COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 19 JUIN 2014
N°2014/534
Rôle N° 13/10775
Société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST
C/
[V] [H]
CPAM DU VAR
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée le :
à :
Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON
Me Stéphane DORN, avocat au barreau de TOULON
Me Jean-Marc CAZERES, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Arrêt de Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date du 25 Janvier 2013,enregistré au répertoire général sous le n° 21100482.
APPELANTE
Société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST venant aux lieu et place de la Société CEGELEC SUD-EST, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON
INTIMES
Monsieur [V] [H], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Stéphane DORN, avocat au barreau de TOULON
CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Jean-Marc CAZERES, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 1]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine MATHIEU-GALLI, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2014
Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [H] [V], salarié de la société CEGELEC SUD EST en qualité de tuyauteur monteur depuis le 11 janvier 1999 a été victime le 23 juillet 2009 d'un accident de travail. La déclaration d'accident de travail mentionne 'La victime nous a déclaré avoir ressenti une douleur au bas du dos en voulant ramasser une chute de tôle au sol. En se relevant elle a heurté un montant de la machine'.
Monsieur [H] [V] a attrait son employeur la société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST venant aux droits de la société CEGELEC SUD EST devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale du Var pour entendre reconnaître la faute inexcusable de celui-ci à l'origine de l'accident de travail dont il a été victime.
Par jugement en date du 25 janvier 2013 le Tribunal des affaires de sécurité sociale a :
- dit que la société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident de travail dont a été victime Monsieur [H] [V] le 23 juillet 2009,
- ordonné la majoration de rente au taux maximum,
- avant dire droit, ordonné une expertise confiée au Docteur [K].
La société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST a interjeté appel de ce jugement dont elle sollicite réformation.
Elle demande à la Cour de :
- dire que La société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST venant aux droits de la société CEGELEC SUD EST n'a commis aucune faute inexcusable à l'origine de l'accident de travail dont Monsieur [H] [V] a été victime,
- dire et juger que Monsieur [H] [V] est mal fondé à solliciter la mise en oeuvre de la responsabilité de la société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST sur le fondement de la faute inexcusable,
- débouter le salarié de ses demandes,
- le condamner au paiement de la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST fait valoir que Monsieur [H] [V] a été victime d'un premier accident de travail le 6 août 2007 à la suite duquel il a fait l'objet d'un contrôle médical sérieux ; que lors de sa reprise en date du 10 mars 2008 Monsieur [H] [V] a été déclaré apte à la reprise de son poste, le médecin du travail prévoyant uniquement la restriction 'pas de manutantion lourde - à revoir dans trois mois '; qu'une visite médicale de surveillance en date du 9 juin 2008 a confirmé que le salarié était apte au maiuntien sur son poste de travail mais avec restrictions 'contre-indiqué aux travaux dans les ambiances confinées - à revoir dans 6 mois'.
La société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST fait valoir qu'elle a pris ces restrictions en considération en soustrayant Monsieur [H] [V] aux missions où il pouvait être amené à travailler dans une ambiance confinée.
Elle précise que sur nouvel avis médical du 19 novembre 2008 Monsieur [H] [V] a été une fois encore déclaré apte à son poste de travail.
La société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST considère qu'aucune faute inexcusable ne peut lui être reprochée faute pour Monsieur [H] [V] de démontrer que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié.
Elle fait valoir que Monsieur [H] [V] s'est blessé en se baissant pour ramasser une chute de tôle à l'arrière d'une machine et que lorsqu'il s'est relevé il s'est cogné par maladresse sur un montant de la machine. Elle souligne que Monsieur [H] [V] ne s'est pas fait mal en manipulant cette pièce. Elle en conclut que l'accident de travail serait la conséquence d'un mouvement classique de génuflexion et non la conséquence du port de charges.
Monsieur [H] [V] conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Il réplique qu'il a été victime d'un premier accident de travail le 6 août 2007 à la suite duquel il s'est vu reconnaître un tauxd d'IPP dce 8% par la Caisse primaire d'assurance maladie. Que dans le cadre de sa reprise d'activité l'employeur était informé des risques liés à la manipulation de charges lourdes., Il excipe par ailleurs d'un rapport de l'inspecteur du travail en date du 16 août 2010 retenant que l'employeur avait méconnu ses obligations tenant à garantir la sécurité des salariés.
Monsieur [H] [V] précise que dans le cadre de son activité il était contraint de soulever à de nombreueses reprises et pendant toute la journée des tôles d'un poids important.et qu'il est incontestable qu'en l'état de ses capacités il n'aurait pas dû être affecté à ce type de poste ; que les douleurs ressenties étaient la conséquence d'efforts physiques répétés pour exécuter ces tâches, ce qui équivaut au port de charges lourdes.
La Caisse primaire d'assurance maladie du Var s'en rapprte à justice sur l'existence d ela faute inexcusable de l'employeur.
Pour plus ample exposé du litige, des faits, de la procédure et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement critiqué et aux écritures développées oralement à l'audience.
SUR CE
Sur la faute inexcusable
Attendu, concernant la faute inexcusable, que l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou de l'activité confiée à celui-ci ;
Attendu que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Attendu qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée, d'une part l'imputabilité de l'accident à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur l'exposait, ne l'ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de prévention utiles ;
Attendu que la déclaration d'accident de travail mentionne 'La victime nous a déclaré avoir ressenti une douleur au dos en voulant ramasser une chute de tôle au sol. En se relevant elle a heurté un montant de la machine.'
Attendu que le certificat médical initial en date du 24 juillet 2009 mentionne 'contusion au niveau du dos, éraflures visibles' ;
Attendu que cet arrêt de travail a ensuite été prolongé pour une lombo sciatique ;
Attendu que Monsieur [H] [V] soutient que l'employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié compte tenu des restrictions précédemment apportées par le médecin du travail aux tâches qu'il pouvait exécuter ;
Attendu que Monsieur [H] [V] qui a été victime d'un premier accident de travail le 6 août 2007 a été opéré d'une hernie discale le 12septembre 2007 ;
Attendu que lors de sa reprise d'activité le 10 mars 2008 Monsieur [H] [V] a été déclaré apte à la reprise de son poste, le médecin prévoyant uniquement la restriction suivante 'pas de manutention lourde - à revoir dans trois mois' ;
Attendu qu'une visite de surveillance le 9 juin 2008 a confirmé que Monsieur [H] [V] était apte au maintien sur son poste mais avec les restrictions suivantes 'contre-indiqué aux travaux dans les ambiances confinées à revoir dans 6 mois' ;
Attendu que suivant nouvel avis médical en date du 19 novembre 2008 Monsieur [H] [V] a été une nouvelle fois déclaré apte à son poste de travail ;
Attendu qu'il ressort de l'analyse d'accident établie le jour même que 'Monsieur [H] [V] travaillait avec Monsieur [Q] à la découpe de tôles ; qu'il est passé derrière la machine pour récupérer une tôle tombée au sol. qu'en se baissant il avait ressenti une douleur au dos et qu'en voulant se relever il s'était cogné le dos sur un montant de la cisaille' ;
Attendu que Monsieur [Q] qui travaillait avec Monsieur [H] [V] le jour des faits atteste qu'il fallait passer à genou dessous l'arrière de la cisaille pour récupérer les chutes de tôles ;
Attendu que le témoin précise que la manutention de charges lourdes était exécutée par un chariot élévateur qui déposait les tôles sur le tablier avant de la machine et il fallait faire glisser ces tôles sous la lame de la guillotine à force humaine ;
Attendu qu'il ne résulte pas de ce témoignage que Monsieur [H] [V] était en train de soulever une charge lourde lorsqu'il a ressenti une douleur au dos ;
Attendu que Monsieur [H] [V] verse aux débats un courrier de l'inspecteur du travail en date du 16 août 2010 faisant référence à une visite du 16 mars 2010, au cours de laquelle il avait constaté qu'il existait un risque élevé de manutentions manuelles eu égard au poids des tôles soulevées... et qu'il appartenait à l'employeur de prendre les mesures d'organisations appropriées ou d'utiliser les moyens appropriés afin d'éviter le recours à la manutention manuelle de charges par le travailleurs ;
Attendu cependant que l'inspecteur précise expressément que les constats opérés le 16 mars dans l'atelier ne s'inscrivent pas dans le cadre d'une enquête d'accident de travail mais sur l'ensemble du site sur des problématiques administratives ou de santé publique ;
Attendu dès lors que ce courrier établi plusieurs mois après l'accident de travail dont s'agit, et ne concernant pas les circonstances de cet accident est inopérant pour justifier la conscience du danger de l'employeur dans le cadre de la présente affaire ;
Attendu qu'il ne résulte pas des pièces versées aux débats que Monsieur [H] [V] s'était fait mal au dos en portant une charge lourde ;
Attendu qu'en effet il ressort des pièces que Monsieur [H] [V] s'est fait mal au dos en se baissant pour ramasser une coupe de tôle ;
Attendu qu'il n'est nullement établi par Monsieur [H] [V] que l'employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié dans la mesure où d'une part Monsieur [H] [V] a avait été déclaré apte à occuper son poste de travail avec certaines restrictions tenant au port de charges lourdes et aux ambiances confinées et où d'autre part il n'est pas établi que la société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST aurait contrevenu aux préconisations du médecin du travail, la preuve n'étant pas rapportée que Monsieur [H] [V] ait été amené à porter des charges lourdes dans le cadre de son activité ;
Attendu que la société CEGELEC DEFENSE ET NAVAL SUD EST ne pouvait avoir conscience que le type de manutention manuelle effectuée dans l'atelier par Monsieur [H] [V], si pénible soit elle. exposait Monsieur [H] [V] à un danger dans la mesure où ces tâches n'étaient pas en contradiction avec les préconisations du médecin du travail ;
Attendu que le jugement entrepris sera en conséquence réformé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement contradictoirement,
Déclare l'appel recevable en la forme,
Réforme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Dit que l'accident de travail dont a été victime Monsieur [H] [V] le 24 juillet 2009 n'a pas pour origine une faute inexcusable de l'employeur,
Déboute Monsieur [H] [V] de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT