COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 12 JUIN 2014
N° 2014/ 435
Rôle N° 12/07235
SCI AFTIS
SARL BILAL
C/
SARL ELAMI MOHTAJ HAMMAM DOUCHES ET BAINS EMHDB
Grosse délivrée
le :
à :
Me GUEDJ
SELARL BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 20 Septembre 2007 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 06F6216.
APPELANTES
SCI AFTIS,
dont le siége social est [Adresse 2]
représentée par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
constitué aux lieu et place de Me Laurent COHEN de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Patrick BERREBI, avocat au barreau de MARSEILLE,
SARL BILAL,
dont le siége social est [Adresse 1]
représentée par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de Me Laurent COHEN de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Patrick BERREBI, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMEE
SARL ELAMI MOHTAJ HAMMAM DOUCHES ET BAINS
Prise en la personne de son Gérant en exercice, dont le siége social est [Adresse 1]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Géraldine LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Mai 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président rapporteur
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2014,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement frappé d'appel rendu le 30 septembre 2007 par le tribunal de commerce de Marseille ;
Vu, après radiation et reprise d'instance, les conclusions déposées le 2 mai 2014 par la SCI AFTIS et la SARL BILAL, appelantes ;
Vu les conclusions déposées le 22 avril 2014 par la société ELAMI MOHTAJ HAMMAM DOUCHES ET BAINS (EMHDB), intimée ;
Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties ;
Attendu que la société BILAL exploitait un hammam à [Localité 1] dans des locaux pris à bail le 25 juillet 1990 auprès de la société AFTIS (la bailleresse) ; qu'elle a consenti d'abord le 17 mars 1992 à [Z] [Q] et [M] [E] une sous-location de son fonds pour 18 mois avec engagement de cession à l'issue de ce délai, ensuite le 20 septembre 1993 à la société ELAMI MOHTAJ HAMMAM DOUCHES ET BAINS (EMHDB) constituée par les sous-locataires précités, la location-gérance du fonds pour 18 mois avec signature d'un contrat de vente et engagement de la bailleresse de céder le matériel et le mobilier dont elle était propriétaire; qu'ultérieurement, par actes en date des 13 mars 1995 et 14 mars 1996, les parties sont convenues de proroger le contrat de location-gérance et la date limite de réitération de la vente jusqu'au 1er septembre 1999; qu'après que le tribunal de grande instance de Marseille, par jugement en date du 15 novembre 2001, eût déclaré prescrite la demande d'annulation de ces actes formée par la bailleresse et la société BILAL en raison de l'insanité d'esprit prétendue de leur dirigeant commun [C] [U] , le tribunal de commerce de la même localité, par jugement en date du 26 octobre 2005, a enjoint à cette dernière de régulariser l'acte de vente ; que l'acte a en définitive été signé le 30 mai 2006 ;
Attendu que la société EMHDB (l'acquéreuse) a alors assigné le 30 octobre 2006 la bailleresse et la société BILAL afin de les voir condamnées, en raison du retard dans l'exécution de leurs obligations contractuelles, au paiement d'une somme de 2'052'496,63 €uros à titre de dommages-intérêts ainsi que du montant du préjudice subi au cours de l'exercice 2005 ; que la société BILAL a réclamé reconventionnellement au titre des redevances de location-gérance en souffrance les sommes de 30'996,13 €uros pour la période de février 1999 à avril 2006 et 14'635,20 €uros pour la période de juin 2002 à mai 2006 ; que par le jugement attaqué le tribunal de commerce de Marseille a fait droit à la demande principale à concurrence de 193'644 €uros et rejeté la demande reconventionnelle en considérant que la bailleresse devait répondre du retard dès lors qu'elle était désignée comme venderesse dans l'acte du 30 octobre 2006, qu'avec la société BILAL elle avait cherché à retarder la signature de l'acte de cession, que l'acquéreuse avait de ce fait été maintenue dans une situation précaire et n'avait pu procéder aux améliorations du fonds qu'elle souhaitait effectuer, que compte tenu des chiffres d'affaires réalisés l'acquéreuse avait perdu 193'644 €uros de valeur ajoutée, et que les arriérés de redevances de location-gérance réclamés n'étaient pas dus dès lors qu'aucune déduction n'avait été opérée sur le prix de ce chef lors de la vente alors que le protocole du 14 mars 1996 la prévoyait expressément ;
SUR CE,
Sur la péremption de l'instance.
Attendu que la bailleresse et la société BILAL ont relevé appel le 28 septembre 2007 ; que par ordonnance en date du 5 juin 2008 le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'instance sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile ; que par une nouvelle ordonnance en date du 13 décembre 2012 il en a ordonné le rétablissement; que sera écartée l'exception de péremption invoquée par l'acquéreuse qui soutient qu'aucune diligence de nature à faire progresser l'instance n'a été effectuée pendant deux ans postérieurement à la radiation, dès lors que ce moyen, soumis au conseiller de la mise en état, a été expressément écarté par l'ordonnance du 13 décembre 2012 qui n'a pas été frappée de déféré ;
Sur la mise en cause de la SCI AFTIS.
Attendus que la SCI bailleresse soutient que, n'ayant été propriétaire que du matériel et du mobilier et non du fonds, et la cession de ce dernier ayant conditionné celle des éléments corporels qui lui appartenaient, elle ne peut être responsable des conséquences du retard invoqué par l'acquéreuse bien que de manière inepte elle soit désignée dans l'acte de vente du 30 mai 2006 comme venderesse conjointement avec la société BILAL; que ce moyen sera écarté dès lors que le matériel et le mobilier faisaient partie du fonds et que l'engagement de cession a été pris indivisiblement par la société BILAL et la bailleresse lesquelles se sont par la suite opposées à l'unisson à la cession jusqu'au jugement du 26 octobre 2005, de sorte que l'éventuel préjudice subi par l'acquéreuse est imputable à chacune d'elles ;
Sur la responsabilité de la société BILAL et de la SCI AFTIS.
Attendu que les appelantes relèvent que l'acquéreuse aurait pu réclamer la réitération de la cession dès le 2 septembre 1999 mais ne l'a fait que début mars 2005, et qu'elle n'a pas sollicité l'indemnisation d'un préjudice dans la procédure en conclusion forcée de l'acte de vente ; qu'en l'absence de manifestation non équivoque de la volonté de l'acquéreuse de renoncer à cette indemnisation, que les abstentions relevées n'impliquent pas par elles-mêmes, l'acquéreuse ne saurait être déclarée pour ce motif irrecevable à agir ;
Attendu qu'alors que la location-gérance avait été prorogée jusqu'au 1er septembre 1999 par l'acte du 14 mars 1996, [C] [U], la SCI AFTIS et la société BILAL ont assigné l'acquéreuse le 21 septembre 1998 en annulation des divers engagements contractuels récapitulés ci-dessus; que le tribunal de grande instance de Marseille a désigné un expert psychiatre et relevé dans son jugement du 15 novembre 2001 que si l'insanité d'esprit du gérant commun de la société BILAL et de la SCI ne pouvait être retenue, les facultés mentales de l'intéressé n'en étaient pas moins fortement altérées ; que cette initiative procédurale ne peut en conséquence être considérée comme ayant été prise de mauvaise foi ;
Attendu qu'il demeure que dans l'instance en cession forcée introduite par l'acquéreuse le 8 mars 2005 la bailleresse et la société BILAL ont persisté à s'opposer à la réitération en faisant état notamment de la caducité des actes invoqués ; que leur volonté d'échapper à leurs engagements est ainsi certaine; que celle de l'acquéreuse de profiter du statu quo l'est tout autant dès lors que l'acte du 14 mars 1996 lui garantissait l'imputation sur le prix de la redevance qu'elle n'a plus réglée à partir du 1er septembre 1999, et qu'elle a continué à exploiter le fonds sans prendre aucune initiative postérieurement au jugement du 15 novembre 2001 jusqu'au 8 mars 2005 ;
Attendu que l'acquéreuse, qui avait été autorisée par l'acte du 14 mars 1996 à effectuer tous travaux d'amélioration et l'embellissement de son choix, se plaint de ne pas en avoir eu l'occasion avant la réitération dès lors qu'elle n'avait pas le statut de propriétaire ; qu'elle ne prouve cependant pas avoir procédé à la moindre amélioration à ce jour et verse aux débats en tout et pour tout des esquisses d'architecte en vue de la création d'un salon de coiffure et d'un centre d'esthétique établies en avril 2002 et avril 2005, les travaux ayant été chiffrés à la dernière de ces dates à 70'660 €; qu'il faut en déduire nécessairement qu'elle a considéré ces travaux comme inopportuns et non rentables de sorte que l'atermoiement qu'elle dénonce ne lui a causé aucun préjudice spécifique certain et que ne peut pas même être retenue la perte de la chance de réaliser des améliorations plus précocement;
Attendu que l'acquéreuse se plaint d'une chute impressionnante du chiffre d'affaires du fonds de 87 % postérieurement au changement d'exploitant mais, alors que le fonds lui avait été confié en l'état, ne fournit aucune démonstration, ni de la surévaluation des résultats antérieurement enregistrés par la société BILAL, ni des causes exactes de la chute, ni de celles de son abstention du 15 novembre 2001 au 8 mars 2005 ; qu'elle ne produit notamment aucun constat ou descriptif dont résulterait une détérioration des éléments matériels du fonds ou des conditions d'exploitation jusqu'à la réitération de la vente ; qu'il faut en déduire nécessairement que la chute est la conséquence, soit de son incapacité à gérer, soit de la désaffection de la clientèle pour des raisons personnelles, soit encore de dissimulations comptables, de sorte que la responsabilité de la société BILAL ne peut être retenue de ce chef ; que le jugement attaqué sera en conséquence infirmé en ses dispositions critiquées ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel régulier et recevable en la forme.
Constate que le jugement attaqué n'est pas critiqué en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société BILAL.
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,
Déboute la société ELAMI MOHTAJ HAMMAM DOUCHES ET BAINS (EMHDB) de sa demande de dommages-intérêts.
Fait masse des dépens de première instance et d'appel et les partage à raison d'un tiers à la charge des sociétés AFTIS et BILAL qui seront tenues solidairement entre elles et de deux tiers à celle de la société ELAMI MOHTAJ HAMMAM DOUCHES ET BAINS (EMHDB).
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Accorde à l'avocat des sociétés AFTIS et BILAL le bénéfice de distraction de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président