COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 13 MARS 2014
N° 2014/128
Rôle N° 12/20304
Syndicat des copropriétaires [Adresse 4]
C/
SCI LE BEAU RIVAGE
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL BOULAN
Me STEMMER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal de grande instance de GRASSE en date du 9 juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 08/07392 et suite à l'arrêt avant dire droit n° 411 rendu le 3 octobre 2013 par la 4ème chambre section A de cette cour.
APPELANT
LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L' [Adresse 4]
[Adresse 3]
pris en la personne de son syndic la SAS CABINET ESPARGILLIERE
dont le siège est [Adresse 1]
représenté par Me Yann STEMMER, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE
LA SCI LE BEAU RIVAGE
dont le siège est [Adresse 2]
représentée par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Michel MASSE, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 février 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Arfinengo, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, président
Madame Anne DAMPFHOFFER, conseiller
Madame Sylvaine ARFINENGO, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 mars 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 mars 2014,
Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, prétentions et procédure :
La société civile immobilière Le beau rivage est copropriétaire dans l'immeuble le Poséidon du lot numéro 1, ultérieurement devenu numéro 209, constitué d'un local commercial qui est exploité par la société Hypo car 2000 à usage de station-service. Ce lot est situé au rez de chaussée et dispose d'une entrée indépendante.
L'état descriptif de division du 13 juillet 1976 lui attribue '1395/ 10000 indivis de l'entier terrain' et '569/ 10000 de parties communes de la construction'. Par ailleurs, le règlement de copropriété de 1978 indique, au titre de ses dispositions sur la répartition des charges communes, que 'les charges générales sont réparties entre les copropriétaires au prorata des quotes-parts de copropriété contenues dans les lots'.
La SCI Le beau rivage s'oppose au syndicat des copropriétaires sur le montant des charges dues, prétendant que sa quote-part de charges communes générales doit être calculée uniquement par référence aux tantièmes de construction alors que le syndicat des copropriétaires prétend qu'il convient de lui appliquer les tantièmes de sol.
Le tribunal de grande instance de Grasse a statué, par un jugement contradictoire du 9 juillet 2012, après que l'expert, désigné en référé pour faire les comptes des parties, ait déposé un rapport précisant que les différents syndic de l'immeuble avaient appliqué les tantièmes sol , que l'architecte qui avait étudié le projet ayant donné lieu à la subdivision d u lot 30 avait critiqué l'utilisation de ces tantièmes, son étude proposant finalement deux chiffrages possibles des sommes dues, selon qu'il est appliqué l'une ou l'autre des deux grilles de répartition invoquées par les parties.
Par un arrêt avant dire droit du 3 octobre 2013, la cour , saisie de l'appel interjeté à l'initiative du syndicat des copropriétaires, a ordonné la communication de l'ensemble des documents applicables à l'immeuble et invité les parties à conclure sur les modalités d'application de ces deux types de répartition.
Par conclusions du 8 janvier 2014, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris,
- dire que la répartition des charges de conservation, d'entretien et d'administration de l'immeuble doit être opérée selon les tantièmes sol établi par l'acte du 23 juin 1976 sans qu'il y ait lieu d'homologuer le rapport de l'expert qui conclut à une répartition différente,
- condamner la société le beau rivage à lui payer la somme de 52'789,11 euros outre les intérêts de droit à compter du jour de la décision à intervenir,
- condamner la société Le beau rivage au paiement de la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens d'instance et d'appel.
Par conclusions du 27 janvier 2014, la société Le beau rivage demande à la cour de :
- vu les articles 1235 et 1376 du Code civil,
- vu le rapport d'expertise,
- mettre l'appel à néant,
- confirmer le jugement et dire qu'il sortira son plein et entier effet,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prise le 28 janvier 2014.
Motifs
La question qui oppose les parties est celle du montant des charges dues par la société beau rivage au titre des charges communes générales d'administration, d'entretien et de conservation de l'immeuble.
Elle suppose que soit tranchée, au préalable, la question des modalités de la répartition des charges dès lors que la société Le beau rivage prétend que le calcul doit se faire en application des tantièmes de construction alors que le syndicat des copropriétaires prétend qu'il doit se faire selon les tantièmes sol, étant rappelé que pour le lot numéro 1 appartenant à la société Le beau rivage, les tantièmes sol sont de 1395/ 10 000 et que les tantièmes de construction sont de 569/ 10000 et également que le lot numéro 1 est exempté des charges de gardiennage, d'entretien des poubelles et des charges ascenseurs et pallier, ce qui n'est pas discuté par les parties.
En application de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, dont les dispositions sont d'ordre public, les copropriétaires participent aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leur lot telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5.
Il résulte de l'étude des dispositions contenues aux titres applicables à l'immeuble désormais versés aux débats :
1/ que celui ci a fait l'objet d'un état descriptif de division en date du 23 juin 1976 , ultérieurement modifié, où il est indiqué :
- que l'ensemble immobilier est constitué d'un immeuble de 30 lots ; que 'la désignation des lots comprend pour chacun l'indication des parties privatives réservées à la jouissance exclusive de son propriétaire et une quote-part indivise des parties communes exprimées en 10'000èmes';
- et que le lot numéro 1, propriété de la société Le Beau rivage y est décrit comme un local à usage commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble avec 1395/ 10000èmes indivis de l'entier terrain et 569 /10000èmes des parties communes de la construction, cette double répartition étant ainsi prévue pour chacun des 30 lots .
2/ que le 30 mars 1978, a été adopté un modificatif à cet état descriptif suite à la division du lot 30 en 177 lots, ainsi qu'un règlement de copropriété ;
- que celui ci stipule , au titre de sa deuxième partie, intitulée 'Etat de répartition des charges' : « les dispositions du présent titre ont pour objet de définir les différentes catégories de charges, et pour chacune de ces catégories, de fixer les lots entre lesquels elles doivent être réparties, et la quotité que devra en supporter chacun de ces lots';
- qu'immédiatement après, le règlement de copropriété énonce 3 catégories de charges qu'ils liste en dans trois chapitres distincts, intitulés : 'charges générales', 'charges d'entretien des escaliers, tapis et ascenseurs', et enfin, 'charges d'eau froide' ;
- qu'au titre des charges dites générales, il est précisé qu'elles comprennent 'toutes celles qui ne sont pas considérées comme spéciales', en citant :
*les impôts,
*les services communs (honoraires du syndic, salaires du concierge, frais d'éclairage de l'entrée, de la cour, frais d'entretien et de remplacement de l'installation électrique, achat et entretien des poubelles , etc.),
*et les bâtiments ( réparations de toute nature, grosses ou menues, frais de ravalement des façades, réparation, entretien et reconstruction des balcons, primes d'assurances...),
et en spécifiant que ces charges sont 'sont réparties entre les copropriétaires au prorata des quote-parts de copropriété contenues dans les lots; que toutefois, les lots numéro 1,9 et 135 n'auront pas à supporter les charges afférentes au concierge, à ses avantages en nature, à son logement, chauffage et son éclairage, ainsi qu'aux cotisations fiscales et celles afférentes à ses salaires et rémunérations, à l'achat, l'entretien et le remplacement des poubelles, les frais d'entretien des escaliers, ascenseurs et paliers';
- qu'ensuite, le règlement énumère dans ses chapitres 2 et 3,
*les charges d'entretien des escaliers, tapis et ascenseur, qui doivent être également réparties au prorata des quotes parts de copropriété contenues dans les lots
*et les charges d'eau froide qui ne sont 'spéciales' et alors soumises à une répartition en fonction de la consommation que s'il est décidé de la pose de compteurs individuels, et qui dans le cas contraire, sont réparties dans les mêmes proportions que les charges générales du chapitre 1;
- qu'enfin, ce texte définit les parties communes comme celles qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé et qui sont constituées notamment de la totalité du sol, en ce compris le sol des parties construites, des cours et des jardins, des fondations, des gros murs de façade, du gros oeuvre des planchers, des couvertures et de toutes les terrasses accessibles et non accessibles, des vestibules, des couloirs d'entrée, des escaliers, de leurs cages et paliers, sauf les vestibules d'entrée et escalier du lot 9, outre les accessoires de ces parties communes, telles que les installations d'éclairage, les glaces et tapis, les paillassons.
3/ qu' un modificatif a été pris les 21, 26 et 27 février 1980 qui procède à un changement de numérotation des lots sans modifier la répartition des charges, ni les tantièmes de propriété y affectés( le lot 1 devenant lot 209 avec la même affectation de quote part de sol et de construction);
4/ qu'un état descriptif modificatif a été encore pris le 12 août 1997, à la suite de l'obtention du permis de construire autorisant la transformation des locaux en appartements par la société civile immobilière hôtel [Adresse 5], dont il résulte que les appartements de l'immeuble [Adresse 5] ont été réunis pour former le lot numéro 212, celui ci donnant naissance à différents autres lots, qui au total, réunissent les tantièmes suivants: 2336/ 10 000èmes de quote-part de l'entier terrain et 1583/ 10 000èmes de quote-part de la construction.
Ainsi, l'étude de ces divers documents permet à la cour de retenir :
- que quels que soient les textes et leurs modifications , la dualité des tantièmes sol et des tantièmes construction a perduré dans la définition des lots au niveau de l'état descriptif de division,
- qu'elle n'a cependant aucune correspondance dans le reste du règlement de copropriété, notamment au niveau de la répartition des charges communes, dites 'générales'; qu'en effet , il n'y a pas, ni dans la définition de ces charges, ni dans les dispositions relatives à leur répartition, d'assiette définie, susceptible de correspondre à la double répartition de tantièmes prévue par l'état descriptif de division, et qu'aucune disposition claire ne permet, par ailleurs, d'établir cette correspondance entre les 'quotes parts de copropriété', citées comme devant être la clé de la répartition de ces charges et l'une ou l'autre des répartitions faites dans l'état descriptif de division;
- que le visa de charges dites ' spéciales', dont il convient de relever qu'elles sont ainsi maladroitement dénommées, ne peut correspondre qu'aux charges communes des chapitres 2 et 3, dont il y a lieu de relever que leur répartition ne fait aucune référence aux grilles litigieuses, et que par ailleurs, aucun élément ne permet, non plus, d'envisager une quelconque mise en perspective avec cette dualité de répartition;
- qu'enfin, ni les dispositions du règlement de copropriété et ni les éléments des dossiers des parties ne sont susceptibles de conduire la cour à considérer que, seule, l'une de ces répartitions correspondrait aux exigences d'ordre public de l'article 10 al, chacune des parties se contentant, en effet, d'alléguer à ce sujet que la répartition dont elle se prévaut est celle qui correspond le mieux aux dispositions légales, sans toutefois démontrer que l'autre n'y correspondrait pas, ou en quoi précisément, elle n'y correspondrait pas .
Il s'en suit,
en l'état d'une part, de la carence probatoire des parties, dont on relèvera, de surcroît, qu'aucune ne critique la licéité des dispositions du règlement de copropriété,
et en l'état d'autre part, de la lacune dudit règlement,
de dire qu'il y a lieu à interprétation de l'acte, et à cet effet, d'en faire une appréciation au regard des dispositions des articles 1156 et suivants du code civil à fin de déterminer l'exacte portée de ses stipulations en ce qui concerne la définition des obligations des copropriétaires relativement à leur contribution aux charges communes de l'immeuble.
A cet égard, il doit être , en premier lieu, rappelé les principales règles devant présider à l'interprétation, le code civil prescrivant notamment que l'on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes, que lorsqu'une clause de cette convention est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun, que les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat, et qu'enfin, toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier .
Ces principes ainsi posés, il convient, en second lieu, de préciser que si l'existence, légalement possible, de 2 ou plusieurs catégories de charges communes générales pouvait ici se concevoir à raison précisément de la mention pérenne d'une double répartition des tantièmes de propriété indivise, une telle stipulation correspond cependant à l'existence, dans l'ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété, d'une part, de parties communes générales englobant les parties qui intéressent également l'ensemble des lots composant la copropriété et d'autre part, de parties communes spéciales à certains éléments immobiliers, cette situation correspondant, elle même, à l'existence de plusieurs éléments de bâtis dans la copropriété .
Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque dans les faits, l'ensemble Le Poséidon ne comprend qu'un seul bâtiment et qu'en droit, les charges afférant à ce bâtiment, unique, sont, aux termes des titres, expressément citées, au titre du chapitre 1, comme des charges, dites, générales, sauf celles relatives aux escaliers, tapis et ascenseurs, dont au demeurant le lot de la SCI Beau rivage est dispensé.
Il en résulte que la notion de tantièmes de construction, qui ne se conçoit que par rapport à des charges spéciales afférant à une pluralité d' éléments immobiliers bâtis, ne peut avoir ici aucune portée utile au niveau de la clé de répartition des charges communes générales et que par suite, il doit être jugé que le visa de la 'quote part de copropriété contenue dans les lots' comme clé de la répartition de ces charges qui dans ce contexte était susceptible de 2 sens, doit, en application des règles relatives à l'interprétation des contrats , s'entendre dans le sens qui convient le mieux à la matière du contrat; qu'elle ne peut ne peut donc correspondre qu'aux seuls tantièmes de sol dont on rappellera à nouveau que l'évaluation n'en est pas utilement contestée au regard des exigences de l'article 10 al 2 et dont on précisera enfin, qu'il n'est pas contesté que c'est cette répartition qui a toujours été mise en oeuvre dans les rapports du syndicat des copropriétaires de la SCI Le beau rivage.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
La cour ne pourra cependant faire droit à la demande en paiement, telle que chiffrée par le syndicat des copropriétaires dès lors qu'il n'a pas précisé à quelle date il arrêtait la prétention ainsi faite , et que le quantum de sa réclamation qui ne correspond pas aux chiffres arrêtés par l'expert dans le seul rapport à ce jour déposé, n'est justifié par la production d'aucune pièce comptable.
Il y a donc lieu de ce chef, de confirmer le jugement en ce qu'il a sursis à faire le compte exact des parties dans l'attente de la fin du déroulement des opérations expertales diligentées à ce sujet.
En raison de sa succombance, la SCI beau rivage supportera les dépens de la procédure de première instance et d'appel.
L'équité ne commande pas l'application de l'article 700.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Réforme le jugement en ce qu'il a dit que la répartition des charges pour le numéro 1 doit être opérée selon les tantièmes constructions visées par l'état descriptif de division du 23 juin 1976 et le modificatif du 30 mars 1978 et en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires le Poséidon de sa demande tendant à voir dire que la répartition des charges devait se faire sur la base des tantièmes sols, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et statuant à nouveau de ses chefs :
Dit que la répartition des charges communes générales pour le lot numéro 1 doit se faire selon les tantièmes de l'entier terrain tels que résultant des actes applicables à l'immeuble et rejette la demande de la société Le beau rivage tendant à voir dire que cette répartition devrait être faite sur la base des tantièmes de construction,
Condamne la société civile immobilière Le beau rivage aux dépens avec distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Le confirme pour le surplus de ses dispositions,
Y ajoutant :
Rejette les demandes plus amples des parties,
Condamne la société civile immobilière Le beau rivage aux dépens et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
S. Massot G. Torregrosa