COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 05 JUIN 2014
N° 2014/ 419
Rôle N° 12/06660
[O], [C] [R]
C/
CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] REPUBLIQUE
Grosse délivrée
le :
à :
Me DAVAL GUEDJ
Me CATTERO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 22 Mars 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/4946.
APPELANT
Monsieur [O], [C] [R]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de Me Laurent COHEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Alain BERDAH, avocat au barreau de NICE substitué par Me Pascale DIEUDONNE, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] REPUBLIQUE,
dont le siége social est [Adresse 1]
représentée par Me Bernard CATTERO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Avril 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Guy SCHMITT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2014,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement frappé d'appel rendu le 22 mars 2012 par le tribunal de grande instance de Nice ;
Vu les conclusions déposées le 14 septembre 2012 par [O] [R], appelant ;
Vu les conclusions notifiées le 4 septembre 2012 par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 2] RÉPUBLIQUE, intimée ;
Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties ;
Attendu que [O] [R] s'est vu prêter par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 2] RÉPUBLIQUE (la banque) les sommes suivantes :
' 14'500 € le 15 février 2005 pour l'acquisition d'un véhicule automobile.
' 7700 € le 11 août 2005 pour les besoins personnels.
' 114'000 € le 17 juin 2005 pour l'acquisition d'un bien immobilier
' 110'000 € le 2 janvier 2007 pour l'acquisition d'un deuxième bien immobilier.
' 24'500 € le 11 janvier 2007 pour l'acquisition d'un véhicule automobile.
' 208'000 € le 5 mars 2007 pour l'acquisition d'un troisième bien immobilier.
' 175'000 € le 24 juillet 2008 pour l'acquisition d'un quatrième bien immobilier en remplacement d'un autre vendu.
Attendu que, soutenant que la banque n'avait pas respecté la réglementation applicable et manqué à ses devoirs de l'information et de conseil, [O] [R] l'a assignée en responsabilité et paiement d'une somme de 775'270,67 €uros à titre de dommages-intérêts ; que par le jugement attaqué le tribunal de grande instance de Nice a rejeté la demande en considérant que les dispositions des articles L 312 ' 7 et L 312 ' 10 du code de la consommation avaient été respectées, que l'emprunteur ne justifiait pas de manière suffisante de sa situation financière, qu'il avait revendu une partie des biens acquis au moyen des prêts et qu'il n'établissait ni une perte financière lors de la revente, ni l'impossibilité de rembourser le prêt restant en cours, ni un préjudice économique en relation de cause à effet avec la faute qu'il imputait à la banque ;
SUR CE,
Sur la violation des dispositions du code de la consommation.
Attendu qu'il résulte des articles L 312 ' 7, L 312 ' 10, et L 312 ' 33 du code de la consommation que sous peine de déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts le prêteur qui accorde un prêt immobilier doit adresser son offre à l'emprunteur par la voie postale et que l'offre ne peut être acceptée que 10 jours après sa réception, l'acceptation devant être donnée par lettre et le cachet de la poste faisant foi ; que l'emprunteur appelant soutient que ces formalités n'ont pas été respectées pour les quatre crédits immobiliers récapitulés ci-dessus ;
Attendu, s'agissant du prêt de 114'000 €, réitéré sous forme notariée le 29 août 2005 dans l'acte constatant la vente du bien financé, que le notaire a joint à cet acte un document signé par l'emprunteur attestant de la réception de l'offre expédiée selon le cachet postal le 27 juillet 2005, ainsi que le courrier d'acceptation daté du 8 août 2005; que, le notaire ayant attesté pour sa part qu'il a reçu l'acceptation par la voie postale, il faut en déduire faute de preuve contraire que le délai de 10 jours a été respecté ;
Attendu, s'agissant du prêt de 110'000 €, que l'acte notarié de réitération mentionne l'annexion à la minute des documents matérialisant l'offre du 21 décembre 2006, sa réception le 22 décembre 2006, et son acceptation le 2 janvier 2007 ; qu'encore que ces pièces ne figurent pas en annexe à la copie produite par l'emprunteur, il faut en déduire, en l'absence d'interpellation du notaire, d'inscription de faux et de preuve contraire, que le délai a également été respecté ;
Attendu, s'agissant du prêt de 208'000 €, qu'aucune pièce attestant du respect des formalités légales n'est produite ni ne se trouve annexée aux actes versés aux débats ; que la sanction légale est en conséquence encourue ; que dès lors que la carence de la caisse prêteuse est totale, celle-ci sera déchue totalement du droit aux intérêts y afférents ;
Attendu enfin, s'agissant du prêt de 175'000 €, que l'emprunteur a rempli et signé le 11 juillet 2008 un accusé de réception dans lequel il reconnaît avoir réceptionné le 10 juillet 2008 l'offre expédiée par la voie postale le 9 juillet 2008; qu'aucun courrier d'acceptation n'est cependant produit ; que, l'acte notarié réitératif étant muet sur ce point, mais l'emprunteur ayant accepté le prêt et étant resté taisant bien qu'il ait été informé du mécanisme légal d'acceptation, la caisse prêteuse sera en l'absence de fin de non-recevoir déchue de la moitié des intérêts ;
Sur les manquements de la banque à ses obligations de mise en garde et de loyauté contractuelle.
Attendu que les deux crédits à la consommation de 14'500 et 7700 €, qui se soldaient par des mensualités d'un total de 440,04 €uros, venaient à échéance en 2010 et celui de 24'500 € en 2012, ce dernier ayant néanmoins été apuré fin 2008 aux termes des pièces produites; que l'emprunteur s'est engagé à rembourser au titre du prêt de 114'000 € une somme mensuelle, assurance comprise, de 729,90 €uros pendant 20 ans, le bien acquis, loué moyennant un loyer mensuel de 630 €uros à compter du 1er janvier 2006 à la concubine de l'emprunteur qui a attesté avoir hébergé ce dernier gratuitement, ayant cependant été revendu à un prix inconnu le 7 février 2007, de sorte que la charge de remboursement effective n'a été jusqu'à la vente que de 100 € par mois ;
Attendu, s'agissant du prêt in fine de 110'000 €uros qui se soldait par des mensualités de 396,73 €uros et le remboursement du capital le 5 janvier 2027, qu'il est établi que le bien financé a été loué à compter du 1er novembre 2007 moyennant un loyer mensuel hors charges de 540 €, de sorte qu'en considération de la charge nette de remboursement afférente au crédit de 114'000 € et de la vente non contestée du bien acquis à un prix pas davantage révélé, l'emprunteur n'a rien eu à débourser par prélèvement sur ses revenus et avoirs ;
Attendu que le prêt de 208'000 € se soldait, à compter du 5 juillet 2007, par des remboursements mensuels de 1152,49 €uros et celui de 175'000 € par des remboursements de 1225,59 €uros à compter du 31 août 2008 ; que l'emprunteur ne prouve cependant aucunement l'affectation des biens acquis avant leur revente non discutée, étant relevé que pour celui financé au moyen du crédit de 175'000 €uros une candidate à la location s'est engagée le 24 avril 2008 à le prendre à bail pour 750 € par mois ; qu'il peut être présumé au vu de cet engagement que celui financé au moyen du crédit de 208'000 € était de nature à générer un revenu au moins équivalent, de sorte que la charge de remboursement réelle n'était que de 878,08 €uros par mois ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites que, architecte salarié, l'emprunteur gagnait 2460,57 €uros net par mois en 2006, et 2660,75 €uros net en 2007 et 2008 ; que, hébergé gracieusement par sa concubine, il était en mesure de faire face au remboursement des crédits immobiliers et des crédits à la consommation alors au surplus que la banque prouve par la production de factures que parallèlement à son activité salariée il effectuait des prestations à titre libéral pour lesquelles il a encaissé 21296,19 € au minimum en 2006, 7080 € en 2007, et 11'000 € en 2008 ; que les relevés de compte font en outre apparaître des virements à partir d'un livret d'assurance retraite ou d'origine indéterminée laissant présumer l'existence de dépôts non révélés de sorte qu'il peut affirmer qu'au moyen de ses revenus non salariaux l'intéressé était en mesure de supporter la totalité de la charge des emprunts et de l'incidence fiscale des revenus perçus, même au cours des périodes où, les biens n'ayant pas encore été loués, il devait faire face à l'intégralité des mensualités ;
Attendu qu'encore que les relevés de compte de l'emprunteur des années 2008 et 2009 fassent apparaître des situations mensuelles quasi systématiquement débitrices, il ne peut dans ces conditions être retenu que l'intéressé, qui a voulu à l'évidence participer à l'euphorie spéculative ayant précédé la crise de 2008, s'est endetté au-delà de ses moyens et n'a pas bénéficié de la part de la banque de renseignements et mises en garde dont il peut au surplus être présumé qu'ils ne l'auraient en rien dissuadé alors que, professionnel de la construction et des opérations immobilières, il était en mesure, compte tenu de son niveau de formation, d'apprécier avec précision les risques qu'il prenait ; que, le bilan financier des opérations d'achat, de revente et de remboursement des crédits n'étant pas produit alors que sa confection était d'une grande simplicité, il faut au surplus retenir qu'aucune preuve d'une perte financière n'est rapportée ; que, la banque n'étant pas garante de l'aboutissement des projets spéculatifs de l'emprunteur, la demande de dommages-intérêts a dans ces conditions été rejetée à juste titre ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel régulier et recevable en la forme.
Au fond, confirme le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de [O] [R].
Le réforme en ce qu'il a rejeté dans sa totalité la demande de déchéance du droit aux intérêts présentée par [O] [R] et, statuant à nouveau dans cette limite,
Déclare la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 2] RÉPUBLIQUE déchue de la totalité des intérêts relatifs au prêt de 208'000 € et de la moitié de ceux afférents au prêt de 175'000 €.
La condamne à rembourser à [O] [R] les intérêts frappés de déchéance payés par ce dernier.
Fait masse des dépens de première instance et d'appel et les partage à raison d'un quart à la charge de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 2] RÉPUBLIQUE et les trois quarts à celle de [O] [R].
Condamne [O] [R] à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 2] RÉPUBLIQUE une somme de 3500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Accorde à l'avocat de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 2] RÉPUBLIQUE le bénéfice de distraction de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président