôle avec le directeur de l'établissement afin d'y exercer la mission de contrôle des opérations de jeu et des recettes, qu'impose l'article 13 de l'arrêté du 14 mai 2007.
La déduction forfaitaire de 8% est applicable au « personnel affecté aux salles de jeu et aux services annexes proposés aux joueurs » (bar, restauration,...), en raison des frais vestimentaires et de veillée, ou des frais de domicile qui leur sont imposés du fait de leurs fonctions.
Il résulte des dispositions de l'arrêté du 14 mai 2007, applicable au litige du fait de la période contrôlée, et notamment de ses articles 13 et 67-27 en vigueur à l'époque du contrôle que la présence du directeur général est obligatoire dans l'établissement pendant les heures d'ouverture aux joueurs et en particulier dans la salle des machines à sous, car il doit exercer une activité de contrôle des opérations de jeu et des recettes dans les salles de jeux et les services annexes réservés aux joueurs.
Il n'est pas contesté que les membres du comité de direction avaient la qualité de salariés de la société et disposaient d'un mandat de représentation du directeur responsable de la société en son absence, et chacun à tour de rôle (voir les plannings en pièce 4), pour assurer le contrôle des opérations de jeu et les recettes dans les salles de jeux.
Cependant, et comme l'indique la société Casino du Golfe elle-même, les membres du comité de direction agissent sur délégation du directeur de l'établissement en assurant une présence dans tout l'établissement à tour de rôle et même en dehors des heures d'ouverture au public, ainsi que cela ressort des plannings des six intéressés (pièce 4).
Leur mission est donc aussi étendue que celle du directeur et ne se limite pas au contrôle des salles de jeu et des recettes, même aux heures d'ouverture aux joueurs.
Il ne ressort pas des pièces du dossier que leurs fonctions sont liées directement aux jeux ou qu'elles se rattachent aux services annexes proposés aux joueurs.
Ces personnes n'entrent donc pas dans la catégorie des « personnels affectés aux salles de jeu et aux services annexes ».
En conséquence, la déduction forfaitaire n'était pas applicable aux membres du comité de direction de la société Casino du Golfe dans la période contrôlée.
La Cour infirme le jugement déféré qui a annulé le point n°5 du redressement.
Sur l'observation relative aux pourboires remis au personnel
L'URSSAF a fait une observation pour l'avenir en indiquant que les pourboires remis par les clients de la salle des machines à sous dans des boîtes en plexiglas placées dans cette salle devaient être regroupés aux autres pourboires en une « masse unique » au sens de la sous-section 1 de la convention collective nationale du 29 mars 2002 étendue le 2 avril 2003.
A ce titre, et par application des articles L 147-1, R 147-1 et suivants du code du travail, ils devaient être inscrits dans le registre des pourboires et répartis entre tous les personnels en contact avec le public selon les modalités « déterminées librement entre employeurs et salariés en dehors de toute intervention de l'administration » (article 18 de l'arrêté du 23 décembre 1959).
Ces sommes devaient ensuite être soumises à cotisations sociales, et, à défaut, l'URSSAF procèderait à une taxation forfaitaire en application de l'article R 242-5 du code de la sécurité sociale.
La société Casino du Golfe a contesté cette observation en faisant valoir que sa seule obligation en la matière se limitait aux pourboires recueillis aux tables des jeux traditionnels et de la boule (article 32-1 et 32-4 de la convention collective), alors que les pourboires versés directement au personnel ou remis dans une boîte placée dans la salle des machines à sous ou même dans la salle de restaurant, échappaient à son contrôle, (ni comptage ni répartition).
La Cour rappelle que, selon l'article L 147-1 du code du travail (actuellement numéroté L3244-1), « dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites « pour le service » par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisés par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement ».
Il n'est pas contesté que les sommes remises par les clients de l'établissement sont des pourboires remis « pour le service » et sont destinées, dans leur esprit, au personnel de cet établissement.
Par application de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale cité intégralement par le tribunal et à la lecture duquel il est renvoyé, « toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail », salaires, primes, gratifications ('),et « à titre de pourboire » sont des rémunérations et, à ce titre, tous les pourboires doivent être recueillis, centralisés, comptabilisés et enregistrés dans le registre tenu par l'entreprise, puis faire l'objet d'une répartition.
La convention collective nationale des casinos (2002 et 2003) indique que « les pourboires sont déposés ostensiblement par les bénéficiaires dans les boîtes à pourboire des tables de jeux », et ne prévoit aucune disposition concernant les autres pourboires remis par les clients des casinos.
Ce texte règle le cas spécifique des pourboires remis aux tables de jeu, mais, d'interprétation stricte, il ne saurait être interprété comme exonérant l'employeur de toute obligation concernant les pourboires pour lesquels il existe une disposition législative générale (l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale), d'une valeur normative supérieure à celle de la convention collective.
En conséquence, tous les pourboires remis par les clients du Casino du Golfe doivent être inscrits dans le registre des pourboires et répartis entre tous les personnels en contact avec le public (selon les modalités « déterminées librement entre employeurs et salariés en dehors de toute intervention de l'administration » : article 18 de l'arrêté du 23 décembre 1959).
Ces sommes doivent ensuite être soumises à cotisations sociales, et, à défaut, l'URSSAF serait fondé à procéder à une taxation forfaitaire en application de l'article R 242-5 du code de la sécurité sociale.
La Cour déclare fondée et maintient l'observation de l'URSSAF relative aux pourboires et confirme le jugement déféré.
La Cour fait droit aux demandes de l'URSSAF.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en matière de sécurité sociale,
Infirme le jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale du Var en date du 21 décembre 2012 uniquement en ce qu'il a annulé le redressement du chef de la déduction forfaitaire spécifique (n°5) et limité la condamnation de la SAS Casino du Golfe au paiement de la somme de 10.040 euros,
Et statuant à nouveau,
Condamne la SAS Casino du Golfe au paiement de la mise en demeure n°1981073 du 1er février 2010 pour son montant initial de 26.692 euros, se décomposant ainsi :
- cotisations : 23.810 euros
- majorations de retard : 2.882 euros,
Condamne la SAS Casino du Golfe à payer à l'URSSAF la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERPour le Président empêché,
Madame [D] [E]