COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 06 MAI 2014
N°2014/402
Rôle N° 12/13469
CPAM DU VAR
C/
[Z] [H]
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée le :
à :
Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Romain CALLEN, avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date du 13 Avril 2012,enregistré au répertoire général sous le n° 21002123.
APPELANTE
CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [Z] [H], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Romain CALLEN, avocat au barreau de TOULON et Me Alexandra MAILLOT, avocat au barreau de TOULON
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette AUGE, Présidente, et Madame Florence DELORD, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.
La Présidente a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Présidente
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mars 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mars 2014
Signé par Madame Bernadette AUGE, Présidente et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
[Z] [H], chirurgien dentiste à [Localité 1] a fait l'objet d'une interdiction d'exercer par décision du Conseil National de l'Ordre du 4 juin 2009 pour une durée de trois ans du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012.
Au cours du mois de février 2010, il a transmis à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var un lot de feuilles de soins bucco-dentaires pour des actes effectués durant la période du 9 janvier 2008 au 28 septembre 2009 pour un montant de 361.749,62 euros.
La Caisse, par courrier du 22 mars 2010 a notifié au Dr [H] un refus de paiement au motif que le délai de huit jours pour transmettre les feuilles de soins prévu à l'article R.161-47 du Code de la Sécurité Sociale n'avait pas été respecté.
[Z] [H], le 19 avril 2010, a saisi la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var qui, par une décision du 16 novembre 2010 a confirmé la décision de la Caisse.
Le 2 septembre 2010, le praticien a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Var qui, par jugement en date du 13 avril 2012, a fait droit à son recours et a condamné la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var à lui payer la somme de 361.749,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2010.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var a relevé appel de cette décision dont elle demande la réformation le 10 juillet 2012.
Par des moyens qui seront examinés dans le corps du présent arrêt, elle demande à la cour de dire que la Caisse était fondée à refuser le paiement des feuilles de soins, que le montant des honoraires fait présumer une situation de fraude manifeste et que les feuilles de soins étaient toutes périmées.
Il demande également la condamnation de [Z] [H] à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
[Z] [H] sollicite la confirmation de la décision et la condamnation de la Caisse à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'appel dilatoire et abusif. Elle demande que toutes les condamnations soient assorties des intérêts légaux avec capitalisation en vertu de l'article 1153 du Code Civil et que la caisse soit condamnée au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures de celles-ci reprises oralement à l'audience.
La MNC, régulièrement avisée ne comparaît pas.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que la Caisse appelante fait valoir que l'envoi tardif des feuilles de soins s'inscrit dans une stratégie de fraude ; que les dispositions de l'article R.161-47 du Code de la Sécurité Sociale prévoient qu'en cas d'envoi sous forme de documents sur support papier, la transmission à l'organisme est assurée sous la responsabilité du professionnel dans un délai de 3 ou de 8 jours suivant la date des soins et que cette exigence permet aux services de la caisse et aux praticiens-conseils d'effectuer d'éventuels contrôles sur l'existence et la conformité des soins délivrés ;
Attendu qu'elle ajoute que les honoraires annuels du Dr [H] qui se sont élevés à 770.153€ en 2006, 637.954€ en 2007 et 1.249.645€ en 2008 fait largement douter que le praticien ait lui-même procédé aux actes de soins qu'il a facturés et ce, alors que la moyenne des honoraires annuels des dentistes s'élève à 311.000€ ; qu'un tel montant d'honoraires permet de calculer qu'en 2008, l'intimé aurait facturé 5.000€ par jour soit près de 217 visites quotidiennes ;
Attendu qu'elle estime donc que la constatation par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'une situation de fraude au sens de l'article L.114-13 du Code de la Sécurité Sociale l'autorisait à refuser le paiement des feuilles de soins facturées ;
Attendu que l'intimé fait valoir que le non-respect des dispositions de l'article R.161-47 du Code de la Sécurité Sociale n'est pas sanctionné et que le refus de paiement par la caisse ne peut valablement se fonder sur ce motif ;
Attendu qu'en effet, comme l'a retenu le premier juge, aucun texte ne prévoit que l'envoi tardif par le praticien à la caisse des feuilles de soins a pour conséquence le non-paiement de celles-ci ;
Attendu que l'intimé fait également valoir que la Caisse au moment où elle a refusé le paiement n'a nullement invoqué la fraude et que par ailleurs le traitement des cas de fraude doit se faire dans le cadre des articles L.114-9 et suivants et R.114-10 et suivants du Code de la Sécurité Sociale à savoir la réalisation de contrôles ou d'enquêtes ce qui n'a pas été fait dans le cas du Dr [H] ;
Attendu qu'en effet, la caisse par son courrier du 22 mars 2010 a refusé le remboursement des soins facturés en faisant état uniquement du non-respect des dispositions de l'article 161-47 du Code de la Sécurité Sociale ; qu'à aucun moment elle n'a invoqué une fraude de sorte que l'intimé n'a pas pu faire valoir ses explications sur ce point ;
Attendu que par ailleurs, la Caisse ne fait état d'aucune vérification lui permettant de mettre en évidence une fraude commise par [Z] [H] ; que le simple rapprochement entre le montant des honoraires moyens annuels d'un chirurgien dentiste avec ceux facturés par celui-ci est insuffisant pour motiver un refus de paiement en l'absence d'éléments précis révélant la non exécution des actes facturés ;
Attendu que la caisse fait état de la circulaire CNAMTS du 27 août 1984 prévoyant que la validité des feuilles de soins bucco-dentaires est de quinze jours de sorte que le lot de feuilles présentées près de deux ans après la réalisation supposée des soins facturés était périmé et permettait le refus de remboursement ;
Attendu que cependant, l'article 27 de cette circulaire rappelle que ' les feuilles de soins dentaires ont une durée de validité de 15 jours sauf s'il s'agit de la continuité de soins' ; que cet article concerne la durée d'utilisation par le praticien d'une feuille de soins c'est à dire la règle selon laquelle le chirurgien dentiste ne peut porter sur la même feuille des soins réalisés à des dates couvrant une durée supérieure à quinze jours en l'absence de continuité des ces soins ; que cette règle n'a pas de lien avec le délai d'envoi des feuilles pour paiement et n'a pas pour conséquence une péremption invoquée par la caisse ; que ce moyen est inopérant ;
Attendu enfin que la caisse invoque la violation des dispositions de la convention nationale des chirurgiens-dentistes dont l'article 7.3.1 prévoit des sanctions conventionnelles en cas de non-respect des règles et notamment la non-utilisation ou la mauvaise utilisation, de façon répétée, des documents auxquels sont subordonnés la constatation des soins et leur prise en charge par l'assurance maladie ;
Attendu que cependant, comme le fait valoir l'intimé, d'une part, cet article précise la procédure devant être mise en oeuvre dans le cas où des sanctions seraient envisagées et d'autre part si les articles 7.3.2 et 7.3.3 prévoient des suspensions et des interdictions, ils ne prévoient aucune mesure de non-paiement par les caisses de sécurité sociale ;
Attendu qu'en conséquence, en l'absence de toute sanction prévue en cas d'envoi par le praticien des feuilles de soins au-delà du délai prévu et en l'absence du moindre contrôle effectué par la caisse sur la réalité des soins et leur réalisation par l'intimé lui-même, c'est à juste titre que le tribunal a fait droit à la demande de [Z] [H] ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'en ce qui concerne la capitalisation prévue à l'article 1154 du Code Civil, le point de départ des intérêts capitalisés ne peut être antérieur à la demande de capitalisation du créancier ; qu'en l'espèce, cette demande a été faite par conclusions du 10 février 2014 ; que cette date constitue donc le point de départ des intérêts capitalisés ;
Attendu que l'intimé ne caractérise pas la faute de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie faisant dégénérer en abus l'exercice de son droit d'interjeter appel ; que la demande au titre des dommages et intérêts sera rejetée ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-6 du Code de la Sécurité Sociale et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de sécurité sociale,
Confirme le jugement entrepris,
Dit que le point de départ des intérêts capitalisés du montant de la condamnation est fixé au 10 février 2014,
Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT