COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
6e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 17 AVRIL 2014
N° 2014/247
Rôle N° 12/08131
[F] [P]
C/
[U] [A] [A] [T] épouse [P]
Grosse délivrée
le :
à :
Me JAUFFRES
SCP BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 05 Mars 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00194A.
APPELANT
Monsieur [F] [P],
né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 3] (LIBAN)
de nationalité Française, demeurant C/ Melles [M] et [J] [P] - [Adresse 1]
représenté par le cabinet JAUFFRES, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Plaidant par Me Pascale DAVID-BODIN, avocat au barreau de NICE substitué par Me Jean-Luc VINCKEL, avocat au barreau de MONTPELLIER,
INTIMEE
Madame [U] [A] [A] [T] épouse [P],
née le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 1] (LIBAN) (99000)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Isabelle GORTINA, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Mars 2014 en Chambre du Conseil. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Arlette MEALLONNIER, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Arlette MEALLONNIER, Présidente
Monsieur Michel JUNILLON, Conseiller
Madame Sylvie BLUME, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Valérie BERTOCCHIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2014.
Signé par Madame Arlette MEALLONNIER, Présidente et Madame Valérie BERTOCCHIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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OBJET SUCCINCT DU LITIGE - PRÉTENTIONS ET ARGUMENTS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 3 mai 2012 par Monsieur [F] [P] à l'encontre d'un jugement du Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Grasse du 5 mars 2012,
Vu les conclusions de Madame [U] [T] épouse [P] du 23 décembre 2013,
Vu les conclusions de Monsieur [F] [P] du 21 février 2014,
Vu l'ordonnance de clôture du 25 février 2014 pour l'affaire fixée à l'audience du 4 mars 2014.
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Monsieur [F] [P] et Madame [U] [T], de nationalité française, se sont mariés le [Date mariage 1] 1982 à [Localité 1] au Liban, sous le régime de la séparation des biens
Trois enfants aujourd'hui majeurs sont nés de cette union :
- [K] née le [Date naissance 4] 1983,
- [M] née le [Date naissance 5] 1987,
- [J] née le [Date naissance 1] 1988.
Les deux dernières filles sont encore étudiantes.
Par requête du 24 juillet 2007, Madame [U] [T] épouse [P] a saisi le Juge aux affaires familiales aux fins d'obtenir une contribution aux charges du mariage.
Par jugement du 11 mars 2008, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Grasse a condamné Monsieur [F] [P] à verser à son épouse une somme mensuelle de 4500 € avec indexation à titre de contribution aux charges du mariage outre une somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Cette décision a été signifiée le 20 mars 2008 et Monsieur [F] [P] a interjeté appel.
Par arrêt du 25 novembre 2009, la cour d'appel d'Aix en Provence a infirmé la décision et a fixé le montant de la contribution aux charges du mariage à la somme de 3500 € par mois.
Monsieur [F] [P] a déposé une requête en divorce et l'ordonnance de non-conciliation a été rendue le 24 novembre 2008. Cette ordonnance a été frappée d'appel à l'initiative de Madame [U] [T] épouse [P] et la cour a rendu son arrêt le 1er juillet 2009 aux termes duquel elle a :
- confirmé l'ordonnance déférée en ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt ;
- statué à nouveau sur les dispositions relatives au domicile conjugal et à la pension alimentaire attribuée à l'épouse ;
- attribué le domicile conjugal à l'épouse à titre onéreux à charge pour elle de régler les charges afférentes à ce bien ;
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- accordé à Monsieur [F] [P] un délai de deux mois pour quitter le domicile conjugal ;
- fixé la pension alimentaire due par Monsieur [F] [P] pour les besoins de son épouse à compter de la date dudit arrêt à la somme de 3500 € par mois.
Monsieur [F] [P] a assigné son épouse en divorce par exploit du 20 mai 2009.
Par jugement du 5 mars 2012 auquel il convient expressément de se référer pour le rappel des faits et de la procédure antérieure, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Grasse a notamment :
- prononcé le divorce de Monsieur [F] [P] et de Madame [U] [T] épouse [P] aux torts de l'époux ;
- ordonné la publicité du jugement conformément aux dispositions de l'article 1082 du Code de procédure civile ;
- dit que le présent jugement prendra effet dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens à compter du 24 novembre 2008 ;
- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux existant entre les époux;
- s'est déclaré incompétent pour désigner le Président de la chambre des notaires des Alpes Maritimes ou son délégataire pour procéder à la liquidation des droits respectifs des parties ;
- rappelé qu'en l'absence de volonté contraire de l'époux qui les a consentis, le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu'à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l'un des époux et des dispositions à cause de mort accordées par l'un des époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l'union ;
- débouté Monsieur [F] [P] de sa demande d'annulation du rapport 'en l'état' déposé par l'expert commis par le juge conciliateur ;
- condamné Monsieur [F] [P] à payer à Madame [U] [T] épouse [P] une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 500 000 € ;
- condamné Monsieur [F] [P] à payer à Madame [U] [T] épouse [P] la somme de 5000 € à titre d'indemnisation de son préjudice ;
- condamné Monsieur [F] [P] à payer à Madame [U] [T] épouse [P] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.
Par arrêt du 11 octobre 2013, la vente forcée du bien sis à [Adresse 2] (domicile conjugal) a été ordonnée.
Monsieur [F] [P] demande à la cour de :
- prononcer la nullité du rapport d'expertise [G] pour violation du contradictoire, partialité et inexécution de la mission qui lui a été confiée ;
- prononcer le divorce de Monsieur [F] [P] et de Madame [U] [T] épouse [P] aux torts exclusifs de l'épouse ;
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- constater que l'ordonnance de non-conciliation porte la date du 24 novembre 2008 ;
- désigner tel notaire qu'il plaira au tribunal (sic) pour procéder à la liquidation des droits matrimoniaux des époux et tel magistrat dudit siège pour suivre lesdites opérations et faire rapport en cas de difficulté ;
- débouter Madame [U] [T] épouse [P] de sa demande de prestation compensatoire ;
- débouter Madame [U] [T] épouse [P] de toutes ses demandes fins et conclusions ;
- ordonner la mention du dispositif du jugement à intervenir en marge de l'acte de mariage des époux ainsi que partout où besoin sera ;
- condamner Madame [U] [T] épouse [P] à lui payer la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction.
Monsieur [F] [P] sollicite que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de son épouse. Il lui reproche ses mensonges au sujet d'un prétendu manque d'argent, d'avoir de manière déloyale après 25 ans de mariage décidé d'appréhender pour elle seule le salaire de son époux et le domicile de la famille, d'avoir mis en danger la famille par sa prodigalité, d'avoir entrepris des manoeuvres pour discréditer son époux, d'avoir fait pratiquer une saisie-attribution abusive, ce qui fera passer son époux par le biais de cette manoeuvre pour un débiteur indélicat.
Dans le corps des conclusions Monsieur [F] [P] sollicite des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, mais n'a pas repris ses demandes dans le dispositif.
Monsieur [F] [P] conteste la demande reconventionnelle présentée par Madame [U] [T] épouse [P] qui veut faire passer son mari pour un homme ignoble, possédant une grande fortune et qui veut la laisser dans la misère.
Monsieur [F] [P] conteste avoir des revenus occultes. Il existe une procédure sur le patrimoine existant au Liban et les chiffres avancés par Madame [U] [T] épouse [P] sont contestés. Il prétend n'avoir que son salaire et le domicile conjugal en indivision avec son épouse. Il conteste le rapport d'expertise figurant aux débats. Pour lui il y a eu violation du principe du contradictoire et du principe de conscience. L'expert n'a pas exécuté la mission expertale et a violé le principe d'impartialité et d'objectivité. L'expert a considéré à tort que le prêt consenti par la société Hanso pour l'achat du domicile conjugal en France était fictif ainsi que ses rémunérations.
Pour Monsieur [F] [P] les conclusions de l'expert sont inexploitables. Il ne lui a pas soumis les pièces transmises par Madame [U] [T] épouse [P]. Le rapport de l'expert [G] doit être annulé.
Monsieur [F] [P] a fait établir un rapport par l'expert [V] pour évaluer la prestation compensatoire mais considère que les rapports sont inexploitables, qu'il est à la retraite, qu'il ne restera rien du patrimoine des époux et que la demande de prestation compensatoire doit être rejetée.
Madame [U] [T] épouse [P] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs de Monsieur [F] [P] et en ce qu'il l'a condamné à lui payer des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code civil ;
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y ajoutant,
- dire que Monsieur [F] [P] versera à Madame [U] [T] épouse [P] la somme de 75 000 € sur le fondement de l'article 266 du Code civil ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur [F] [P] à lui payer des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
y ajoutant,
- dire que Monsieur [F] [P] devra verser à son épouse la somme de 75.000€ à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [F] [P] à lui verser une prestation compensatoire ;
y ajoutant,
- dire et juger que cette prestation compensatoire sera de deux natures différentes, pour partie en capital et pour partie par attribution en pleine propriété ;
en conséquence,
- condamner Monsieur [F] [P] à verser à Madame [U] [T] épouse [P] la somme de 750 000 € à titre de prestation compensatoire en capital ;
- attribuer en pleine propriété, à titre de prestation compensatoire par attribution d'un bien, le bien immobilier sis à [Adresse 2] (domicile conjugal) ;
- confirmer le jugement sur les autres mesures ;
- condamner Monsieur [F] [P] à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [F] [P] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise dont distraction.
Madame [U] [T] épouse [P] expose que sa situation dépend uniquement de son époux puisqu'elle ne travaille plus depuis 1982. Elle reproche à son mari d'avoir à compter du mois de janvier 2006 commencé à déserter le foyer conjugal et d'avoir de façon unilatérale et sans avertir son épouse abaissé le montant du découvert autorisé de 1000 € à 100 €. En cours de procédure, elle a découvert que celui-ci avait une comptabilité occulte. Ces éléments ont permis aux différentes juridictions saisies de fixer tantôt une contribution aux charges du mariage, tantôt une pension alimentaire puis une prestation compensatoire de 500 000 €.
Son époux avait un train de vie considérable et n'approvisionnait pas le compte joint. Madame [U] [T] épouse [P] fait grief à son époux de dissimuler ses revenus et son patrimoine et d'entretenir une parfaite opacité sur tous ses comptes et biens mobiliers et immobiliers. La situation financière déclarée en France par Monsieur [F] [P] n'est pas le reflet de la réalité de sa situation financière réelle. Monsieur [F] [P] utilise les comptes bancaires de sa famille pour dissimuler l'argent dont il bénéficie par sa société.
En fait, Monsieur [F] [P] a tenu une comptabilité occulte et utilisé les comptes bancaires de sa famille, simple prête-nom pour éviter de déclarer au fisc français des revenus extrêmement importants. L'épouse n'a jamais remis de pièces à une quelconque brigade financière, contrairement à ce qui est soutenu par son mari.
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Madame [U] [T] épouse [P] soutient que cette opacité n'a qu'un but, laisser son épouse dans le plus grand besoin malgré près de 30 années de mariage, alors que ses revenus et avoirs sont colossaux, que son train de vie est très haut et qu'il a une parfaite connaissance de ce que son épouse n'a aucune possibilité sans aucune expérience et à son âge de pourvoir à ses propres besoins. Il a abandonné son épouse tant sur le plan physique, psychologique et financier.
Madame [U] [T] épouse [P] demande au titre de la prestation compensatoire une somme de 750 000 € outre la propriété du domicile conjugal sis à [Adresse 2]. Cette demande est fondée sur les découvertes de revenus colossaux de son époux, du fait qu'elle a réglé intégralement le domicile conjugal avec ses propres deniers et du fait qu'elle ne dispose d'aucun autre revenu. Elle n'a aucune perspective pour la retraite. Elle a été obligée de demander des prêts auprès de sa famille. Elle ne dispose d'aucune économie.
Du fait du comportement de son époux, elle a subi un rejet de carte bancaire et un rejet de chèque. Monsieur [F] [P] a même sollicité de la banque la fermeture du compte joint, alors qu'aucune dépense disproportionnée ne pouvait être retenue à l'encontre de son épouse. Monsieur [F] [P] avait l'intention de lui nuire et de la plonger dans un grand désarroi.
De par son comportement, Monsieur [F] [P] a plongé Madame [U] [T] épouse [P] dans une situation financière catastrophique et dans un désarroi psychologique dont elle ne s'est toujours pas remise.
Les reproches faits par son Monsieur [F] [P] à son encontre ne sont pas fondés et le jugement devra être confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari.
Elle ajoute pouvoir désormais rapporter la preuve que le domicile conjugal a été financé par ses deniers personnels et que le prétendu prêt fait auprès de la société Hanso n'a jamais existé et qu'il s'agit d'un montage financier imaginé par Monsieur [F] [P] pour régler comptant un bien immobilier sans éveiller les soupçons des services fiscaux français.
Monsieur [F] [P] est de parfaite mauvaise foi lorsqu'il prétend qu'il ne gagne que des sommes inférieures à la réalité de son train de vie et à ses avoirs.
Elle s'oppose à la demande de nullité du rapport d'expertise.
Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour entend se référer, pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties à leurs dernières écritures ci-dessus visées.
SUR CE :
- Sur la note en délibéré déposée le 17 mars 2014 avec pièces correspondantes
Pour répondre à la question de la cour posée aux parties à l'audience en application de l'article 442 du Code de procédure civile , Monsieur [F] [P] a communiqué en cour de délibéré une note permettant d'établir que le domicile conjugal a été vendu sur adjudication, que cette vente est définitive et qu'il n'y a pas eu de surenchère, qu'elle est intervenue pour le prix de 530 000 €, et que l'acquéreur est Monsieur [I] [S], huissier de justice à Cagnes sur mer.
Cette note a été communiquée à Madame [U] [T] épouse [P] et il n'y a eu aucune observation supplémentaire. Cet élément factuel nécessaire à la clarté des débats a pu être débattu contradictoirement et sera versé à la procédure.
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- Sur le divorce
En application de l'article 242 du Code civil le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations résultant du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.
Aux termes de l'article 245 du Code civil les fautes de l'époux qui a pris l'initiative du divorce n'empêchent pas d'examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu'il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce .
Ces fautes peuvent aussi être invoquées par l'autre époux à l'appui d'une demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés.
Monsieur [F] [P] est à l'origine de la demande principale en divorce. Il fait principalement grief à son épouse :
- d'avoir manqué gravement à ses obligations en mettant en danger la famille par sa prodigalité, ce qui justifiait que son mari prenne la gestion du budget en mains ;
- d'avoir fait des mensonges répétés, en ce et y compris en dénonçant calomnieusement son époux à la brigade financière pour des faits imaginaires ;
- d'avoir fouillé le bureau de son mari ;
- d'avoir fait pratiquer une saisie-attribution ce qui a fait passer son époux pour un débiteur indélicat alors qu'il avait payé la contribution chaque mois ;
- d'avoir eu un comportement vexatoire à son encontre.
Madame [U] [T] épouse [P] dans sa demande reconventionnelle fait principalement grief à son époux :
- de l'avoir laissée brutalement sans ressources alors que son mari avait des revenus très importants et dissimulés à l'étranger et qu'elle ne travaillait pas et d'avoir cessé sans raison de contribuer aux charges du mariage, l'abandonnant moralement et matériellement.
Le premier juge par des motifs pertinents et circonstanciés que la cour adopte expressément a exactement répondu à l'argumentation des parties laquelle est identique en cause d'appel. En effet, les pièces versées de part et d'autre à l'appui de leur argumentation ne permettent pas de remettre en cause l'analyse des griefs des parties faite par le premier juge.
En conséquence c'est à bon droit que le premier juge a estimé que les reproches allégués par Monsieur [F] [P] n'étaient pas établis et qu'il l'a débouté de sa demande principale en divorce. En revanche la demande reconventionnelle présentée par Madame [U] [T] épouse [P] est fondée puisque son époux a baissé brutalement de façon drastique l'alimentation du compte joint, alors que son épouse était sans ressource et qu'il a manqué à son obligation de contribuer aux charges du mariage, obligation qui ne se limite pas un simple devoir de secours mais oblige chaque époux à contribuer à proportion de ses facultés.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce de Monsieur [F] [P] et de Madame [U] [T] épouse [P] aux torts exclusifs du mari, en ce qu'il a ordonné la publicité légale, en ce qu'il a dit que la décision de divorce prendra effets dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens à compter du 24 novembre 2008, date de l'ordonnance de non-conciliation, en ce qu'il a rappelé la révocation de plein droit des avantages matrimoniaux et en ce qu'il a ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux existant entre les époux.
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- Sur la désignation d'un notaire
Le premier juge s'est déclaré incompétent sur ce point. Monsieur [F] [P] demande en appel la désignation d'un notaire pour procéder à la liquidation des droits patrimoniaux des époux.
Madame [U] [T] épouse [P] n'a fait aucune observation sur ce point, se contentant dans le dispositif de ses écritures de demander la liquidation des droits patrimoniaux des époux et généralement d'ordonner l'accomplissement des diverses mesures prévues par la loi en suite d'un jugement de divorce.
En application des dispositions combinées des articles 267 du Code civil et 1361 alinéa 2 du Code de procédure civile, le juge qui prononce le divorce ordonne la liquidation des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux et peut désigner à cette fin un notaire chargé de dresser l'acte constatant le partage. Il sera fait droit à la demande de Monsieur [F] [P] concernant la désignation d'un notaire. Monsieur le Président de la chambre des notaires des Alpes Maritimes sera désigné afin de procéder à la liquidation des intérêts patrimoniaux de Monsieur [F] [P] et de Madame [U] [T] épouse [P]. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Il doit être rappelé en revanche qu'en l'absence de projet liquidatif établi en vertu de l'article 255-10ème du Code civil, toutes contestations élevées au cours des opérations de liquidation doivent se dérouler conformément aux règles fixées par le Code de procédure civile, dans le cadre d'une instance en partage distincte, introduite par assignation ou requête conjointe. Il n'y a pas lieu en conséquence de désigner un juge pour surveiller les opérations de partage.
- sur les demandes de dommages-intérêts sur le fondement des 266 du Code civil et 1382 du Code civil présentées par l'épouse
Madame [U] [T] épouse [P] estime que la dissolution du mariage a eu des conséquences d'une particulière gravité au regard de la durée du mariage au regard du comportement de son époux et de l'abandon financier dans lequel elle s'est retrouvée. Elle sollicite l'octroi de dommages-intérêt d'un montant de 75 000 € sur le fondement de l'article 266 du Code civil et d'un montant de 75 000 € sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
Monsieur [F] [P] conclut au rejet de ces demandes indemnitaires.
* Sur les dommages-intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code civil
En l'espèce le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de Monsieur [F] [P]. Il n'est pas contesté que depuis la rupture, Madame [U] [T] épouse [P] s'est retrouvée dans une solitude morale et matérielle totale après avoir bénéficié d'un confortable train de vie pendant de nombreuses années. Il y a lieu dès lors de considérer que cette rupture a causé à Madame [U] [T] épouse [P] un préjudice d'une particulière gravité l'atteignant dans les conditions même de son existence. Toutefois le montant des dommages-intérêts sollicité par Madame [U] [T] épouse [P] présente un caractère excessif. Monsieur [F] [P] sera condamné à verser à Madame [U] [T] épouse [P] une somme de 5000 € en réparation de ce chef de préjudice et le jugement infirmé sur ce point.
* Sur le dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil
Il est établi que Monsieur [F] [P] a fait retirer du domicile conjugal un grand nombre de meubles meublants ledit domicile et notamment des objets indispensables à la vie courante, la veille de son départ au Liban où il est allé passer les fêtes de Noël, abandonnant son épouse moralement et financièrement. Ce comportement fautif a généré un préjudice moral certain pour celle-ci.
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Toutefois, le montant des dommages-intérêts sollicité présente un caractère excessif. Monsieur [F] [P] sera condamné à verser à Madame [U] [T] épouse [P] une somme de 5000 € en réparation de ce chef de préjudice et le jugement infirmé sur ce point.
- Sur les dommages-intérêts sollicités par l'époux
Monsieur [F] [P] a demandé à son épouse dans le corps de ses écritures une somme de 20 000 € en réparation de son préjudice moral.
Cette demande n'a pas été reprise dans le dispositif des dernières écritures de Monsieur [F] [P]. Il n'y sera pas répondu, la cour ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif en application de l'article 954 du Code de procédure civile.
- Sur la demande de nullité du rapport d'expertise [G]
Monsieur [F] [P] soutient que le rapport d'expertise [G] doit être annulé puisqu'il y a eu violation du principe du contradictoire et du principe de conscience, que l'expert n'a pas correctement interprété sa mission conformément aux dispositions et à l'esprit de la loi réformant le divorce du 26 mai 2004, qu'il a manqué d'objectivité, impartialité et appréciation juridique.
Pour Monsieur [F] [P] la méthode employée par l'expert et inappropriée en l'espèce et n'a pu être discutée puisque l'expert a brutalement déposé son rapport en l'état. Ainsi, selon lui, les conclusions de l'expert sont inexploitables et ne sont pas sérieuses. La partialité de l'expert lui cause un grief. Ce rapport doit être annulé. Il a pour sa part demandé à un nouvel expert Monsieur [V] de bien vouloir établir un rapport sur sa situation patrimoniale qui n'a rien à voir avec ce qui a été décrit par Monsieur [G].
En fait, l'expertise a été ordonnée le 24 novembre 2008 par le magistrat conciliateur à la demande de Madame [U] [T] épouse [P] mais l'expert désigné n'a pu aboutir à un rapport définitif en raison des difficultés qu'il a rencontrées dans l'exécution de sa mission, raison pour laquelle il n'a pas déposé de rapport définitif mais un rapport en ' l'état'.
Aucun des éléments produits ne permet de mettre en doute l'impartialité de l'expert et il ne peut lui être reproché d'avoir seulement produit un rapport 'en l'état' puisqu'il a estimé ne pas être en mesure de terminer sa mission.
Ce rapport peut toutefois être utilisé dans le cadre de la présente procédure à titre de renseignements, les éléments fournis par l'expert ayant pu être corroborés par d'autres éléments du dossier et notamment par les pièces produites par Madame [U] [T] épouse [P], et ayant pu être discutés contradictoirement au cours de la procédure.
La demande de nullité du rapport [G] telle que présentée par Monsieur [F] [P] sera rejetée et le jugement confirmé.
- Sur la prestation compensatoire
Le premier juge par des motifs pertinents que la cour adopte, a répondu aux arguments des parties lesquels sont identiques en cause d'appel. En effet, il a été tenu compte de tous les éléments légaux prévus à l'article 271 du Code civil.
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En outre en tenant compte de l'évolution de la situation des parties au moment du divorce, il ressort à ce jour que Monsieur [F] [P] continue à maintenir une très importante opacité sur la provenance, la nature et l'ampleur de ses ressources, la réalité de son train de vie et l'étendue exacte de son patrimoine notamment en ce qui concerne les avoirs détenus hors de France et notamment sur l'utilisation de comptes-bancaires à l'étranger au nom de sa famille (Suisse, Liban) .
Ainsi à plusieurs reprises dans le cadre de précédentes procédures relatives tant à la contribution aux charges du mariage qu'à la pension alimentaire due au titre du devoir de secours, les parties ont engagé une importante discussion concernant les ressources de Monsieur [F] [P] et dans ses arrêts des 1er juillet 2009 et 25 novembre 2009, la cour d'appel d'Aix en Provence avait estimé que les revenus réels de Monsieur [F] [P] en qualité de salarié de la société Hanso SARL étaient à l'évidence supérieurs à ceux qu'il déclarait à hauteur de 3750 € par mois, qu'il maintenait une opacité certaine sur sa situation économique, ne justifiait pas de son contrat de travail et pas davantage des statuts de la société qui l'employait.
A ce jour, et se basant sur un rapport d'expertise qu'il a fait établir personnellement, Monsieur [F] [P] soutient qu'il occupe gratuitement le logement de ses filles sur [Localité 2] (ce qui a été contesté par l'expert [G] qui a de plus considéré que le train de vie du couple en 2008 était au moins de 100 000 €) et constitué par un appartement de 4 pièces, que ses droit à la retraite sont très réduits puisque constitués par une indemnité de départ de 75 000 € et que cette indemnité ne lui sera peut-être pas réglée du fait des difficultés existant entre le couple et la société HANSO. Il estime qu'il n'existe pas de disparité entre les situations respectives des parties liée à la rupture du mariage et s'oppose à tout paiement de prestation compensatoire puisqu'à la suite de la vente du domicile conjugal, il n'est plus en mesure de payer une quelconque prestation compensatoire alors que jusque là, il avait lui même proposé une somme de 141 500 € sous forme de capital.
Il convient de relever que par jugement du 20 décembre 2012 dans le cadre d'une instance opposant la SARL HANSO à Monsieur [F] [P] et Madame [U] [T] épouse [P], les demandes de l'épouse ont été rejetées et cette société a été autorisée à poursuivre la saisie-immobilière au préjudice des époux pour une créance liquide et exigible d'une montant de 235 290,93 € arrêtée au 11 octobre 2012 en principal intérêt et frais accessoires et la vente forcée du domicile conjugal sis à [Adresse 2] et acheté le 14 octobre 1994. Ce jugement a été confirmé en appel le 11.10.2013.
Dans son rapport 'en l'état', l'expert [G] a relevé qu'il était difficile de croire à ce stade de l'expertise que Monsieur [F] [P] était un simple employé de la société HANSO puisqu'il avait bénéficié d'un prêt sur 22 ans à 5%, que les relevés de compte de la SARL HANSO, Banque Française de l'Orient à Monaco étaient envoyés à Monsieur [F] [P] à son domicile à [Adresse 2] (domicile conjugal).
Pour l'expert [G], le prêt effectué par la SARL HANSO avait été remboursé et la réclamation intervenue au nom de cette société le 20 septembre 2008 plus de 7 ans après l'interruption des règlements n'était qu'une stratégie dans le cadre de l'instance en divorce.
Cette stratégie dont Monsieur [F] [P] est à l'origine a eu pour résultat d'arriver à la vente forcée du seul bien commun des époux pour une valeur très inférieure à la valeur estimée de 800 000 €, la vente forcée étant intervenue le 20 février 2014 pour un montant de 530 000 € soit une perte pour le couple de 270 000 €, ce qui diminue considérablement les avoirs financiers de Monsieur en France.
Compte tenu des rapports de Monsieur [F] [P] avec la SARL HANSO, du fait que cette vente forcée soit intervenue opportunément au moment du divorce, l'opacité entretenue par l'époux sur son patrimoine réel apparaît encore plus criante.
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En conséquence, au vu des éléments légaux et notamment de la durée du mariage, de l'âge de l'épouse qui ne pourra pas travailler, de ses droits à la retraite inexistants, de son absence totale de revenus, il existe une disparité entre les conditions de vie respectives des époux résultant de la rupture du mariage. La demande d'attribution en pleine propriété du domicile conjugal faite par l'épouse n'a plus de raison d'être en raison de la vente forcée intervenue. Le montant de la prestation compensatoire sollicitée par Madame [U] [T] épouse [P] en capital est toutefois excessif. Le premier juge a, en revanche, fait une juste appréciation de la prestation compensatoire et Monsieur [F] [P] sera condamné à payer à ce titre à Madame [U] [T] épouse [P] une somme de 500 000 € en capital. Le jugement sera donc confirmé.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Monsieur [F] [P] qui succombe à ses prétentions sera condamné aux entiers dépens d'appel en ce compris les frais d'expertise et sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens de première instance resteront répartis conformément à la décision entreprise.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [U] [T] épouse [P] l'intégralité des frais irrépétibles par elle engagés en procédure d'appel. Monsieur [F] [P] sera condamné à lui payer à ce titre la somme de 3.000€
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant Publiquement, par arrêt contradictoire, après débats non publics,
Infirme le jugement du Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Grasse du 5 mars 2012 mais uniquement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour la désignation d'un notaire et en ce qu'il a condamné Monsieur [F] [P] à payer à Madame [U] [T] épouse [P] la somme de 5000 € à titre d'indemnisation de son préjudice ;
Statuant à nouveau sur ces seuls chefs réformés,
Désigne Monsieur le Président de la chambre des notaires des Alpes Maritimes pour procéder à la liquidation des droits patrimoniaux existant entre les époux ;
Condamne Monsieur [F] [P] à payer à Madame [U] [T] épouse [P] la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code civil ;
Condamne Monsieur [F] [P] à payer à Madame [U] [T] épouse [P] la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
y ajoutant,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires ;
Déboute Monsieur [F] [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
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Condamne Monsieur [F] [P] à payer à Madame [U] [T] épouse [P] la somme de 3.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [F] [P] aux entiers dépens d'appel en ce compris les frais d'expertise dont distraction au profit de la SCP BADIE- SIMON-THIBAUD-JUSTON avocats associés aux offres de droit.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT