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02/09/2014 | FRANCE | N°13/00821

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre c, 02 septembre 2014, 13/00821


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

6e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 02 SEPTEMBRE 2014



N° 2014/ 758









Rôle N° 13/00821







[H] [E]





C/



[A] [N]

































Grosse délivrée

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Me Mélissa CLINE, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Roland RODRIGUEZ, avocat au barreau de GRASSE

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge aux affaires familiales de GRASSE en date du 23 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 05/00801.





APPELANT



Monsieur [H] [E]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 3] (Italie)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



comparant e...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

6e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 02 SEPTEMBRE 2014

N° 2014/ 758

Rôle N° 13/00821

[H] [E]

C/

[A] [N]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Mélissa CLINE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Roland RODRIGUEZ, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge aux affaires familiales de GRASSE en date du 23 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 05/00801.

APPELANT

Monsieur [H] [E]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 3] (Italie)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

comparant en personne,

représenté par Me Gilles LOUC, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Madame [A] [N]

née le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 8] (Italie)

de nationalité Italienne, demeurant [Adresse 2]

comparante en personne,

représentée par Me Roland RODRIGUEZ, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Juillet 2014 en Chambre du Conseil. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène COMBES, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Hélène COMBES, Président

Madame Monique DELTEIL, Conseiller

Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2014.

Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

[A] [N] et [H] [E] se sont mariés le [Date mariage 1] 1986 à Bari (Italie). Un contrat de mariage portant séparation de biens a été signé par les époux le 16 juin 1986.

Trois enfants sont issus de leur union : [Q], né le [Date naissance 2] 1990 à [Localité 2], [J], né le [Date naissance 4] 1996 à [Localité 2] et [M] née le [Date naissance 5] 1998 à [Localité 1].

Saisi par [A] [N], le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grasse a rendu une ordonnance de non conciliation le 18 mai 2005, comportant les dispositions suivantes :

- fixation de la résidence des enfants au domicile de la mère et fixant la part contributive du père à 350 euros par enfant,

- versement à [A] [N] d'une pension alimentaire de 400 euros par mois au titre du devoir de secours,

- attribution du domicile conjugal à titre gratuit à [A] [N].

Le 1er août 2005, [A] [N] a assigné [H] [E] en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.

Un arrêt de la cour du 7 mars 2006 a fixé la résidence de [Q] chez le père, supprimé la part contributive de celui-ci à l'entretien de [Q] et ramené à 200 euros par mois sa contribution à l'entretien et à l'éducation des deux autres enfants.

Plusieurs décisions (ordonnances du juge de la mise en état et arrêt de la cour d'appel) ont été rendues dans le cadre de la mise en état du dossier.

Ainsi ont été ordonnées une enquête sociale et une expertise psychiatrique familiale (21 juin 2006) et désigné un professionnel qualifié (17 janvier 2007).

Le 20 juin 2006, [A] [N] a donné naissance à une enfant dont le père est [Z] [Y].

Le 7 avril 2011, le professionnel qualifié a déposé son rapport.

Par jugement du 23 juillet 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grasse a prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari, fixé la résidence des enfants mineurs au domicile de la mère, débouté [A] [N] de sa demande d'audition des enfants, fixé la contribution de [H] [E] à 200 euros par mois et par enfant et condamné [H] [E] à payer à [A] [N] une prestation compensatoire de 300.000 euros, 2.000 euros à titre de dommages intérêts et 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

[H] [E] a relevé appel le 14 janvier 2013.

En cours de procédure, il a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de diminution de la contribution mise à sa charge pour l'entretien et l'éducation des enfants et d'une demande de suppression de la pension alimentaire due au titre du devoir de secours.

Par ordonnance du 27 février 2014, le conseiller de la mise en état a :

- dit que l'occupation du domicile conjugal par [A] [N] se fera à titre onéreux à compter du 12 juillet 2013

- dit qu'elle assumera seule la gestion de la dépendance du domicile conjugal

- supprimé la pension alimentaire au titre du devoir de secours

- débouté les parties de leurs demandes de modification de la part contributive du père.

Par conclusions du 27 avril 2014, [H] [E] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de prononcer le divorce aux torts exclusifs de [A] [N], de la débouter de sa demande de prestation compensatoire, de dire que l'autorité parentale sur l'enfant [M] sera exercée en commun, de fixer sa part contributive à l'entretien et l'éducation de [M] et [J] à 80 euros par mois et par enfant et de réglementer de façon classique son droit de visite et d'hébergement sur [M], dernière enfant mineure.

Il sollicite également la condamnation de [A] [N] à lui payer :

- 62.062 euros à titre de prestation compensatoire

- 10.000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil

- 4.000 euros au titre des frais irrépétibles

Il expose à titre liminaire que le régime matrimonial applicable est bien celui de la séparation de biens.

- Sur le divorce, il fait valoir qu'il s'est marié avec la volonté de construire sa vie avec [A] [N] et de fonder une famille, qu'il a toujours été un bon père et un bon mari et précise qu'il n'a plus vu ses enfants [M] et [J] depuis le mois de décembre 2012.

Il conteste les fautes qui lui sont reprochées et invoque sa relaxe pour de prétendus faits de violence en 2003.

Il invoque une réconciliation en 2004 et soutient qu'il a été injustement condamné. Il se prétend victime d'une injustice policière et fait valoir qu'il n'a jamais levé la main sur son épouse.

Il ajoute que sa condamnation repose sur le seul témoignage de l'amant de [A] [N], laquelle a mis en place toute une stratégie pour lui faire supporter la faute.

Il observe que le psychiatre a d'ailleurs évoqué la probable mise en scène de faits de violence par [A] [N].

Sur les fautes commises par [A] [N], il soutient qu'elles doivent conduire à ce que le divorce soit prononcé à ses torts exclusifs et invoque successivement :

- son comportement impulsif et violent, le menaçant de se suicider et de l'abandonner,

- la confrontation de [Q] à la violence de sa mère,

- sa relation adultère avec [S] [U] en 2001,

- sa relation adultère avec [Z] [Y] à compter du mois de décembre 2004.

- Sur la prestation compensatoire, il fait essentiellement valoir que contrairement à lui, [A] [N] ne remplit pas les conditions d'attribution d'une telle prestation.

Après avoir rappelé que les époux sont propriétaires indivis d'une villa de 140 m² à [Localité 1] d'une valeur de 900.000 euros avec une dépendance, il fait valoir qu'âgé de 58 ans, il est en arrêt maladie depuis le 4 février 2013 pour une affection de longue durée.

Il expose que ses seuls revenus actuels sont les indemnités journalières de 31,48 euros par jour et l'allocation logement soit 1.178 euros, qu'il occupe un T2 à [Localité 5], se trouve privé de revenus professionnels et doit s'endetter auprès de sa famille ;

qu'il supporte seul les frais de [Q] qui poursuit des études à Shangaï.

Il critique la décision du premier juge qui n'a statué que sur des interrogations et lui a attribué des revenus qui sont en réalité inexistants.

Il soutient qu'il n'est ni ingénieur en informatique, ni lié par un contrat de travail avec aucune des trois sociétés mentionnées par [A] [N] qui dénature volontairement la réalité des faits, qu'il n'a pas de compétences en programmation, mais uniquement une formation en marketing.

Il dit être en situation de surendettement et ajoute que l'enquête Pôle Emploi a révélé l'absence de fraude.

Il précise que ce n'est qu'à 42 ans qu'il a repris des études universitaires pour obtenir un DESS et fait valoir que les condamnations pénales prononcées contre lui à l'initiative de [A] [N], l'empêchent de trouver un emploi durablement.

Il fait valoir que [A] [N] âgée de 51 ans, professeur de langues (italien et russe) est dans une bien meilleure situation que lui ;

qu'ainsi, depuis 8 ans, elle bénéficie de la gratuité de la villa d'[Localité 1] et perçoit également la contribution du père de son dernier enfant.

Il soutient que c'est de son propre chef qu'elle n'a pas travaillé pendant 12 ans et prétend que ses droits à retraite seront calculés sur la base de 127 trimestres.

Il qualifie de démesurée sa condamnation au paiement d'une prestation compensatoire de 300.000 euros, indiquant que cela revient à le priver de la quasi totalité de ses droits sur la villa d'[Localité 1] qui est le fruit d'une vie de travail.

- Sur sa part contributive à l'entretien de [M] et [J], il soutient que ses revenus ne lui permettent pas de verser plus de 80 euros par mois pour chaque enfant et indique que [A] [N] ne verse pas un euro pour [Q] qu'elle ne veut plus voir.

Dans ses dernières conclusions du 26 juin 2014, [A] [N] conclut à la confirmation du jugement sur le prononcé du divorce, sur l'autorité parentale, sur la résidence de [M] et sur la prestation compensatoire.

Faisant appel incident, elle demande à la cour :

- de suspendre le droit de visite et d'hébergement de [H] [E] sur [M],

- de maintenir la contribution de [H] [E] à l'entretien et l'éducation de [M] et [J] à 400 euros par mois et par enfant et subsidiairement de la fixer à 200 euros par mois,

- de porter à 10.000 euros le montant des dommages intérêts auxquels [H] [E] a été condamné,

- de dire que le bien immobilier situé à [Localité 1] lui sera attribué préférentiellement.

Elle réclame 6.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

- Sur le divorce, elle réplique que depuis des années, elle subit le comportement violent et insultant de [H] [E].

Elle expose sur ce point qu'au mois de novembre 2003, alors qu'elle était enceinte de 5 mois, il lui a porté des coups, à la suite de quoi, elle a perdu l'enfant.

Elle indique qu'elle a subi de nouvelles violences en 2004.

Elle fait valoir que [H] [E] développe une argumentation ahurissante qui donne toute la mesure de sa mauvaise foi, alors même que condamné pour violences volontaires par la cour d'appel, il persiste à nier la décision pénale, invoquant une machination.

Elle en conclut que le divorce ne peut qu'être prononcé à ses torts exclusifs.

Sur la demande reconventionnelle de [H] [E], elle réplique qu'il ne peut lui reprocher d'avoir accepté un certain réconfort après leur séparation et observe que l'enfant qu'elle a eu avec [Z] [Y] est né 14 mois après la séparation.

Elle observe que [H] [E] a d'ailleurs lui-même reconnu qu'il la trompait.

Elle fait valoir qu'il a instrumentalisé les enfants et notamment [Q], qui, manipulé par son père, est devenu violent avec sa mère, sa soeur et son frère.

- Sur la prestation compensatoire, elle dénonce la présentation grotesque que fait [H] [E] de sa situation, alors qu'il organise son insolvabilité.

Elle s'étonne d'un arrêt de travail pour dépression jusqu'en 2016, alors que rien dans son mode de vie ne laisse supposer un état d'une telle gravité.

Elle indique que depuis le début de la procédure, il ne fait que mentir, notamment sur le montant de ses salaires et qu'il jongle avec ses multiples comptes italiens, espagnols, français ;

que le rapport du professionnel qualifié met en lumière tous ces mensonges, ce qui est confirmé par la preuve qui vient d'être apportée de l'existence d'un compte à la Banco Posta en Italie.

Elle fait valoir que sa situation à elle est plus difficile qu'auparavant, qu'elle a des problèmes de santé incompatibles avec une évolution professionnelle et qu'elle vient d'ailleurs d'être licenciée pour inaptitude.

Elle soutient encore qu'elle n'a jamais vécu en concubinage avec [Z] [Y] et rappelle que [H] [E] n'a jamais payé la pension alimentaire au titre du devoir de secours.

Elle indique qu'elle a cessé toute activité professionnelle entre 1990 et 2002 pour se consacrer à l'éducation de ses trois enfants, que ses droits à retraite seront dérisoires et que ce n'est pas 127 trimestres qu'elle a cotisés, mais 84.

- Sur les mesures concernant les enfants, elle décrit le compte rendu d'audition de [M] comme particulièrement révélateur du malaise de la jeune fille, manipulée par son père.

Elle s'oppose à toute diminution de la contribution de [H] [E] en l'état des besoins des enfants qui grandissent et qui souffrent d'affections diverses.

[M] [H] qui en avait fait la demande a été entendue par un membre de la cour le 28 mai 2014.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 2014.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées ;

1- Sur le prononcé du divorce

Attendu que chacun des époux demande que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de l'autre ;

Attendu que devant le premier juge, [A] [N] invoquait notamment les violences que [H] [E] lui avait fait subir en 2003, 2004 et 2005 ;

Attendu que pour prononcer le divorce aux torts exclusifs de [H] [E], le premier juge a fondé sa décision sur la condamnation prononcée à son encontre par la cour d'appel d'Aix en Provence le 28 février 2007 pour des faits de violence commis les 20 et 21 décembre 2004 ;

Attendu qu'en cause d'appel, [A] [N] invoque toujours les violences dont elle a été victime et invoque également l'infidélité de [H] [E] ;

Attendu que le 27 octobre 2005, le tribunal correctionnel de Grasse a condamné [H] [E] à une peine d'emprisonnement d'un mois assortie du sursis pour des faits de violence par conjoint ou concubin ;

Attendu que sur l'appel de [H] [E], la cour d'appel d'Aix en Provence a, le 28 février 2007, aggravé cette condamnation en prononçant à son encontre une peine d'emprisonnement de trois mois assortie du sursis, pour des faits de violence commis les 20 et 21 décembre 2003, après avoir relevé que [A] [N] présentait des hématomes et un traumatisme crânien et que selon les enquêteurs, elle était 'terrifiée' par son mari et se trouvait en état de tension émotionnelle ;

Attendu que [H] [E] qui se décrit comme un bon mari et un bon père, proche de sa femme et de ses enfants, soutient qu'il est victime d'une machination orchestrée par [A] [N] et d'une erreur judiciaire en raison de laquelle il a été condamné injustement ;

qu'il soutient que non seulement il n'a jamais levé la main sur son épouse, mais que de surcroît, 'il ne lui est jamais venu à l'idée de le faire' ;

Attendu que son pourvoi a néanmoins été rejeté par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 novembre 2007 ;

Attendu que sans qu'il soit nécessaire de le suivre dans le détail de sa longue argumentation factuelle, il importe de lui rappeler que la cour d'appel saisie du divorce, ne peut faire abstraction de la condamnation définitive prononcée à son encontre le 28 février 2007 par la chambre des appels correctionnels, pour des faits de violence commis au mois de décembre 2004 ;

qu'il importe peu à cet égard que la cour ait estimé insuffisamment établis les faits des 5 et 6 novembre 2003 ;

Attendu qu'en ce qui concerne les qualités dont [H] [E] se prévaut, il convient de le renvoyer à une relecture attentive des déclarations qu'il a faites aux services de police d'[Localité 1] le 17 février 2005, à la suite de la plainte déposée le 21 décembre 2004 par [A] [N] ;

qu'outre qu'il reconnaît à plusieurs reprises son infidélité, ses explications relèvent de la rhétorique du mari violent, qui s'il persiste à nier toute brutalité envers son épouse, évoque de très fortes disputes au cours desquelles il l'a 'juste repoussée' ;

qu'il explique encore qu'elle est tombée lorsqu'il a voulu se détacher d'elle pendant qu'elle le griffait et lui donnait des claques ;

qu'à la question concernant une côte déplacée, il a répondu que [A] [N] 'se frappe toute seule' ;

qu'il a reconnu qu'il ne l'avait pas conduite à l'hôpital où l'arrêt de sa grossesse a été constaté 'pour une raison ignorée' ;

qu'il a aussi indiqué qu'il l'avait 'attrapée avec un peu de force pour éviter qu'elle fasse une bêtise' et que c'est en lui arrachant des ciseaux des mains qu'il a 'dû lui tordre le poignet', ou qu'elle est tombée au sol parce qu'il avait cherché à l'esquiver quand elle se jetait sur lui ;

qu'à la question concernant le traumatisme crânien, il a indiqué que [A] [N] se frappe 'toute seule dans le mur' ;

qu'il a enfin indiqué qu'au mois de septembre ou octobre 2004, alors qu'il voulait faire rentrer [A] [N] à la maison, des passants l'ont traité de salaud ;

Attendu que l'ensemble de ces éléments qui exclut toute mise en scène de faits de violence, ne laisse planer aucun doute sur les violences habituellement commises par [H] [E] sur la personne de [A] [N] ;

que les infidélités sont quant à elle reconnues, [H] [E] ayant demandé à son épouse de 'positiver', ainsi qu'il l'a déclaré aux services de police ;

Attendu que dans ce contexte éprouvant sur le plan physique et hautement déstabilisant sur le plan psychique, il ne saurait être reproché sa fragilité à [A] [N], pas plus qu'il ne peut lui être reproché d'avoir entretenu une relation avec [Z] [Y] - fut-ce au à compter du mois de décembre 2004 ;

Attendu que la relation adultère que [H] [E] attribue à [A] [N] en 2001, n'est établie par aucune pièce probante, les attestations versées aux débats, dont celle de [D] [L] ne faisant que reproduire les propos de [H] [E] ;

qu'en outre, rien ne permet d'attribuer à un amant de [A] [N] un billet manuscrit - même produit en plusieurs exemplaires au dossier - qui n'est ni daté, ni signé ;

Attendu que le témoignage de [Q], enfant commun du couple, est irrecevable en vertu des dispositions de l'article 259 du code civil ;

Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que seul [H] [E] avait eu un comportement constitutif d'une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ;

que le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs de [H] [E] ;

2 - Sur les dommages intérêts

Attendu que le préjudice subi par [A] [N] du fait de la violence physique et morale dont elle a été victime, a été insuffisamment pris en compte par le premier juge ;

qu'un certificat médical établi au mois d'octobre 2008 évoque un état de stress psychologique important avec retentissement somatique ;

qu'il convient de porter à 10.000 euros les dommages intérêts que [H] [E] devra verser à [A] [N] sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

3 - Sur la demande de prestation compensatoire

Attendu qu'aux termes des articles 270, 271 et 272 du code civil, la prestation compensatoire que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ce qui ne signifie pas qu'elle doit assurer l'égalité des situations économiques des ex-conjoints ;

Attendu que la prestation compensatoire n'a pas pour objet de modifier le régime matrimonial librement choisi par les époux ;

qu'elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;

Attendu que saisi d'une demande de prestation compensatoire, le juge doit en premier lieu rechercher si la rupture du mariage entraîne une disparité dans les niveaux de vie des époux ;

Attendu qu'en l'espèce, chacune des parties s'estime défavorisée par rapport à l'autre et sollicite le versement d'une prestation compensatoire, 300.000 euros pour [A] [N], 62.062 euros pour [H] [E] ;

Attendu que la situation des époux dont le mariage a duré 28 ans, dont 19 ans de vie commune est la suivante :

Ils sont propriétaires en indivision à [Localité 1] d'une maison d'habitation avec une dépendance, cette dernière dans un état de grande vétusté.

Le bien acquis en 1998 au prix de 1.900.000 francs est valorisé entre 850.000 et 950.000 euros.

- [A] [N] est âgée de 51 ans.

Mère de quatre enfants, dont trois avec [H] [E], nés entre 1990 et 1998, elle n'a eu aucune activité professionnelle de 1990 à 2002.

En l'absence de pièces établissant le contraire, ce choix doit être considéré comme fait dans l'intérêt de la famille.

Enseignante en langues vacataire dans le secteur privé, elle a déclaré 9.282 euros de salaires en 2012 et 10.072 euros en 2013.

Elle rencontre de grandes difficultés dans le recouvrement de la pension alimentaire et de la contribution de [H] [E] à l'entretien et l'éducation des enfants et a dû initier plusieurs procédures pénales pour abandon de famille qui se sont soldées par des déclarations de culpabilité ou des condamnations.

Elle occupe le domicile conjugal depuis l'ordonnance de non conciliation.

La gratuité initialement prévue a été supprimée par le conseiller de la mise en état à compter du 12 juillet 2013.

Elle souffre d'une polyarthrite rhumatoïde diagnostiquée en 2008 et d'une hernie discale diagnostiquée au mois de février 2014.

Elle est prise en charge à 100 % par la caisse primaire d'assurance maladie au titre d'une affection de longue durée.

Le 23 avril 2014, le médecin du travail l'a déclarée définitivement inapte à son poste d'enseignante d'italien à la [Localité 4] School et son employeur l'a licenciée pour inaptitude le 30 avril 2014.

Elle a conservé son emploi à temps partiel à la mairie d'[Localité 1].

Elle est indemnisée par Pôle Emploi depuis le 15 juin 2014 sur la base de 9,18 euros par jour.

Ses perspectives professionnelles sont compromises par son état de santé.

Son relevé de carrière mentionne qu'elle a cotisé 84 trimestres et non 127 comme le soutient [H] [E]. Les 11 trimestres cotisés en Italie ne lui ouvrent aucun droit.

L'attestation non datée de [P] [X], amie de [H] [E] (pièce appelant 186.25) selon laquelle [A] [N] donnerait des cours particuliers à son domicile, est bien insuffisante pour retenir qu'elle dispose de revenus occultes.

Elle a perçu jusqu'à la fin de l'année 2012 les loyers de la dépendance, mais des inondations ont rendu l'appartement inhabitable, ainsi qu'il résulte d'un constat d'huissier du 6 juin 2013.

Il n'est établi par aucune pièce qu'elle partage sa vie avec une autre personne.

- [H] [E] est âgé de 58 ans.

Il est titulaire d'un DESS en ingénierie du multimédia obtenu en 1998 et d'un MBA obtenu en 2003.

Il dit être au chômage, ce qui est confirmé par sa prise en charge par Pôle Emploi et se décrit comme étant dans une situation de totale impécuniosité et de surendettement.

Il se dit dans l'impossibilité d'obtenir un poste 'comme auparavant', ce qui doit s'entendre du niveau de revenu qu'il avait avant l'engagement de la procédure de divorce.

Pour mémoire, ses revenus en 2001 se sont élevés à 73.324 euros selon sa déclaration de revenus.

Il invoque un arrêt maladie pour un syndrome dépressif, justifié par un certificat médical, mais par courrier du 24 avril 2014, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes maritimes lui a notifié la suppression des indemnités journalières à compter du 14 juin 2014, au motif que l'arrêt de travail n'est plus médicalement justifié.

Dans ses écritures, il conteste à plusieurs reprises exercer des fonctions d'ingénieur, ainsi que le premier juge l'a selon lui retenu à tort, et fait valoir qu'il n'est pas lié par un contrat de travail.

Il invoque tout au plus une formation en marketing.

Pourtant, lors de son audition par les services de police d'Antibles le 17 février 2005, il a déclaré : 'J'exerce la profession d'ingénieur', indiquant être employé par la société Goldenpot à Barcelone.

Il résulte de nombreuses pièces produites aux débats, que [H] [E] cherche volontairement à minimiser son cursus, sa formation et les fonctions qu'il exerce réellement.

Ainsi les fonctions qui apparaissent sur son curriculum vitae sont les suivantes : ingénieur support de 1978 à 1981, ingénieur support et Account manager de 1981 à 1991, directeur technique de 1991 à 1995, directeur opérationnel de 1998 à 1999, directeur général de 2000 à 2002, vice président de la société Goldenpot depuis 2004 (cette société développe des jeux en ligne).

Ces dernières fonctions qui sont celles d'un mandataire social, n'ont rien à voir avec celles d'un simple salarié et procurent des rémunérations qui ne sont pas des salaires.

[H] [E] ne justifie pas de la révocation du mandat social et s'abstient d'indiquer s'il est toujours vice-président de la société Goldenpot, même s'il produit par ailleurs un jugement rendu le 24 mai 2006 par le tribunal social de Barcelone, condamnant cette société à lui payer 11.946 euros de salaires.

Il ne donne aucune précision sur le compte bancaire en Espagne dont il faisait état devant les services de police au mois de février 2005.

De nombreuses autres pièces produites aux débats, permettent également de retenir que depuis le début de la procédure, [H] [E] manque de transparence dans la description de sa situation professionnelle et financière. Ainsi :

- Les allocations que lui versait l'Assedic en 2006, sur la base d'un salaire journalier de 232,24 euros correspondent à un salaire de 6.990 euros par mois et non de 2.400 euros comme il le mentionnait sur le tableau récapitulatif de ses ressources 2005/2006.

- Il soutient qu'après avoir payé son loyer, il ne lui reste que 628 euros pour ses autres dépenses, mais il finance les études de son fils [Q] en Chine, à hauteur de 12.000 euros par an, ainsi qu'il le décrit lui-même dans une attestation.

L'argument tiré d'un emprunt auprès de la famille italienne, que [H] [E] estime établi par des reconnaissances de dette intra-familiales, n'emporte pas la conviction de la cour.

- Il collabore depuis 2007 avec une société Spaceland, start-up italienne, dont il a favorisé l'introduction en France et qui le présente comme son mentor sur son site Internet, (voir constat établi le 4 juin 2009, à une époque où [H] [E] était indemnisé par Pôle Emploi),

L'absence de contrat de travail conclu avec cette société n'est pas exclusive de relations d'affaires et de revenus professionnels autres que salariaux.

- Tout en percevant des indemnités de chômage depuis 2006, il se présente comme consultant depuis 2006 sur sa page d'accueil du réseau professionnel en ligne Xing, et indique qu'il est établi à [Localité 7]. Il annonce une expérience professionnelle de plus de 20 années et mentionne un intérêt particulier pour la langue et la culture chinoises,

- En 2011, il a collaboré avec les sociétés Supranext et HolyDucks,

- Il a travaillé pour une société 'Playadz', ainsi que l'a indiqué le directeur commercial en 2013.

Il résulte d'un constat que [A] [N] a fait établir par huissier de justice le 26 septembre 2013, qu'il a participé à un événement comme représentant de cette société au mois d'octobre 2012.

Le gérant de cette société atteste également de deux interventions de [H] [E].

L'argument tiré du statut de stagiaire que [H] [E] aurait eu auprès de cette société qui aurait mis fin unilatéralement à l'expérience (pièces à l'appui), manque de la plus élémentaire crédibilité au regard de son parcours et de son expérience professionnelle.

- Alors qu'il a affirmé au professionnel qualifié que ses comptes italiens étaient clôturés, il est titulaire avec sa mère d'un compte joint à la Banco Posta à Rome, ce qu'il ne conteste pas.

Le relevé de compte produit par [A] [N] en pièce 286, fait apparaître des retraits d'argent ou des paiements correspondant à des dépenses courantes (l'Intermarché de [Localité 6]). Apparaît aussi un versement de 5.000 euros le 9 janvier 2010.

La pièce 422 produite par [A] [N] correspond aux relevés de ce compte sur plusieurs années, qui révèlent que ce compte est alimenté en espèces et que des retraits y sont effectués en France, mais aussi en Espagne, en Italie, en Tunisie et en Chine, pays dont [H] [E] aime la langue et la culture.

A l'époque où ce compte fonctionnait, [H] [E] indiquait dans sa déclaration sur l'honneur du 22 août 2009, qu'il ne détenait que trois comptes en France (pour des soldes de -98 euros, 143 euros et 65 euros).

En 2005, il avait pourtant indiqué aux services de police, qu'il détenait un compte bancaire en Espagne, mais ne fournit aucune précision sur le sort de ce compte.

S'agissant des comptes en Italie, le professionnel a signalé dans son volumineux rapport le manque de transparence de [H] [E], indiquant 'qu'il croit pouvoir s'en tirer par des pirouettes'.

La clôture de ce compte en 2012, n'occulte en rien sa dissimulation pendant plusieurs années.

- Le passeport qu'il produit en copie fait apparaître des voyages en Bolivie, en Chine.

Des déplacements ont également été constatés par le professionnel qualifié qui a noté des débits en faveur des compagnies Air France et British Airways.

°°°

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en dépit de ses dénégations et de la stratégie qu'il a mise en oeuvre pour faire croire à son impécuniosité et à sa dépendance de la solidarité nationale, [H] [E] a toujours eu une activité professionnelle qui lui procure des revenus et qu'il continue d'en avoir une ;

qu'il ne remplit pas les conditions d'attribution d'une prestation compensatoire ;

Attendu qu'en revanche c'est à bon droit que le premier juge a retenu que la rupture du mariage créée au détriment de [A] [N] une disparité qu'il a qualifiée de significative dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'il a justement décidé que sa demande de prestation compensatoire est bien fondée en son principe ;

Attendu qu'il en a exactement évalué le montant à 300.000 euros au regard de la durée du mariage, des choix qui ont été faits par les époux, de l'état de santé de [A] [N] qui compromet ses perspectives professionnelles et de ses faibles droits à retraite ;

que le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire ;

4 - Sur la demande d'attribution préférentielle

Attendu qu'en cause d'appel, [A] [N] demande à la cour d'ordonner l'attribution préférentielle du bien situé [Adresse 3], en application des dispositions de l'article 267 du code civil ;

Attendu que depuis l'ordonnance de non conciliation, elle occupe ce bien qui constitue sa résidence principale et celle des enfants ;

Attendu que compte tenu de l'état de santé de [A] [N] et de sa situation professionnelle, il est de son intérêt, comme il est de l'intérêt des enfants qui vivent avec elle, de faire droit à sa demande d'attribution préférentielle, ce qui lui épargnera les difficultés d'un relogement qu'elle aurait du mal à assurer compte tenu de la soustraction de [H] [E] à ses obligations ;

que le bien demeurera en indivision jusqu'au partage, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 834 du code civil ;

5 - Sur les dispositions concernant les enfants

Attendu que compte tenu des situations respectives des parents, longuement décrites ci-dessus et des besoins des enfants âgés de 18 et 16 ans, il convient de fixer la contribution de [H] [E] à leur entretien et leur éducation à 300 euros par mois et par enfant à compter du 23 juillet 2012 ;

Attendu que [A] [N] sollicite la suspension du droit de visite et d'hébergement de [H] [E] sur sa fille [M] ;

Attendu que la jeune fille a été entendue par un membre de la cour le 29 mai 2014 et a exprimé la souffrance d'avoir été instrumentalisée par son père contre sa mère ;

qu'elle s'est dit fatiguée des dénigrements et des menaces, du clivage de la famille et a dit qu'elle ne croyait pas en l'affection de son père ; qu'elle se dit apaisée lorsqu'elle est protégée du conflit de ses parents ;

Attendu que [M] est âgée de 16 ans ; que son malaise doit être entendu par la cour ;

qu'il convient dans son intérêt, de suspendre le droit de visite et d'hébergement de [H] [E] ;

Attendu qu'il sera alloué à [A] [N] la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement après débats en chambre du conseil, contradictoirement,

Vu l'audition de [M] [H] le 28 mai 2014,

- Confirme le jugement rendu le 23 juillet 2012 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grasse, sauf en ses dispositions relatives au montant des dommages intérêts, au montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants et au droit de visite et d'hébergement de [H] [E] sur l'enfant [M].

- L'infirmant de ces seuls chefs et statuant à nouveau, condamne [H] [E] à payer à [A] [N] la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

- Fixe à 300 euros par mois et par enfant à compter du 23 juillet 2012 (soit 600 euros) la contribution que [H] [E] devra verser à [A] [N] pour l'entretien et l'éducation des enfants [J] et [M].

- Le condamne en tant que de besoin au paiement de cette somme.

- Suspend à compter du présent arrêt le droit de visite et d'hébergement de [H] [E] sur l'enfant [M].

- Y ajoutant, ordonne l'attribution préférentielle au profit de [A] [N] de l'immeuble situé à [Adresse 4] et figurant au cadastre de la commune sous le numéro 135 de la section BK.

- Rappelle que le bien demeurera en indivision jusqu'au partage.

- Condamne [H] [E] à payer à [A] [N] la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

- Condamne [H] [E] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/00821
Date de la décision : 02/09/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6C, arrêt n°13/00821 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-02;13.00821 ?
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