COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 04 JUILLET 2014
N° 2014/1670
Rôle N° 12/23136
[A] [P]
C/
[X] [Z]
[O] [C]
[D] [K]
CGEA AGS DE [Localité 1] - DELEGATION REGIONALE DU SUD-EST
Grosse délivrée
le :
à :
Me Cyril MICHEL
Me Raphael GARCIA
Me Michel FRUCTUS
Mr [O] [C]
Me [D] [K]
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 04 Décembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/4824.
APPELANT
Monsieur [A] [P], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Cyril MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Maître [X] [Z], mandataire ad hoc de la SA CMR, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Raphael GARCIA, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [O] [C], es qualité de liquidateur amiable de la Société Compagnie Marseillaise de Réparation - CMR, demeurant [Adresse 6]
non comparant - ni représenté
Me [D] [K], mandataire ad hoc de la SA Compagnie Marseillaise de Réparation, demeurant [Adresse 5]
non comparant - ni représenté
PARTIE INTERVENANTE
CGEA AGS DE [Localité 1] - DELEGATION REGIONALE DU SUD-EST, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Avril 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Christine LORENZINI, Conseiller
Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Elise RAYSSEGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2014.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2014.
Signé par Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Employé par la société Compagnie Marseillaise de Réparations en qualité de tôlier tuyauteur bord, du 1er août 1973 au 8 décembre 1984, Monsieur [A] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille, par requête reçue le 29 septembre 2011, aux fins de voir déclarer cette société, dite 'CMR 1", responsable d'un préjudice économique et d'un préjudice d'angoisse liés à son exposition à l'amiante, et voir déclarer le jugement opposable à l'AGS CGEA de [Localité 1].
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Marseille le 11 juin 1954, sous le numéro 054 801 840, la société 'Compagnie Marseillaise de Réparations' ('CMR 1") a été placée en redressement judiciaire par jugement du 28 mai 1996, suivi d'un jugement du 10 juillet 1997 arrêtant le plan de cession au profit de la société Marinvest.
Immatriculée au même R.C.S., le 12 novembre 1997, sous le numéro 414 498 451, la société 'CMR' ('CMR 2") a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 31 juillet 2001, suivi d'un jugement du 20 juin 2002 arrêtant le plan de cession au profit de Monsieur [O] [C], agissant tant pour son compte que pour le compte de la SAS 'Compagnie [Localité 1] Réparation' à constituer.
Egalement immatriculée au R.C.S. de Marseille, le 27 juin 2002, sous le numéro 442 531 281, la société 'Compagnie Marseillaise de Réparation - C.M.R.' ('CMR 3"), a été placée en redressement judiciaire par jugement du 31 octobre 2005, suivi d'un jugement du 19 septembre 2006 arrêtant le plan de cession au profit de la S.A. UNION NAVAL BARCELONA et désignant Monsieur [O] [C] en qualité de liquidateur amiable avec mission de représenter la personne morale dissoute dans tous les actes pour lesquels elle n'était pas dessaisie par l'effet de la procédure collective.
Les sociétés 'Compagnie marseillaise de réparations (CMR)/Marinest/Marinvest France CMR, [Adresse 4], puis enceinte portuaire, [Adresse 8], depuis 1954", ont été inscrites, par arrêté du 7 juillet 2000, sur la liste des établissements de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA).
Par jugement du 4 décembre 2012, le conseil de prud'hommes de Marseille, joignant l'instance à celles introduites par douze autres salariés contre les sociétés 'CMR 1", représentée par Me [Y] [R], mandataire ad hoc, 'CMR 2", représentée par Me [X] [Z], mandataire ad hoc, et 'CMR 3", représentée par Monsieur [O] [C], a débouté les requérants de l'ensemble de leurs demandes, dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et partagé les dépens.
Monsieur [P] a interjeté appel de cette décision le 6 décembre 2012.
' Dans ses conclusions écrites déposées et plaidées à l'audience, communes à 36 autres affaires inscrites au rôle de l'audience, soutenant pour l'essentiel que sa demande fondée sur le non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat relève de la compétence de la juridiction prud'homale, qu'il a en effet été exposé, pendant toute la durée d'exécution de son contrat de travail et sans aucune protection, à l'inhalation de poussières d'amiante, que la société Compagnie Marseillaise de Réparations a été inscrite par arrêté du 7 juillet 2000 sur la liste des établissements de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et qu'il a bénéficié de ce dispositif de même que l'ensemble des requérants, qu'il est ainsi placé dans une situation d'angoisse permanente face au risque de voir se déclarer à tout moment une maladie pouvant engager son pronostic vital et qu'il doit donc être indemnisé de ce préjudice d'anxiété, lequel doit être évalué de manière forfaitaire pour tous les demandeurs, quelle que soit la durée d'exposition au risque, faute de corrélation entre le temps d'exposition et la probabilité de développer une pathologie, Monsieur [P], qui ne sollicite plus en cause d'appel la réparation d'un préjudice économique, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de déclarer la société CMR 1 responsable de son préjudice d'anxiété, de fixer sa créance de ce chef à la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts et celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile à 1.000 €, et de déclarer l'arrêt opposable au CGEA.
' Désigné en qualité de mandataire ad hoc de cette société par ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 4 décembre 2013, Me [D] [K], mandataire judiciaire, régulièrement convoqué par L.R.A.R reçue le 16 janvier 2014, n'était ni comparant ni représenté à l'audience, comme annoncé par mail du 17 avril 2014 dans lequel il a déclaré s'en rapporter à l'appréciation de la cour.
' Dans ses écritures soutenues oralement à l'audience, communes à l'ensemble des affaires du rôle le concernant en sa qualité de mandataire ad hoc de la société 'CMR 2" désigné par arrêt de la cour de céans en date du 12 novembre 2002, Me [X] [Z] demande :
- de débouter les salariés, tel Monsieur [P], qui n'ont jamais travaillé pour cette société ;
- à titre principal, de rejeter les prétentions des autres salariés comme étant irrégulières et mal fondées, dès lors que ceux-ci ne précisent pas leurs périodes d'emploi dans chacune des sociétés CMR, lesquelles ne sont tenues à aucune solidarité, qu'ils n'ont pas mis en cause leurs autres employeurs et qu'ils ne fournissent aucune preuve loyale de l'obligation ;
- subsidiairement, de débouter ces salariés au motif qu'ils ne justifient pas de l'ampleur de leur préjudice ; à défaut, de surseoir à statuer jusqu'à la production de justificatifs pertinents, et de réduire l'indemnisation à de plus justes proportions, compte tenu notamment de l'intégralité de la carrière et de la durée de travail au sein de la société CMR 2 ;
- en tout état de cause, de condamner tous succombants à payer la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles.
' La convocation adressée par le greffe à Monsieur [O] [C] ès qualités de liquidateur amiable de la société 'CMR 3", le 3 janvier 2014, étant revenue avec la mention 'destinataire inconnu', l'appelant a été vainement invité à procéder conformément à l'article 670-1 du code de procédure civile.
Monsieur [C] n'était ni présent ni représenté à l'audience.
' Aux termes de ses écritures déposées et soutenues oralement à l'audience, communes à l'ensemble des affaires du rôle concernant les sociétés C.M.R., l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 1] demande à la cour in limine litis de :
- se déclarer incompétente au profit du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Douai (ou de Boulogne-sur-Mer dans le corps de ses conclusions) en ce qui concerne les salariés ayant bénéficié de l'ACAATA (art. 41-VI de la loi du 23/12/1998) et déclarer les actions de ces salariés irrecevables ;
- déclarer les actions irrecevables en raison de l'irrévocabilité de l'état des créances établi sous le régime de la loi de 1985 et non contesté par les salariés en temps utile ;
- constater la prescription des actions introduites par les salariés dont les contrats de travail ont été rompus plus de 30 ans avant la saisine du conseil de prud'hommes.
Sur le fond, l'AGS conclut au débouté général aux motifs que le préjudice résultant du bouleversement des conditions d'existence ne peut être indemnisé de manière distincte et qu'en tout état de cause, son existence n'est pas démontrée ; qu'aucun préjudice d'anxiété ne peut résulter du dispositif légal de l'ACAATA, ni de la simple exécution des contrats de travail ; que la preuve d'un préjudice d'anxiété personnel, direct, certain et légitime, ainsi que d'un manquement de l'employeur aux règles alors applicables (loi du 12 juin 1893, décret du 17 août 1977), et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice, n'est pas rapportée ; que l'article 1150 du code civil limite l'indemnisation en matière contractuelle au seul dommage prévisible ; que l'emploi de certains salariés ne figure pas à l'arrêté du 7 juillet 2000.
Subsidiairement, elle demande de dire que les créances invoquées ne lui sont pas opposables, comme étant nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, de réduire les dommages et intérêts à de plus justes proportions compte tenu du préjudice réellement subi par chaque salarié, et de faire application des dispositions du code du travail fixant les règles et limites de la garantie légale.
Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRÊT
- sur l'exception d'incompétence
Selon l'article L.1411-1 du Code du Travail, le Conseil de Prud'hommes est compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions de ce code entre les employeurs ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.
En l'espèce, quand bien même le salarié a bénéficié, à compter du 1er avril 2011, du dispositif prévu par l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, dès lors que sa demande en réparation d'un préjudice d'anxiété lié à son exposition à l'amiante est fondée sur l'inexécution par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat dérivant du contrat de travail et que ni son droit au bénéfice du dispositif susvisé, ni le montant de l'allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA), ne sont contestés, le jugement sera confirmé sur la compétence de la juridiction prud'homale.
- sur les fins de non-recevoir
* sur l'irrecevabilité tirée de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998
L'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, créant un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, prévoit le versement à ces salariés ou anciens salariés d'une allocation de cessation anticipée d'activité, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent certaines conditions.
S'il résulte de ces dispositions que le salarié qui a demandé le bénéfice de cette allocation n'est pas fondé à obtenir de l'employeur fautif, sur le fondement des règles de la responsabilité civile, réparation d'une perte de revenus résultant de la mise en oeuvre du dispositif légal, il est néanmoins recevable à réclamer réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété, lequel n'est pas de nature économique, mais résulte d'un état d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et n'est donc pas indemnisé au titre de l'ACAATA.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
* sur l'irrecevabilité tirée de l'irrévocabilité de l'état des créances
Il résulte de l'article L. 625-125 al.2 ancien du code de commerce que le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou partie sur le relevé établi par le représentant des créanciers peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité prévu à l'alinéa précédent.
Toutefois, l'action du salarié, qui saisit la juridiction prud'homale d'une demande en réparation d'un préjudice d'anxiété résultant de son exposition au risque de l'amiante créé par son affectation dans un établissement figurant sur une liste établie par arrêté pris en exécution de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et révélé postérieurement à l'établissement du relevé des créances salariales, est distincte de celle ouverte par ces dispositions, de sorte que le caractère irrévocable de l'état des créances ne peut lui être opposé.
Cette fin de non-recevoir, nouvelle en appel, sera donc rejetée.
* sur la prescription
En application des dispositions des articles 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et 2224 du même code, la prescription d'une action personnelle ou mobilière ne court qu'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'établir.
En l'espèce, outre qu'il a saisi le conseil de prud'hommes moins de trente ans après la fin de son contrat de travail, le salarié est fondé à soutenir, faute d'un quelconque élément permettant d'établir qu'il a été informé des risques auxquels son travail pouvait l'exposer, que le fait générateur de son préjudice, à supposer celui-ci établi, ne lui a été révélé qu'à compter de la loi du 23 décembre 1998 et de la publication de l'arrêté du 7 juillet 2000 pris en application de l'article 41 de cette loi, classant les sociétés CMR parmi les établissements de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité.
Dès lors qu'elle a été introduite avant le 18 juin 2013, soit dans le délai de cinq ans suivant la date de publication de la loi du 17 juin 2008 relative à la prescription, l'action n'est pas prescrite et le jugement sera confirmé de ce chef.
- sur le fond
En application des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil et L.4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.
Contrairement à l'argumentation soutenue par l'AGS, cette obligation ne résulte pas de l'ancien article L. 230-2 du code du travail issu de la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991, mais du contrat de travail.
Du reste, l'ancien article 233-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à cette loi, disposait déjà que les établissements et locaux industriels devaient être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs, et bien avant le décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, la loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels avait fait obligation à ces établissements de présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel, et le décret d'application du 11 mars 1894 imposait notamment que 'les locaux soient largement aérés... évacués au dessus de l'atelier au fur et à mesure de leur production avec une ventilation aspirante énergique... et que l'air des ateliers soit renouvelé de façon à rester dans l'état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers.'
En l'espèce, il résulte de l'attestation versée aux débats, établie par la société [Adresse 7], d'après les archives de la société Compagnie Marseillaise de Réparations n° Siret 05480184000015/3205, le 20 juin 2006, que Monsieur [A] [P] a été employé dans cette société du 1er août 1973 au 8 décembre 1984, en qualité de tôlier tuyauteur bord.
Les sociétés 'Compagnie marseillaise de réparations (CMR)/Marinest/Marinvest France CMR, [Adresse 4], puis enceinte portuaire, [Adresse 8], depuis 1954", ont été inscrites, par arrêté du 7 juillet 2000, sur la liste des établissements de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, et les métiers de tôlier et tuyauteur figurent sur la liste annexe.
Si l'une des attestations qu'il verse aux débats (M. [U]) concerne son exposition à l'amiante au sein d'autres sociétés (SOMAC et PROMECA), à compter de mai 1998, Monsieur [P] produit en outre le témoignage d'un ancien collègue de travail de la société Compagnie Marseillaise de Réparations ([M] [T]), pendant la période de 1979 à 1984, déclarant qu'il était chargé de démonter et réparer des tuyauteries et diverses pièces calorifugées avec de l'amiante dans les machines, salles des pompes, chaufferies etc..., à bord des navires en réparation, que les poussières d'amiante volaient dans l'air ambiant et qu'aucune protection ni information sur les dangers de l'amiante n'était fournie par l'employeur.
Le salarié établit ainsi qu'il se trouve, de par le fait de l'employeur (la société CMR1), dans un état d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers.
Soutenant que l'employeur n'a commis aucune faute compte tenu des règles alors applicables et se prévalant des arrêts du Conseil d'Etat en date du 3 mars 2004 qui ont reconnu la responsabilité de l'Etat pour ses carences dans la prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante, l'AGS ne produit cependant aucun élément prouvant que toutes les mesures nécessaires ont été prises pendant l'ensemble de la période contractuelle, notamment celles prévues par le décret du 17 août 1977 (prélèvements atmosphériques périodiques, port des équipements individuels de protection, vérification des installations et des appareils de protection collective, information individuelle des salariés, absence de contre-indication et surveillance médicales), ou révélant l'existence d'une cause étrangère non imputable à l'employeur.
La preuve d'une cause d'exonération de responsabilité de l'employeur n'étant pas rapportée, le jugement déféré sera infirmé, la société CMR 1 sera déclarée responsable du préjudice d'anxiété subi par le salarié et, compte tenu des éléments de l'espèce (fonctions occupées, durée d'exposition au risque, attestation précitée), ce préjudice sera réparé par une somme de 7.000 € à titre de dommages et intérêts qui sera fixée au passif de la procédure collective, tandis que les sociétés CMR 2 et 3, qui ne font l'objet d'aucune demande, seront mises hors de cause.
- sur la garantie de l'AGS
En application des articles L.3253-6 et L. 3253-8 du code du travail, l'AGS couvre les sommes dues aux salariés en exécution du contrat de travail à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
En l'espèce, dès lors qu'elle a pour origine un manquement de l'employeur commis pendant l'exécution du contrat de travail et que son fait générateur est antérieur à l'ouverture de la procédure collective, la créance du salarié, même révélée postérieurement, est garantie par l'AGS.
- sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Une somme de 200 €, non garantie par l'AGS, sera allouée au salarié au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, tandis que la demande de Me [Z] sur ce fondement sera rejetée.
Les dépens de l'instance seront inscrits au passif de la société CMR 1.
Ces dispositions du jugement seront ainsi réformées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par défaut, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'appel,
Infirme le jugement déféré sur le fond,
Statuant de nouveau sur le tout et y ajoutant,
Rejette l'exception d'incompétence et déclare l'action recevable,
Met hors de cause les sociétés 'CMR' (2) et 'Compagnie Marseillaise de Réparation - C.M.R' ('CMR 3"),
Dit que la société 'Compagnie Marseillaise de Réparations' (CMR 1) est responsable du préjudice d'anxiété subi par le salarié,
Fixe la créance de Monsieur [A] [P] au passif de la société CMR 1 aux sommes suivantes : 7.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice et 200 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Rejette la demande de Me [Z] ès qualités au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC AGS CGEA de [Localité 1] et dit qu'en application des articles L.3253-6 à L. 3253-8 du code du travail, celle-ci devra procéder à l'avance de la créance, à l'exclusion de l'indemnité pour frais irrépétibles, selon les termes et conditions et dans la limite des plafonds résultant des articles L.3253-15 et L.3253-17 du même code, sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement,
Dit que les dépens de l'instance seront inscrits au passif de la société CMR 1.
LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.