La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2014 | FRANCE | N°12/21672

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 17 juillet 2014, 12/21672


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 17 JUI.LLET 2014



N° 2014/385













Rôle N° 12/21672







Etablissement Public SERVICE DEPARTEMENTAL D'INCENDIE ET DE SECOURS DES BOUCHES-DU-RHONE





C/



[I] [K]

[U] [K]

[R] [K] épouse [S]

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Etablissement SDIS 06 ALPES MARITIMES

Organisme CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS

SAS DEXIA DS SERVICES





















Grosse délivrée

le :

à :

Me Zandotti

Me Aboudaram-cohen

Me Breu-kabesse

Me Blanco

Me Porteu de la Morandière

Me Cabanes

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 17 JUI.LLET 2014

N° 2014/385

Rôle N° 12/21672

Etablissement Public SERVICE DEPARTEMENTAL D'INCENDIE ET DE SECOURS DES BOUCHES-DU-RHONE

C/

[I] [K]

[U] [K]

[R] [K] épouse [S]

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Etablissement SDIS 06 ALPES MARITIMES

Organisme CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS

SAS DEXIA DS SERVICES

Grosse délivrée

le :

à :

Me Zandotti

Me Aboudaram-cohen

Me Breu-kabesse

Me Blanco

Me Porteu de la Morandière

Me Cabanes

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-POVENCE en date du 08 Octobre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 11/02092.

APPELANT

Etablissement Public SERVICE DEPARTEMENTAL D'INCENDIE ET DE SECOURS DES BOUCHES-DU-RHONE, [Adresse 1]

représentée par Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sylvain PONTIER, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Monsieur [I] [K]

né le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 3], demeurant [Adresse 7]

représenté et plaidant par Me Hélène ABOUDARAM-COHEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [U] [K]

née le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 4] ([Localité 4]), demeurant [Adresse 8]

représentée et plaidant par Me Hélène ABOUDARAM-COHEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [R] [K] épouse [S]

née le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 3], demeurant [Adresse 7]

représentée et plaidant par Me Hélène ABOUDARAM-COHEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

MADAME L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, Direction des Affaires Juridiques, [Adresse 3].,

représentée et plaidant par Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Service Départemental d'Incendie et de Secours des Alpes Maritimes (SDIS 06) [Adresse 2]

représentée par Me Caroline BLANCO de la SELARL BURLETT & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Candice GUIGON, avocat au barreau de NICE

[Adresse 4]

représentée et plaidant par Me Benoît PORTEU DE LA MORANDIERE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SAS DEXIA DS SERVICES Prise en la personne de son représentant légal, domicilié es-qualité au siège social sis [Adresse 6]

représentée par Me Cédric CABANES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Laure BARATHON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Avril 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2014. Le 12 juin 2014 le délibéré a été prorogé au 3 juillet 2014. A cette date, le délibéré a été prorogé au 17 juillet 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juillet 2014,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 24 juillet 2004 vers 17 h 19 un feu de forêt s'est déclenché dans le département des Bouches-du-Rhône (13), sur le territoire de la commune de Velaux dans un contexte opérationnel déjà très difficile pour le Service Départemental d'Incendie et de Secours des Bouches-du-Rhône (SDIS 13) en raison de plusieurs départs de feu importants déjà actifs.

Sous l'influence du vent, les flammes se sont propagées depuis son point de départ, la bordure de l'autoroute A7 au lieudit 'La Verane', et ont franchi le réseau autoroutier pour atteindre rapidement les communes de [Localité 5] et des Pennes-Mirabeau entraînant la fermeture temporaire de l'aéroport international de [Localité 2] Provence.

Un certain nombre de colonnes de renfort terrestres de différents départements avoisinants ont convergé vers le département des Bouches-du-Rhône dont celle composée d'agents du Service Départemental d'Incendie et de Secours des Alpes-Maritimes (SDIS 06).

La baisse du mistral en fin de nuit a permis l'appui massif des moyens nationaux aériens composés de trackers, avions bombardiers d'eau.

Au matin du 25 juillet 2004 vers 7h 15 un accident de largage va se produire, la colonne des Alpes-Maritimes ayant reçu par erreur la charge de produit retardant larguée par un tracker.

M. [I] [K], adjudant-chef des sapeurs-pompiers, a été blessé dans cet accident de service.

Il a saisi sur le fondement de l'article R.532-1 du Code de justice administrative le juge des référés du tribunal administratif de Nice qui, par ordonnance du 21 février 2007, a prescrit une mesure d'expertise médicale confiée au docteur [W] qui a déposé son rapport le 8 octobre 2007.

Il a sollicité le 25 mars 2008 du tribunal administratif de Nice une provision à valoir sur la réparation de son préjudice, à la charge du SDIS des Alpes Maritimes, qui par décision en date du 24 octobre 2008 s'est déclaré incompétent pour statuer au motif que les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigées contre une personne de droit public sont de la compétence des juridictions judiciaires en application de l'article 1er de la loi n°57-1424 du 31 décembre 1957.

Il a alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice qui, par ordonnance en date du 12 mai 2009, lui a alloué une provision de 15.000 € mise à la charge de l'agent judiciaire du Trésor Public et a désigné à nouveau le docteur [W] en qualité d'expert qui a déposé son rapport le 31 mai 2010.

Par actes d'huissier signifiés les 10, 21, 22 février 2011et le 3 mars 2011, M. [K], son épouse Mme [U] [K], sa fille Mme [R] [K] épouse [S] ont fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence l'Agent Judiciaire du Trésor Public, le SDIS 06 et le SDIS 13 en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis et ont appelé en cause, en leur qualité de tiers payeurs, la société Dexia DS Services mandataire de la société Dexia Sofcap au titre des dépenses de santé et du SDIS des Alpes Maritimes, employeur, au titre du maintien de la rémunération, ainsi que la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) prise en tant que gestionnaire de la Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales (CNRACL).

Par jugement du 8 octobre 2012, assorti de l'exécution provisoire à hauteur de moitié des condamnations prononcées, cette juridiction a

- déclaré le présent jugement commun à la CDC et à la société Dexia DS Services en leur qualité de tiers payeurs

- débouté les consorts [K] de leurs demandes tendant à voir engagée la responsabilité de l'agent judiciaire du Trésor Public et du SDIS 06

- dit que le SDIS 13 était entièrement responsable des préjudices subis par M. [K] du fait de l'accident du 24 juillet 2004 sur le fondement de l'article 1384, alinéas 1er et 5 du Code Civil

- fixé à 286 792,57 € le montant total des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux subis

par cette victime répartis comme suit

* dépenses de santé actuelles : 94.388,75 €, à déduire remboursement de l'organisme social de même montant

* pertes des gains professionnels actuels : 137.326,97 €, à déduire remboursement de l'organisme social de 111.590,07 €

* frais divers : 643,20 €

* dépenses de santé futures : 60.415,39 €, à déduire capital représentatif de l'organisme social de 59.235,39 €

* pertes de gains professionnels futurs : 274.088,50 €

* incidence professionnelle : 5.000 €

* à déduire arrérages et capital de rente invalidité : 213.774,03 €

* déficit fonctionnel temporaire : 20.918 €

* souffrances endurées : 30.000 €

* préjudice esthétique temporaire : 1.200 €

* déficit fonctionnel permanent : 96.800 €

* préjudice d'agrément : 35.000 €

* préjudice sexuel : 10.000 €

- dit qu'il convenait de déduire de cette somme les provisions déjà perçues ou précédemment accordées

- fixé respectivement à 17.000 € et à 5.000 € le montant total des préjudices extra-patrimoniaux subis en tant que victime indirecte par Mme [U] [K] et par Mme [R] [K] épouse [S]

- fixé le montant total de la créance de la société Dexia Ds Services mise à la charge du responsable, aux sommes de

* 94 388,75 € au titre des dépenses de santé actuelles servies à M. [K]

* 59 235,39 € au titre des dépenses de santé futures servies à M. [K]

* 111 590,07 € au titre des rémunérations maintenues à M. [K] durant le temps de son indisponibilité

- fixé à 213 774,03 € le montant total de la créance de la CDC mise à la charge du responsable au titre des arrérages de pension anticipée et de rente invalidité servies à M. [K]

- condamné le SDIS 13 à payer, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, à M. [K] la somme de 271.792,57 € à titre de solde indemnitaire définitif de ses préjudices corporels, patrimoniaux et extra patrimoniaux

- condamné le SDIS 13 à payer, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, à Mme [U] [K] la somme de 17.000 € à titre de solde indemnitaire définitif de ses préjudices extra patrimoniaux

- condamné le SDIS 13 à payer, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, à Mme [R] [K] épouse [S] la somme de 5.000 € à titre de solde indemnitaire définitif de ses préjudices extra patrimoniaux

- condamné le SDIS 13 à payer, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, à la société Dexia Ds Services, la somme de 265.214,21 € au titre de ses débours outre celle de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- dit qu'il appartient à l'employeur d'exercer directement l'action en remboursement des charges sociales patronales afférentes la rémunération maintenue

- condamné le SDIS 13 à payer, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, à la CDC la somme de 213.774,03 € au titre de ses débours outre celle de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- débouté l'agent judiciaire du Trésor et le SDIS 06 de leur demande à ce même titre

- condamné le SDIS 13 à payer aux consorts [K] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamné le SDIS 13 aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi elle a considéré que

'Le SDIS 13 sur le territoire duquel le feu de forêt s'est développé et au profit de qui l'intervention a été effectuée, a coordonné l'opération de lutte contre l'incendie avec le concours de 9 avions de la base aérienne de la sécurité civile chargés d'une mission d'intervention sur l'incendie et non d'une simple mission de surveillance ainsi que de deux colonnes du SDIS 06.

La garde de l'aéronef de type tracker qui a largué son produit sur la position des victimes a été transférée au SDIS 13 et le pilote en était devenu temporairement le préposé. Les échanges radioélectriques retranscrits et les déclarations des pilotes selon lesquels aucun largage n'a été effectué le 25 juillet 2004 sans l'autorisation du coordinateur aérien établissent le transfert de garde de l'appareil et la qualité de commettant temporaire du SDIS 13.

La responsabilité de l'agent judiciaire du Trésor intervenant pour la base de la sécurité civile et le ministre de l'intérieur ne peut être recherchée comme ne peut l'être non plus la responsabilité du SDIS 06, simple employeur de M. [K], ayant mis son personnel temporairement à disposition du SDIS 13 sous les ordres et le commandement duquel il agissait au moment de l'accident'.

Par acte du 19 novembre 2012, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, le SDIS 13 a interjeté appel général de la décision.

MOYENS DES PARTIES

Le SDIC 13 demande dans ses conclusions du 31 mars 2014

Vu l'article 1384 du Code Civil,

- réformer la décision entreprise

- dire que seul l'Agent Judiciaire de l'Etat peut être déclaré responsable des conséquences dommageables de l'accident subi par M. [K]

- condamner l'Agent Judiciaire de l'Etat à indemniser la victime de son entier préjudice

Subsidiairement,

- constater que la victime a commis une faute de nature à réduire de 50 % son droit à indemnisation

En tout état de cause,

- réduire le droit à indemnisation de M. [K]

- dire que les sommes offertes devront être jugées satisfactoires

- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de M. [K]

- condamner les succombants à lui payer une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il conteste avoir engagé sa responsabilité.

Il fait remarquer que la victime a choisi d'agir sur la base du rapport d'enquête rédigé par le colonel [L], chef de l'inspection de la défense de la sécurité civile, sans solliciter une expertise judiciaire sur le mode de fonctionnement des moyens aériens, ce qui nuit à la parfaite compréhension du dossier et donne une perception aléatoire des faits, des imputabilités et donc des responsabilités.

Il reprend la définition et la description des différents intervenants dans un feu complexe (COS, cadre AERO, Coordinateur aérien ICARE) tels que mentionnés dans le rapport de M. [N], ingénieur expert, mandaté par ses soins sur cet incident de largage.

Il soutient qu'il n'y a eu aucun transfert de la garde de l'aéronef au commandant des opérations de secours (COS) du feu ou au cadre AERO qui dépendent de ses services, que seul le coordinateur aérien ICARE qui dépend exclusivement de la base de la sécurité civile et donc de l'Etat, a conservé, au-delà du pilote lui-même, la garde de la chose.

Il précise que le rapport [L] indique clairement que l'accident est imputable au pilote du tracker et au coordinateur aérien ICARE puisqu'il y a eu une violation de l'Ordre d'Opération Nationale Feux de Forêt et notamment de son paragraphe 725-5-3 car, en cas de doute, le pilote doit différer le largage, que le largage litigieux a été effectué très nettement en dehors des objectifs fixés par le COS et de celui qu'aurait pu donner le coordinateur aérien à la suite des échanges radio entre 7 h et 7 h 07, que si l'erreur ne provenait pas d'un pilote du tracker (selon les témoignages unanimes des pilotes de la base aucun largage n'a eu lieu sans l'autorisation du coordinateur aérien), le coordinateur aérien doit alors en assumer la responsabilité.

Il en déduit que seule la sécurité civile, c'est à dire l'Etat, peut être responsable de ce largage, qu'il s'agisse d'un largage non autorisé imputable au pilote ou d'un largage autorisé dont la responsabilité doit être assumée par le coordinateur aérien ICARE.

Il fait valoir qu'il y a eu un feu vert de largage général donné par ICARE qui ne l'a pas modifié lorsque les avions ont changé de flanc de feu (flanc gauche à flanc droit), qu'un nouvel objectif avait donc été nécessairement assigné aux trackers qui devaient remettre en question ce feu vert permanent de sorte qu' ICARE devait reconsidérer les nouvelles zones de largage en veillant à la non présence du personnel au sol.

Il soutient que la garde des trackers ne peut avoir été transférée à l'officier AERO dont il n'est pas démontré qu'il aurait donné un ordre quelconque, clair et identifié.

Il prétend que les différents rapports établissent qu'il n'y a pas eu d'ordre de la part d'un quelconque de ses préposés, le coordinateur aérien ICARE n'ayant jamais soutenu qu'il avait eu l'accord du cadre AERO.

Il affirme qu'il ne peut être considéré comme étant devenu temporairement le commettant du pilote de l'aéronef, le temps de l'intervention.

Il ajoute que M. [K] n'a pas été mis à sa disposition, que lorsque des colonnes de renfort sont adressées d'un département à l'autre, c'est l'état major de zone qui décide de leur affectation et elles deviennent des moyens nationaux, de sorte que la victime est intervenue sur l'incendie dans ce cadre là.

Subsidiairement il invoque la faute de la victime au motif qu'il n'a pu être démontré ce que M. [K] faisait, isolé, à cet endroit.

Il propose d'indemniser les préjudices subis par M. [K] sur les bases suivantes :

- Dépenses de santé actuelles : rejet ; la victime n'invoque aucun frais à sa charge et la créance alléguée par la société Dexia n'est pas détaillée, la privant de contrôle

- Perte de gains professionnels actuels : la rémunération a été maintenue par l'employeur ; aucune perte de prime entre le mois de juin 2008 et le 2 avril 2009 n'est démontrée puisque M. [K] est toujours placé au même échelon 7, ni aucune perte de gains au titre de vacations d'un montant de 29.000 € dès lors qu'en tant que sapeur pompier professionnel M. [K] n'en perçoit pas mais seulement des heures supplémentaires ou des indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires (IFTS), à moins qu'il ne cumule ce statut avec celui de sapeur pompier volontaire mais il doit alors en justifier ; il ajoute qu'en tout état de cause l'examen des pièces produites et notamment la pièce n°168, atteste qu'il a perçu au titre de ces vacations 186,74 € en 2002, 5.473,78 € en 2003 et 2.294,5 € en 2004 de sorte qu'en présence de telles différences annuelles, il est difficile de déterminer la réalité de la perte subie, d'autant plus que ces vacations sont fondées sur le volontariat et sont aléatoires, ce qui ne permet pas de leur reconnaître le caractère de préjudice certain susceptible d'indemnisation.

- Frais divers : les frais d'expertise font partie des dépens de la procédure et les frais de transport de 243,20 € sont acceptés

- Dépenses de santé futures : accord sur les 59.235,39 € pris en charge par la société Dexia mais rejet des 1.180 € supplémentaires sollicités par M. [K] au titre du deuxième renouvellement des couronnes supra implantaires, alors que cette dépense est mentionnée dans le descriptif de la créance du tiers payeur et fera nécessairement l'objet d'une prise en charge par cet organisme et par la mutuelle, ce qui constituerait un enrichissement sans cause

- Perte de gains professionnels futurs

* consécutive à la mise en retraite anticipée le 2 avril 2009 : M. [K] perçoit à titre de retraite anticipée 1.190,92 € outre une pension d'invalidité de 1.162,29 € soit au total 2.353,21 € par mois alors que son salaire annuel de référence était de 29.069,17 € soit 2.422,43 € par mois ; sa perte de gains subie entre le mois de mai 2009 et le mois d'août 2012 (date effective du départ en retraite) s'établit à 1.868,94 € (2.422,43 € ' 2.353,21 € = 69,22 € x 27 mois).

* à partir de l'âge de la retraite : Aucune estimation de la pension de retraite pour un départ à 60 ans n'est versée aux débats de sorte que l'écart entre les sommes perçues et la pension à laquelle il aurait pu prétendre ne peut être déterminée ; M. [K] qui exerce en tant que pompier volontaire depuis 1968 et donc l'âge de 16 ans pouvait prétendre à sa retraite anticipée avec une pension de retraite complète, disposant du nombre de trimestres requis de sorte qu'il ne justifie pas d'une perte de gains à ce titre.

- Incidence professionnelle : les 5.000 € alloués par le jugement sont acceptés

Préjudices extra patrimoniaux

- Déficit fonctionnel temporaire : total : 460 € et partiel : 19.875 €

- Souffrances endurées : 23.000 €

- Préjudice esthétique temporaire : rejet

- Déficit fonctionnel permanent (44%) : 88.000 €

- Préjudice d'agrément : 8.000 €

- Préjudice sexuel : rejet

Il conclut au débouté des demandes d'indemnisation des victimes par ricochet, excessives et non étayées par des éléments justificatifs.

Les consorts [K] demandent dans leurs conclusions du 15 avril 2013 de

Vu l'article 1 de la loi du 31 décembre 1957, l'article L141-2 du Code de l'Aviation Civile, l'article 1384 alinéa 1 du code civil

- recevoir leur appel incident sur les responsabilités, les frais divers, la perte des gains professionnels actuels, les pertes de gains professionnels futurs,

- réformer le jugement sur ces points et le confirmer pour le surplus,

Sur les responsabilités

A titre principal,

- dire que la base d'aviation civile prise en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat est responsable de leur entier préjudice

A titre subsidiaire,

- dire que le SDIS 13 est responsable de leur entier préjudice

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que le SDIS O6 est responsable de leur entier préjudice

- dire que M. [K] n'a commis aucune faute de nature à réduire son droit à indemnisation

- débouter le SDIS 13

Sur la liquidation des préjudices

- allouer à M. [K] les sommes suivantes :

* 25.838,43 € au titre de pertes des gains professionnels actuels

* 1.443,20 € au titre des frais divers

* 20.918 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

* 30.000 € au titre des souffrances endurées avant consolidation

* 1.200 € au titre du préjudice esthétique temporaire

* 1.180 € au titre des dépenses de santé futures

* 177.956,86 € au titre de pertes de gains professionnels futurs

* 5.000 € au titre de l'incidence professionnelle

* 96.800 € au titre du déficit fonctionnel permanent

* 30.000 € au titre du préjudice d'agrément

* 10.000 € au titre du préjudice sexuel

- constater que les sommes soumises à recours des tiers payeurs ont déjà été déduites de l'évaluation du préjudice.

- dire qu'il sera alloué à Mme [U] [K] la somme de 17.000 € en réparation de son préjudice, tous chefs confondus

- dire qu'il sera alloué à Mme [R] [K] épouse [S], la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice moral

- condamner à titre principal la base d'aviation civile prise en l'agent judiciaire de l'Etat pour le compte de la base d'aviation civile, à titre subsidiaire le SDIS 13 et à titre infiniment subsidiaire de SDIS 06 à verser les condamnations prononcées à M. [K], Madame [U] [K], et Madame [R] [K] épouse [S]

- assortir les condamnations à intervenir du taux d'intérêt légal à compter de la demande en justice, et prononcer la capitalisation des intérêts.

- débouter le SDIS 13 de toutes ses demandes, fins et prétentions

- condamner la partie succombante à leur verser la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner la partie succombante aux entiers dépens, en ceux compris les frais d'expertise, avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [K] fait valoir qu'il a été victime d'un accident de service, qu'il a été appelé en renfort pour un incendie dans les Bouches du Rhône, qu'il a été affecté sur le secteur de [Localité 5], que le 25 juillet 2004 vers 8 heures alors qu'il faisait le point avec son lieutenant sur la stratégie à employer, ils ont été tous deux atteints par un largage de produit retardant effectué par un aéronef tracker de la sécurité civile volant à 30 mètres d'altitude qui a largué par erreur 3 tonnes de produit retardant hors périmètre du front actif, en dehors des objectifs fixés par le COS et de celui qu'aurait pu donner le coordinateur aérien à la suite des échanges radios entre 7 h et 7 h 07 de sorte que même si on peut noter une certaine liberté dans les procédures, il y a bien eu erreur de largage dont la responsabilité est à imputer au pilote du tracker non identifié ou au coordinateur aérien, si comme l'on écrit tous les pilotes, aucun largage n'a eu lieu sans l'autorisation de ce dernier.

Il en déduit que le tracker étant la propriété de la base d'aviation de la sécurité civile et par extension de l'Etat, l'agent judiciaire du Trésor doit être condamné à l'indemniser de son entier préjudice, dès lors qu'il n'est pas manifeste, au vu des éléments versés aux débats, que la garde de l'avion ait été transférée au SDIS 31.

Subsidiairement, il sollicite la confirmation du jugement et encore plus subsidiairement recherche la responsabilité de son employeur, le SDIS 06.

Il soutient qu'en toute hypothèse il n'a commis aucune faute susceptible de réduire son droit à indemnisation.

Il indique que le chef de la colonne n° 2 des Alpes Maritimes était le lieutenant [Y], son supérieur direct, qui a expliqué avoir vers 7 heures du matin fini de remplir la mission confiée par le chef de sous secteur [Localité 5] 22 (le capitaine Chanteclair), lequel ne répondait pas ses appels alors qu'il sollicitait de nouvelles instructions de sorte que, de fait, cette colonne n'était pas en contact avec lui, qu'il a alors reçu des instructions d'un autre chef de secteur, [Localité 5] 25 qui lui a dit être sur le flanc droit et en difficultés, qu'il est allé le renforcer avec le groupe Est, qu'après un contact physique avec lui il lui a donné comme objectif

d'empêcher le feu de traverser la piste située sur un plateau de l'[Localité 1] dans l'axe du radar de [Localité 5], que l'accident s'est produit alors que lui-même rejoignait avec son lieutenant la nouvelle position affectée.

Il souligne que le vent violent et la force de l'incendie ont conduit à une certaine désorganisation des forces des secours qui avaient des difficultés de communication, de sorte qu'aucun grief ne saurait être formulé contre lui, que seule l'erreur de largage, quelle que soit son origine (pilote larguant sans autorisation ou erreur de cible) est le fait générateur de son préjudice.

Il estime avoir perdu, au titre des gains professionnels actuels, une prime de chef de groupe à compter de juin 2008 en raison de l'impossibilité pour lui de procéder aux opérations de renouvellement de ce statut qui va passer du taux salarial de 7 à celui de 4 soit une réduction de 63,48 € de mai 2008 à 36,64 € les mois suivants soit un manque à gagner de 26,73 € par mois qui doit être calculé par rapport non pas à la moyenne des années précédentes mais avec le dernier montant perçu avant la baisse soit la somme de 294,03 € ; il ajoute avoir également perdu les vacations effectuées pour la prévention des feux de forêt et les interventions réalisées en tant que maître chien, dans le cadre de son activité spécialisée cynotechnique depuis de très nombreuses années à raison d'une moyenne de 456,15 € par mois soit 25.544 € sur 56 mois de l'accident à la consolidation.

Il chiffre à 1.443,20 € ses frais divers au titre des honoraires de son médecin conseil et des frais de déplacements.

Il sollicite la réparation de son déficit fonctionnel temporaire sur la base de 25 € par jour pendant la période d'incapacité totale, de 13 € pendant la période d'incapacité partielle à 50 % et de 10 € par jour pendant la période d'incapacité partielle dégressive.

Il souligne, au titre des frais de santé futurs, que la créance de la société Dexia n'intègre qu'un seul renouvellement des couronnes supra implantaires, alors que deux renouvellement sont prévus par l'expert judiciaire soit 1.180 € à sa charge, alors que sa mutuelle ne procède au remboursement que si l'acte de soin est pris en charge par l'organisme social principal.

Il soutient au titre des pertes de gains professionnels futurs que la pension d'invalidité et la rente d'invalidité ne doivent pas être prises en compte dans leur calcul, qu'il ne faut retenir que la somme perçue au titre de la pension de retraite soit 1.190,92 € net par mois alors que l'année précédente en 2008 son revenu annuel était de 2.851 € net mensuel ; il en déduit que sa perte de salaires au titre de sa mise à la retraite anticipée en juin 2009 alors que son départ serait normalement intervenu à son 60ème anniversaire en août 2012 s'établit à la somme de 44.828,91 € (2.851,25 € - 1.190,92 € = 1.660,33 € x 27 mois) à laquelle il faut rajouter les pertes de gains au titre des vacations non effectuées soit 12.316,05 € (456,15 € x 27 mois) et les pertes sur la pension de retraite puisqu'il n'a pu cotiser jusqu'à 60 ans et au-delà afin de bénéficier d'une surcôte et que le salaire de base retenu est inférieur à celui qui aurait du être pris en considération s'il avait poursuivi son activité soit, selon une projection établie par son organisme de retraite le 10/04/2013 la somme de 1.738,98 € net par mois soit une perte de 548,06 € par mois (1.738,98 € - 1.190,92 €) ou 6.576,72 € par an soit après capitalisation selon l'euro de rente viagère de 16,235 une indemnité de 107.364,95 €, ce qui donne un total de 177.956,86 €.

Il réclame une augmentation de l'indemnisation allouée par le tribunal pour le déficit fonctionnel permanent.

L'épouse et la fille de M. [K] demandent la confirmation des indemnités personnellement allouées.

L'agent judiciaire de l'Etat sollicite dans ses conclusions du 1er avril 2014 de

Vu l'article 1384 al 1 er du Code Civil

- débouter les consorts [K] ainsi que le SDIS 13 de leurs demandes

- confirmer le jugement qui a déclaré le SDIS 13 entièrement responsable des préjudices subis par M. [K] sur le fondement des alinéas 1 et 5 de l'article 1384 du Code Civil.

- lui allouer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel

- condamner les succombants en tous les dépens, ainsi qu'aux frais de timbres judiciaires, avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il fait valoir qu'en sa qualité de propriétaire de l'avion, la base d'aviation de la sécurité civile et par extension le ministère de l'Intérieur est présumé gardien des trakers au sens de l'article 1384 alinéa 1 du Code Civil mais qu'il démontre avoir transféré les pouvoirs de

contrôle et de direction qui caractérisent la garde au SDIS 13 puisque ces appareils avaient été mis à la disposition de ce dernier qui doit se voir reconnaître, au sens de l'alinéa 5 de ce même texte, la qualité de commettant du pilote de l'avion au moment de l'accident, qui était, tout comme l'équipage et les opérations de largage, sous l'autorité du chef de groupement commandant de cet établissement public.

Il indique que tant le rapport [N], non contradictoire dont les conclusions ne sauraient en conséquent être prises en compte comme absolues, ainsi que le rapport [L] ont parfaitement souligné l'existence d'une communication défaillante entre les différents intervenants lors de l'opération de lutte contre l'incendie le 24 juillet 2004 sur le territoire de la commune de Velaux.

Il fait remarquer que la collaboration entre 'AERO' (dépendant du SDIS 13) et ' ICARE' (dépendant de l'Etat) a de ce fait probablement mal fonctionné, et qu'il apparaît particulièrement difficile dans ces conditions d'entrer dans les détails des prises de décision mais que la confusion des ordres ne permet pas de relever une faute de service émanant soit du coordinateur aérien (ICARE), soit d'un pilote, au moment où l'opération de lutte contre l'incendie était en voie d'achèvement.

Il estime que le SDIS 13 ne peut se dédouaner de sa responsabilité au seul prétexte que l'acte de largage, si tant est que cela fut prouvé, aurait été initié par le coordinateur aérien ICARE dépendant de l'Etat, sans l'aval du cadre AERO chargé de la prise en compte des moyens aériens ou du commandant des opérations de secours (COS) dépendants tous deux du SDIS 13.

Il ajoute que même à supposer que le coordinateur aérien ou le pilote ait commis une erreur, il ne peut être considéré que leur responsabilité personnelle l'emporterait sur la responsabilité du fait d'autrui, dès lors qu'ils ont agi dans le cadre d'une mission particulière, conduite et dirigée au sommet par le COS.

Il fait valoir que la coordinateur aérien ICARE agissait au titre des opérations de secours visant à éteindre l'incendie, de sorte que les actes effectués et destinés à assurer les fonctions de gestion aéronautique et de coordination de l'activité aérienne s'inscrivent dans ce but opérationnel, que les largages effectués, quels qu'ils soient, et même entachés d'une erreur, ne peuvent être détachés de cette mission globale dont le COS assure la mise en place, l'organisation et l'exécution, notamment avec le concours du coordinateur aérien.

Il affirme que c'est parce que la mission du coordinateur aérien est directement dépendante de celle du COS qui est plus globale que d'une part, la garde de l'avion a été transférée le temps des opérations au SDIS 13, et que d'autre part, la responsabilité du SDIS 13 se trouve engagée si l'un des participants aux opérations de secours commet une faute que l'on pourrait considérer comme non détachable de ses fonctions.

Il estime que le SDIS 13 au profit duquel l'opération était effectuée, devient temporairement commettant du pilote de l'aéronef soumis, le temps de l'intervention, à l'autorité du coordinateur aérien, placé lui-même sous l'autorité du COS qui donne, avec l'aval de l'AERO, les autorisations de largage.

Il ajoute que, dans le cadre d'une mission de service public, la responsabilité de l'accident et la prise en charge de ses conséquences dommageables incombent à l'entité au profit de laquelle l'intervention était effectuée.

Le SDIS 06 a constitué avocat mais ses conclusions déposées le 18 février 2013 ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 juin 2013 devenue irrévocable.

La CDC demande dans ses conclusions du 10 avril 2013 de

Vu l'ordonnance n°59-76 du 7 janvier 1959 modifiée par la loi du 5 juillet 1985,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- lui donner acte du montant de sa créance, savoir 213.774,03 €,

- condamner in solidum le tiers responsable et sa compagnie d'assurance

* au remboursement du capital représentatif de sa créance majoré des intérêts de droit à compter du prononcé du jugement,

* au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

* aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les responsabilités

La détermination des responsabilités exige, au préalable, de connaître le rôle de chacun des intervenants dans l'opération de secours.

La lecture du document intitulé 'Ordre d'opération national feux de forêt 2004" émanant du ministère de l'intérieur Direction de la défense et de la sécurité civiles (pièces n° 2 de l'appelant) conduit à retenir l'organisation opérationnelle suivante.

Le commandant des opérations de secours (COS), qui est le directeur départemental des services d'incendie et de secours ou, en son absence, le sapeur pompier désigné pour commander l'opération, assure l'engagement de l'ensemble des moyens, dont les moyens nationaux mis à sa disposition . Cet officier prend pour indicatif COS + nom de la commune du départ de feu. Il tient compte, dans son idée de manoeuvre, des impératifs de sécurité et fait respecter la discipline radio (fréquences et procédures définis par les radars nationaux et zonaux des transmission, modulation des fréquences en fonction des niveaux).

Dès la demande de moyens aériens (nationaux ou locaux) sur un site d'intervention et quel que soit leur mission, le COS désigne un cadre AERO ; ce dernier dont l'indicatif est AERO + nom du feu est chargé sous l'autorité du COS de la prise en compte des moyens aériens. Il veille en permanence à la fréquence tactique air/sol du sinistre jusqu'à ce que le dernier aéronef ait quitté définitivement le site.

Le cadre AERO est chargé sous l'autorité du Cos de la prise en compte des moyens aériens ; il a pour fonction, par délégation du COS et en application de ses instructions, la gestion directe des aéronef mis à sa disposition ; il est en liaison permanente radio avec le COS, il assure en priorité l'interface entre le COS et le responsable de la coordination aérienne (ICARE) ; dans le cadre de son dialogue avec le responsable de la coordination aérienne, il indique l'idée de manoeuvre retenue par le COS, les effets attendus des largages ; en liaison avec le chef de secteur concerné et sous l'autorité du COS il assure la sécurité Air/Sol du chantier. A ce tire il renseigne son correspondant sur le positionnement des troupes au sol (il fait mettre en sécurité les personnels situés dans les zones de largage avant de donner l'accord du largage) (cf Annexe III.6).

Le Coordinateur aérien (ICARE) assume des fonctions de gestion aéronautique et de coordination de l'activité aérienne ; 'il obtient du COS ou de l'AERO l'autorisation de largage et la confirme aux avions de la noria en présentation' ( cf Annexe III 4) ; il refuse ou fait modifier les manoeuvres qui sont incompatibles avec les règles de sécurité ; il suspend et annule la mission s'il estime la sécurité engagée.

Au chapitre 7.25.5.3. 'Exécution des missions de lutte des aéronefs bombardiers d'eau de la direction de la défense et de la sécurité civiles' il est précisé que lors de la première prise de contact avec les bombardiers d'eau (chef de noria ou coordinateur aérien) le COS précise son idée de manoeuvre, fixe les zones d'application et l'effet souhaité. Il donne toutes informations utiles sur l'engagement des moyens terrestres et sur les conditions particulières locales . Le COS désigne l'interlocuteur des aéronefs (fonction AERO) qui veillera en permanence la fréquence air/ sol et prendra toutes dispositions pour avertir les chefs de secteur concernés de la présence des bombardiers d'eau.

Les autorités habilitées pour la désignation de l'objectif sont dans l'ordre : le COS (par délégation, l'officier d'appui aérien : AERO), le coordinateur aérien en l'absence des autorités ci-dessus, ponctuellement l'investigateur aérien sur demande du COS.

Aucun largage ne doit être effectué sans autorisation ou en l'absence de contact radio avec le sol. Le coordinateur aérien ou le commandant de bord doit refuser le largage sur un objectif s'il juge les conditions défavorables ou la sécurité des personnels insuffisante. Le COS ou l'AERO s'assurent que les mesures appropriées relatives à la sécurité des personnes au sol -qui doivent être visibles- ont été prises pour les largages. Dans le doute le pilote diffère le largage. Le COS (AERO) en sera informé par le commandant de bord d'un avion isolé ou le chef de noria.

Cette organisation et ces taches sont confirmée par l'examen du rapport d'enquête du colonel [L] et du rapport de M. [N].

Elles sont reprises dans les conclusions respectives de chacune des parties qui ne sont en désaccord que sur les conséquences juridiques à en tirer relativement au largage aérien intervenu le 25 juillet 2004, objet du présent litige, au cours duquel M. [K] a été blessé au sol.

Les données de faits ressortent des auditions et entretiens menés par le colonel [L] et divers documents annexés à son rapport qui établissent que 'le 25 juillet 2004 à partir de 2 h 20 le [Adresse 5] (CODIS) du département des Bouches du Rhône (Préfet) sur injonction du COS demande au centre opérationnel de zone un engagement massif des moyens aériens nationaux qui sont consentis avec 9 machines qui entrent en action à partir de 6 H 30 pour atteindre 12 vers 8 h 20.

La stratégie définie à ce moment là consiste à utiliser les CL 145 qui sont très près de leur point d'écopage sur la lisière droite du feu, c'est-à-dire sur la parties sud, entre la tête du feu et le radar de [Localité 5], point remarquable en particulier dans le domaine aéronautique. La mission s'est déroulée sans incident, les CL 145 effectuant la mission assignée.

L'engagement des autres aéronefs chargés avec du retardant avait pour objet, dans le cadre de la stratégie initialement arrêtée par le COS, de poser une barrière évitant les reprises, au nord de la vigie sur le flanc gauche, en partie arrière, dans un relief difficile (fortes pentes donnant accès au plateau de l'[Localité 1]). Les lisières sur cette dernière zone, au moment de la demande, n'étaient pas actives.

Sur le flanc droit, au nord du radar de [Localité 5] subsistaient par contre des foyers résiduels, très visibles sur lesquels étaient engagés des moyens au sol.

Peu avant 7 h 14, un avion bombardier d'eau, de type tracker, a effectué un largage hors du périmètre du front actif, touchant deux cadres qui n'étaient pas sur le front du feu.

Le chef de sous secteur (indicatif [Localité 5] 25) informe immédiatement le PC de l'incident qui ordonne à l'officier aéro de faire cesser les largages sur ce secteur.'

L'analyse des enregistrements radio effectués par cet enquêteur l'ont conduit à constater que les intervenants définissent les zones de largage sans faire référence à des points remarquables portés sur les cartes IGN ni aux points cardinaux et encore moins aux coordonnées DFCI, que l'enchaînement est rapide, que les indicatifs radio ne sont pas respectés (l'officier AERO, fonction exercée par le chef de centre de [Localité 5] s'adressait au coordinateur aérien ICARE sous l'indicatif d'autorité MERLIN VIT), que le positionnement de l'AERO ne lui permettait ni d'avoir une vision suffisamment large du dispositif ni d'obtenir des liaisons radio électriques fiables avec le PC VELAUX et ICARE'.

Le colonel [L] a également pu constater que les déclarations orales et écrites des intervenants terrestres et aériens ne concordent pas et notamment les déclarations a posteriori de l'officier AERO et du coordinateur aérien ICARE, que si les comptes rendus des pilotes soulignent qu'aucun largage n'a pu avoir lieu sans ordre du coordinateur aérien les déclarations manquent de précisions et ne concordent pas toujours avec les enregistrements radios, que les enregistrements radio des deux messages du chef de secteur 'ALL21" n'indiquent pas plusieurs largages sur le lieu ou à proximité immédiate où se trouvaient les deux sapeurs pompiers blessés, qu'à 7 H 12 il signale l'abandon par les avions terrestres de leur objectif initial et à 7 h 14 il déclare le largage sur son propre groupe qui fait deux blessés, que dans son courrier du 23 août2004 le coordinateur aérien le jour des faits affirme qu'il a bien eu un interlocuteur sous l'indicatif AERO entre 7 h et 7 h 10, que cet indicatif n'a pas été entendu sur les enregistrements, qu'en effet le chef de centre de [Localité 5], officier AERO, utilisait son indicatif d'autorité MERLIN VIT. Il précise sur ce point que 'le message de 7 h 07 de Merlin VIT c'est-à-dire l'officier AERO n'est pas intégralement enregistré et on ne sait pas à qui il s'adresse ; peut-être au PC Velaux à l'attention du COS seul autorisé à modifier la tactique. Cependant le message de 7 h 12 ALL 21 (chef de secteur) indique bien que les avions Tracker ont déja abandonné leur objectif initial. Ce que confirme la transcription de 7 h 14 .'

Les documents annexés (retranscription bande radio PC de BERRE, compte rendu de l'AERO du 10/08/2004, compte rendu du chef de secteur du 12/08/2004 flanc droit [Localité 5], compte rendu d'ICARE du 17 août 2004) confirment ces divergences et traduisent des incertitudes sur le déroulement exact de l'incident qui n'ont pu être levées.

Au-delà de ces discordances, la situation juridique et la recherche des responsabilités doit être appréciée au regard des dispositions de l'article 1384 du code civil, fondement invoqué par les parties.

L'avion de type Tracker, à l'origine du dommage, faisait partie des moyens nationaux de la Direction de la Défense et de la Sécurité civiles dont le COS Velaux de la SDIS 13 a lui-même sollicité et obtenu l'engagement massif sur le site d'intervention du feu de forêt de Velaux.

Il dépendait donc du SDIS 13, établissement public départemental doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière qui, ayant fait appel aux moyens dont il pouvait disposer pour circonscrire l'incendie conformément à sa mission de service public, était celui au profit duquel l'intervention de lutte était effectuée.

Par l'effet de sa demande d'engagement et durant toute l'opération de mise à sa disposition, le SDIS 13 est ainsi devenu temporairement le commettant du pilote de l'aéronef, étant souligné que le rapport de préposition naît de la seule existence du pouvoir de commandement.

Le pilote agissait sous les directives, instructions et autorisations du COS, maître du dispositif d'ensemble avec l'aide du cadre AERO, notamment pour les ordres de largage.

Lors du largage qui a causé le dommage, il opérait pleinement dans le cadre de ses fonctions et de l'exécution des tâches confiées.

N'ayant aucun pouvoir de contrôle et de surveillance caractérisant la notion de garde, le pilote de l'appareil Traker est resté soumis à l'autorité du commettant, seul gardien de la chose à l'origine du dommage au sens de l'article 1384 alinéa 1 du code civil.

Aucune faute de la victime ayant concouru à la réalisation de son dommage n'est, par ailleurs, démontrée alors que la charge de la preuve pèse sur celui qui l'invoque.

Suivant attestation du 8 avril 2013 M. [Y] indique qu'il était le supérieur hiérarchique de M. [K] et 'qu'ils venaient en renfort d'un autre groupe déjà positionné avec deux autres groupes de 4 camions feux de forêt, que le chef de sous secteur qui les a accueilli a été formel : il n'y avait pas d'avion bombardier d'eau sur le flanc ; nous venions en renfort d'un de nos groupes, en difficulté, du fait qu'il était esseulé ; il y a eu plus de trente témoins de cet accident'.

Le rapport [L] indique formellement que les deux victimes de l'erreur de largage, dont M. [K], n'ont rien à se reprocher (page 8) ; et le SDIS 13 ne produit pas le moindre élément contraire, ce qui exclut toute faculté pour ce gardien d'invoquer une exonération partielle de la responsabilité de plein droit qui pèse sur lui.

Le SDIS 13 doit, dès lors, être déclaré responsable du largage litigieux et tenu d'en réparer les conséquences dommageables pour M. [K] ; le jugement sera confirmé sur ce point.

L'agent judiciaire de l'Etat et le SDIS 06 ont également été, à bon droit, mis hors de cause par le premier juge.

Sur l'indemnisation

L'expert [W] indique dans son rapport, établi après avis d'un sapiteur dentiste M. [Z] et d'un sapiteur psychiatre M. [B], que M. [K] a présenté un traumatisme crânien avec perte de connaissance, un traumatisme cervical sans lésion fracturaire, un traumatisme dorso-lombaire sans lésion ostéo-discale, un état polycontusionnel bénin (genoux, sternum et membres supérieurs), un choc psychologique qui ont nécessité une hospitalisation pour bilan complet et ont entraîné l'apparition d'une phlébite des membres inférieurs ayant généré une embolie pulmonaire massive (bilatérale) avec embolie cérébrale paradoxale à l'étage sous-tentoriel avec une nouvelle hospitalisation dans le service de réanimation cardiologique.

Il précise que l'évolution a été émaillée de multiples complication avec

* une pérennisation algique au niveau du rachis cervical et dorso lombaire et au plan musculaire nécessitant un suivi rhumatologique rapproché (nombreux traitements itératifs comportant antalgiques, anti-inflammatoires, myorelaxant et rééducation fonctionnelle intensive et prolongée)

* des lésions dentaires impliquant les dents 46, 47, 24, 25 et exigeant un remplacement prothétique

* des troubles cochléo vestibulaires caractérisés par la persistance d'acouphènes bilatéraux et troubles vertigineux nécessitant traitements vasculotropes, antivertigineux et séances de rééducation vestibulaire

* des troubles ophtalmologiques (troubles de la convergence associés à un larmoiement chronique) nécessitant des séances de rééducation orthoptique, le port de correction par prismes et instillations régulières de collyres

* une décompensation anxio dépressive majeure (avec insomnies, cauchemars, inhibitions psychomotrice, troubles thymiques et mnésiques) imposant un suivi psychiatrique rapproché et l'institution d'un traitement psychotrope au long cours

* une décompensation d'un foramen ovale ayant nécessité une hospitalisation du 11 au 15 juillet 2007 en milieu spécialisé aux fins de pratiquer un cathérisme droit avec fermeture percutante du foramen et mise en place d'une prothèse type Saint Jude

Il affirme que les lésions constatés et soins entrepris sont bien en relation directe et certaine avec les suites de l'accident du 25 juillet 2004 excluant la dolorisation pérenne d'un état antérieur dégénératif et traumatique du rachis lombaire et le foramen ovale qui préexistait mais a été compensé par le traumatisme subi.

Il conclut à

- une interruption totale des activités professionnelles du 25 juillet 2004 au 2 avril 2009

- un déficit temporaire total du 25/07/2004 au 27/07/2004, du 7/08/2004 au 17/08/2004, du 11/07/2007 au 15/07/2007 correspondant aux périodes d'hospitalisation

- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 18/08/2004 au 10/07/2007

- un déficit fonctionnel temporaire partiel progressivement dégressif du 16 juillet 2007 au 2 avril 2009

- un préjudice né des souffrances endurées de 5,5/7

- un préjudice esthétique temporaire négligeable

- une consolidation au 2 avril 2009

- une inaptitude à son activité professionnelle

- un déficit fonctionnel permanent de 44 % directement imputable à l'accident

- un préjudice d'agrément permanent pour toutes les activités sportives ou de loisirs imposant des efforts et notamment le vélo, et certaines taches lourdes de bricolage ou jardinage, à documenter

- l'absence de préjudice esthétique permanent

- un préjudice sexuel partiel.

Ce rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu, notamment, des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime (né le [Date naissance 1] 1952), de son activité (sapeur pompier), de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale, en tenant compte, conformément à l' article 31 de la loi du 5 juillet 1985, applicable quelle que soit la nature de l'événement ayant occasionné le dommage, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 94.388,75 €

Ce poste est constitué des prestations en nature prises en charge par la Sas Dexia Services, la victime n'invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

L'intégralité des décomptes de chacun des débours exposés a été communiqué en original et forme la pièce 2 composée de plus de quatre cents feuillets de sorte que la créance de ce chef est suffisamment justifiée

- Frais divers1.443,20 €

Ils sont représentés par

* les honoraires d'assistance à expertise par le docteur [O], médecin conseil, soit 1.200 € au vu des factures d'honoraires produite du 11 décembre 2007 (800 €) et 5 août 2009 (400 €).

* les frais de transport exposés pour se rendre aux différents examens médicaux des visites de contrôle et séances de rééducation suivant justificatifs produits à hauteur de 243,20 €

Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l'accident, sont par la même indemnisables.

- Perte de gains professionnels actuels137.428,10 €

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

M. [K] a bénéficié du maintien de son salaire et accessoires par son employeur, le SDIS 06, de l'accident à la consolidation à hauteur de la somme de 111.590,07 € suivant décompte de prestations versées aux débats par la société Dexia Services qui a procédé au paiement pour son compte.

Au vu des bulletins de paye produits, sa prime de 'chef unité de sauvetage' a été remplacée à compter de juin 2008 par une prime de 'chef de groupe', réduite de près de moitié par rapport à celle de mai 2008 passant de 63,48 € à 36,75 €.

M. [K] a, donc été privé d'une partie de rémunération de juin 2008 à avril 2009 à hauteur de 26,73 € par mois (63,48 € - 36,75 €), ce qui représente une perte de 294,03 € (26,73 € x 11 mois).

Il a également perdu pour la période de l'accident à la consolidation soit pendant 56 mois la rémunération des vacations pour la prévention des feux de forêts et des interventions effectuées en tant que maître chien ; au vu des pièces produites et notamment de celle n° 156 intitulée ' synthèse des activités payées à un agent' dressé par le centre de secours de [Localité 3], ces gains représentaient une moyenne de 456,15 € par mois, ce qui donne une perte globale de 25.544 € de ce chef.

La perte de gains professionnels actuels à la charge du tiers responsable s'établit ainsi pour la période d'interruption totale des activités professionnelles de 56 mois retenue par l'expert, du 24/07/2004 au 2 avril 2009, à la somme de 137.428,10 €.

Après imputation de la créance de la Sas Dexia de 111.590,07 € au titre des indemnités journalières versées du 27/07/2004 au 1/04/2009 il revient à la victime une indemnité de 25.838,03 €.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures60.415,39 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Ce poste correspond aux frais futurs

* pris en charge par la Sas Dexia soit 59.235,39 € au titre des dépenses pharmaceutiques (2.178 € par an) des séances de rééducation orthoptique (714 € par an) des bas à varice (78 € par an) de la surveillance cardio pulmonaire (486 € par an) des séances de rééducation fonctionnelle (1.536 €) de rééducation respiratoire (1.372 €) d'un renouvellement des couronnes supra implantaires (1.180 €)

* restant à la charge de la victime à raison de 1.180 € au titre du second renouvellement des couronnes supra implantaires, ainsi que prévu par l'expert judiciaire, qui n'est pas intégré dans la créance du tiers payeur

- Perte des gains professionnels futurs130.642,29 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

M. [K] n'a jamais repris son emploi, étant inapte à l'exercer à nouveau comme à exercer toute autre activité professionnelle et a été mis à la retraite anticipée pour invalidité le 1er mai 2009.

Les lésions subies lors de l'accident sont ainsi à l'origine d'une perte certaine et chiffrable de gains professionnels pour l'avenir sur la base de 2.851,25 € net par mois, comme demandé, au vu du bulletin de paye de décembre 2008 laissant apparaître un cumul net imposable de 34.215,19 euros et de son avis d'imposition pour cette année là intégrant le salaire de base et les différentes et nombreuses primes, ce qui représente pour la période ayant couru du 1er mai 2009 jusqu'au 14 août 2012, date de mise à la retraite à 60 ans qui est la limite d'âge de son emploi soit pendant 39,5 mois (et non 27 mois comme noté par erreur dans les écritures de la victime) la somme de 112.624,37 €.

S'y ajoute la rémunération des vacations pour la prévention des feux de forêts et interventions effectuées en tant que maître chien de 456,15 € par mois, soit pour cette même période de 39,5 mois, la somme de 18.017,92 €.

La perte de gains après consolidation s'établit ainsi à 130.642,29 € pour la période du 1/05/2009 au 14/08/2012.

Au-delà de cette date, aucune perte de revenus n'est, en revanche, démontrée.

Il est allégué une perte sur la pension de retraite.

Mais d'une part, M. [K] perçoit depuis le 1er juin 2009 une rente d'invalidité qui donne lieu à validation gratuite de trimestres assimilés à des périodes d'assurance pour le calcul de la pension vieillesse et il disposait déjà à cette date de tous les trimestres liquidables pour une retraite complète (pièces 157 et 158) ; d'autre part, il ne verse aux débats aucun document relatif au montant de la pension de retraite qui lui est effectivement servie depuis le 15/08/2012 ; les avis d'imposition produits s'arrêtent aux revenus de l'année 2009 (pièce 165) et la dernière attestation de paiement de la CNRACL au 13 décembre 2010 et donc au titre de la seule pension de retraite anticipée pour invalidité (pièce 167) ; de telles pièces actualisées étaient pourtant aisées à communiquer et seules de nature à revêtir une valeur probante, à l'exclusion d'une simple simulation de pension personnelle de retraite éditée sur le site internet de la CNRACL qui n'engage pas l'organisme comme mentionné expressément sur cet écrit (pièce 196).

La CDC a versé pour cette période du 1er mai 2009 au 14 août 2012 une pension anticipée de retraite, ce qui représente une somme totale de 42.102,92 € en lien de causalité avec l'accident à hauteur de 36.705,10 € seulement (10 % imputable à l'état antérieur), selon décompte détaillé dressé par cet organisme qui réclame paiement de ce dernier montant.

Cette prestation s'impute sur ce poste de dommage qu'elle a vocation à réparer de sorte que la CDC sera intégralement désintéressée à hauteur de 36.705,10 € à ce titre.

Ce tiers payeur a, également, réglé à compter du 1er mai 2009 une rente d'invalidité au taux de 78 % à titre viager de 13.823,04 € par an dont 12.050,85 € par an imputable à l'accident (10 % imputable à l'état antérieur), ce qui représente au titre des arrérages échus (10.367,28 €) et du capital représentatif (13.823,04 € par an soit 192.741,19 €) la somme de 203.741,19 € dont 177.068,91 € liés à l'accident, selon décompte détaillé dressé par cet organisme.

Cette prestation s'impute sur ce poste de dommage qu'elle a vocation à réparer mais pour la seule période concernée par la perte de gains professionnels futurs allouée, soit du 1er mai 2009 au 14 août 2012, de sorte que la CDC sera désintéressée à hauteur de la somme de 39.667,39 € [10.367,28 au 01/02/2010 + (13.823,04 € / 12 mois x 30,5 mois du 1/02/2010 au 14/08/2012 = 35.133,56 €) soit au total 45.500,84 € /78 % x 68 %] à ce titre.

Une indemnité de 54.269,80 € revient à la victime au titre de ce chef de dommage.

- Incidence professionnelle5.000,00 €

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle.

L'indemnité de 5.000 € allouée par le premier juge ne fait l'objet d'aucune critique de la part de l'une ou l'autre des parties et sera donc entérinée sans examen au fond.

Le solde de la rente d'invalidité pour accident de service soit 137.401,52 € (177.068,91 € - 39.667,39 €) s'impute sur ce chef de dommage qu'elle a vocation à réparer de sorte que la CDC sera partiellement désintéressée à hauteur de 5.000 € complémentaires.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire20.730,00 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 750 € par mois, comme demandé, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit 475 € pendant la période d'incapacité totale de 19 jours et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle à 50 % de 1.057 jours soit 13.212,50 € et à 45 % de 626 jours soit 7.042,50 € ce qui donne au total de 20.730 €.

- Souffrances endurées30.000,00 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du polytraumatisme subi ayantgénéré trois hospitalisations, des diverses complications présentés (phlébite des membres inférieurs avec embolie pulmonaire massive, divers soins dentaires, de l'état polyalgique pérenne présenté au niveau musculaire et articulaire ayant nécessité de nombreux traitements itératifs, des divers troubles vertigineux nécessitant traitement et séances de rééducation, des troubles ophtalmologiques, du préjudice psychologique ayant nécessité un suivi psychiatrique rapproché ainsi que l'institution d'un traitement psychotrope au long cours ; côté à 5,5/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité du montant accordé par le premier juge.

- Préjudice esthétique temporaire 1.200,00 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Son existence a été retenue par l'expert au titre de 4 dents cassées qui n'ont pu être réparées que plusieurs mois après l'accident, ce qui justifie l'octroi de la somme de 1.200 € allouée par le premier juge.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent96.800,00 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par des séquelles multiples :

* au plan rhumatologique : une dolorisation d'un état antérieur

* au plan respiratoire : une insuffisance respiratoire modérée se manifestant notamment à l'effort avec surinfection bronchiques récurrentes

* au plan cardiovasculaire : la nécessité d'un traitement anticoagulant et antiagrégant au long court associé au port permanent d'une contentieux veineuse

* au plan ORL : un syndrome cochléo-vestibulaire avec acouphènes, de troubles vertigineux récurrents (canalolithisase post-traumatique)

* au plan neurologique : un syndrome subjectif post-commotionnel avec pérennisation de céphalées, sensations vertigineuses et troubles attentionnels

* au plan ophtalmologique : un trouble pérenne de la vision binoculaire associé à une irritation conjonctivale chronicisée

* au plan psychiatrique : un syndrome anxio dépressif avec troubles thymiques, et fléchissement de l'élan vital, troubles du sommeil et mnésiques nécessitant un traitement psychotrope conséquent au long cours,

ce qui conduit à un taux de 44 % par application de la régle de Balthazard prenant en considération la capacité restante lors de séquelles multiples et en écartant l'état antérieur estimé à 10 %, justifiant une indemnité de 96.800 €, somme demandée, pour un homme âgé de 56 ans à la consolidation.

Ainsi qu'il a déjà été exposé la CDC verse à M. [K] depuis le 1er juin 2009 une rente d'invalidité pour accident de service qui, en raison de sa nature hybride, indemnise d'une part, les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle de l'invalidité et d'autre part le déficit fonctionnel permanent.

En l'absence ou en cas d'insuffisance de la perte de gains professionnels futurs ou d'incidence professionnelle, cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit permanent ; lorsque la décision d'attribution de la rente est définitive, l'organisme social est tenu au versement de cette prestation tant pour les arrérages à échoir que les arrérages échus, de sorte que la condition de versement effectif et préalable de la prestation est remplie.

Ces règles concernant les modalités d'imputation du recours des tiers payeurs sont d'ordre public et doivent être appliquées en toutes circonstances.

Le solde de la créance de la CDC au titre capital représentatif après imputations sur les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle s'établissant à 132.401,52 € [177.068,91 € - (39.667,39 € + 5.000 €)], ce tiers payeur sera partiellement désintéressé à due concurrence de 96.800 € et M. [K] ne percevra rien.

- Préjudice sexuel10.000,00 €

Ce poste comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle.

S'il n'existe aucun préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires, ni préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer, sa troisième composante, qui est le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même et repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel qu'il s'agisse de la perte de l'envie ou de la libido, de la perte de la capacité physique de réaliser l'acte ou de la perte de la capacité au plaisir, est bien réel.

L'expert judiciaire la retient en prenant en considération 'l'inhibition psychomotrice présentée dans les suites de l'accident avec autodévaluation et les divers traitements psychotropes entrepris dont les effets délétères sur la fonction sexuelle sont connus' et conclut à 'un préjudice sexuel partiel concernant la libido et l'acte sexuel proprement dit (trouble érectile).'

Le SDIS 13 ne produit aucun élément de nature à apporter la moindre critique motivé à cet avis expertal reposant sur des considérations médico-légales

L'indemnité de 10.000 € allouée par le premier juge assure la réparation intégrale de ce chef de dommage.

- Préjudice d'agrément20.000,00 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. [K] justifie par de multiples attestations s'adonner avant l'accident au jardinage, au bricolage en ce compris l'entretien de sa maison, à la randonnée et s'occupait d'une association humanitaire et de son chien.

Ces activités lui sont désormais interdites lorsqu'elles exigent des efforts ou des taches lourdes de sorte qu'elles ne peuvent plus être pratiquées ou avec d'importantes restrictions.

Cette situation au regard de l'âge de la victime justifie l'octroi d'une indemnité de 20.000 €.

Le préjudice corporel global subi par la victime s'établit ainsi à la somme de 608.047,73

€ dont 265.214,21 € revenant à la Sas Dexia, 178.172,49 € revenant à la CDC et une indemnité de 164.661,03 € revenant à M. [K] sauf à déduire les provisions versées

Le SDIS 13 doit être condamné au paiement de ces sommes respectives au profit des tiers payeurs et de la victime qui portent intérêt au taux légal en application de

* l'article 1153 du code civil pour la CDC et la Sas Dexia à compter du 10 avril 2013 et 5 mars 2013, dates auxquelles leurs demandes en paiement ont été notifiées au SDIS 13 qui n'avait pas constitué avocat en première instance et n'en avait pas reçu signification par voie d'huissier

* l'article 1153-1 du code civil pour M. [K] à compter du 8 octobre 2012 date du prononcé du jugement puisqu'il est confirmé à due concurrence avec capitalisation dans les conditions de l'article 11454 du code civil avec comme point de départ le 15 avril 2013, date des premières conclusions l'ayant sollicitée.

Sur les préjudices par ricochet de l'entourage

Le préjudice d'affection subi par l'épouse et la fille à la vue de l'état de leur mari ou père dont la consolidation n'a été acquise que près de cinq ans après l'accident résulte suffisamment de la nature des blessures présentées par la victime directe avec son retentissement avéré pour les membres du proche entourage.

Le changement dans le mode de vie et les conditions d'existence dont est victime, au quotidien, l'épouse de M. [K] gravement atteint dans son intégrité physique est, également, source d'un préjudice extra patrimonial exceptionnel pour elle, en ce inclus le retentissement sexuel, pendant la maladie traumatique et après sa consolidation.

Ces chefs de dommage extra-patrimoniaux ont été correctement appréciés par le premier juge aux sommes de 17.000 € pour le conjoint et de 5.000 € pour la fille.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens en ce compris les frais d'expertise en application de l'article 695 4° du code de procédure civile doivent être confirmées.

Le SDIS 13 qui succombe partiellement dans ses prétentions et sa voie de recours et qui est tenu à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer une indemnité de 2.000 € à M. [K], de 1.000 € à la Sas Dexia et de 1.000 € à la CDC au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter celle sollicitée à ce même titre par l'agent judiciaire de l'Etat.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement

hormis sur le montant du préjudice corporel de M. [K]

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel global de M. [I] [K] à la somme de 608.047,73 €.

- Dit que l'indemnité revenant à la Sa Dexia Services s'établit à 265.214,21 €, à la Caisse des Dépôts et Consignations à 173.172,49 € et à M. [K] à 164.661,03 €.

- Condamne le Service Départemental d'Incendie et de Secours des Bouches-du-Rhône à payer à la Sas Dexia DS Services les sommes de

* 265.214,21 au titre des prestations versées avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2013

* 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Condamne le Service Départemental d'Incendie et de Secours des Bouches-du-Rhône à payer à la Caisse des Dépôts et Consignations les sommes de

* 178.172,49 € au titre des prestations versées à la victime, avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2013

* 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Condamne le Service Départemental d'Incendie et de Secours des Bouches-du-Rhône à payer à M. [I] [K] les sommes de

* 164.661,03 € au titre de son préjudice corporel, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2012 et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil avec comme point de départ le 15 avril 2013

* 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Déboute l'agent judiciaire de l'Etat et le Service Départemental d'Incendie et de Secours des Bouches-du-Rhône de leur demande respective fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne le Service Départemental d'Incendie et de Secours des Bouches-du-Rhône

aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 12/21672
Date de la décision : 17/07/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°12/21672 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-07-17;12.21672 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award