COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 28 MAI 2014
N° 2014/259
Rôle N° 12/04708
SA COLAS MIDI MÉDITERRANÉE
SA RAPHAELOISE BÂTIMENTS TRAVAUX PUBLICS (RBTP)
C/
[H] [E]
SA AXA FRANCE IARD
SARL LES JARDINS DE SAINT ROCH
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
SA AXA FRANCE IARD
Grosse délivrée
le :
à :
Me Philippe MILLET
SCP DESOMBRE M & J
Me Joseph-Paul MAGNAN
SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE
SELAS DREVET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 08 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 09/09628.
APPELANTES
SA COLAS MIDI MÉDITERRANÉE
APPELANTE ET INTIMÉE
demeurant [Adresse 4]
représentée et assistée par Me Philippe MILLET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Meghann FALCHI, avocat au barreau de NICE
SA RAPHAELOISE BÂTIMENTS TRAVAUX PUBLICS (RBTP), immatriculée au RCS de FREJUS sous le N° 327 835 005, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 5]
représentée par la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Assistée de Me Pierre MONTORO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Monsieur [H] [E], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Joseph-Paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Assisté de Me Gérard MINO, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Grégory NAILLOT, avocat au barreau de TOULON
SA AXA FRANCE IARD, Entreprise régie par le code des Assurances, S.A à Conseil d'Administration au capital de 214 799 030 €, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le N° B 722 057 460, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]
représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Assistée de Me Aline COPELOVICI de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocat au barreau de MARSEILLE
SARL LES JARDINS DE SAINT ROCH, demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Serge DREVET de la SELAS DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, constitué aux lieu et place de Me Hubert DREVET de la SELARL DREVET HUBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, substitué par Me Micheline DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, Société d'assurance mutelle à forme variable prise en la personne de son représentant légal en exercice intervenant dans les limites des garanties accordées à son assuré, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Joseph-Paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
Assistée de Me Gérard MINO, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Grégory NAILLOT, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Avril 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Annie DABOSVILLE, Présidente
Madame Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller
Monsieur Martin DELAGE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Elsa FABRE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2014,
Signé par Madame Annie DABOSVILLE, Présidente et Mme Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
I. FAITS. PROCEDURE.
En 1998, la SARL les Jardins de Saint-Roch a réalisé un lotissement à [Localité 1]. La maîtrise d''uvre complète a été confiée à Monsieur [H] [E], tandis que la société Raphaëloise bâtiment travaux publics (autrement dénommée RBTP), a été chargée des VRD et de tous travaux connexes pour la création d'un lotissement et l'obtention de sa conformité.
En octobre 2000, la SARL les Jardins de Saint-Roch a fait appel à l'entreprise Colas midi Méditerranée pour reprendre le bicouche des voies réalisé par la société RBTP.
Par ordonnance du 22 mai 2002, un expert a été désigné, avec extension à d'autres parties le 19 mars 2003. Monsieur [Z] expert judiciaire, a déposé son rapport le 12 janvier 2004.
Par jugement du 1er février 2006, confirmé par arrêt de la cour d'appel Aix-en-Provence du 21 juin 2007, le rapport d'expertise de Monsieur [Z] a été annulé et un autre expert a été désigné. Monsieur [I] nouvel expert désigné, a déposé son rapport le 30 septembre 2009.
Par jugement du 8 février 2012, le tribunal de grande instance de Draguignan a notamment :
' déclaré irrecevables les demandes de la SARL les Jardins de Saint-Roch formées à l'encontre de la société RBTP sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil.
' dit contractuellement responsables la société RBTP, la société Colas midi Méditerranée et Monsieur [E] ;
' condamné in solidum Monsieur [E] solidairement avec la MAF et la société RBTP, à payer à la SARL les Jardins de Saint-Roch la somme de 272'074,90 euros HT, avec réactualisation, au titre des travaux de réfection de la chaussée de la zone commerce et les collecteurs des eaux usées.
' rejeté la demande de ce chef à l'encontre de la société Colas midi Méditerranée.
' condamné la société Colas midi Méditerranée à rembourser à la SARL les Jardins de Saint-Roch la somme de 13'070 € TTC outre réactualisation, au titre des travaux réalisés sur la chaussée qui se sont avérés inutiles.
' rejeté la demande de la SARL les Jardins de Saint-Roch au titre du préjudice commercial, de la liquidation de l'astreinte et du paiement des retards contractuels.
' dit n'y avoir lieu à désignation d'un expert pour une mission de contrôle de bonne fin.
' déclaré recevables les demandes de la société Dagui et au fond a rejeté l'ensemble de ses demandes.
' dans leurs rapport entre eux, fixé les parts de responsabilité de Monsieur [E] à 25 %, et de la société RBTP à 75 % ; condamné Monsieur [E] solidairement avec la MAF et la société RBTP à supporter les condamnations dans ces proportions.
' statué sur les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
' dit que les frais du rapport [Z] ne sont pas compris dans les dépens.
Par acte du 12 mars 2012, la société RBTP a interjeté appel de ce jugement.
Le 23 avril 2012, la société RBTP s'est désistée partiellement à l'encontre de Madame [P] et de la SCI Dagui.
Par ordonnance du 19 septembre 2013, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de la société Colas midi Méditerranée du 1er février 2013, et l'appel formé par la société Colas midi Méditerranée à l'encontre de AXA France IARD. Il a par ailleurs déclaré recevables les conclusions de la société Colas midi Méditerranée du 3 mai 2013.
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Vu les dernières conclusions de la compagnie assurances AXA France IARD du 31 juillet 2012,
Vu les dernières conclusions de la SARL les Jardins de Saint-Roch du 22 janvier 2013,
Vu les dernières conclusions de la Mutuelle des architectes français et de Monsieur [H] [E] du 25 janvier 2013,
Vu les dernières conclusions de la société Colas midi Méditerranée du 3 mai 2013,
Vu les dernières conclusions de la société Raphaëloise bâtiment travaux publics du 28 juin 2013,
II.DECISION.
1) Sur la demande principale.
Ainsi que l'a noté le premier juge, les demandes de la SARL les Jardins de Saint Roch sont confuses et contradictoires.
La SARL les Jardins de Saint Roch demande à titre principal, la confirmation pure et simple du jugement en ce qu'il a jugé que les travaux n'étaient pas de nature décennale, et son infirmation en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de prise en charge des frais d'expertise de Monsieur [Z] ; et à titre subsidiaire, la déclaration de responsabilité de la société RBTP, de Monsieur [E] et de la société Colas midi Méditerranée au visa de l'article 1792 du Code civil, leur condamnation solidaire ainsi que celle de la MAF, à lui payer la somme de 286'692,70 euros TTC à réactualiser au titre des travaux de réfection de la chaussée et des collecteurs des eaux usées, la condamnation de la société Colas midi Méditerranée au paiement de 13'310 € TTC au titre des travaux inutiles réalisés sur la chaussée, la condamnation de Monsieur [E], de la MAF et de la société RBTP à lui payer un préjudice de jouissance, la demande de liquidation d'astreinte et la demande de condamnation de la société RBTP au paiement de 100'000 euros au titre de retard contractuel.
Sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil, la SARL les Jardins de Saint Roch se prévaut des fautes commises par la société RBTP et par Monsieur [E]. Dans le même temps, elle conteste l'existence d'une réception tacite alors qu'en l'absence de réception, il n'est pas utile de caractériser une faute de l'entreprise toujours soumise à une obligation de résultat, seule la faute du maître d''uvre devant être caractérisée.
Il convient d'observer au préalable qu'aux termes de plusieurs échanges entre les parties, concernant notamment l'état du bicouche, la SARL les Jardins de Saint Roch a indiqué au maître d''uvre le 13 octobre 1998 qu'elle a remis le solde du prix de marché au notaire Maître [B] qui le débloquera sur son ordre dès qu'il aura la certitude que l'ensemble des travaux aura été effectué et terminé selon les règles de l'art.
Postérieurement, le 25 janvier 1999, Maître [B] a adressé à la société RBTP un chèque de 100'000 Fr. représentant le solde du marché ; ce faisant, eu égard aux termes de son courrier du 13 octobre 1998, la SARL les Jardins de Saint Roch a nécessairement autorisé le notaire à effectuer ce règlement et a ainsi alors qu'elle ne conteste pas avoir pris possession de l'ouvrage, manifesté sa volonté non équivoque de recevoir les travaux. Sans devoir tenir compte de la conformité sollicitée postérieurement, il convient de considérer que les travaux ont fait l'objet d'une réception tacite.
Monsieur [E] fait valoir justement qu'en réceptionnant les travaux, la demanderesse a purgé les désordres apparents ; tandis que la société RBTP sans se prévaloir clairement du caractère apparent des désordres, indique que la non conformité ne donne pas lieu à réparation si, étant apparente lors des opérations de réception, elle n'a pas fait l'objet de réserves à cette occasion.
Ce n'est que prés de 21 mois après, soit au mois d'octobre 2000, que sans en aviser la société RBTP et Monsieur [E], la demanderesse a confié à la société Colas midi Méditerranée un contrat non de réfection des voies mais d'aménagement du lotissement et un contrat de réfection des trottoirs. La SARL les Jardins de Saint Roch ne saurait revenir sur l'acceptation des travaux du 25 janvier 1999 en indiquant le 20 novembre 2000 à Monsieur [E] les problèmes de réalisation des voies, et avoir réglé la somme de 100 000 Francs sur sa recommandation et à contre coeur.
La SARL les Jardins de Saint Roch indique dans ses dernières conclusions que le bicouche réalisé par l'entreprise RBTP n'a pas donné satisfaction et a présenté un certain nombre d'ornières dès sa réalisation, qu'après maintes réclamations tant auprès de la société RBTP que de Monsieur [E], la concluante a dû faire appel à l'entreprise Colas midi Méditerranée pour le reprendre en intégralité et ainsi achever le lotissement et donner satisfaction à ses clients. Ces explications établissent sans ambiguïté que les désordres étaient apparents lors de la réalisation des travaux.
Au terme de ces observations, il convient de dire que les désordres affectant les voiries et les trottoirs étaient apparents au jour de la réception tacite, et ont été purgés par cette dernière.
Les désordres concernant les réseaux étaient en revanche non apparents car la totalité des regards a été recouverte de bicouche et laissée à une hauteur inférieure des cunettes d'une part, et les regards concernant les tabourets siphoïdes n'étaient pas scellés d'autre part. Ces malfaçons résultent de fautes non de la société RBTP et de Monsieur [E], mais d'une faute d'exécution de la société Colas midi Méditerranée.
En conséquence, la demande formée à l'encontre de la société RBTP et de Monsieur [E] sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil doit être rejetée.
Subsidiairement, la SARL les Jardins de Saint Roch fonde sa demande sur les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil. Sans examiner le fond de la demande, il convient d'approuver les motifs exacts et pertinents du premier juge qui a déclaré la demande irrecevable.
Par ailleurs, la SARL les Jardins de Saint Roch demande la condamnation de la société Colas midi Méditerranée à lui rembourser la somme de 13'310 € TTC à réactualiser au titre des travaux inutiles réalisés sur la chaussée. Celle-ci fait valoir à bon droit que la cause des désordres affectant les voiries et les trottoirs résulte de l'absence de couche de forme et de fondation, la réfection du revêtement bicouche ayant subi le même sort que celui réalisé par la société RBTP. Aucune faute ne peut être caractérisée à l'encontre de la société Colas midi Méditerranée en ce qui concerne les voiries et les trottoirs. La SARL les Jardins de Saint Roch ne demandant que le remboursement du coût des travaux inutiles, il convient de rejeter cette demande, étant observé qu'aucune demande n'est formée au titre des malfaçons affectant le réseau d'eaux usées.
Au terme de ces observations, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur [E] solidairement avec la MAF et la société RBTP, à payer à la SARL les Jardins de Saint-Roch la somme de 272'074,90 euros HT, avec réactualisation, au titre des travaux de réfection de la chaussée de la zone commerce et les collecteurs des eaux usées, condamné la société Colas midi Méditerranée à rembourser à la SARL les Jardins de Saint-Roch la somme de 13'070 € TTC outre réactualisation, au titre des travaux réalisés sur la chaussée qui se sont avérés inutiles.
Il sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SARL les Jardins de Saint-Roch au titre du préjudice commercial, de la liquidation de l'astreinte et du paiement des retards contractuels.
2) Sur les appels en garantie.
En l'absence de condamnation des défendeurs, l'ensemble des appels en garantie doit être déclaré sans objet. En conséquence, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a fixé les parts de responsabilité de Monsieur [E] à 25 %, et de la société RBTP à 75 % et condamné Monsieur [E] solidairement avec la MAF et la société RBTP à supporter les condamnations dans ces proportions.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
- CONFIRME le jugement en ce qu'il a déclarées irrecevable la demande de la SARL les Jardins de Saint Roch fondée sur les dispositions de l'article 1792 du Code civil, et rejeté la demande de la SARL les Jardins de Saint-Roch au titre du préjudice commercial, de la liquidation de l'astreinte et du paiement des retards contractuels.
- INFIRME le surplus du jugement en ce qu'il a :
- condamné in solidum Monsieur [E] solidairement avec la MAF et la société RBTP, à payer à la SARL les Jardins de Saint-Roch la somme de 272'074,90 euros HT, avec réactualisation, au titre des travaux de réfection de la chaussée de la zone commerce et les collecteurs des eaux usées,
- condamné la société Colas midi Méditerranée à rembourser à la SARL les Jardins de Saint-Roch la somme de 13'070 € TTC outre réactualisation, au titre des travaux réalisés sur la chaussée qui se sont avérés inutiles.
- fixé les parts de responsabilité de Monsieur [E] à 25 %, et de la société RBTP à 75 % et condamné Monsieur [E] solidairement avec la MAF et la société RBTP à supporter les condamnations dans ces proportions.
- ET STATUANT à nouveau,
- REJETTE l'entière demande de la SARL les Jardins de Saint Roch.
- DÉCLARE l'ensemble des appels en garantie sans objet.
- REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- CONDAMNE la SARL les Jardins de Saint Roch aux entiers dépens, comprenant les frais des deux expertises [Z] et [I], avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
RMP