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11/04/2014 | FRANCE | N°12/08875

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 11 avril 2014, 12/08875


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 11 AVRIL 2014



N°2014/ 235















Rôle N° 12/08875







SARL CASTELLANO ET COMPAGNIE

SARL CASTELLANO PEINTURES





C/



[J] [R]

















Grosse délivrée le :



à :



--Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Lugdivine SANCHEZ, avocat au barr

eau de MARSEILLE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 07 Mai 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/3093.





APPELANTES



SARL ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2014

N°2014/ 235

Rôle N° 12/08875

SARL CASTELLANO ET COMPAGNIE

SARL CASTELLANO PEINTURES

C/

[J] [R]

Grosse délivrée le :

à :

--Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Lugdivine SANCHEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 07 Mai 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/3093.

APPELANTES

SARL CASTELLANO ET COMPAGNIE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

SARL CASTELLANO PEINTURES, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [J] [R], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Lugdivine SANCHEZ, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Catherine VINDREAU, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

Madame Laurence VALETTE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2014

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2014

Signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [J] [R] a été employé par la société CASTELLANO & Cie du 5 mars 1979 au 25 novembre 1981, puis du l° juillet 1988 au 30 mars 1989 et enfin, du 10 mars 1997 au 24 mars 1997 soit 3 ans et 6 mois, en qualité de peintre de bord.

La société CASTELLANO & Cie a pour objet social 'la fabrication, la vente et l'application de peinture de travaux terrestres et peintures de travaux maritimes '.

Par un arrêté ministériel du 7 juillet 2000, la société CASTELLANO & Cie a été inscrite sur la liste fixant la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. La période couverte commence depuis 1946.

Par un arrêté ministériel du 19 mars 2001, la période considérée a été fixée 'depuis 1946" ;

Par un arrêté ministériel modificatif en date du 6 décembre 2011 (JORF n00287 du Il décembre 2011), la période de référence a été arrêtée de 1946 à 1980.

----------------------------------

Le 4 novembre 2010, Monsieur [R] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Marseille pour demander à l'encontre de son employeur le règlement de diverses sommes découlant de son exposition à amiante.

----------------------------------

Par jugement du 7 mai 2012, le Conseil de Prud'hommes de Marseille a :

- condamné les Sociétés Castellano & Cie et Castellano Peintures à payer à Monsieur [R] [J], les sommes de :

- l5 000,00 € (quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété subi;

- 12 000,00 € (douze mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au bouleversement dans les conditions d'existence;

- 1 000,00 € (mille euros) au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

- ordonné l'exécution provisoire

- débouté Monsieur [R] [J] du surplus de ses demandes.

- débouté les Sociétés Castellano & Cie et Castellano Peintures de leurs demandes reconventionnelles.

- condamné les Sociétés Castellano & Cie et Castellano Peinture aux dépens.

------------------------------------

Les Sociétés Castellano & Cie et Castellano Peinture ont interjeté appel de cette décision.

----------------------------------------

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, les Sociétés Castellano & Cie et Castellano Peinture demandent de:

- réformer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille en date du 7 mai 2013,

- prononcer la mise hors de cause de la société Castellano et Compagnie,

- vu la saisine des juridictions administratives en annulation de l'arrêté d'inscription, surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive des juridictions administratives,

A titre subsidiaire,

Vu l'arrêté du 6 décembre 2011,

Vu l'absence de preuve rapportée d'une exposition au sein de la société Castellano et Cie,

Vu l'absence de comportement fautif de la part de la société Castellano et Cie,

- écarter des débats les attestations produites comme étant dénuées de force probante,

- déboute Monsieur [J] [R] de ses demandes indemnitaires comme n'étant pas justifiées,

A titre infiniment subsidiaire,

Vu le rôle causal identique de toute exposition à l'amiante, dans quelque société que ce soit, eu égard au préjudice d'anxiété

- ramener à de plus justes proportions la demande indemnitaire au titre du préjudice d'anxiété qui pourrait être accordée à Monsieur [J] [R],

- ramener à de plus justes proportions la condamnation au titre de l'article 700 du CPC.

----------------------------------------

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Monsieur [R] demande de condamner la société Castellano et Cie, à payer la somme de l5 000,00 € (quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété subi et celle de 1 000,00 € (mille euros) au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur [R] renonce à ses demandes concernant l'indemnisation du préjudice lié au bouleversement dans les conditions d'existence, compte tenu des derniers arrêts rendus par la Cour de cassation le 25 septembre.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mise hors de cause de la société Castellano et Compagnie

Ce point ne fait pas débat ; il est en conséquence fait droit à la demande ;

Sur la prescription

Les conclusions de Monsieur [R] sur ce point sont sans objet en l'absence de tout moyen soulevé ;

Sur le sursis à statuer

La société CASTELLANO PEINTURE soutient qu'elle a pour objet social celui hérité par cession de la société Castellano & Cie, à savoir la : «fabrication vente et application de peinture de travaux, de peinture maritime, fabrication vente et application de peinture de travaux, de peinture maritime et terrestre de maçonnerie et bâtiment, de sablage, de nettoyage ainsi que de réparation navale de contrôle et mesure à flot en cale et sous-marins» ; que la société Castellano et Cie n'a jamais participé à un quelconque processus de fabrication ou de transformation de l'amiante brut, et n'a, de par ses activités, jamais été non plus, utilisatrice d'amiante brut ni dans sa production, ni dans les opérations industrielles effectuées ; qu'en conséquence ses salariés n'ont jamais été amenés à manipuler d'éléments quelconques qui pouvaient contenir de l'amiante ;

Qu'au regard des dispositions de l'article 41 de la loi n'° 98-1194 du 23 décembre 1998, elle ne peut pas être qualifiée d'établissement de construction ou de la réparation navale dès lors que la seule activité ponctuelle de sous-traitance ne suffit pas à lui conférer cette qualification;

Qu'elle a, pour ces motifs, saisi les juridictions administratives d'une demande d'annulation des arrêtés ayant procédé à son inscription sur la liste, raison pour laquelle elle demande que, dans l'attente d'une décision définitive, il soit sursis à statuer ;

Cependant cette demande ne peut concerner que la contestation du dernier arrêté ministériel modificatif du 6 décembre 2011 par lequel la période de référence a été arrêtée de 1946 à 1980;

Or par l'arrêté ministériel du 7 juillet 2000, la société CASTELLANO & Cie avait été inscrite sur la liste fixant la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période commencée depuis 1946 ;

L'arrêté ministériel du 19 mars 2001 a étendu cette période à cette date ;

La société CASTELLANO PEINTURE ne prétend pas avoir contesté ces deux arrêtés qui sont en conséquence définitifs et lui sont opposables, de sorte que, pour la période du 5 mars 1979 au 19 mars 2001, Monsieur [R] est fondé à se prévaloir d'une présomption d'exposition à un risque avéré et d'une réelle gravité découlant d'un contact avec l'amiante ;

Cette présomption simple peut être combattue par l'employeur et elle implique également que soit établie la présence de l'intéressé sur des chantiers affectés par ce risque ;

La demande de sursis à statuer ne peut être utilement examinée sans que soit en préalable avéré que la période non affectée par le dernier arrêté ministériel modificatif du 6 décembre 2011 est sans incidence sur le litige ;

Au fond

Monsieur [R] soutient que pendant toute sa carrière, il a été massivement exposé à l'inhalation de poussières d'amiante et n'a jamais bénéficié d'aucune protection individuelle, de même qu'il n'a jamais été informé des risques et des dangers encourus par la manipulation et l'inhalation de l'amiante ; que, lors de ses interventions sur des bateaux en cale sèche, comme 'piqueur de sel' et peintre à bord des bateaux, se trouvaient à ses côté d'autres ouvriers qui perçaient des cloisons, manipulaient des faux-plafonds où se trouvait de l'amiante, ou encore calorifugeaient des tuyaux avec de l'amiante pendant qu'il travaillait et qu'ainsi l'air ambiant dans les navires était saturé en poussières d'amiante et ce en l'absence de système d'évacuation de ces poussières toxiques ; qu'en outre les résidus d'amiante issus des opérations de chaudronnerie n'étant pas enlevés, c'était souvent le peintre qui passait en dernier qui avait la charge de nettoyer le lieu de travail et, la plupart du temps, ramassait à la main ou à la pelle et au balai les débris et les poussières d'amiante ;

Monsieur [R] produit à l'appui de ces griefs des attestations de collègues de travail ([S], [Y], [N], [X], [M]), lesquelles sont rejetées par la société CASTELLANO PEINTURE au motif de leur reproduction réciproque, et de leur manque de précisions sur les missions en cause et sur les tâches invoquées par Monsieur [R], notamment le ramassage des déchets dans les cales ;

La société CASTELLANO PEINTURE oppose en effet que Monsieur [R] a exercé, au sein de la société une activité de peintre de bord, qui pouvait s'exercer soit sur des immeubles, travaux terrestres, soit sur des bateaux et, dans ce dernier cas, en seule qualité de peintre de bord, sans effectuer de la peinture à bord des bateaux, activité qui ne constituait que 28 % de celle de l'entreprise ;

Elle allègue que Monsieur [R] ne rapporte aucune preuve d'une exposition à l'amiante à l'intérieur des navires, dès lors qu'il n'était ni mécanicien, ni chaudronnier, ni soudeur et n'avait pas à peindre les intérieurs qui ne sont pas confrontés à des détériorations quotidiennes comme la coque ; que le travail de peinture intérieure n'entrait pas dans la mission des peintres de bord mais relevait de la compétence des agents d'entretien de société extérieures ou plus généralement de personnels spécialisé parmi l'équipage du navire, présents en permanence à bord ;

Elle conteste que Monsieur [R] puisse prétendre qu'il peignait à bord alors que tous les corps de métiers travaillaient simultanément, ce qui était exclu, la peinture ne pouvant se faire en ambiance poussiéreuse ;

Force est de constater effectivement que les éléments produits par Monsieur [R] ne sont pas suffisants pour faire jouer la présomption qui s'attacherait à des conditions et des périodes de travail effectives et déterminées au sein de la société CASTELLANO PEINTURE, et sur lesquelles cette dernière serait en mesure de produire ou non des réponses précises ;

Les attestations [S] et [Y] rédigées en termes d'ordre général ne permettent pas de cibler les dates des activités décrites ; leurs rédacteurs font seulement état, de manière générale, d'un travail effectué avec Monsieur [R] dans les chaudières, les condensateurs, du nettoyage à l'acide des conduits, et de la respiration des poussières d'amiante, ce au sein des entreprises Gardella, atelier d'Arenc, la société CASTELLANO ; Monsieur [S] ajoute 'années 74 à 87 ' ;

Messieurs [X] et [M], dont les attestations respectives sont identiques, mentionnent 'avoir travaillé sur les mêmes navires avec Monsieur [R] de 1981 à 1987, il travaillait chez la société CASTELLANO PEINTURE et atelier d'Arenc... en qualité de nettoyeur peintre, piqueur de sel à bord des navires...dans un air ambiant saturé de poussières d'amiante..' : faute de précisions sur les chantiers concernés et, partant, sur la nature du travail de Monsieur [R], ces documents ne permettent pas plus de valider les demandes de l'intéressé ;

Le jugement est en conséquence infirmé ;

La demande de sursis à statuer devient sans objet ;

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Aucune considération tirée de l'équité ne conduit à condamner l'une ou l'autre des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Déclare l'appel recevable en la forme.

Dit n'y avoir à surseoir à statuer

Infirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille d'Arles en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

Prononce la mise hors cause de la société Castellano et Compagnie,

Déboute Monsieur [R] de ses prétentions,

Rejette toutes autres demandes

Condamne Monsieur [R] aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/08875
Date de la décision : 11/04/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°12/08875 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-11;12.08875 ?
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