COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 13 JUIN 2014
N° 2014/ 366
Rôle N° 12/11281
[P] [BC]
[F] [BW] épouse [BC]
C/
S.N.C. HOTEL DE LA CAPITAINERIE DES GALERES MARSEILLE VIEUX PORT (H.C.G.M.V.P.)
Grosse délivrée le :
à :
-Me Cyril RAVASSARD, avocat au barreau d'EVRY
- Me Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section E - en date du 06 Novembre 2008, enregistré au répertoire général sous le n° 04/2838.
APPELANTS ET INTIMES
Monsieur [P] [BC], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Cyril RAVASSARD, avocat au barreau d'EVRY
Madame [F] [BW] épouse [BC], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Cyril RAVASSARD, avocat au barreau d'EVRY
INTIMEE ET APPELANTE
S.N.C. HOTEL DE LA CAPITAINERIE DES GALERES MARSEILLE VIEUX PORT (H.C.G.M.V.P.), demeurant [Adresse 2]
comparante en personne, assistée de Me Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Avril 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre
Madame Catherine VINDREAU, Conseiller qui a rapporté
Madame Laurence VALETTE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2014.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2014.
Signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
[P] [BC] et [F] [BW] épouse [BC] étaient associés de la SARL SIMATEL créée en 1992 qui a exploité un hôtel [4] à [Localité 5] pour le compte d'une société du groupe ACCORD, puis d'un autre établissement hôtelier à [Localité 4], avant de prendre l'exploitation d'un hôtel [2] à [Localité 2].
Le 30 mai 1997, la SNC HÔTEL CAPITAINERIE DES GALÈRES MARSEILLE VIEUX PORT (HCGMVP) a confié à la société SIMATEL l'exploitation d'un hôtel [2] situé à [Localité 3].
Le 3 novembre 2003, les époux [BC] (avec la soeur de M. [BC] et le mari de cette dernière) ont crée la SCI [BC]- [CR] ayant notamment pour objet l'acquisition d'un immeuble à [Localité 1] dans lequel était exploité l'hôtel restaurant les [3].
Dans le même temps les époux [BC] ont créé la SARL SIMAT dont le siège social se trouve à [Localité 1], laquelle a fait l'acquisition du fonds de commerce de l'hôtel les [3] qui est devenu l'hôtel restaurant le [1].
Le 23 novembre 2004, les époux [BC] ont saisi le conseil de prud'hommes de Marseille pour demander la qualification des relations contractuelles avec la société HCGMVP en un contrat de travail et réclamer la condamnation des sommes dues.
Par courrier du 10 mars 2006, la SNC HCGMVP a rompu sans préavis le contrat de gérance mandat avec la SARL SIMATEL et les époux [BC] invoquant des faits constitutifs d'une faute lourde.
Par jugement en date du 13 avril 2006, le conseil de prud'hommes a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société HCGMVP.
Par arrêt en date du 2 novembre 2006, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, saisie d'un contredit, a dit que l'action en nullité du contrat de société était de la compétence du tribunal de commerce de Marseille, mais a rejeté le contredit sur l'action en paiement de salaires et dommages intérêts des époux [BC] en retenant l'existence d'un contrat de travail.
Par arrêt en date du 16 janvier 2008, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par la société HCGMVP en validant la décision de la cour d'appel sur l'existence d'un lien de subordination des époux [BC] avec cette société.
Par jugement de départage en date du 6 novembre 2008, le conseil de prud'hommes de Marseille a :
- constaté que par jugement de ce conseil en date du 13 avril 2006, confirmé par arrêt de la Cour d'Appel d'Aix en Provence en date du 2 novembre 2006, et par arrêt de rejet de la Cour de Cassation en date du 16 janvier 2008, il a été jugé qu'il existait une relation de travail entre M. [P] [BC] et Mme [F] [BC] son épouse, et la SNC HCGMVP,
- dit qu'en application de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants, la classification de M. [P] [BC] correspond à la catégorie niveau 5 échelon 3,
- dit qu'en application de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants, la classification de Mme [F] [BC] correspond à la catégorie niveau 5 échelon 3,
- fixé le salaire mensuel brut de M. [P] [BC] à la somme de 4 000,00 €,
- fixé le salaire mensuel brut de Mme [F] [BC] à la somme de 2500,00 € ,
- débouté M. [P] [BC] et Mme [F] [BC] son épouse de leurs demandes relatives à un rappel de salaire sur les heures supplémentaires et les astreintes invoquées,
-sursis à statuer sur les autres chefs de demande relatifs aux rémunérations,
- instauré une mesure d'expertise comptable et désigne pour y procéder M. [D] [AI] [V], avec pour mission :
-près avoir entendu les parties et leurs conseils ainsi que toute personne susceptible de fournir des renseignements utiles à sa mission,
- après s'être fait communiquer tous documents et pièces nécessaires à la conduite de sa mission, en tenant compte notamment des commissions versées par la SNC HCGMVP à la SARL SIMATEL dans le cadre du contrat de mandat gérance conclu le 30 mai 1997,
- faire le compte entre les parties,
- dit que Monsieur et Madame [P] et [F] [BC] devront, dans le délai d'un mois à compter de la présente décision, consigner au greffe du conseil de prud'hommes de Marseille la somme de 1 200,00 € à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert,
- condamné la SNC HCGMVP à payer :
- à M. [P] [BC] une provision de 135 000 € à valoir sur ses rémunérations salariales, du mois de novembre 1999 au mois de mars 2006,
- à Mme [F] [BC] une provision de 85 000 € à valoir sur ses rémunérations salariales, du mois de novembre 1999 au mois de mars 2006.
- sursis à statuer sur les chefs de demande relatifs à la rupture des relations contractuelles jusqu'à l'issue de la procédure d'instruction actuellement en cours à Marseille sur plainte avec constitution de partie civile de Monsieur et Madame [BC] ès qualités de cogérant de la SARL SIMATEL,
- ordonné l'exécution provisoire de toutes les dispositions qui ne font pas déjà l'objet de l'exécution de droit,
- réservé toutes les autres demandes y compris celles fondées sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens.
Les époux [BC] et la SNC HCGMVP ont successivement et régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par arrêt en date du 21 mars 2012, la cour d'appel d'Aix-en- Provence a rejeté les recours en révision formés par la SNC HCGMVP contre le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 13 avril 2006 et l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en- Provence du 2 novembre 2006.
Les pourvois formés par la SNC HCGMVP ont été déclarés non admis.
*
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, les époux [BC] demandent de :
- constater que par arrêt du 2 novembre 2006 la cour d'appel Aix-en-Provence a jugé qu'il existait un contrat de travail entre Monsieur [P] [BC] et Madame [F] [BC] son épouse et la SNC HCGMVP,
- constater que depuis les arrêts de la Cour de Cassation du 16 janvier 2008 et du 12 décembre 2013, cet arrêt a autorité de la chose relativement à l'existence d'un contrat de travail entre Monsieur [P] [BC] et Madame [F] [BC] son épouse et la SNC HCGMVP,
- en conséquence, rejeter l'argumentation de la SNC HCGMVP relativement à l'absence de lien de subordination,
Sur le fond :
Vu le jugement rendu en date du 13 avril 2006, Vu l'arrêt rendu en date du 02 novembre 2006, Vu les dispositions du code du travail ,
- débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions l'Employeur,
- dire et juger que la convention collective des hôtels, cafés, restaurants est applicable,
- reconnaître la catégorie Niveau 5 échelon 3 à Madame [F] [BC], en qualité de sous-
directrice de l'[2] à [Localité 3], au [Adresse 2],
- reconnaître la catégorie Niveau 5 échelon 3 à Monsieur [P] [BC], en qualité de directeur de l'[2] à [Localité 3], au [Adresse 2],
- fixer le salaire dé Madame [F] [BC] à la somme de 2.500 € brut,
- fixer le salaire de Monsieur [P] [BC] à la somme de 4.000 € brut,
- condamner l'employeur à verser à Madame [F] [BC] à la somme de 1.196.480.57 € au titre des salaires, indemnités de congés payées, heures supplémentaires, astreintes et repos compensateur suivant décompte arrêté au 1er mars 2006, avec intérêt légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de Marseille soit à compter du 23 novembre 2004,
- condamner l'employeur à verser à Monsieur [P] [BC] à la somme de 1.881.457,87 € au titre des salaires, indemnités de congés payées, heures supplémentaires, astreintes et repos compensateur suivant décompte arrêté au 1 er mars 2006, avec intérêt légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de Marseille soit à compter du 23 novembre 2004,
- ordonner la délivrance des bulletins de salaires de Monsieur [P] [BC] et de Madame [F] [BC], depuis le 30 mai 1997, dans le délai maximal de UN mois à compter de la décision à rendre,
Au besoin,
- condamner l'employeur, sous astreintes de 300 € par semaine de retard dans la délivrance des documents, passé ledit délai de UN mois,
- ordonner la régularisation de Monsieur [P] [BC] et de Madame [F] [BC] auprès des organismes sociaux, et en justifier près des salariés par lettre recommandée avec accusé de réception, dans le délai maximal de UN mois à compter de la décision à rendre,
Au besoin,
- condamner l'employeur, sous astreintes de 300 € par semaine de retard dans la délivrance dudit justificatif, passé ledit délai de UN mois,
- ordonner la remise des documents liés au licenciement de Monsieur [P] [BC] et de Madame [F] [BC], et en justifier près des salariés par lettre recommandée avec accusé de réception, dans le délai maximal de UN mois à compter de la décision à rendre,
Au besoin,
- condamner l'employeur, sous astreintes de 300 € par semaine de retard dans la délivrance dudit justificatif, passé ledit délai de UN mois,
- condamner l'employeur à verser à Madame [BC], la somme de 12.336 € au titre de non respect de la procédure de licenciement, avec intérêt légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de Marseille soit à compter du 23 novembre 2004,
- condamner l'employeur à verser à Monsieur [BC], la somme de 19.818,12 € au titre de non respect de la procédure de licenciement, avec intérêt légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de Marseille soit à compter du 23 novembre 2004,
- condamner l'employeur à verser à Madame [BC], la somme de 37.008 € au titre du préavis, outre 3.700 € au titre des congés payés y afférentes, avec intérêt légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de Marseille soit à compter du 23 novembre 2004,
- condamner l'employeur à verser à Monsieur [BC], la somme de 59.454,36 € au titre
du préavis, outre 5.945.43 € au titre des congés payés y afférentes, avec intérêt légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de Marseille soit à compter du 23 novembre 2004,
- condamner l'employeur à verser à Madame [BC], la somme de 296.064 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de Marseille soit à compter du 23 novembre 2004,
- condamner l'employeur à verser à Monsieur [BC], la somme de 396.362,40 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de Marseille soit à compter du 23 novembre 2004,
- condamner l'employeur à verser à Madame [BC], la somme de 74.016 € au titre du travail dissimulé, avec intérêt légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de Marseille soit à compter du 23 novembre 2004,
- condamner l'employeur à verser à Monsieur [BC], la somme de 118.908,72 € au titre du travail dissimulé, avec intérêt légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de Marseille soit à compter du 23 novembre 2004,
Dans tous les cas :
- condamner l'employeur à servir à Madame [F] [BC] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
- condamner l'employeur à servir à Monsieur [P] [BC] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
- condamner l'employeur aux entiers dépens de l'instance.
A la barre de la cour, les époux [BC] ont expressément abandonné leur demande relative au rejet débats de la pièce 37 communiquée par la société HCGMVP ainsi que toute pièce résultant de la plainte enregistrée sous le numéro de parquet 06/620966 et ayant conduit à une ordonnance de non-lieu du 25 mai 2007 de Madame [Y].
La SNC HCGMVP en a pris acte.
En réplique, au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la SNC HCGMVP demande de :
- constater que par son courriel officiel du mercredi 9 avril 2014 à 11h55, il confirme son refus de produire les pièces que les époux [BC] préfèrent continuer à dissimuler,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- constaté que par jugement de ce conseil en date du 13 avril 2006, confirmé par arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 2 novembre 2006, et par arrêt de rejet de la Cour de Cassation en date du 16 janvier 2008, il a été jugé qu'il existait une relation de travail entre M. [P] [BC] et Mme [F] [BC] son épouse, et la SNC HCGMVP,
- dit qu'en application de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants, la classification de M. [P] [BC] correspond à la catégorie niveau 5 échelon 3,
- dit qu'en application de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants, la classification de Mme [F] [BC] correspond à la catégorie niveau 5 échelon 3,
- fixé le salaire mensuel brut de M. [P] [BC] à la somme de 4 000,00 €,
- fixé le salaire mensuel brut de Mme [F] [BC] à la somme de 2500,00 € ,
- instauré une mesure d'expertise comptable avec pour mission de faire le compte entre les parties;
- condamné la SNC HCGMVP à payer à M. [P] [BC] une provision de 135.000 € à valoir sur ses rémunérations salariales, du mois de novembre 1999 au mois de mars 2006 et à Mme [F] [BC] une provision de 85.000 €,
- sursis à statuer sur les chefs de demande relatifs à la rupture des relations contractuelles jusqu'à l'issue de la procédure d'instruction actuellement en cours à Marseille sur plainte avec constitution de partie civile de M. et Mme [BC] ès qualité de cogérants de la SARL SIMATEL,
Statuant à nouveau,
Au principal :
- constater l'absence de lien de subordination,
- débouter en conséquence les époux [BC] de l'ensemble de leurs demandes,
Au subsidiaire :
- dire que rien n'est dû aux époux [BC] au titre de leur prétendu contrat de travail,
En tout état de cause, reconventionnellement,
- condamner les époux [BC] à verser à la SNC HCGMVP la somme de 55.000 € (31.000 € + + 22.000 € ) en réparation de leur faute lourde correspondant aux sommes appartement à HCGMVP et qui ont disparu sans que Monsieur et Madame [BC] ne puissent reporter responsabilité sur un de leur salarié, leur plainte avec constitution de partie civile, déposée par leur premier conseil, ayant abouti à un non-lieu,
- condamner les époux [BC] à verser chacun à la SNC HCGMVP la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les époux [BC] aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Les notes en délibérés transmises par les parties et non demandées par la cour seront écartées.
La seule demande de la cour auprès des parties durant le délibéré a concerné la production de la lettre de rupture du contrat de gérance mandat en date du 10 avril 2006, mentionnée dans les conclusions des parties, visée au bordereau de l'employeur et non transmise à la cour.
Sur l'existence d'un contrat de travail
Par arrêt en date du 16 janvier 2008, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par la SNC HCGMVP à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de céans du 2 novembre 2006, en ces termes :
'Mais attendu que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés et dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que les cogérants de la société SIMATEL ne disposaient d'aucune autonomie réelle dans la gestion de l'hôtel, qu'ils étaient personnellement tenus d'assurer en permanence son exploitation, qu'ils devaient recueillir l'accord de la société HCGMVP pour tout engagement ou paiement, que cette société contrôlait la gestion de l'hôtel en adressant des directives dont elle contrôlait l'exécution, en effectuant des visites mensuelles, et en leur imposant de rendre compte de leur bonne exécution, et qu'en cas d'inobservation de ces directives, elle disposait d'un pouvoir de sanction ; qu'elle a pu en déduire que M. et Mme [BC] se trouvaient placés dans un état de subordination à l'égard de la société HCGMVP et qu'ils étaient ainsi liés à celle-ci par un contrat de travail, sans qu'il soit nécessaire d'établir que la société SIMATEL avait un caractère fictif'.
Dès lors, et à fortiori en l'état de la non admission des recours en révision formés par la SNC HCGMVP, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a constaté qu'il avait été jugé définitivement qu'il existait une relation de travail entre les époux [BC] et la SNC HCGMVP.
Les développements de l'employeur relatifs à l'absence de lien de subordination et partant d'un contrat de travail deviennent sans objet.
Concernant la fin de la relation contractuelle, laquelle a débuté le 30 mai 1997, elle ne peut qu être fixée à au 10 mars 2006, date à laquelle la SNC a notifié tant à SIMATEL qu'à chacun des époux, la rupture du contrat de gérance mandat, le fait que [F] [BC] ait en 2003, abandonné la cogérance de SIMATEL ne pouvant être considérée comme une démission claire et non équivoque à l'égard de la SNC HCGMVP.
C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré :
-que les époux [BC] étaient en conséquence fondés sur le principe dans leurs demandes de paiement des rémunérations qui leur sont dues, cette demande ne pouvant toutefois porter sur une période supérieure à cinq ans à compter de la demande en application des dispositions de l'article 2277 du code civil, soit en l'espèce, la saisine du conseil ayant été effectuée au mois de novembre 2004,sur la période du mois de novembre 1999 au mois de mars 2006.
- qu'eu égard au contenu de l'activité de M. [P] [BC] et de Mme [F] [BC], ainsi qu'aux définitions conventionnelles telles qu'elles ressortent de la Convention collective applicables Hôtels, Cafés, Restaurants, il convient de dire qu'ils doivent bénéficier de la classification conventionnelle niveau 5 échelon 3, ce niveau de classification n'ayant au demeurant fait l'objet, dans ses écritures, d'aucune contestation de la part de la SNC.
- qu'au vu des éléments produits, qui n'ont également fait l'objet d'aucune critique précise de la part de la SNC, les salaires mensuels seront fixés de la façon suivante :
-pour M. [P] [BC] : une rémunération de 4 000,00 €
- pour Mme [F] [BC] : une rémunération de 2 500,00 €.
Sur les heures supplémentaires, astreintes et repos compensateur
Les époux [BC] ne peuvent tout à la fois revendiquer, dans le cadre de leur contrat de travail, d'être rangés dans la plus haute des catégories prévues dans la convention collective, niveau 5, échelon 3, et d'obtenir la rémunération correspondante, et soutenir avoir exercé leurs fonctions de directeur et sous directeur d'établissement sur la base des directives reçues, sans avoir aucune latitude dans l'organisation de leur travail.
En tout état de cause, en l'absence de convention de forfait, ils demeuraient soumis à l'ensemble des dispositions relatives à la durée du travail.
En cas de litige sur la réalité et l'importance des heures supplémentaires effectuées, si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et qu'il appartient à l'employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires de travail effectivement réalisés par le salarié, il incombe cependant à celui-ci de donner préalablement des éléments de nature à étayer sa demande.
Les époux [BC] qui soulignent que l'hôtel fonctionnait 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, réclament un rappel de salaire pour heures supplémentaires astreintes, soutenant avoir travaillé chacun, sur la période non prescrite, soit du mois de novembre 1999 à mars 2006, tous les jours de l'année :
- de 6 heures à 13 heures et de 14 heures à 22 heures
- de 22 heures à 6 heures en astreinte.
Les époux [BC] rappellent les termes de l'article 4-1 du contrat de gérance 'La société HCGMVP rappelle qu'elle n'a signé avec la SARL SIMATEL le présent contrat qu'en
considération de la personne des cogérants et de l'engagement qu'ils ont pris de diriger et
d'exploiter personnellement le fonds de commerce d 'hôtellerie désigné ci-dessus, sauf pour de courtes périodes justifiées par les congés ou la convenance personnelle'.
Au soutien de leurs demandes et afin de justifier de leur présence permanente dans l'hôtel à la disposition de leur employeur, ils produisent notamment des attestations de salariés tendant à démontrer qu'ils travaillaient toute la journée mais également la nuit, les week-ends et les jours fériés (Ms [L], [E], [K], Mmes [U], [T]... ), de clients (Ms MATA, BERLIZ...) ainsi que d'intervenants extérieurs.
Ainsi, [AW] [GI], employé polyvalent à la réception de la société SIMATEL du 13 juillet 2001 au 30 septembre 2005 atteste-il ' de la continuelle présence de Met Mme [BC] dans l'établissement [2] [Localité 3] au [Adresse 2]. Et ce, tous les jours de la semaine, samedi, dimanche et jours fériés compris, ainsi qu'à toutes les heures du jour et de la nuit. En effet, si j'étais en poste le matin (de 6h à 14h) à mon arrivée l'un ou l'autre était déjà présent, souvent pour régler les éventuels soucis de facturation ou autre rencontrés pendant la nuit avec le distributeur automatique de chambre, pour installer l'informatique et placer le tiroir-caisse et pour commencer à mettre en place le buffet et petit déjeuner. Si j'étais en poste le soir (14h à 22h)je confirme leur présence à la réception pour assister à l'échange des consignes avec mon collaborateur en place le matin et tout au long de l'après-midi. A la fin de mon service, après avoir tout fermé et sécurisé à la réception, je devais descendre le tiroir caisse qui était systématiquement contrôlé et validé par l'un ou l'autre du couple et tant que tout n'était pas juste, je ne pouvais partir. Bien entendu ils étaient seuls dans l'établissement, donc toute intervention nécessaire entre 22h et 6h était effectué naturellement par eux'.
[GL] [O] indique quant à elle 'J'ai été une cliente habituelle de l'[2] [Localité 3]. Lors de mes nombreux séjours j'ai pu constater personnellement que Monsieur et Madame [BC] n'avaient aucune vie privée (ils logeaient sur place avec leurs deux enfants) Lorsqu'il y avait un problème et à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, week-end ou jours fériés, ils étaient toujours présents pour régler les problèmes de l'ensemble des clients.'
La SNC considère quant à elle que c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que
'si l'établissement était soumis à des horaires d'ouverture imposés par la SNC HCGMVP, ils n'étaient pas personnellement tenus d'assurer en permanence l'exploitation de l'hôtel, et ils avaient la liberté d'organiser leur propre emploi du temps comme ils l'entendaient, en recrutant le cas échéant le personnel nécessaire pour accomplir toutes tâches supplémentaires, ce qu'ils ont fait en 2003 en recrutant un veilleur de nuit et ainsi qu'en atteste également le fait qu'à compter de cette période les époux [BC] ont pris en charge dans le Var la direction d'un autre établissement pour leur propre compte dont ils assuraient le fonctionnement.
Dans ce contexte, les époux [BC] ne rapportent pas la preuve que les heures supplémentaires et les astreintes qu'ils soutiennent avoir effectuées en leur qualité de directeur et de SOUS directeur de l'hôtel [2] à [Localité 3] l'ont été à la demande de la SNC HCGMVP, ni qu'elles aient été rendues nécessaires par les conditions d'exploitation de cet établissement.
Ils seront donc déboutés de leurs demandes relatives à un rappel de salaire pour des heures supplémentaires et des astreintes'.
L'employeur souligne que compte tenu du montage juridique mis en place (contrat de gérance mandat), l'horaire des époux [BC] n'était pas fixé par la SNC et qu'il n'existait aucun système à priori ou à posteriori du temps de travail et qu'aucun livret d'exploitation n'a jamais été annexé au contrat de gérance mandat, les documents produits par le couple étant des documents concernant des hôtels '[4]" et non ' [2]'.
En tout état de cause, il estime que les demandes des époux [BC] qui prétendent avoir travaillé 23h/24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an, sont invraisemblables.
Il fait valoir que les époux [BC] pouvaient vaquer à leurs occupations personnelles lorsque l'établissement était ouvert.
Il rappelle les termes de la plainte avec constitution de partie civile adressée par SIMATEL et le couple [BC] au doyen des juges d'instruction de Marseille contre [M] [Z], suite à la disparition de la somme de 31 032 € et à la rupture du contrat de gérance mandat,'Attendu que M. et Mme [BC], responsables de la SARL SIMATEL, déléguaient un nombre important de tâches très importantes en raison justement de l'importance de l'hôtel.
Attendu que c'est dans ces conditions que Mademoiselle [M] [Z] devait être employée en qualité d'assistante de direction rattachée directement près M. et Mme [BC] depuis le 6 janvier 1999".
Il rappelle en outre que dès novembre 2003 et en tous cas au plus tard au 1er janvier 2004, les époux [BC] ont exploité un hôtel restaurant [1] à [Localité 1], et que [F] [BC] a décidé de cesser d'être salariée de SIMATEL pour l'[2] [Localité 3] (comme le révèle le document de la CRAM versé aux débats ) dont elle est restée associée à 25 %.
La SNC HCGMVP se fonde notamment sur la publicité sur internet [1] : ' Notre restaurant vous accueille 7jours sur 7". 'M. [BC] et sa chaleureuse équipe seront heureux de vous accueillir dans leur restaurant avec vue panoramique imprenable.' et de l'audition de [M] [Z] devant le juge d'instruction de Marseille pour affirmer qu'à compter de l'acquisition du fonds de commerce de l'hôtel [1], les époux [BC] étaient le plus clair de leur temps à [Localité 1] où leurs enfants étaient scolarisés et survolaient la gestion de leur [2].
Les époux [BC] produisent quant à eux des attestations et notamment celles de M.[I] , employé de la SIMAT au [1] selon laquelle ils ' montaient sur [Localité 1] en de rares occasions car ils travaillaient sur Marseille'.
S'évince de l'ensemble de ces développements et en l'état d'attestations contradictoires, qu'un certain flou demeure quant au temps effectivement passés par le couple à [Localité 1].
La thèse des époux [BC] qui affirment avoir, en l'absence de tout horaire fixé, été chacun 23 heures sur 24, tous les jours de l'année, à la disposition de l'employeur, sans faire état d'une quelconque répartition entre eux, le jour comme la nuit, apparaît, à tout le mois irréaliste, s'agissant de surcroît d'un couple chargé de famille et ayant d'autres activités.
Les attestations produites au soutien de leurs demandes, qui émanent de personnes qui en tout état de cause, n'étaient pas et ne prétendent pas avoir été à leur côté en permanence, sont insuffisantes pour établir qu'ils travaillaient, chacun, de 6 heures à 22 heures avec une seule interruption de une heure.
Le fait qu'étant logés dans l'hôtel, ils aient pu être amenés à intervenir ponctuellement tard le soir ou la nuit, se trouvant sur place, ne permet pas non plus de retenir qu'ils aient été tenus d'assurer les astreintes de nuit alléguées, les clients utilisant un distributeur automatique de chambre et un veilleur de nuit ayant été recruté quand M. [CF] a souhaité que l'hôtel reste ouvert la nuit.
Par ailleurs, si le système de sécurité incendie et les caméras de surveillance étaient situées dans le logement mis à leur disposition, il n'est pas justifié qu'ils aient été contraints par les normes de gestion applicables à la chaîne '[2]' ou par la SNC HCGMVP, d'assurer une veille de nuit en plus de leur temps de travail de direction de l'hôtel.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté les époux [BC] de leurs demandes au titre des heures supplémentaires, astreintes et repos compensateur.
Sur le rappel de salaire et la compensation
Le conseil de prud'hommes a retenu :
- que les époux [BC] étaient fondés sur leur principe de demandes de paiement des rémunérations qui leur étaient dues sur la période du mois de novembre 1999 au mois de mars 2006.
- que pour connaître les sommes effectivement dues au couple au titre des salaires, il ne pouvait être fait abstraction des rémunérations qu'ils avaient perçues de la SARL SIMATEL dont ils étaient cogérants, cette dernière touchant des commissions de la SNC,
Il a ainsi ordonné une expertise comptable pour faire les comptes entre les parties.
Les conclusions de l'expert [V] ont été les suivantes :
'- Dans le cadre de la relation de travail existant entre Monsieur [P] [BC] et Madame [F] [BC] son époux d'une part, et la SNC HCGVMP d'autre part, sur la base de salaires mensuels bruts s'élevant respectivement à 4 000 € et 2 500 € pour la période allant de novembre 1999 à fin février 2006 les sommes dues par la SNC HCGVMP sont les suivantes :
- Madame [F] [BC] : 190 000 €
- Monsieur [P] [BC] : 304 000 €
2 - Parallèlement les rémunérations perçues au niveau de la SARL SIMATEL et extraits de comptes 641 «Rémunération du Personnel» et 644 «Rémunération du Travail de l'exploitant» sont les suivantes pour la même période :
-Madame [F] [BC] : 100 841 €
- Monsieur [P] [BC] : 422 359 €
- S'agissant de faire les comptes entre les parties si l'on considère d'une part, d'un côté la SNC HCGVMP et de l'autre un ensemble composé de Monsieur et Madame [BC] et de la Société
SIMATEL, on peut conclure ainsi :
- Sommes dues au titre des salaires par la SNC : 494 000 €
- Solde commissions non versées à la SARL SIMATEL par la SNC : 48 887 €
- Sommes perçues par les époux [BC] au titre des salaires et rémunération de l'exploitant de la SARL SIMATEL (523 200) €
- soit 19 687 € à reverser à la SARL SIMATEL par la SNC
- les époux [BC] devant parallèlement reverser à la SARL SIMATEL : 523 200 € - 494 000 € = 29 200 €'.
Les époux [BC] s'opposent à la demande de compensation faite par la SNC et retenue par les premiers juges.
La compensation implique l'existence d'obligations réciproques entre les parties, or, les rémunérations qui ont été versées aux époux [BC] par la SARL constituée pour l'exécution du contrat de gérance mandat, l'ont été par cette SARL au titre de leurs fonctions de gérants de cette société et non par la SNC HCGMPV.
Dès lors, la SNC HCGMVP qui n'est pas créancière des époux [BC] à ce titre, ne peut invoquer la compensation.
Elle devra en conséquence payer à [P] [BC] la somme de 304 000 € outre celle de 30 400 € congés payés afférents, et à [F] [BC] celle de 190 000 € outre celle de 19 000 € congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé
N'étant pas démontré de façon formelle que, comme le soutiennent les époux [BC], que le contrat de gérance mandat conclu avec la SNC HCGMVP n'était qu'un montage frauduleux intentionnellement mis en place afin de contourner la législation sociale, ils seront débouté de leur demande de ce chef.
Sur la rupture
Les lettres de rupture envoyées le 10 mars 2006 à chacun des époux ainsi qu'à la SARL SIMATEL sont rédigées en des termes quasi-identiques.
Le courrier adressé à [P] [BC] est ainsi libellé :
'Monsieur,
A la suite des agissements tout à fait anormaux que nous venons de découvrir avec certitude, dans le cadre de la société SIMATEL, dont vous êtes l'associé et le gérant, nous vous notifions la rupture du contrat qui nous lie et ce sans préavis.
En effet nous venons d'avoir la preuve lors de la réunion du 2 mars 2006 du détournement d'une somme d'un montant de 31.032,00 € nous appartenant et qui n'a pas été déposé en banque par votre société.
De tels agissements sont intolérables. Ils le sont d'autant plus que vous avez essayé jusqu'au dernier moment de nous tromper.
Dans un premier temps, le 25 janvier 2006 vous nous avez écrit, qu'il devait nécessairement s'agir d'une ' erreur de ventilation par la banque et d'oubli de saisies du comptable' !
Dans un second temps, vous avez invoqué une éventuelle erreur de l'informatique.
Le 7 février 2096. vous nous avez envoyé un courrier recommandé sans la moindre explication crédible.
Sans réponse à nos interrogations et sans restitution de la somme, nous avons été contraints, le 27 février, de demander à un huissier de vous enjoindre de nous donner des explications au sujet de la disparition de la somme de 31 032 € et d'avoir à nous restituer immédiatement ladite sommes.
Vous avez fait attendre l'huissier pour lui remettre une lettre du. 27 février 2006. dans laquelle vous-même et votre épouse ne fournissiez toujours aucune explication sérieuse.
Vous avez refusé de nous restituer la somme de 31 032 € au motif que des explications seraient mentionnées dans le courrier que vous remettiez à l'huissier ! Afin d'avoir des certitudes, nous vous avons proposé une réunion en présence de nos experts comptables. Vous nous avez confirmé un rendez-vous pour le 2 mars 2006.
A cette réunion la société SIMATEL était représentée par vous-même et votre assistante Madame [G] [H].
La société HCGMVP était représentée par Monsieur [Q] [W].
Etaient présents les deux cabinets d'expertise comptable, celui de SIMATEL, Madame [CI] du cabinet [X] [J], celui de la HCGMVP, la Société Sud Expert Conseil représenté par ses deux collaborateurs, Monsieur [A] [N] et Monsieur [C] [R]. Se trouvait également l'avocate de la société SIMATEL, Maître [S] [B] qui n'avait pas prévenu notre avocat et qui est également votre avocate personnelle.
En votre qualité de dirigeant de la SIMATEL, nous vous reprochons également d'avoir fait diligenter toujours par l'intermédiaire de Maître [B] un procès aux prud'hommes à rencontre de notre société au terme duquel votre épouse et vous-même avez prétendu l'un et l'autre que vous auriez été en réalité salariés de la société HCGMVP et pour laquelle vous auriez travaillé chaque jour 23 heurs sur 24 et ce, 365 jours par an alors que :
- d'une part, vous êtres tous deux salariés de la société SIMATEL comme votre avocat l'a avoué devant les prud'hommes, et qui vous doit vous régler un salaire correspondant aux horaires que vous effectuez, quand vous n'êtes pas à votre hôtel restaurant de [Localité 1],
- d'autre part, vous êtes propriétaires par l'intermédiaire de votre société SIMAT et de la SCI [BC]-[CR] du fonds de commerce de l'hôtel restaurant [1] à [Localité 1] ainsi que des murs de cet hôtel, et ce, depuis novembre 2003 ;
En outre, à l'époque et jusqu'au procès du 19 janvier, il apparaissait dans le cadre du restaurant du [1], vous receviez votre clientèle tous les jours, midi et soir, sauf le lundi midi.
Notre expert comptable vient de découvrir un état très important de ' dû client' au 31 décembre 2005.
Il doit vous demander ce que sont devenues les sommes correspondant aux écarts anormaux qui auraient dû être réglées à la SNC HCGMVP.
Nous vous rappelons que le contrat de gérance mandataire prévoit que le non versement immédiat des sommes qui nous reviennent sont un motif de rupture sans indemnité.
Enfin, nous venons d'apprendre que Madame [BC] ne serait plus cogérante de la SARL SIMATEL.
De tels agissements sont constitutifs non seulement d'une faute grave mais même d'une faute lourde car il est évident que la société la SNC HCGMVP a été trompée par SIMATEL et par Monsieur et madame [BC].
Nous vous demandons de libérer immédiatement les lieux du [Adresse 2].'
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis.
La faute lourde implique en sus l'intention de nuire.
Il incombe à l'employeur d'établir la réalité et la gravité des fautes commises et d'apporter la preuve que les faits imputés au salarié lui sont directement imputables.
Force est de constater que les mêmes griefs sont évoqués dans les courriers de rupture ,qui fixent les limites du litige, adressés tant à la SIMATEL qu'à chacun des époux [BC].
Rien n'interdit à un salarié d'agir devant les tribunaux en cours d'exécution d'un contrat, ce dernier ne faisant qu'user de facultés légales.
Rien n'interdit non plus à un salarié d'acheter un bien immobilier avec sa famille ni de constituer une SARL exploitant un fonds de commerce.
La lettre de rupture ne fait état d'aucun préjudice qu'aurait subi la SNC HCGMVP du fait de la création de ces structures.
En l'état d'un contrat de travail, aucune réglementation ne vient imposer la cogérance à un salarié, dès lors le fait que [F] [BC] ne soit plus gérante de la société SIMATEL, situation déjà ancienne, aucun élément versé aux débats ne venant par ailleurs démontrer, comme le prétend l'employeur, qu'il ne l'aurait appris que récemment, ne peut non plus constituer une faute.
S'agissant de la disparition de la somme de 31 032 € et du 'dû client', la lecture des lettres de rupture ne permet pas de savoir avec certitude s'ils sont reprochés à SIMATEL, à [P] [BC] ou à son épouse.
Par ailleurs aucun élément versé aux débats ne permet d'en imputer à quiconque la responsabilité, le doute devant, en tout état de cause profiter aux salariés.
S'ensuit que les lettres de rupture en date du 10 mars 2006 adressées à chacun des époux [BC] doivent s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse .
Sur les conséquences indemnitaires de la rupture et rappel de salaire
1) sur l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents
Au regard de l'ancienneté des salariés, de leur rémunération et de leur statut de cadre, sera alloué
à [P] [BC] la somme de 12 000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de
1 200 € congés payés afférents et à [F] [BC] celle de 7 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle 750 € congés payés afférents .
2) sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Les époux [BC] sollicitent une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sans toutefois préciser expressément sur quel article est fondée leur demande.
Néanmoins, l'employeur n'apportant aucun élément ni faisant aucune observation sur le fait qu'il puisse s'agir de l'article L.122-14-5 ancien (L.1235-5 nouveau) du code du travail relatif à une entreprise de moins de 11 salariés , il sera considéré que les époux [BC] seront indemnisés sur le fondement de l'article L.122-14-4 ancien (L.1235-3 nouveau) lequel dispose que le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.
Tenant à l'ancienneté des salariés, à leur qualification, et à leur rémunération, ainsi qu'aux circonstances de la rupture, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, il convient de fixer l'indemnité à la somme de 40 000 € pour [P] [BC] et à celle de 25 000 € pour son épouse.
3 ) sur les dommages et intérêts pour irrégularité de procédure
Il est constant qu'aucun entretien préalable à licenciement n'a été organisé.
Toutefois l'indemnité pour irrégularité de procédure n'a pas vocation à se cumuler à celle de l'article L.122-14-4 ancien (L.1235-3 nouveau) du code du travail de sorte que la demande de ce chef doit être rejetée.
Sur la demande de la SNC HCGMVP au titre de faute lourde
Au regard de la solution apportée au litige, la demande doit être rejetée.
Sur les autres demandes des parties
Les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail (indemnité de préavis, congés payés afférents au préavis, rappel de salaires) portent intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, convocation qui vaut sommation de payer, soit en l'espèce à partir du 10 décembre 2004.
En revanche, les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.
La SNC HCGMVP devra remettre les documents sociaux rectifiés dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il n'y ait lieu à astreinte,
La SNC HCGMVP sera condamnée à verser à [P] [BC] la somme de 2 000 € et à [F] [BC] celle de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'entière procédure.
La SNC HCGMVP, qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Reçoit les appels réguliers en la forme,
Confirme le jugement de départage déféré rendu le 6 novembre 2008 en toutes ses dispositions sauf sur l'expertise aux fins 'de faire les comptes entre les parties',
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à compensation,
Condamne la SNC HCGMVP à payer à [P] [BC] les sommes suivantes en deniers ou quittances :
- 304 000 € à titre de rappel de salaire
- 30 400 € de congés payés afférents
Condamne la SNC HCGMVP à payer à [F] [BC] les sommes suivantes en deniers ou quittances :
- 190 000 € à titre de rappel de salaire
- 19 000 € de congés payés afférents
Y ajoutant,
Dit que la lettre de rupture du contrat de gérance mandat adressée par la SNC HCGMVP à chacun des époux [BC] le 10 mars 2006 doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
Condamne la SNC HCGMVP à payer à [P] [BC] les sommes suivantes :
- 12 000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 1 200 € de congés payés afférents
- 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Condamne la SNC HCGMVP à payer à [F] [BC] les sommes suivantes :
- 7 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 750 € de congés payés afférents
- 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Déboute les époux [BC] de leurs demandes plus amples ou contraires,
Déboute la SNC HCGMVP de sa demande de dommages et intérêts au titre d'une faute lourde,
Dit que les sommes qui sont dues en exécution du contrat de portent intérêts de droit à compter du 10 décembre 2004 et que les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire,
Dit que la SNC HCGMVP devra remettre les documents sociaux rectifiés dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il n'y ait lieu à astreinte,
Condamne la SNC HCGMVP à payer à chacun des époux [BC] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'entière procédure,
La déboute de sa demande de ce chef,
Condamne la SNC HCGMVP aux dépens de l'entière procédure.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT