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26/06/2014 | FRANCE | N°10/09448

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 26 juin 2014, 10/09448


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 26 JUIN 2014



N° 2014/346













Rôle N° 10/09448







[I] [E] épouse [D]





C/



[U] [P]

SA AXA FRANCE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR





















Grosse délivrée

le :

à :

Me SIDER

Me BOULAN

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 29 Avril 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/2950.





APPELANTE



Madame [I] [E] divorcée [D]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 10/9355 du 03/09/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 26 JUIN 2014

N° 2014/346

Rôle N° 10/09448

[I] [E] épouse [D]

C/

[U] [P]

SA AXA FRANCE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

Grosse délivrée

le :

à :

Me SIDER

Me BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 29 Avril 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/2950.

APPELANTE

Madame [I] [E] divorcée [D]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 10/9355 du 03/09/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)

née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Colette HELLO, avocat au barreau de TOULON,

INTIMES

Monsieur [U] [P]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]/TUNISIE (99), demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de Me Philippe BLANC de la SCP BLANC CHERFILS, avoués,

assisté de Me Jean-Guy LEVY, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Alexandra BOUCLON, avocat au barreau de TOULON

SA AXA FRANCE,RCS PARIS 722 057 460 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de Me Philippe BLANC de la SCP BLANC CHERFILS, avoués,

assisté de Me Jean-Guy LEVY, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Alexandra BOUCLON, avocat au barreau de TOULON

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 4]

assignée,

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Mai 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2014

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2014,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

RAPPEL DES FAITS ET DE L APROCEDURE

Le 8 mai 1996 Mme [I] [E] a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule automobile conduit par M. [U] [P], assuré auprès de la Sa Axa France.

Par décision en date du 3 mai 2005 la Cour d'appel d'Aix en Provence, statuant sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 9 juillet 2002, a confirmé cette décision en ce qu'elle a constaté le droit à indemnisation intégrale de Mme [E], l'a infirmé sur le montant de l'indemnisation et liquidé le préjudice corporel au vu d'un rapport d'expertise médicale du docteur [Z] en date du 20 mars 1999 retenant un taux d'IPP de 40 % à la somme de 243.413,99 € dont 172.320,85 € lui revenant après imputation de la créance du tiers payeur détaillé comme suit

- dépenses de santé selon débours de la Cpam : 100.349,03 €

- autre frais non remis en cause par les parties : 8.175,97 €

- ITT et ITP perte de revenus : 6.019,39 €

- IPP 40 % : 77.800 €

- préjudice professionnel et de retraie : 51.069,60 €

- souffrances endurées : 14.000 e

- préjudice esthétique : 6.100 €

- préjudice d'agrément : 15.000 €

- préjudice moral : rejet.

Par ordonnance en date du 10 octobre 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon a prescrit une expertise médicale en aggravation de son état, confiée au docteur [W] qui a déposé son rapport le 30 mai 2008.

Par actes d'huissier en date des 4, 7 et 11 mai 2009 Mme [E] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Toulon M. [P] et la Sa AXA Iard pour obtenir l'indemnisation de l'aggravation de son préjudice, et subsidiairement, la désignation d'un expert pour complément d'expertise et a appelé en cause la Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) du Var, en sa qualité de tiers payeur.

Par ordonnance en date du 17 décembre 2009 le juge de la mise en état lui a alloué une provision de 20.000 € à valoir sur l'indemnisation de l'aggravation de son préjudice corporel.

Par jugement du 29 avril 2010 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

- condamné in solidum M. [P] et la Sa Axa France à payer à Mme [E] la somme de 47.207,72 € à titre de solde de dommages intérêts en réparation de l'aggravation de son préjudice corporel,

- condamné les mêmes aux dépens incluant les frais d'expertise judiciaire

- débouté Mme [E] du surplus de ses demandes

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Il a évalué comme suit les différents chefs de dommage

avant consolidation

* dépenses de santé : 2.685 € (frais d'assistance à expertise)

* préjudice esthétique temporaire : 2.000 €

* souffrances endurées : 18.000 €

après consolidation

* dépenses de santé futures : 40.734,72 d'assistance de tierce personne à raison de 5 heures par semaine

* perte de pension de retraite : rejet ; indemnisé par la précédente décision

* déficit fonctionnel permanent : 10.000 €.

Par déclaration déposée au greffe le 20 mai 2010 Mme [E] a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Par arrêt du 4 avril 2012 la cour d'appel a

Aavant dire droit sur la liquidation du préjudice en aggravation de Mme [E],

- ordonné une mesure d'expertise médicale confiée à M. [A]

- condamné in solidum M. [P] et la Sa Axa France à payer à Mme [E] une provision de 5.000 € à valoir sur la réparation de son préjudice d'aggravation

- sursis à statuer sur les dépens.

L'expert a déposé son rapport le 24 juin 2013 et a conclu à l'existence d'une rechute en date du 5 juin 2000 avec nouvelle consolidation au 12 juin 2009 et aggravation de l'atteinte à l'intégrité physique et psychique de 5 % au niveau de la structure ORL, 2 % au niveau psychiatrique et de 3 % au niveau orthopédique, en indiquant que le taux global qui lui avait été attribué à l'époque de 40 % était nettement supérieur au taux qui lui serait attribué aujourd'hui globalement.

MOYENS DES PARTIES

Mme [E] demande dans ses conclusions du 27 décembre 2013 de

- homologuer partiellement le rapport d'expertise et l'apprécier en tant qu'indication nécessaire à l'indemnisation

- réformer le jugement

- indemniser ses préjudices à la somme totale de 663.468,57 € détaillée comme suit :

avant consolidation

° dépenses de santé : 8.280 € (frais d'assistance à expertise) et 9.500 € (rhinoplastie réparatrice)

° assistance d'une tierce personne : 13.178 € (base 18 € de l'heure),

° déficit fonctionnel temporaire total : 10.490,70 € (base 1.683 € par mois)

° déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % : 71.247 €

° préjudice esthétique temporaire : 20.000 €

° souffrances endurées : 30.000 € (8 interventions chirurgicales depuis 1999)

après consolidation

° dépenses de santé futures : 3.570 € pour le fauteuil roulant + 2.340 € pour les implants et le bridge

° assistance d'une tierce personne : 40.734,72 €

° frais de véhicule adapté : 30.000 €

° aménagement appartement : 2.000 €

° préjudice professionnel et de retraite : 371.242,87 €

° déficit fonctionnel permanent : 22.600 €

° souffrances endurées permanentes : 50.000 €

° préjudice d'agrément : 10.000 €

° préjudice sexuel : 3.000 €

° préjudice esthétique : 6.000 €

- condamner les intimés in solidum à lui verser ces sommes en tenant compte du fait qu'elle a déjà perçu celle de 85.919,72 € (80.919,72 € + 5.000 €) au titre de l'aggravation

- condamner les intimés aux entiers dépens de première instance et d'appel selon les modalités de l'aide juridictionnelle.

M. [P] et la Sa AXA France demandent de :

- réformer le jugement

- indemniser comme suit les préjudices de Mme [E] liés à l'aggravation

avant consolidation

° déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 37.477 € (base 22 € par jour)

° préjudice esthétique temporaire : rejet

° souffrances endurées : rejet

° frais d'assistance à expertise : 3.360 €

° assistance d'une tierce personne : 9.450 € (base 11 € de l'heure),

après consolidation

° dépenses de santé futures : rejet

° tierce personne : 40.734,72 € (confirmation)

° frais de véhicule adapté : rejet

° aménagement appartement : rejet

° préjudice professionnel et de retraite : rejet

° déficit fonctionnel permanent : rejet

° souffrances endurées : 9.000 €,

° préjudice d'agrément : rejet

° préjudice esthétique : rejet

° préjudice sexuel : rejet

- déduire les sommes déjà versées soit 85.919,72 €

- statuer ce que de droit sur les dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Cpam du Var, assignée à personne habilitée par actes d'huissier en date du 29 octobre 2010 et du 15 janvier 2014, n'a pas constitué avocat ; par courrier du 25 avril 2014, elle a fait connaître le montant de sa créance définitive en aggravation d'un montant de 6.990,75 € au titre de prestations en nature.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le préjudice corporel

L'expert [A] indique dans son rapport que Mme [E] a été victime d'un accident de la circulation le 8 mai 1996, qu'il s'agissait d'un violent traumatisme avec choc de la face, qu'elle a présenté un traumatisme crânio-facial avec perte de connaissance, fracture ouverte des os propres du nez, fracture ouverte de la rotule droite, fracture parcellaire du tubercule du grand adducteur droit, fracture enfoncement du pilon tibial associée à une fracture de la malléole externe droite, entorse de la cheville gauche, fracture de l'aileron sacré gauche, contusions multiples du rachis cervical, épaule gauche et abdomen.

Il précise qu'elle avait été opérée rapidement et prise en charge au centre hélio marin puis opérée au niveau de ses fractures des os propres du nez et hospitalisée pour la fracture de sa cheville droite grave.

Il note que depuis l'expertise du docteur [R] le 20 mars 1999 Mme [E] a bénéficié de différents examens et explorations au niveau de son genou et de sa cheville.

Il expose qu'en juin 2000 elle a été à nouveau opéré de sa rhinoplastie, qu'au niveau de sa cheville l'ablation de la prothèse totale a été faite en même temps que l'ablation du matériel d'ostéosynthèse et qu'elle a ensuite séjourné en centre de rééducation, que la vis malléolaire externe trop longue a été enlevée au mois de septembre 2012 et qu'elle a nouveau été opérée de sa cheville droite pour l'ablation de la plaque.

Il souligne qu'elle présente actuellement des séquelles orthopédiques importantes au niveau de sa cheville et au niveau des différentes localisations post-traumatiques avec au niveau du genou un enraidissement de la rotule dans le sens transversal et une limitation de la flexion et au niveau de la cheville une mobilité très limitée à l'origine d'une aggravation du taux d'IPP de 3 %.

Il mentionne que l'expert sapiteur ORL a considéré que l'accident avait été à l'origine d'une anosmie avec dysgueusie évaluable à 5 %, le sapiteur stomatologue que les 2 piliers n° 37 et 38 ne pouvaient être rattachés à l'accident et le sapiteur psychiatre que les séquelles post émotionnelles résiduelles imputables et durables étaient source d'un déficit fonctionnel permanent de 2 %.

Il en déduit qu'il existe une aggravation sur le plan psychiatrique, sur le plan ORL et sur le plan orthopédique que l'on évalue globalement à 10 %.

Il conclut à

- un déficit fonctionnel temporaire total du 5/06/2000 au 9/06/2000, du 12/10/2000 au 30/10/2000, du 30/10/2000 au 19/02/2001 (rééducation), du 13 au 14 septembre 2002 (ablation vis malléollaire) du 12 au 19/01/2004 puis du 29/01/2004 au 21/02/2004 (rééducation du 10 au 13 février 2009, du 13/02/2009 au 12/03/2009 (rééducation)

- un déficit fonctionnel temporaire partiel entre les périodes de déficit fonctionnel

- une date de consolidation au 12/06/2009

- un nouveau quantum doloris de 4/7

- un préjudice d'agrément et professionnel à la hauteur de l'aggravation fonctionnelle

- une atteinte à l'intégrité physique et psychique de 10 %, sans pouvoir considérer que le taux d'IPP globale soit supérieur à celui de 40 % qui lui avait été précédemment attribué

- le besoin antérieur d'aide humaine doit être majoré pour les périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % : 2 heures par semaine environ pour les déplacements et les convoyages.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu, notamment, des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime (née le [Date naissance 2] 1950), de son activité (étalagiste demandeur d'emploi lors des faits), de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale, en tenant compte conformément aux articles 31 de la loi du 5 juillet 1985 et L 376-1 du code de la sécurité sociale, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 9.429,93 €

Ce poste est constitué des

* frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques et massages prises en charge par la Cpam soit 6.990,75 € pour la période du 13/09/2002 au 18/10/2006

* des frais médicaux restés à la charge de la victime soit 2 439,18 € au titre des honoraires des médecins (chirurgien et anesthésiste) lors de l'intervention de rhinoplastie de juin 2000 suivant facture du 8 juin 2000

- Frais divers5.010,00 €

Ils sont représentés par les honoraires d'assistance à expertise par le docteur [H] le 30/11/2007 (350 € expertise sapiteur [B]), le 14/04/08 (350 € expertise Cianfarani), le 21/06/2012 (400 €), le 25/10/2012 (400 €), le 29/01/2012 (400 €), le 29/01/2013 (400 €), le 16/05/2013 (400 €), le 24/06/2013 (400 €) soit un total de 3.100 € ainsi que la facture d'honoraires du docteur [S] pour assistance à l'expertise chez le docteur [L] du 15 mai 2006 (260 €), que M. [P] et la Sa Axa France acceptent expressément de prendre en charge.

S'y ajoute les honoraire du docteur [S] du 10 février 2006 pour 'préparation du dossier expertal' (75 €) ainsi que du docteur [C] du 7 juin 2006 à hauteur de 1.650 € suivant factures communiquées.

Toutes ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l'accident, sont par là-même indemnisables.

Les honoraires du docteur [O] de 950 € ne peuvent, en revanche, être pris en considération car ils se rapportent à l'expertise initiale du docteur [Z] et ont déjà été indemnisés par l'arrêt du 3 mai 2005 à la rubrique 'autre frais non remis en cause par les parties'.

De même, en vertu des articles 695 et 696 du code de procédure civile, les frais d'expertise judiciaire du docteur [W] (450 € et 1.795 €) font partie des dépens et seront pris en compte à ce titre.

- Assistance de tierce personne13.032,49 €

La nécessité de la présence auprès de Mme [E] d'une tierce personne pour l'aider à accomplir certains actes de la vie courante n'est pas contestée en son principe, ni son étendue et sa durée fixée par l'expert à 2 heures par semaine durant toute la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % de 3007 jours ou 100,25 mois (selon détail figurant au poste déficit fonctionnel temporaire) comme calculé et offert par M. [P] et la Sa Axa France, mais elle l'est sur son coût.

Quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable et son assureur sont tenus de l'indemniser pour le recours à cette aide humaine indispensable qui doit tendre à l'aider dans les actes de la vie quotidienne mais aussi préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie pour lui restituer des conditions d'existence les plus proches possibles de celles qui étaient les siennes, lui permettre d'avoir une qualité de vie en rapport avec ses capacités.

En application du principe de la réparation intégrale, le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise, non spécialisée, s'agissant d'une assistance dans les déplacements, l'indemnité qui doit être évaluée au jour où la cour statue, doit être fixée sur la base de 15 € de l'heure, ce qui donne une indemnité de 13.032,49 € (104 heures par an (2 h x 52 semaines) /12 mois x 100,25 mois x 15 €).

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures/

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Aucune dépense à venir n'a été prévue par la Cpam.

Mme [E] précise que les semelles orthopédique sont intégralement prises en charge par l'organisme social et ne réclame aucune somme sur ce point.

La nécessité de l'usage d'un fauteuil roulant pour Mme [E] n'est pas démontrée ; l'expert n'y fait aucunement allusion alors qu'elle a présenté des doléances à ce sujet (page 4 rubrique doléances du rapport) et la description des séquelles ne permet pas à elle seule de l'admettre ; Mme [E] ne produit, d'ailleurs, aucune facture d'achat initial quelconque alors que la nouvelle consolidation remonte à février 2009 et donc à plus de 5 ans ; la demande relative aux frais de renouvellement de cet équipement doit, dès lors, être rejetée.

Aucun frais de prothèse dentaire pour la perte de son bridge 35 à 38 et la pose d'implants 36 à 37 ne peut être mis à la charge de M. [P] et de la Sa Axa France dès lors que l'expert [A] et son sapiteur ont exclu l'imputabilité de ces dépenses à l'accident et que Mme [E] ne fournit aucun élément nouveau contraire ; tous les certificats produits ont été soumis à l'expert et à son sapiteur qui sont formels sur ce point.

- Perte des gains professionnels futurs/

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Toute demande de Mme [E] à ce titre est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée du précédent arrêt du 3 mai 2005 puisque cette décision l'a indemnisée au titre d'un préjudice professionnel et de retraite retenu par l'expert [Z] pour inaptitude à sa profession antérieure et à toute autre activité, sur la base à la fois d'une perte totale et définitive de gains selon un barème de capitalisation d'euro de rente viager et des seuls revenus dont elle avait pu alors justifier, à savoir les indemnités journalières, écartant expressément l'attestation d'embauche produite, émanant de la société 'Le garage', comme dépourvue de toute valeur probante ; cette décision devenue irrévocable s'impose à cette victime qui ne peut la remettre en cause de quelque façon.

- Assistance de tierce personne40.734,72 €

L'indemnité de 40.734,72 € allouée par le tribunal dans son jugement du 19 avril 2010 au titre de la tierce personne permanente doit être maintenue dès lors qu'elle n'est critiquée par aucune des parties.

- Frais de véhicule adapté/

Ce poste de préjudice comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l'adaptation d'un véhicule aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent et celles liées au surcoût d'achat d'un véhicule susceptible d'être adapté, ainsi que leur renouvellement.

Le principe de cette dépense lié à la nécessité d'une boîte automatique et d'un élévateur pour placer le fauteuil roulant ne peut être admis.

Mme [E] n'a présenté aucune doléance à ce sujet devant l'expert judiciaire, lequel n'a fait état d'aucun besoin de cette nature ; il n'a nullement retenu la nécessité d'un fauteuil roulant et les séquelles orthopédiques affectent la seule cheville droite ; l'offre d'achat d'un véhicule Renault Clio en date du 5 novembre 2008 d'un coût de 17.019 € versée aux débats, seul document venant étayer sa réclamation, ne mentionne nullement de tels équipements.

La demande de ce chef doit être écartée.

- Frais de logement adapté/

Ce poste concerne les frais que doit débourser la victime directe à la suite de sa consolidation consécutive à l'accident dommageable pour adapter son logement à son handicap et bénéficier d'un habitat en adéquation avec celui-ci.

Mme [E] invoque la nécessité d'adapter sa salle de bains ; mais elle a sollicité le 28/03/2011 une aide auprès de la maison départementale des personnes handicapées pour 'douche aménagée et siège' pour un montant estimé de 1.578,33 € et un montant attribuable de 1.539,17 € (pièce n° 125) ; elle ne communique pas le moindre élément venant étayer ses dires d'avoir personnellement supporté une dépense complémentaire de 2.000 €, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande de remboursement ce chef.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire45.300,00 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 800 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit

- 5.200 € pendant la période d'incapacité totale de 195 jours ou 6,5 mois

* 5/06 au 9/06/2000 : 4 jours

*12/10/2000 au 30/10/2000 : 18 jours

*30/10/2000 au 19/02/2001 : 112 jours

*13 au 14 septembre 2002 : 1 jour

*12 au 19/01/2004 : 7 jours

* 29/01/2004 au 21/02/2004 : 23 jours

* 10 au 13 février 2009 : 3 jours

* 13/02/2009 au 12/03/2009 : 27 jours

et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle à 50 % de 3007 jours ou 100,25 mois soit 40.100 €

* 9/06/2000 au 12/10/2000 : 125 jours

* 19/02/2001 au 13/09/2002 : 571 jours

* 14/09/ 2002 au 12/01/2004 : 485 jours

* 19/01/2004 au 29/01/2004 : 10 jours

* 21/02/2004 au 10/02/2009 : 1.816 jours

soit au total 45.300 €.

- Souffrances endurées15.000,00 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de plusieurs interventions chirurgicales avec hospitalisation et rééducation en centre, source également de souffrances psychiques comme souligné par le sapiteur psychiatre ; côtées 4/7 par l'expert, elles justifient l'octroi d'une indemnité de 15.000 €.

- Préjudice esthétique/

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique

Aucune indemnité ne peut être accordée à Mme [E] ; l'expert ne retient aucun nouveau préjudice spécifique de ce type dans le cadre de l'aggravation pendant la période d'incapacité temporaire ; et cette victime ne communique aucune donnée médicale ou autre venant contredire cet avis spécialisé.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent15.000,00 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Il est caractérisé par une aggravation au plan ORL, orthopédique et psychiatrique de 10 % justifiant une indemnité de 15.000 € pour une femme âgée de 58 ans à la nouvelle consolidation.

- Préjudice esthétique/

Aucune indemnité ne peut être allouée à ce titre, l'expert [A] précisant qu'il n'est pas modifié par rapport à l'expertise initiale du docteur [R] ; le port d'une canne anglaise, de chaussures montantes et la présence de cicatrices aux membres inférieurs étaient déjà pris en compte.

- Souffrances endurées/

Aucune indemnité spécifique ne peut être allouée pour ce poste de dommage ; les souffrances endurées avant consolidation ont déjà été indemnisées à ce titre et les souffrances permanentes ont déjà été prises en considération au titre du déficit fonctionnel permanent dont elles constituent l'une des composantes.

- Préjudice sexuel

Aucune somme ne peut être allouée de ce chef dès lors qu'aucune atteinte quelconque à la sphère sexuelle n'a jamais été constatée par quelque expert ; Mme [E] indique 'présenter du fait de ses très nombreuses interventions chirurgicales une névrose traumatique avec phobie au toucher et à l'approche corporelle, ce qui entraîne un préjudice sur le plan affectif et même sexuel ' ; mais elle n'a pas fait état de telles doléances auprès du sapiteur psychiatre qui n'a retenu aucune incidence dans la sphère sexuelle ; elle s'est d'ailleurs remariée après l'accident et a elle-même attribué la séparation du couple de 2005 et le divorce de 2009 à d'autres causes (cf page 5 du rapport du docteur [T]).

- Préjudice d'agrément 1.500,00 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

L'aggravation constatée au plan orthopédique a nécessairement amplifié les difficultés à se livrer à certaines activité sportives ou de loisir antérieures, même banales comme la marche.

Le préjudice corporel global subi par Mme [E] au titre de l'aggravation de son état de santé depuis l'année 2000 s'établit ainsi à la somme de 145.007,14 soit, après imputation des débours de la Cpam à hauteur de 6.990,75 €, une somme de 138.016,39 € lui revenant, sauf à déduire les provisions versées, qui conformément à l'article 1153-1 du code civil porte intérêts au taux légal à compter du jugement à hauteur de 80.919,72 € et à compter du prononcé du présent arrêt à hauteur de 57.096,67 €.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire du docteur [W] conformément à l'article 695 4° du code de procédure civile doivent être confirmées.

M. [P] et la Sa Axa France qui succombent sur partie de leurs prétentions et qui restent tenues à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire du docteur [A].

PAR CES MOTIFS

La Cour

- Confirme le jugement

hormis sur le montant du préjudice corporel de Mme [E]

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel global de Mme [I] [E] à la somme de 145.007,14€.

- Dit que l'indemnité lui revenant s'établit à 138.016,39 €.

- Condamne in solidum M. [U] [P] et la Sa Axa France à payer à Mme [I] [E] la somme de 138.016,39 € au titre de son préjudice corporel, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2010 à hauteur de 80.919,72 € et à compter du 26 juin 2014 à hauteur de 57.096,67 €.

- Condamne in solidum M. [U] [P] et la Sa Axa France aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 10/09448
Date de la décision : 26/06/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°10/09448 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-26;10.09448 ?
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