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11/04/2014 | FRANCE | N°13/11762

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 11 avril 2014, 13/11762


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2014



N°2014/225















Rôle N° 13/11762







[N] [B]





C/



[S] [V]



CGEA [Localité 1]































Grosse délivrée le :

à :



Me Romuald PALAO, avocat au barreau d'AVIGNON



Monsieur [S] [V]



Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 22 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/910.





APPELANT



Monsieur [N] [B], ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2014

N°2014/225

Rôle N° 13/11762

[N] [B]

C/

[S] [V]

CGEA [Localité 1]

Grosse délivrée le :

à :

Me Romuald PALAO, avocat au barreau d'AVIGNON

Monsieur [S] [V]

Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 22 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/910.

APPELANT

Monsieur [N] [B], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Romuald PALAO, avocat au barreau d'AVIGNON substitué par Me Hélène LECUTIEZ-GOSSELIN, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIME

Monsieur [S] [V], mandataire liquidateur du STADE PHOCEEN (SASP), demeurant [Adresse 1]

non comparant

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

CGEA [Localité 1], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Madame Annick CORONA, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2014

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2014

Signé par Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES

M [N] [B] né le [Date naissance 1] 1984, était embauché selon contrat à durée déterminée du 3 août 2011par la SASP Stade Phocéen, comme joueur de rugby pluriactif pour la saison 2011-2012 soit du 3 août 2011 au 30 juin 2012, moyennant un salaire fixe mensuel brut de 1070,40 € .

A la suite de la liquidation judiciaire du Stade Phocéen intervenue par jugement du Tribunal de commerce de Marseille en date du 19 octobre 2011, Me [V] ès qualités de mandataire liquidateur procédait au licenciement économique de M [N] [B] par lettre recommandée du 28 octobre 2011.

Le joueur saisissait le conseil des prud'hommes de Marseille le 12 avril 2012 aux fins d'obtenir la fixation au passif du club de la somme de 54.635 € à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail, et la garantie de l'AGS pour le paiement de cette somme.

Dans ses dernières écritures, il demandait les sommes suivantes avec exécution provisoire :

- 2092,14 € à titre de rappel de salaire,

- 271 € à titre de congés payés afférents,

- 56.959,62 € à titre de solde de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail,

- 3000 € sur la base de l'article 700 du code de procédure civile .

Par jugement du 22 mai 2013, le conseil des prud'hommes de Marseille a débouté M [N] [B] de ses demandes et laissé à sa charge les dépens de l'instance.

A la suite de l'appel interjeté le 4 juin 2013 par le salarié, les parties ont été convoquées devant la Cour pour l'audience du 20 janvier 2014.

Dans ses conclusions reprises oralement, M [N] [B] demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SASP Stade Phocéen sa créance ainsi :

- 873 € nets à titre de rappel de salaire,

- 136 € à titre de congés payés y afférents,

- 6269,78 € ou subsidiairement 4669,78 € à titre de solde de dommages et intérêts pour la rupture du contrat de travail, pour la saison 2011-2012,

- 46.008,96 € à titre de dommages et intérêts sur la base de l'article L.1243-4 du code du travail ou subsidiairement 29.208,96 € à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance.

Il sollicite la garantie de l'AGS-CGEA sur ces sommes.

Il réclame la somme de 3000 € sur la base de l'article 700 du code de procédure civile .

Il expose que le mandataire liquidateur a omis de prendre en compte l'augmentation de salaire du 3 août 2011 de 200 € pour indemnité kilométrique et celle de 550 € , représentant la prime mensuelle de participation aux manifestations sportives ce qui modifie les calculs également pour les congés payés et pour les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail.

Il invoque une lettre d'engagement pour la saison 2012-2013 valant promesse d'embauche, considérant que la situation du club était irrémédiablement compromise dès le mois de juillet 2011 et que la caducité ne peut être invoquée.

Il soutient avoir refusé une promesse de contrat d'un autre club , avoir dû interrompre sa carrière et subir un préjudice et a minima une perte de chance de percevoir un salaire.

Le CGEA-AGS demande la confirmation du jugement et le débouté de M [N] [B].

Il indique qu' il n'y a pas d'avenant contrairement à la présentation faite par le salarié, mais que ce dernier 'semble vouloir rajouter une somme de 500 € mentionnée dans une fiche récapitulative de situation contractuelle'.

Il précise que cette somme ne fait pas partie intégrante du salaire et que M [N] [B] n'ayant participé à aucune manifestation sportive , elle n'a pas à être prise en considération ni pour un rappel de salaire et les congés payés afférents ni pour le calcul des sommes indemnitaires.

Il estime que l'entité juridique ayant disparu avec la liquidation judiciaire , la lettre d'engagement est devenue caduque.

Me [S] [V] convoqué en qualité de mandataire liquidateur du club n'a pas comparu (accusé de réception signé le 09/10/2013).

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, il convient de constater que M [N] [B] a bénéficié d'une somme totale de 9.498,01 € , suite à la garantie du CGEA-AGS et non de celle de 32.497,82 € comme indiqué dans ses écritures par l'organisme .

Sur la demande rappel de salaire et congés payés afférents

Le salarié invoque un avenant du 3 août 2011 ayant prévu une augmentation de son salaire faisant passer celui-ci de 950 € à 1700 € nets ; il réclame la différence entre la somme dûe pour les mois de septembre et octobre 2011 et celle perçue , aboutissant à une somme de 1047,60€ bruts outre les congés payés représentant 13 % de cette somme selon l'article 6.2.2 du statut du joueur de rugby de fédérale 1.

Le CGEA-AGS précise que la prime n'est pas prévue dans un avenant , que ce n'est pas une somme forfaitaire faisant partie intégrante du salaire et qu'au surplus, elle n'est pas dûe , le salarié n'ayant pas participé aux manifestations sportives.

A l'instar de l'intimé et du jugement déféré, il convient de constater que le document présenté par le salarié n'est pas un avenant mais est intitulé 'fiche récapitulative de votre situation contractuelle' signée le 3 août 2011 par un représentant du club et le joueur.

Cette fiche est composée de 2 titres, le premier intitulé 'contrat de travail' rappelant sous forme simplifiée les éléments principaux dont la rémunération mensuelle nette de 950 € , une indemnité kilométrique de 200 € par mois ,le second titre se présentant ainsi :

'convention d'indemnisation :

- date de début : 3 août 2011

-date de fin : 30 juin 2012

- prime de participation aux manifestations sportives : 550 € par mois'

La convention d'indemnisation n'est pas produite aux débats, alors que le club en avait signé une avec des joueurs pour la saison précédente.

La somme de 200 € au titre du remboursement de frais n'a pas été prévue dans le contrat de travail signé le même jour et surtout, M [N] [B] ne justifie par aucun document , avoir exposé des frais susceptibles de lui être remboursés.

La somme de 550 € n'est pas mentionnée dans le contrat de travail mais dans un document distinct et le libellé démontre à lui seul que la somme correspond à une indemnité dépendante de 'la participation' du salarié à des 'manifestations sportives' et l'appelant ne produit aucune pièce justifiant d'une telle participation sur les mois concernés.

En conséquence, c'est à juste titre que le mandataire liquidateur n' a pas tenu compte de ces sommes pour le calcul des salaires à payer au joueur de septembre à octobre 2011 et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts suite à la rupture du contrat de travail

1- pour la saison 2011-2012

Dans la mesure où il a été démontré que ni la somme de 200 € ni celle de 550 € par mois ne correspondait à un complément de salaire, le salarié n'est pas fondé à réclamer une somme supplémentaire à titre de dommages et intérêts et il convient de confirmer le jugement sur ce point.

2- pour la saison 2012-2013

Le salarié invoque une promesse d'embauche signée le 8 août 2011,prévoyant une rémunération mensuelle brute de 3174,08 € , outre des primes franchisées mensuelles de 550 €.

Il soutient qu'à cette date, le club ne pouvait ignorer l'étendue de ses difficultés financières et qu'en conséquence la clause de caducité doit être écartée en vertu de l'article 1168 du code civil et subsidiairement que la responsabilité du club est engagée au sens de l'article 1178 du code civil , justifiant l'allocation de dommages et intérêts soit en application de l'article L.1243-4 du code du travail , soit au titre de la perte de chance.

Le CGEA-AGS considère que l'engagement prévu à effet du 1er juillet 2012 n'a jamais commencé du fait de la liquidation judiciaire et conclut à sa caducité.

Le document signé le 8 août 2011 par le Président du Directoire Monsieur [N] [M] et M [N] [B] -soit 5 jours après le contrat à durée déterminée pour la saison précédente-, prévoyait que ce dernier devenait joueur de rugby à temps complet à compter du 1er juillet 2012 pour la saison sportive 2012-2013, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3174,08 € .

Selon les termes de cet acte en son article 1, 'il constitue une promesse synallagmatique d'embauche, dont les conditions seront susceptibles d'évoluer en fonction des impératifs fédéraux d'ici au 1er septembre 2012" et en son article 8 la soumet à une condition suspensive ' la présente lettre d'engagement sera frappée de caducité dans les hypothèses suivantes :

- défaillance physique du joueur (...) ;

- faute grave ou lourde commise par le joueur à l'encontre de son futur employeur avant la signature du contrat de travail définitif ;

- rétrogradation ou relégation du club en division inférieure au terme de la saison sportive 2011-2012;

- disparition de l'entité juridique pour l'employeur.'

1- sur la réalisation de la condition n°4

Il convient d'observer que si le club a bien été assigné par l'URSSAF le 11 juillet 2011 pour une créance de 383.584 € , cet acte ne visait que le redressement judiciaire du Stade Phocéen et ce n'est que lors de l'audience du 19 octobre 2011, soit trois mois après que le club a déclaré son redressement impossible , faisant état d'un passif de 1.500.000 € .

Cependant, il résulte des comptes d'exploitation fournis comme de la note du mandataire liquidateur que dès le 30 juin 2011, les pertes du club s'élevaient à 1.637.083 € , et en conséquence, il convient de constater que l'employeur ne pouvait ignorer sa situation désastreuse devant aboutir nécessairement à une procédure collective et à sa disparition à court terme.

En conséquence, la condition n° 4 visée à l'article 8 n'était pas incertaine au sens des articles 1168 et 1181 du code civil et dès lors, la caducité de l'engagement ne peut être invoquée sur ce fondement .

2- sur la responsabilité du club

L'article 1178 du code civil est inapplicable en l'espèce , car ce n'est pas 'le comportement de l'employeur qui a empêché la réalisation de la condition' comme le soutient à tort M [N] [B] .

En revanche, la connaissance qu'avait la société de sa disparition à très court terme , a pour effet de neutraliser la condition n°4 et par voie de conséquence la condition n°3 et de valider la convention conclue entre le club et le joueur.

2- sur la rupture de l'engagement

Dans la mesure où l'acte visait la rémunération et le début des fonctions, cette promesse d'embauche en contrat à durée déterminée , vaut contrat de travail et sa rupture intervenue à l'initiative de l'employeur ou de son représentant légal le 19 octobre 2011, sans que le placement en liquidation judiciaire puisse être considéré comme un cas de force majeure, ouvre droit au salarié , selon l'article L.1243-4 du code du travail à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'au terme du contrat.

En conséquence, M [N] [B] serait en droit de prétendre à la somme brute de 3174,08 € x 12 soit 38.088,96 € ; cependant , comme il l'indique lui-même dans ses conclusions et en justifie dans la pièce N°6, il a perçu sur la période concernée des allocations chômage de 1400 € bruts et ce cumul n'étant pas possible , il convient de déduire la somme de 16.800 € et de dire , en infirmant le jugement déféré que la somme de 21.288,96 € revient à M [N] [B] à titre de dommages et intérêts .

Sur les frais et dépens

Il convient d'infirmer le jugement déféré , en allouant à M [N] [B] en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 300 € pour l'ensemble de la procédure , tout en rappelant que la garantie de l'AGS n'est pas due sur ce chef de demande.

Le club en liquidation judiciaire supportera les dépens de 1ère instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

*Confirme le jugement déféré dans ses seules dispositions rejetant la demande de rappel de salaire et congés payés afférents et la demande de solde de dommages et intérêts sur la saison 2011-2012,

*L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

*Fixe la créance de M [N] [B] à valoir sur la liquidation judiciaire de la SASP Stade Phocéen représentée par Me [S] [V], mandataire liquidateur, à la somme de 21.288, 96 au titre de dommages et intérêts consécutifs à la rupture du contrat de travail pour la saison 2012-2013, le tout sous réserve des sommes déjà avancées par le CGEA-AGS et payées,

* Déclare le présent arrêt opposable au CGEA-AGS, dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L.3253-6 & 8 du code du travail , et D.3253-5 & suivants du même code,

* Condamne la SASP Stade Phocéen représentée par Me [S] [V], mandataire liquidateur à payer à M [N] [B] la somme de 300 € pour l'ensemble de la procédure, sur la base de l'article 700 du code de procédure civile ,

*Laisse les dépens de 1ère instance et d'appel à la charge de la SASP Stade Phocéen représentée par Me [S] [V], mandataire liquidateur.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/11762
Date de la décision : 11/04/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°13/11762 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-11;13.11762 ?
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