COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT SUR DEFERE
DU 31 JUILLET 2014
N°2014/386
Rôle N° 14/00805
[Z] [W]
C/
[N] [I] (MINEUR)
[Q] [T] épouse [I] (MINEURE)
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL BOULAN
SCP BADIE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Conseiller de la mise en état de la 3ème chambre A de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Décembre 2013 enregistrée au répertoire général sous le n° 11/17420.
APPELANT - DEFENDEUR SUR DEFERE
Monsieur [Z] [W]
né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 2],
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Fabienne D'ANGELO, avocate au barreau de GRASSE
INTIMES - DEMANDEURS SUR DEFERE
Monsieur [N] [I] ,
né le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 4] - ALGERIE,
demeurant [Adresse 1]
représenté et plaidant par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [Q] [T] épouse [I],
née le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 1]
représentée et plaidant par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
M. [B] [C]
pris en sa qualité de tuteur de Mme [I] née [T], désigné par ordonnance de Mme la juge des tutelles du TI de Cannes en date du 27.01.14
INTERVENANT VOLONTAIRE
représenté et plaidant par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine DEVALETTE, Présidente, et Madame Patricia TOURNIER, Conseiller.
Madame Patricia TOURNIER, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Christine DEVALETTE, Présidente
Madame Patricia TOURNIER, Conseillère (rédactrice)
Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Juillet 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Juillet 2014.
Signé par Madame Christine DEVALETTE, Présidente et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige :
Par décision en date du 20 avril 2011, le tribunal de grande instance de Grasse a notamment condamné Monsieur [W] à payer diverses sommes à Monsieur et Madame [I] avec exécution provisoire partielle, en réparation des préjudices subis par ces derniers du fait de désordres, non-conformités et inachèvements affectant les travaux de rénovation entrepris par eux dans leur villa située au [Localité 1], dont ils avaient confié la maîtrise d'oeuvre à Monsieur [W].
Monsieur [W] a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 13 octobre 2011, en intimant Monsieur et Madame [I].
Monsieur et Madame [I] ont déposé des conclusions d'incident article 526 du code de procédure civile, le 13 mars 2012 ;
l'incident a été radié suite à la décision de référé premier président en date du 9 juillet 2012, ayant suspendu le prononcé de l'exécution provisoire.
Parallèlement, Monsieur et Madame [I] avaient également saisi le conseiller de la mise en état le 6 juin 2012, de conclusions d'incident tendant au prononcé de l'irrecevabilité de l'appel interjeté par Monsieur [W], comme tardif.
Ils ont déposé le 23 octobre 2013, de nouvelles conclusions d'incident aux mêmes fins, Monsieur [I] indiquant toutefois agir désormais en son nom personnel et au nom de son épouse en sa qualité de tuteur de celle-ci, désigné à cette fonction par décision du juge des tutelles de Cannes.
En réplique, Monsieur [W] a notamment soulevé une exception tirée de la nullité de l'acte de signification de la décision déférée à la cour, intervenu le 21 juin 2011.
Par décision en date du 19 décembre 2013, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré recevable, l'acte d'appel de Monsieur [W],
- dit n'y avoir lieu à octroi de quelconques dommages intérêts ou à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens de la procédure d'incident seront supportés par Monsieur et Madame [I] et recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Monsieur [I] agissant en son nom personnel et en sa qualité de tuteur de son épouse, ainsi que celle-ci représentée par son époux, ont déféré cette décision à la cour par conclusions notifiées le 30 décembre 2013.
Par conclusions notifiées le 2 juillet 2014, Monsieur [C] est intervenu volontairement à la procédure en sa qualité de tuteur de Madame [I], désigné à cette fonction par ordonnance du juge des tutelles de Cannes en date du 27 janvier 2014.
Par leurs dernières conclusions notifiées le 2 juillet 2014, Madame [I] représentée par Monsieur [C], et Monsieur [I] agissant en son nom personnel, demandent à la cour au visa des articles 324 et 529 du code de procédure civile :
- de déclarer irrecevable comme tardif l'appel inscrit à l'égard de Monsieur [I],
- de déclarer irrecevable comme tardif l'appel inscrit à l'égard de Madame [I] représentée par son tuteur,
- de condamner Monsieur [W] aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour le recouvrement de ceux d'appel, ainsi qu'à payer aux concluants la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent notamment que la signification du jugement effectuée au nom de Monsieur [I] est régulière et que son épouse est fondée à s'en prévaloir, dès lors que le jugement profite solidairement aux époux et ne peut être définitif à l'égard de l'un et pas à l'égard de l'autre.
Par ses dernières conclusions notifiées le 27 juin 2014, Monsieur [W] demande à la cour au visa des articles 475, 117 et suivants du code civil :
- de 'constater la fin de non recevoir soutenue par le concluant en ce que Monsieur [I] ne saurait intervenir en son nom personnel à la présente procédure, ce dernier n'étant pas propriétaire du bien immobilier et n'ayant pas de ce fait de qualité pour agir',
- de confirmer la décision déférée,
- de 's'entendre dire que l'acte de signification du 21 juin 2011 est entaché d'irrégularités de fond en application des dispositions de l'article 117 du code de procédure civile et doit être déclaré nul et non avenu',
- de 's'entendre dire que le délai d'appel n'ayant pu courir, le recours interjeté le 13 octobre 2011 par Monsieur [W] est recevable',
- de condamner Monsieur [I] au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement.
Il soutient notamment que Madame [I] a été placée sous tutelle par décision du 14 décembre 2006, qu'aucun des actes de procédure accomplis devant le tribunal, puis devant la cour jusqu'au mois de juillet 2013 ne fait mention de cette décision ;
que Monsieur [I] n'est pas propriétaire du bien immobilier ayant fait l'objet des travaux, bien qui appartient en propre à son épouse avec laquelle il est marié sous le régime de la séparation de biens, qu'il n'a aucune qualité, ni intérêt à agir à titre personnel, de sorte que Monsieur [I] ne peut soutenir que la signification faite en son nom personnel est régulière ;
qu'il n'existe aucun lien de dépendance entre les intérêts de Madame [I] et ceux de son époux ;
que l'acte de signification du jugement établi au nom de Madame [I] est entaché de nullité, faute de mention qu'elle était représentée par son tuteur.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'huissier de justice a procédé le 21 juin 2011 à la signification de la décision au nom de Monsieur [I] à titre personnel.
Celui-ci disposant de la capacité d'ester en justice, la signification faite en son nom est régulière et a fait courir le délai d'appel, dès lors que le jugement signifié lui bénéficie, le tribunal ayant prononcé la condamnation de Monsieur [W] à payer diverses sommes 'aux époux [I]' ;
l'éventuel défaut de qualité ou d'intérêt à agir de Monsieur [I] que Monsieur [W] invoque, est inopérant pour l'appréciation de la régularité de la signification du jugement, et ne peut être invoqué que devant la cour statuant au fond, s'agissant d'une fin de non recevoir opposée à la demande, étant observé au surplus que Monsieur [I] occupant une partie des lieux dans lesquels les travaux ont été réalisés, dispose à tout le moins d'une qualité et d'un intérêt à agir en réparation de son préjudice de jouissance.
Il s'ensuit qu'à l'égard de Monsieur [I], l'appel interjeté par Monsieur [W] le 13 octobre 2011 est irrecevable, le délai d'appel expirant le 21 juillet 2011.
Il est constant que Madame [I] fait l'objet d'une mesure de tutelle depuis le 14 décembre 2006.
Il s'ensuit qu'elle est depuis cette date, dépourvue de la capacité d'ester en justice et ne peut accomplir aucun acte juridique ;
dès lors, la signification de la décision à laquelle l'huissier de justice a par ailleurs procédé en son nom, le 21 juin 2011 est entachée d'une irrégularité de fond par application de l'article 117 du code de procédure civile, justifiant de prononcer sa nullité.
Cette signification n'a donc pu faire courir le délai d'appel à l'égard de Madame [I].
Celle-ci est toutefois fondée à se prévaloir de la signification faite au nom de Monsieur [I] par application de l'article 529 du code de procédure civile :
en effet, si la condamnation prononcée par le tribunal l'a été au profit des époux [I], sans solidarité ni in solidum, le jugement profite néanmoins indivisiblement à Monsieur et Madame [I], dès lors que le principe de la responsabilité de Monsieur [W] à leur égard, que le tribunal a retenu à raison des fautes commises par celui-ci, et qui fonde la condamnation de celui-ci à paiement de la somme de 38 890,86 € avec réactualisation, au titre du préjudice matériel, et de celle de 16 800 € au titre du préjudice de jouissance, implique une solution au litige qui soit impérativement identique à l'égard de chacun des époux [I].
Il en résulte que l'appel interjeté par Monsieur [W] est également tardif à l'égard de Madame [I], et par conséquent irrecevable.
La décision déférée sera en conséquence infirmée.
Les dépens du déféré et ceux exposés dans le cadre de l'instance d'appel incluant l'incident objet du déféré, doivent être laissés à la charge de Monsieur [W].
Celui-ci sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
l'équité ne justifie pas l'application de ce texte au profit des époux [I].
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Donne acte à Monsieur [C] de son intervention volontaire à l'instance en tant que tuteur de Madame [I], désigné à cette fonction par décision du juge des tutelles du tribunal d'instance de Cannes en date du 27 janvier 2014.
Infirme l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 19 décembre 2013, excepté en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à dommages intérêts et à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant,
Prononce la nullité de la signification effectuée au nom de Madame [I] le 21 juin 2011, de la décision du tribunal de grande instance de Grasse en date du 20 avril 2011.
Dit que la signification de la dite décision effectuée au nom de Monsieur [I] est régulière.
Dit que Madame [I] représentée par son tuteur peut se prévaloir de la signification effectuée au nom de Monsieur [I].
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare irrecevable l'appel interjeté par Monsieur [W] le 13 octobre 2011 à l'encontre de la décision du tribunal de grande instance de Grasse en date du 20 avril 2011.
Condamne Monsieur [W] aux dépens du déféré et de la procédure d'appel dont ceux de l'incident objet du déféré, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour le recouvrement des dépens.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE