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03/07/2014 | FRANCE | N°12/09020

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 03 juillet 2014, 12/09020


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2014



N° 2014/ 482













Rôle N° 12/09020







[J] [V]

[M] [Z] [R] épouse [V]





C/



[U] [U]

SCP [U]





















Grosse délivrée

le :

à :



SCP LATIL

SCP ERMENEUX













Décision déférée à l

a Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS en date du 25 Avril 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00557.





APPELANTS



Monsieur [J] [V]

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1] (BELGIQUE)et actuellement [Adresse 1] capitale BELGIQUE

représenté par Me Jérôme LATIL ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2014

N° 2014/ 482

Rôle N° 12/09020

[J] [V]

[M] [Z] [R] épouse [V]

C/

[U] [U]

SCP [U]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP LATIL

SCP ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS en date du 25 Avril 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00557.

APPELANTS

Monsieur [J] [V]

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1] (BELGIQUE)et actuellement [Adresse 1] capitale BELGIQUE

représenté par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Vanessa MARTINEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [M] [Z] [R] épouse [V]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 3] (FINISTERE), demeurant [Adresse 1] (BELGIQUE) et actuellement [Adresse 1] capitale BELGIQUE

représentée par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Vanessa MARTINEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Maître [U] [U]

pris en son nom personnel

né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]

représenté par la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Ivan MATHIS, avocat au barreau de PARIS

de la SCP FABRE M., FABRE J.P., GUEUGNOT D., FABRE H SAVARY-BASTIANI C., avocat au barreau de PARIS,

SCP [U]

Mandataires Judiciaires, représentée par Me [U] [U]

agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société EROS,

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Frédéric ROMETTI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Florence ROUCHIE, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Mai 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine DURAND, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Guy SCHMITT, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2014,

Signé par Madame Catherine DURAND, Conseiller,pour le Président empêché et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société EROS créée en 1986 ayant pour activité l'exploitation hôtelière et promotion immobilière a été rachetée en juillet 1990 par Monsieur [J] [V], unique associé jusqu'au 29 mars 1994, date à laquelle son épouse Madame [M] [R] est devenue associé majoritaire, détenant 99,5 % du capital de cette société.

Monsieur [J] [V], ancien notaire, ayant été condamné définitivement par la Cour d'appel de Paris le 9 novembre 1990 à la faillite personnelle pendant 15 ans, portant interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute personne morale ayant une activité économique, Monsieur [E] a été désigné en qualité de gérant statutaire non associé de la société EROS.

Le 15 décembre 1995 la société a cédé son patrimoine immobilier réparti sur plusieurs communes du littoral méditerranéen et atlantique à une société de droit irlandais ATLANTIC CHEMPHARM LTD, non résidente, au prix de 70.046.894 FF (10.678.580 euros) payé par 4 billets à ordre qui ont été endossés par Madame [R] épouse [V] en vertu d'une décision de l'assemblée générale des associés de la société EROS du 15 décembre 1995, puis rendossés par celle-ci au profit de la société ATLANTIC CHEMPHARM LTD pour régler la condamnation prononcée à son encontre par ordonnance de référé du 7 novembre 1995 rectifiée le 30 janvier 1996 au profit de la société ATLANTIC CHEMPHARM, suite à son engagement de caution personnelle et solidaire de la société IGR CHATEAU D'ARC donné à la société irlandaise le 31 juillet 1993 à hauteur de 70.046.894 F, en garantie du compte courant de la société IGR CHATEAU D ARC, acquis le 28 juillet 1993 au prix de 1 franc suisse par cette société de droit irlandais.

La société EROS suite à cette cession de ses actifs a cessé toute activité en octobre 1996, Monsieur [V] étant son liquidateur amiable, et été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de NICE le 22 juillet 1999 sur demande du Crédit Agricole d'ILLE et VILAINE, qui en 1997 a déposé plainte avec constitution de partie civile à l'encontre des époux [V] pour abus de biens sociaux et présentation de faux bilan.

A la suite d'une information pénale instruite près le TGI de NICE les époux [V] ont été renvoyés devant le Tribunal correctionnel du chef d'abus de biens sociaux et organisation frauduleuse d'insolvabilité.

Ils ont été condamnés par jugement du TGI de NICE du 19 novembre 2004, Monsieur [V] à 5 ans d'emprisonnement dont 42 mois avec sursis pour abus de biens sociaux, violation d'une interdiction de gérer, et Madame [V] à la peine de 3 ans d'emprisonnement avec SME pour recel d'abus de biens sociaux, avec obligation d'indemniser les victimes.

La Cour d'appel de ce siège par arrêt du 30 novembre 2005 a confirmé ces condamnations et les a aggravées, y ajoutant le délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité retenu comme non prescrit. Elle a également confirmé la condamnation des époux [V] à régler à Me [U], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société EROS, une somme de 10.678.580 euros (70.046.894 F) à titre de dommages et intérêts.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation, par décision du 28 février 2007, a rejeté le pourvoi d'[M] [V] et, sur le pourvoi d'[J] [V], a cassé et annulé par voie de retranchement de l'arrêt attaqué, mais en ses seules dispositions l'ayant déclaré coupable du délit d'abus de biens sociaux résultant du cautionnement donné le 26 juillet 1993 par la société EROS, toutes les autres dispositions étant expressément maintenues, la Cour disant la peine et les condamnations civiles justifiées par les déclarations de culpabilité prononcées pour les autres délits.

Me [U], mandataire judiciaire à titre individuel, désigné en qualité de liquidateur judiciaire lors de l'ouverture de la procédure en 1999, puis la SCP [U], prise en la personne de Me [U], à partir du 17 janvier 2003, ont engagé diverses actions au regard de cette situation, estimant que le patrimoine de la société EROS avait été détourné par les époux [V] au détriment des créanciers de la société EROS au profit de la société ATLANTIC CHEMPHARM LTD, dont Monsieur [V] était l'animateur.

La CRCAM d'ILLE et VILAINE a engagé une action en nullité des ventes, transformée en action paulienne au cours de la procédure à l'encontre des sociétés EROS et ATLANTIC CHEMPHARM par exploits des 13 et 15 octobre 1997.

Me [U], ès-qualités, y a été attrait par exploit du 15 novembre 1999 aprés l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société EROS.

Par arrêt du 25 novembre 2011 la Cour d'appel de RENNES a confirmé le jugement du TGI de QUIMPER du 8 décembre 2009 ayant débouté la Banque de son action, considérant que si la fraude paulienne commise par les sociétés EROS et ATLANTIC CHEMPHARM était caractérisée, la condition tenant à l'insolvabilité de la débitrice n'était pas démontrée, celle-ci établissant en 1995 et 1997 disposer encore des moyens de désintéresser la Banque.

Par exploit du 23 mai 2002 Me [U], ès-qualités, a assigné Madame [R] épouse [V] devant le Tribunal de commerce de NICE en extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société EROS et, subsidiairement, la voir condamner à supporter l'insuffisance d'actif de cette société.

Le Tribunal, par jugement du 19 juin 2003, a condamné Madame [V] au paiement de la somme arbitrée à hauteur de 6.871.895,10 euros au titre de l'insuffisance d'actif résultant de ses fautes de gestion commises en qualité de dirigeante de fait.

Par décision du 25 février 2004, la Cour de céans, aprés avoir annulé le jugement, vu l'effet dévolutif de l'appel, a sursis à statuer au fond jusqu'à ce qu'ait été rendue une décision pénale définitive sur les poursuites ayant abouti aux réquisitions de renvoi de Madame [V] du 14 janvier 2004, afin d'éviter des contrariétés de jugement, la Cour invitant dans le dispositif de sa décision le liquidateur judiciaire à mettre en oeuvre à l'encontre de l'appelante toute mesure conservatoire ou provisoire adaptée afin de préserver l'intérêt des créanciers de la société EROS et l'affaire étant radiée.

Aucune décision n'a été à ce jour rendue au fond par la Cour sur l'appel de ce jugement, les époux [V] ayant été définitivement condamnés par la juridiction pénale à payer solidairement à la SCP [U], ès-qualités, la somme de 10.678.580 euros à titre de dommages et intérêts. Aucune décision de rejet de cette action n'est donc intervenue en l'état du sursis à statuer toujours pendant.

Le 5 juin 2002, par ordonnance sur requête rendue à la demande du mandataire judiciaire, informé par le Procureur de la République que Monsieur [V], liquidateur amiable de la société EROS, faisait l'objet d'une interdiction de diriger et gérer en raison de la faillite personnelle d'une durée de 15 ans prononcée définitivement à son encontre par la Cour d'appel de PARIS le 9 novembre 1990, - le pourvoi formé contre cette décision ayant été rejeté par décision de la Cour de cassation du 19 novembre 1991 -, Me [D] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société EROS avec mission d'exercer les droits propres de celle-ci dans le déroulement de la procédure de liquidation judiciaire.

Plusieurs demandes de rétractation de cette décision présentées par les époux [V] ont été rejetées puis, par arrêt du 4 juillet 2013, rendu sur renvoi de cassation, décision connue de toutes les parties qui le visent dans leurs dernières écritures, la Cour de céans a fait droit à la demande de rétractation des époux [V], aux motifs qu'au jour de la dernière ordonnance ayant refusé la rétractation, soit le 23 juin 2011, Monsieur [V] n'était plus sous le coup d'une faillite personnelle et donc d'une interdiction de gérer, qu'il n'était pas démontré que la procédure en insuffisance d'actif ait été poursuivie à l'encontre de Madame, ni qu'au 23 juin 2011 les associés n'aient pu nommer un liquidateur ou faire nommer un mandataire ad hoc. Cet arrêt a en conséquence réformé l'ordonnance du 23 juin 2011 et rétracté celle du 5 juin 2002.

La SCP [U], ès-qualités, dit avoir formé un pourvoi contre cette décision.

Par exploit du 17 février 2004 Me [U], ès-qualités, a assigné la société ATLANTIC CHEMPHARM et Me [D] en qualité de mandataire ad hoc, devant le Tribunal de commerce de NICE, aux fins d'extension de procédure de liquidation judiciaire de la société EROS à la société ATLANTIC CHEMPHARM aux motifs de sa fictivité et de l'existence de relations financières anormales entre les deux sociétés.

La société ATLANTIC CHEMPHARM a alors déposé plainte pour faux et usage de faux tant à l'encontre de l'huissier de justice que du liquidateur judiciaire, laquelle fait l'objet d'une décision de non-lieu définitive à la suite du rejet le 21 novembre 2007 du pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 juin 2007 confirmant l'ordonnance du Juge d'instruction du 13 mars 2007.

Par jugement du 16 décembre 2008 le Tribunal de commerce de NICE a débouté Me [U], ès-qualités, de cette demande aux motifs que n'étaient caractérisées ni la fictivité de la société ni l'existence de flux financiers anormaux.

Par arrêt du 24 mars 2011 la Cour de céans a déclaré irrecevables les appels interjetés par Me [D] en qualité de mandataire ad hoc de la société EROS et de Me [U], es-qualités comme tardif pour ce dernier, aprés avoir relevé dans les motifs de sa décision que les documents produits démontraient tant la fictivité de la société ATLANTIC CHEMPHARM que l'accaparement sans contrepartie par celle-ci des biens de la société EROS.

Cette décision a été cassée par arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2013 qui a renvoyé l'affaire devant la Cour d'Aix, autrement composée.

Par ordonnance d'incident du 6 mars 2014 le Conseiller de la mise en état de la 8ème Chambre C de cette Cour a sursis à statuer dans l'instance ouverte aprés saisine sur renvoi de cassation.

Par ailleurs la déclaration par Me [U], ès-qualités, par voie oblique de la créance de Madame [R] épouse [V] au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société MIRABEAU a été déclarée recevable, la Cour d'Aix en Provence, saisie aprés renvoi de cassation, ayant par décision du 22 novembre 2012 confirmé cette recevabilité et ayant sursis à statuer sur les autres contestations invitant les parties à en saisir la juridiction au fond.

Un pourvoi est de nouveau pendant contre cette décision.

**********************************

Par exploit du 8 avril 2010 les époux [V] ont assigné Me [U], mandataire judiciaire à titre personnel, en réparation de préjudice qu'ils disent avoir subi en raison de fautes qu'ils lui reprochent dans la gestion des opérations de la liquidation judiciaire, devant le TGI de DIGNE LES BAINS, chiffrant au total leur préjudice à la somme de 8.033.422,67 euros dont 1 million au titre du préjudice moral.

La SCP [U] et FUNEL est intervenue volontairement aux débats en qualité de liquidateur judiciaire de la société EROS.

Par jugement du 25 avril 2012 le TGI a :

Déclaré irrecevable l'action engagée à l'encontre de Me [U],

Rejeté les autres fins de non-recevoir,

Débouté les époux [V] de l'intégralité de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à allocation de dommages et intérêts à la SCP [U] et à Me [U] s'agissant de professionnels du droit,

Condamné solidairement les époux [V] à payer à la SCP [U] la somme de 10.000 euros et à Me [U] de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner les époux [V] aux entiers dépens,

Ordonné l'exécution provisoire.

Par acte du 18 mai 2012 les époux [V] ont interjeté appel de cette décision, intimant Me [U] et la SCP [U] 'mandataire judiciaire'.

Par conclusions récapitulatives du 14 mai 2014, tenues pour intégralement reprises, ils demandent à la Cour de :

En tant que de besoin révoquer l'ordonnance de clôture,

A titre principal,

Vu les articles 47 et 97 du code de procédure civile,

Renvoyer la procédure devant la Cour d'appel de Grenoble ou toute autre juridiction limitrophe de la Cour d'AIX-en-PROVENCE,

Subsidiairement et vu l'article 1382 du code civil,

Les recevoir en leur appel,

Infirmer le jugement,

Statuant à nouveau,

Condamner in solidum la SCP [U] et Me [U] à leur payer la somme de 8.033.422,67 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Ils demandent le renvoi de l'affaire devant une autre Cour limitrophe de celle d'AIX au regard de la qualité des intimés et soutiennent que cette demande est recevable qu'il ne s'agit pas d'une exception de procédure et qu'elle peut être soulevée à tous les stades de la procédure, que le renvoi est de droit dès lors que les conditions de l'article 47 sont remplies et que la demande n'est ni tardive ni dilatoire.

Sinon à titre subsidiaire ils reprennent leurs demandes à l'encontre du liquidateur judiciaire en faisant valoir qu'il est définitivement établi par une attestation de la Présidente de la Commission de Probation qu'ils ont indemnisé les victimes et donc qu'ils ont réglé le montant de la condamnation au paiement de dommages et intérêts prononcée à leur encontre par la juridiction pénale.

Ils lui reprochent diverses fautes tant dans la gestion de la procédure de liquidation judiciaire qu'ils énumèrent dans leurs écritures ayant aggravé le passif et diminué l'actif, les ayant privés d'un boni de liquidation, ainsi qu'un acharnement procédural à leur encontre.

Par conclusions déposées et notifiées le 5 avril 2013, tenues pour intégralement reprises, Me [U] [U], mandataire judiciaire membre de la SCP [U] et la SCP [U], mandataire judiciaire, tous deux pris en leurs noms personnels, demandent à la Cour de :

Rejeter comme irrecevable la demande de renvoi devant une juridiction limitrophe en application de l'article 47 du code de procédure civile,

Rejeter comme irrecevables l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Monsieur et Madame [V], tant à l'encontre de Me [U] qu'à l'encontre de la SCP [U] en son nom personnel, à l'encontre de qui l'appel devra être déclaré irrecevable,

Subsidiairement,

Dire que les époux [V] ne rapportent la preuve d'aucune faute imputable au liquidateur judiciaire,

Dire qu'ils ne rapportent pas la preuve d'aucun préjudice en lien causal avec les fautes imputées au liquidateur judiciaire,

Dire qu'ils sont directement à l'origine du préjudice dont ils demandent la réparation,

Par conséquent,

Les débouter de leurs demandes, fins et conclusions,

Dire que leur procédure abusive cause un préjudice moral et professionnel à Me [U],

Par conséquent,

Les condamner au paiement in solidum d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1382 du code civil,

Les condamner in solidum au paiement d'une somme de 10.000 euros à chacun des concluant en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions déposées et notifiées le 5 mai 2014, tenues pour intégralement reprises, la SCP [U], mandataires judiciaires, représentée par Me [U], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société EROS désignée à ces fonctions par jugement du 17 janvier 2003, demande à la Cour de :

Vu les articles L 621-39 et L 622-4 du code de commerce devenus les articles L 622-20 alinéa 1er et L 641-4 alinéa 1er,

Vu l'article 1382 du code civil,

Dire et juger irrecevable la demande de renvoi devant une juridiction limitrophe en application de l'article 47 du code de procédure civile,

Rectifier l'erreur matérielle affectant le chapeau du jugement,

Dire que la SCP [U] est intervenue volontairement en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société EROS,

Dire et juger que la déclaration d'appel vise également la SCP [U],

Dire et juger irrecevable l'ensemble des demandes à l'encontre de la SCP [U] prise en son nom personnel,

Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée à l'encontre de Me [U],

L'infirmer en ce qu'il a rejeté les autres fins de non-recevoir,

En conséquence,

Dire et juger irrecevables les demandes des époux [V] faute de domicile réel, défaut de qualité à agir et défaut d'intérêt à agir,

Subsidiairement,

Confirmer le jugement les ayant déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts,

Débouter les époux [V] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

Les condamner solidairement au paiement de la somme de 20.000 euros pour procédure abusive et dilatoire et celle de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'affaire a été clôturée en l'état le 14 mai 2014.

Par conclusions de procédure du 20 mai 2014 Me [U] et la SCP [U] pris en leur nom personnel ont demandé le rejet des écritures des appelants du 14 mai 2014 ainsi que de la pièce notifiée à savoir un arrêt de la Cour de cassation du 4 juillet 2013.

Par conclusions de procédure du 23 mai 2014 les époux [V] ont conclu au débouté de cette demande de rejet de leurs écritures prises le jour de la clôture arguant de l'existence des écritures du 5 mai 2014 prises par la SCP [U], de la nécessité d'y répondre et de l'absence de demande de révocation de l'ordonnance de clôture de la part des intimés.

MOTIFS

Sur le rejet des écritures et pièces déposées le 14 mai 2014 :

Attendu que les conclusions déposées par les appelants le jour de la clôture, en réponse à celles prises par les intimés le 5 mai 2014, sont recevables dès lors que la révocation de l'ordonnance de clôture n'a pas été sollicitée par les intimés et qu'elles n'appelaient pas en tout état de cause de nécessaire réponse ;

Attendu par ailleurs que la pièce communiquée le 14 mai 2014, à savoir l'arrêt du 4 juillet 2013 rendue par la Cour de céans, est parfaitement connue des intimés qui en font expressément mention dans leurs écritures du 5 mai 2014, précisant d'ailleurs l'avoir frappée de pourvoi ;

Attendu que la demande de rejet des écritures déposées par les appelants le 14 mai 2014 ainsi que de la pièce communiquée le même jour sera en conséquence rejetée ;

Sur le renvoi de l'affaire devant une Cour limitrophe :

Attendu qu'aux termes de l'article 47 du code de procédure civile en vigueur au 23 janvier 2012 'Lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe. Le défendeur ou toutes les parties en cause d'appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions. A peine d'irrecevabilité, la demande est présentée dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi.' ;

Attendu que si cette disposition est applicable aux mandataires judiciaires liquidateurs judiciaires comme le font valoir justement les époux [V], il n'en demeure pas moins qu'ils n'ont élevé cette demande que dans leurs écritures du 7 février 2013, et non dans leurs premières conclusions d'appelant en date du 17 octobre 2012, alors qu'ils avaient saisi le TGI de DIGNE LES BAINS de leur action en responsabilité dirigée à l'encontre du mandataire judiciaire domicilié à [Localité 2] et non le TGI de NICE, et qu'ils connaissaient donc, dès leur déclaration d'appel, la cause de renvoi qu'ils invoquent ;

Attendu que faute d'avoir demandé le renvoi du dossier devant une cour limitrophe dès le 18 mai 2012 et au plus tard le 17 octobre 2012, leur demande présentée le 7 février 2013 est irrecevable en application des dispositions précitées de l'article 47 du code de procédure civile ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par les intimés :

En ce qui concerne l'action dirigée contre Me [U] mandataire judiciaire personnellement :

Attendu que Me [U] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société EROS par décision du 22 juillet 1999 ;

Attendu qu'il a exercé ce mandat à titre individuel jusqu'au 7 janvier 2003, date à laquelle ce mandat a été transféré par le Tribunal de commerce de NICE à la SCP [U] qui l'a remplacé, Me [U] étant désigné pour suivre la procédure collective ;

Attendu qu'il n'est ni soutenu ni établi que le transfert du mandat à la SCP [U] à compter du 7 janvier 2003 ait entrainé la reprise par celle-ci des actes accomplis antérieurement par Me [U] à titre individuel ;

Attendu que parmi les fautes reprochées au mandataire judiciaire certaines sont relatives à des actions en justice intentées par Me [U], ès-qualités, avant janvier 2003 (action en comblement de passif engagée le 23 mai 2002 à l'encontre de Madame [V], demande de désignation d'un mandataire ad hoc à la société EROS afin d'exercer ses droits propres, refus de renouveler les mandats de gestion...) ;

Attendu que s'agissant des fautes reprochées à Me [U] mandataire judiciaire alors qu'il exerçait son mandat à titre individuel, l'action en responsabilité dirigée à son encontre personnellement est recevable pour les faits accomplis antérieurement au 7 janvier 2003 ;

Attendu qu'à partir du 7 janvier 2003 Me [U] n'ayant agi qu'en tant qu'associé de la SCP [U] désigné par le Tribunal pour conduire la mission au nom de la SCP et ayant exercé nécessairement ses fonctions au nom de la SCP, les époux [V] ne sont pas recevables à l'attraire pour des faits postérieurs au 7 janvier 2003 ,

En ce qui concerne la SCP [U] mandataire judiciaire :

Attendu qu'aux termes de l'article 547 du code de procédure civile, l'appel ne peut être dirigée que contre ceux qui ont été parties en première instance ;

Attendu qu'une erreur manifeste dans la désignation de l'intimé, au regard de l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel ;

Attendu que la SCP [U] fait valoir qu'il convient de rectifier l'erreur dans sa désignation d'intimé comme 'mandataire judiciaire' purement et simplement, due à celle figurant dans l'en-tête du jugement, qui indique également que la SCP [U] est prise en sa qualité de mandataire judiciaire, mention rappelant seulement sa qualité professionnelle, alors qu'elle est intervenue volontairement en première instance dans la procédure expressément en qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société EROS, et non à titre personnel, faisant valoir que si la Cour estimait que le jugement et l'appel sont régulièrement dirigés contre la SCP personnellement, l'appel serait irrecevable à son encontre en application de l'article 547 du code de procédure civile ;

Attendu toutefois qu'à supposer qu'il existe une erreur dans la désignation de la SCP [U] mandataire judiciaire, eu égard aux demandes formulées à son encontre par les époux [V] qui recherche sa responsabilité pour avoir failli dans l'exécution de son mandat de liquidateur judiciaire de la société EROS et ont conclu à son encontre en première instance sollicitant sa condamnation solidairement avec Me [U], elle n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel dirigé à son encontre, étant noté d'ailleurs qu'elle a expressément pris des conclusions sur le fond le 5 avril 2013 'en son nom personnel' ;

Attendu que la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article 547 du code de procédure civile sera en conséquence écartée ;

Sur l'absence de domiciliation réelle des époux [V] :

Attendu que si la lecture des différentes décisions de justice démontrent que des difficultés ont antérieurement existé dans les notifications d'actes à destination des époux [V], qui se sont déclarés comme résidents au LUXEMBOURG à trois adresses différentes en 2003 et 2005, il résulte du 'certificat de résidence historique' établi par l'officier d'état civil de la commune d'[Localité 4] en Belgique le 21 septembre 2011 que depuis le 26 juillet 2006 ils sont inscrits à [Localité 4], comme venant du LUXEMBOURG, où ils ont résidé à trois adresses différentes, la dernière mentionnée sur ce document depuis le 16 août 2011 étant au [Adresse 4] ;

Attendu que cette adresse n'est pas celle à laquelle les époux [V] se domicilient dans leurs écritures puisque dans celles du 14 mai 2014, comme dans les précédentes, ils disent demeurer [Adresse 2], qui était leur adresse du 16 mai 2007 au 16 août 2011 selon le certificat produit daté du 21 septembre 2011, non contemporain de la clôture de l'instruction ;

Attendu que les intimés soutiennent qu'à défaut pour les époux [V] de justifier de leur résidence par la production d'un bail, factures diverses, leur demande est irrecevable 'sous le visa de l'article 115 du code de procédure civile' ;

Attendu toutefois que le certificat de résidence historique permettant de rectifier cette erreur et les intimés ne démontrant pas à ce jour subir de grief imputable à cette erreur, la fin de non recevoir telle qu'opposée sera rejetée ;

Sur la qualité et l'intérêt à agir des époux [V] :

Attendu que les époux [V] associés de la société EROS n'ont pas qualité à agir pour défendre les intérêts collectifs de l'ensemble des créanciers ;

Attendu par contre, ils ont, en leur qualité d'associés de cette société, intérêt à agir à l'encontre du mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société EROS auquel ils reprochent des fautes dans l'exercice de son mandat les ayant privés d'une chance de recevoir un boni de liquidation, de les avoir évincés de leurs droits propres dans la société EROS et d'avoir fait preuve à leur encontre d'un acharnement judiciaire ;

Attendu que la fin de non recevoir sera donc partiellement écartée ;

Sur le fond du litige :

Attendu que l'action en responsabilité fondée sur l'article 1382 du code civil suppose la démonstration d'une faute imputable au mandataire judiciaire dans l'exercice de son mandat, d'un préjudice en résultant pour les époux [V] et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice, à les supposer établis ;

Attendu que les époux [V] reprennent chacune des instances engagées par les mandataires judiciaires, ou dans lesquelles ils ont en cette qualité été appelés en la cause par les parties au litige, et se prévalent de leurs évolutions procédurales pour en déduire un acharnement leur encontre ;

Attendu par ailleurs qu'ils soutiennent que le mandataire judiciaire aurait commis des fautes dans l'exécution de sa mission, lui reprochant de ne pas avoir contesté les créances déclarées par le Crédit Agricole, d'avoir fait preuve de lenteur dans la vente des actifs de la société EROS intervenue selon eux en méconnaissance de l'ordonnance autorisant leur vente aux enchères publiques, d'avoir négligé de recouvrer des actifs en mettant fin aux mandats de gestion donnés aux fins de location des immeubles ;

Attendu qu'il sera rappelé en premier lieu que le caractère fautif d'actions en justice ne résulte pas du seul fait que le mandataire judiciaire n'ait pas obtenu satisfaction dans certaines de ses demandes, ni que des décisions de première instance ou d'appel, les ayant accueillies favorablement, aient été réformées ou cassées ;

Attendu que par ailleurs les actions engagées par le mandataire judiciaire en extension de passif à l'encontre de la société ATLANTIC CHEMPHARM, en contribution en insuffisance d'actif à l'encontre de Madame [V], et la déclaration de créance effectuée par voie oblique au passif de la société MIRABEAU l'ont été dans l'intérêt des créanciers de la société EROS, sans qu'aucune faute dans leur exercice ne puisse être imputée au mandataire judiciaire ;

Attendu de même qu'ayant connaissance de faits susceptibles de qualification pénale commis par les époux [V], préjudiciant à la société EROS et aux créanciers de la société EROS, le mandataire judiciaire a justement déposé à leur encontre une plainte pénale ; que si celle-ci a été classée sans suite selon les dires des époux [V], il n'en demeure pas moins que l'information pénale a abouti définitivement à leur condamnation pour des délits d'abus de biens sociaux, d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, recel d'abus de biens sociaux et qu'ils ont été condamnés à verser à diverses victimes des dommages et intérêts dont la somme de 10.678.580 euros (70.046.894 F) à titre de dommages et intérêts à la SCP [U] ès-qualités, ce qui démontre à quel point la démarche du mandataire judiciaire était fondée ;

Attendu que les époux [V] reprochent également au mandataire judiciaire de n'avoir pas poursuivi les mandats de gestion relatifs à la location des biens immobiliers dont la société EROS était encore propriétaire aprés l'ouverture de la procédure collective et de n'avoir pas continuer à louer lesdits biens pendant le cours de la procédure collective, mais, s'agissant d'une liquidation judiciaire, eu égard à la saisie attribution pratiquée par le Crédit Agricole et à la nécessité de réaliser le plus rapidement possible les plus brefs les actifs de la société, la location des biens destinés à la vente générant une moins-value n'était pas souhaitable ;

Attendu que les époux [V] seront en conséquence déboutés de leur demande de condamnation des mandataires judiciaires au paiement de la somme de 700.000 euros au titre d'une perte de loyers ;

Attendu qu'ils soutiennent également que le mandataire judiciaire a commis des fautes dans l'adjudication des biens immobiliers, mais celle-ci a été autorisée par ordonnance du juge commissaire rendue au contradictoire de Me [D], désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société EROS le 5 juin 2002 ;

Attendu que cette désignation a été sollicitée en raison de l'incapacité frappant alors Monsieur [V] en faillite personnelle pour 15 ans et si l'ordonnance ayant refusé en 2011 de rétracter cette décision a été infirmée par un arrêt frappé de pourvoi au motif qu'à cette date de 2011 Monsieur [V] n'était plus sous le coup d'une faillite, il n'en demeure pas moins qu'aucune faute ne peut être reprochée au mandataire judiciaire qui a demandé cette désignation aprés que le Procureur de la République de Nice ait attiré son attention sur la situation de Monsieur [V], alors liquidateur amiable de la société EROS malgré l'interdiction de gérer le frappant, et que la société EROS devait être représentée dans ses droits propres ;

Attendu par ailleurs que les ventes ont eu lieu selon les modalités prévues à l'ordonnance du 6 novembre 2002 et il n'est pas démontré que leur réalisation avant mars 2005 aurait permis de recouvrer un prix plus élevé que celui de 1.299.086 euros obtenu, étant noté que le cahier des charges a été déposé au greffe du TGI de NICE le 23 octobre 2003, que la première audience d'adjudication fixée au 5 février 2004 a été renvoyée et que les époux [V] ont déposé un dire lors de l'audience éventuelle du 11 décembre 2003, rejeté comme étant irrecevable, proposant une cession de gré à gré avec une société COPRA à un prix inférieur que celui d'adjudication ;

Attendu qu'aucun élément versé aux débats ne démontre sérieusement qu'un prix plus élevé que celui obtenue sur adjudication des immeubles sur enchères publiques, aprés accomplissement des publicités renforcées telles qu'ordonnées, aurait eu des chances d'être obtenu dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ;

Attendu qu'en tout état de cause il ne peut être fait grief au mandataire judiciaire d'avoir suivi la procédure décidée par le juge commissaire ;

Attendu qu'en conséquence les époux [V] seront déboutés de leur demande de condamnation des mandataires judiciaires au paiement d'une somme de 3,7 millions d'euros à laquelle ils évaluent 'la moins-value constatée sur les immeubles bradés par Me [U] [U]' ;

Attendu s'agissant des déclarations de créance du Crédit Agricole, que celles-ci, contestées par Monsieur [V], ont été admises par ordonnances du juge commissaire du 29 mai 2001, et les appels interjetés par Monsieur [V] en qualité de liquidateur amiable de la société EROS ont été déclarés irrecevables par arrêts du 14 avril 2004 ;

Attendu qu'il n'appartient pas au mandataire judiciaire de contester les créances et celles-ci ayant fait l'objet de procédure de contestation de la part des époux [V], aucune faute ne peut être imputée à Me [U] ni à la SCP [U] dans cette procédure ;

Attendu que les époux [V] seront en conséquence déboutés de leur demande de condamnation des mandataires judiciaires au paiement de la somme de 2.633.422,67 euros au titre de l'augmentation inutile du passif 'ruinant de ce fait les époux [V] qui ont été obligés d'y contribuer' ;

Attendu que le soutien apporté par le mandataire judiciaire, appelé par la CRCAM d'ILLE et VILAINE dans l'action en nullité des cessions puis de l'action paulienne engagée contre la société ATLANTIC CHEMPHARM devant le TGI de QUIMPER, ne saurait être fautif, la société EROS ayant intérêt au succès de cette procédure ;

Attendu ainsi qu'aucune des actions engagées tant par Me [U], que par la SCP [U] à l'encontre des époux [V], ne revêt de caractère abusif, n'ayant été intentée que dans le cadre de leur mission et dans l'intérêt de la procédure collective ;

Attendu que leur abstention aurait pu au contraire être taxée de fautive au regard des éléments du dossier ;

Attendu qu'il résulte par ailleurs de l'état des créances au 15 juin 2001, de la liste succincte avec observations au 7 décembre 2010, que des contestations ont été élevées sur certaines créances notamment par le mandataire ad hoc, qui ont fait l'objet de décisions d'admission ou de rejet, ce qui démontre que la procédure de vérification des créances s'est déroulée normalement et aucune irrégularité dans la tenue des comptes de la liquidation judiciaire de la société EROS par le mandataire judiciaire n'est non plus démontrée ;

Attendu que les époux [V] ne justifient pas subir de préjudice moral qui résulterait du déroulement de la procédure de liquidation judiciaire de la société EROS dont Me [U] puis la SCP [U] était en charge, alors que l'impossibilité pour la société EROS de faire face au jour de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, au passif exigible avec son actif immédiatement disponible, ce que ne constitue pas la seule propriété de biens immobiliers, est exclusivement imputable à leur comportement délictueux ;

Attendu qu'ils ont été à bon droit déboutés de leur demande de condamnation des mandataires judiciaires au paiement d'une somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que les appelants en tout état de cause ne justifient pas d'un préjudice au titre d'une perte de chance de percevoir un boni de liquidation, le premier juge ayant justement relevé qu'aucun boni de liquidation n'était à espérer de cette procédure de liquidation judiciaire, toujours en cours, le passif définitivement admis s'élevant à 5.500.116,62 euros alors que l'actif recouvré à la suite de la vente est de 1.299.086,49 euros ;

Attendu que la condamnation au paiement de la somme de 10.678.580 euros prononcée à l'encontre des époux [V] ne peut par ailleurs se compenser avec une perte de boni de liquidation et les époux [V] devaient régler cette condamnation ;

Attendu que le 19 novembre 2012 le Commissaire aux comptes chargé du contrôle de la comptabilité spéciale de la SCP [U] a attesté avoir contrôlé l'intégralité des écritures ouvertes au nom de la société EROS et avoir questionné informatiquement l'ensemble des autres comptes affaires et n'avoir constaté aucun encaissement d'un montant de 10.678.580 euros ;

Attendu que Monsieur [V] soutient malgré tout avoir payé cette somme à la SCP [U] et produit pour justifier de ce règlement comme cela lui incombe en sa qualité de débiteur en application de l'article 1315 du code civil, des attestations de la Commission de probation qui indique avoir clôturé le dossier de Monsieur [V] le 31 mars 2009, au motif que l'intégralité des victimes était indemnisée ; que toutefois ces documents ne suffisent pas à démontrer le paiement libératoire prétendu, faute de préciser les modes de libération invoqués par le débiteur, et la Commission invitant d'ailleurs dans son courrier du 27 février 2014, les avocats du mandataire judiciaire à demander à Monsieur [V] de produire le dossier déposé devant cette Commission le 31 mars 2009 à l'appui de ses déclarations ;

Attendu que Monsieur [V], sommé le 15 avril 2014 de communiquer ce dossier invoqué par la Commission, a refusé le 13 mai 2014 de satisfaire à cette demande ;

Attendu qu'il n'est donc aucunement établi que Monsieur et Madame [V] ait réglé la somme de 10.678.580 euros au mandataire judiciaire, ès-qualités comme il le prétend sans en justifier ;

Attendu que la condamnation au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts étant définitive et ayant été fixée aprés débat contradictoire en leur présence, les époux [V] ne sont ni recevables ni fondés à critiquer son montant comme ne correspondant pas au montant du compte courant débiteur de Madame [V] en 1999, ni à soutenir que le mandataire judiciaire aurait réclamé à tort cette somme au titre du préjudice de la société EROS ;

Attendu que ne démontrant l'existence d'aucun préjudice en lien avec une éventuelle faute imputable au mandataire judiciaire pas plus démontrée, les époux [V] ont été déboutés à bon droit par le premier juge de leurs demandes dirigées à l'encontre tant de Me [U], que de la SCP [U] ;

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Attendu que les époux [V], condamnés pour abus de biens sociaux et organisation frauduleuse de leur insolvabilité, débiteurs de la somme de 10.678.580 euros envers le mandataire judiciaire ès-qualités, ont exercé une action en responsabilité à l'encontre des mandataires judiciaires manifestement injustifiée tant dans son principe de responsabilité, que dans l'existence et le quantum de 8.033.422,67 euros des préjudices invoqués de manière artificielle ;

Attendu que l'ayant exercée en l'absence d'intérêt légitime, ils ont abusé de leur droit à ester en justice, leur qualité de professionnel du droit ne faisant pas obstacle à ce que les mandataires judiciaires ainsi assignés et obligés de défendre à cette action, subissent un préjudice moral et matériel ;

Attendu que les époux [V] seront en conséquence condamnés à régler in solidum à Me [U] [U], d'une part, et la SCP [U], d'autre part, une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts à chacun en réparation du préjudice occasionné ;

Attendu que, parties perdantes, les époux [V] seront condamnés in solidum à payer la somme de 6.000 euros à chacun des intimés, en compensation des frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Déboute les intimés de leur demande de rejet des écritures et pièces déposées le 14 mai 2014 par les appelants,

Rejette comme étant irrecevable la demande de renvoi de l'affaire devant une Cour limitrophe en application de l'article 47 du code de procédure civile,

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a débouté les époux [V] de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnés solidairement au paiement d'une somme de 10.000 euros à la SCP [U] et de 5.000 euros à Me [U] en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

Le Réforme partiellement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déclare l'action en responsabilité dirigée à l'encontre de Me [U], mandataire judiciaire, personnellement, recevable pour les actes accomplis antérieurement au 7 janvier 2003,

Déclare les époux [V] irrecevables à l'attraire pour des faits postérieurs au 7 janvier 2003,

Rejette les fins de non-recevoir opposées par les intimés tirés de l'irrecevabilité de l'appel en application des articles 547 et 115 du code de procédure civile,

Dit que les époux [V] agissant en qualité d'associés de la société EROS n'ont pas qualité à agir pour défendre les intérêts collectifs de l'ensemble des créanciers,

Les déclare recevables à agir en cette qualité au titre d'une éventuelle perte de chance de percevoir un boni de liquidation,

Les déboute de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

Dit que les époux [V] ne démontrent pas à ce jour avoir réglé à la SCP [U], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de la société EROS, la somme de 10.678.580 euros au paiement de laquelle ils ont été condamnés définitivement,

Dit abusive l'action engagée par les époux [V] à l'encontre de Me [U] et de la SCP [U],

Condamne in solidum les époux [V] à payer tant à Me [U] [U], qu'à la SCP [U], mandataires judiciaires, une somme de 5.000 euros à chacun à titre de dommages et intérêts et une somme de 6.000 euros à chacun des intimés en application de l'article 700 du code de procédure civile en compensation des frais irrépétibles d'appel,

Condamne in solidum aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE. LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/09020
Date de la décision : 03/07/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°12/09020 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-07-03;12.09020 ?
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