COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 13 JUIN 2014
N° 2014/444
Rôle N° 14/02899
[W] [P]
SCI [Adresse 3]
C/
SA CREDIT SUISSE
Grosse délivrée
le :
à : Me Karine DABOT
la SCP COHEN L ET H GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution d'AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/05248.
APPELANTS
Maître [P] [W] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SCI [Adresse 3]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Karine DABOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Intervenant Volontaire
SCI [Adresse 3] poursuites et diligences de son représentant légal Madame [N] [H], demeurant [Adresse 3], assistée de Maître [J] [S], administrateur judiciaire dèsigné ès qualités au redresseemnt judiciaire de la SCI [Adresse 3]
représentée par Me Karine DABOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Paul GUETTA, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SA CREDIT SUISSE Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assistée de Me Philippe BIARD, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Avril 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Olivier COLENO, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président (rédacteur)
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Madame Françoise BEL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2014,
Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par le jugement d'orientation dont appel du 20 janvier 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi sur les poursuite de la SA CREDIT SUISSE au préjudice de la SCI [Adresse 3] pour recouvrement d'une créance de 1.953.253,78 €, et élevé la mise à prix à 4.000.000 €, après :
-rejet de la demande de nullité du commandement pour non-respect de la clause contractuelle de médiation préalable, au motif que la banque a bien saisi le médiateur avant l'engagement des poursuites, et n'était pas tenue de le faire dès la première mise en demeure en 2011,
-rejet de la demande de sursis à statuer :
*dans l'attente du rapport du mandataire ad hoc désigné par ordonnance du président du tribunal de grande instance le 15 novembre 2013 à la veille de l'audience d'orientation, demande de la sorte dilatoire dans le contexte d'un litige qui dure depuis 2011 au moins,
*dans l'attente de l'issue du litige devant le tribunal de commerce de Marseille faute de démonstration d'un lien et alors que la SCI n'y est pas partie,
-rejet de la contestation sur l'exigibilité de la créance, au motif que le terme du crédit a toujours été le 31 décembre 2009 en l'absence de prorogation finalisée par avenant entre les parties, seul ayant existé un accord conditionnel, mais dont la SCI n'a pas accompli les conditions et spécialement celle d'un dépôt d'une somme de 2 millions d'euros d'avoirs libres de toute garantie dans les livres de la banque,
-rejet de la contestation du TEG, faute de preuve de sa fausseté,
-rejet de la demande de dommages-intérêts faute de preuve de l'intention de nuire du CREDIT SUISSE.
Vu la remise faite au greffe le 24 mars 2014 de l'assignation à jour fixe délivrée en vertu de l'autorisation présidentielle donnée par ordonnance du 20 février 2014 sur une requête déposée le 20 février 2014 après déclaration d'appel du 12 février 2014,
Vu les dernières conclusions déposées le 2 avril 2014 par la SCI [Adresse 3], appelante, auxquelles Maître [P], mandataire à son redressement judiciaire a déclaré s'associer, tendant à voir juger que la procédure de saisie immobilière est arrêtée par l'effet du jugement du 18 février 2014 prononçant son redressement judiciaire, et demandant à la Cour de juger, sur le fond, que la créance invoquée par le CREDIT SUISSE est éteinte par prescription en vertu de l'article L137-2 du code de la consommation, soutenant que c'est l'arrêt de la Cour de céans du 13 décembre 2013 qui a révélé le moyen, qui échappe donc à l'article R311-5, que la procédure de saisie immobilière prend fin définitivement et n'est pas suspendue, l'article L622-21 du code de commerce édictant que le jugement d'ouverture « arrête ou interdit » toute procédure d'exécution,
-subsidiairement
*à titre principal de surseoir à statuer jusqu'au jugement du pourvoi inscrit contre l'arrêt de cette Cour du 13 décembre 2013,
*à titre subsidiaire de surseoir :
jusqu'au jugement du litige opposant le CREDIT SUISSE à Madame [F] et aux différentes sociétés du groupe immobilier devant la Cour de céans 2ème chambre sur le jugement du tribunal de commerce de Marseille, litige dont la saisie immobilière n'est qu'un épiphénomène,
jusqu'à décision mettant fin à la mission de mandat ad hoc de Maître [S],
-au principal,
*de juger que le non-respect par la banque de la clause de médiation-conciliation constitue une fin de non-recevoir à la poursuite en saisie immobilière et d'annuler en conséquence le commandement valant saisie immobilière, soutenant que la mise en 'uvre admise par le premier juge concerne une précédente instance,
*subsidiairement de juger :
qu'elle a satisfait à ses obligations telles qu'elles résultent de la renégociation des conditions de financement en réglant les intérêts,
que les échanges de courriers et le courrier recommandé de la SCI du 20 mai 2011 caractérisent tous les éléments contractuels permettant de définir les nouvelles conditions du financement mis en place par accord amiable entre les parties,
que l'obligation de signer un avenant notarié au plus tard le 20 juin 2011 ne concernait que la remise partielle des majorations de retard de 25% sur les intérêts,
que les derniers échanges de courrier entre les parties démontrent que la banque n'entendait pas accorder une importance quelconque à l'absence de signature dudit avenant,
que la banque, à laquelle les usages imputent l'initiative de l'établissement d'un tel avenant, ne démontre pas en avoir requis son notaire,
qu'il en résulte que c'est abusivement que la saisie immobilière est pratiquée au mépris de la convention des parties et qu'elle doit être annulée,
*subsidiairement encore de juger que, même en vertu de l'acte notarié du 3 avril 2009 tel qu'il s'interprète, la créance n'est pas exigible et les accords étaient toujours en cours sans déchéance du terme,
*plus subsidiairement de juger nulle, pour fausseté partielle de la cause, l'obligation de consigner la somme de 2.000.000 € entre les mains du CREDIT SUISSE,
*à titre infiniment subsidiaire de juger que le TEG est inexact et de désigner un expert pour calculer le TEG réel et recalculer la créance,
-en toute hypothèse de juger abusive la poursuite et de condamner le CREDIT SUISSE à lui payer la somme de 300.000 € à titre de dommages-intérêts,
Vu les dernières conclusions déposées le 1er avril 2014 par la SA CREDIT SUISSE tendant :
-à titre préalable
*à voir prononcer la nullité de la requête aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe et en conséquence la caducité de l'appel, au motif que, alors que la SCI [Adresse 3] est sous sauvegarde depuis le 18 février 2014, elle ne pouvait pas déposer requête sans être assistée par l'administrateur judiciaire, ce qui caractérise une nullité de fond,
*à défaut la nullité de l'assignation délivrée sans pouvoir de représentation par Maître [S], et en conséquence la caducité de l'appel,
-à titre liminaire, à son rapport à justice sur l'arrêt des poursuites et demandant à la Cour de juger que l'instance est suspendue en application de l'article L642-18 du code de commerce,
-pour le surplus :
*au rejet du moyen de prescription, irrecevable et mal fondé,
*au rejet des exceptions tendant à des sursis à statuer,
*au rejet du moyen tiré de l'absence de saisine du médiateur, qu'elle n'avait pas à saisir avant délivrance du commandement valant saisie immobilière,
et demandant à la Cour :
*de juger qu'elle justifie d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible depuis le 31 décembre 2009 compte tenu de la carence de la SCI [Adresse 3] dans la réalisation des conditions d'une éventuelle prorogation du crédit au 31 décembre 2014,
*de juger qu'elle justifie :
-de l'absence de renonciation à cette exigibilité acquise depuis le 31 décembre 2009 et l'absence de reconduction du contrat,
-de l'absence de renonciation aux clauses contractuelles et notamment la clause de constitution d'actifs libres à hauteur de 2.000.000 € dans les livres du CREDIT SUISSE SION,
-de la cause réelle et licite à l'origine des obligations du débiteur,
*de juger que la SCI [Adresse 3] n'apporte pas la preuve du caractère erroné du TEG, pas plus que d'une intention de nuire de sa part,
*de réformer le jugement sur la mise à prix et de la ramener à 2.159.000 €, ainsi que sur la durée de visite des lieux,
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que, par jugement du 18 février 2014, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SCI [Adresse 3] et désigné Maître [P] en qualité de mandataire judiciaire, la SCP [S] [X] en qualité d'administrateur avec mission d'assister le débiteur et de présenter à l'issue de cette période un plan de redressement, et fixé la durée de la période d'observation à 6 mois ;
que ce jugement a été rectifié par décision du 20 février 2014 en ce sens que la mission d'administrateur judiciaire confiée à la SCP [S] [X] sera exercée par Maître [J] [S] ;
Attendu, sur la caducité de l'appel, que la requête au Premier président de la cour d'appel aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe exigée par les dispositions de l'article R322-19 du code des procédures civiles d'exécution a été déposée le 20 février 2014 par la SCI [Adresse 3] représentée par sa gérante en exercice Madame [N] [H] née [F] ;
que l'appelante, assistée de l'administrateur judiciaire, est fondée à soutenir que la formalité a été régulièrement opérée par le dirigeant resté en fonction, la mission de l'administrateur n'ayant pu prendre effet qu'une fois opérée conformément à l'article L811-2 du code de commerce la désignation d'une personne physique représentant la personne morale désignée ;
que cette désignation n'ayant été faite que par le jugement du 20 février 2014 dont le moment précis d'intervention dans la journée est inconnu, la gérante encore investie de la plénitude de ses fonctions à l'aube de ce jour, et s'agissant du dernier jour pour procéder à la formalité, a pu y procéder valablement seule ;
Attendu, sur la nullité de l'assignation à jour fixe délivrée sur la requête de l'administrateur judiciaire agissant seul, que l'acte a été valablement régularisé par sa réitération avant l'ouverture des débats par acte d'huissier délivré à la requête de la SCI représentée par sa gérante en exercice assistée de Maître [J] [S], et du mandataire judiciaire intervenant volontaire ;
Attendu que l'article L622-21 du code de commerce édicte que le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ;
que la Cour ne peut que constater les effets du jugement d'ouverture, qui opèrent de plein droit, et donc l'arrêt de la procédure de saisie immobilière ;
que, la Cour étant valablement saisie par l'acte d'appel, le jugement ne peut donc qu'être réformé en ce qu'il a ordonné la vente forcée ;
Attendu que, sur appel du jugement d'orientation, la Cour n'est pas investie d'une compétence autre que celle du juge de l'exécution lui-même ;
que sa compétence pour trancher des contestations, même lorsqu'elles portent sur le fond du droit, n'a lieu que lorsque celles-ci s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée ;
que l'arrêt de la procédure de saisie immobilière prive cette compétence de son support ;
que de la sorte, et conformément à ce qui est soutenu par les parties, il n'a pas à être prononcé au-delà par la Cour ;
Attendu en particulier que la Cour, qui est seulement tenue par les termes de la loi et l'état actuel de la situation soumise à son examen, n'a pas à prononcer sur un caractère « définitif » de l'arrêt de la procédure ou sur sa nature d'une « suspension » en référence à l'article L642-18 du code de commerce sur la liquidation judiciaire ;
que la procédure de saisie immobilière est arrêtée, et que les suites appartiennent à une autre juridiction ;
Attendu que la SCI [Adresse 3] dans l'intérêt de laquelle la procédure d'appel a été conduite en supportera seule la charge des dépens, aucun motif ne justifiant par ailleurs que les dispositions du jugement afférentes aux dépens de première instance soient modifiées ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare l'appel recevable ;
Vu le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCI [Adresse 3],
Vu l'article L622-21 du code de commerce,
Constate que le jugement d'ouverture arrête de plein droit la saisie immobilière engagée sur les poursuites de la société CREDIT SUISSE S.A au préjudice de la SCI [Adresse 3] ;
Infirme en conséquence le jugement dont appel, mais seulement en ce qu'il a ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi ;
Dit en conséquence qu'il n'a pas à être statué par la cour d'appel sur les autres contestations ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes;
Condamne la SCI [Adresse 3] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,