COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 06 MARS 2014
FG
N° 2014/162
Rôle N° 13/08806
[B] [O]
C/
SCP [I] [L] & [E] [A]
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 19 Mars 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/02191.
APPELANT
Monsieur [B] [O],
né le [Date naissance 2] 1934 à [Localité 2]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Jérome CAMPESTRINI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Thimothée JOLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
INTIMEE
SCP [I] [L] & [E] [A]
NOTAIRES ASSOCIES
[Adresse 1]
prise en la personne de son dirigeant en exercice, y domicilié.
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Philippe DUTERTRE de la SCP FRANCK-BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Février 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2014,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
M.[Q] [Z] [Y] [X], né le [Date naissance 1] 1927 à [Localité 2] (Alpes Maritimes) et Mme [U] [P] [J] [C] [O], née le [Date naissance 3] 1937 à [Localité 2], se sont mariés le [Date mariage 1] 1958, initialement sous le régime de la communauté légale. Ils ont ensuite changé de régime matrimonial pour celui de la communauté universelle avec, en cas de décès, attribution de l'entière communauté au conjoint survivant, par contrat du 18 novembre 1987, homologué par jugement du tribunal de grande instance de Nice du 25 mai 1998.
M.[Q] [X] et Mme [U] [O] épouse [X] avaient eu un enfant, qui était pré-décédé.
M.[Q] [X] et Mme [U] [O] épouse [X] ont été retrouvés le [Date décès 1] 2002 morts par arme à feu dans leur domicile à [Localité 2].
L'enquête de police et l'autopsie permettaient de fixer la date du décès au [Date décès 2] 2002
vers 9 heures;
Les constatations des enquêteurs établissaient que M.[Q] [X] avait tué son épouse avec un fusil avant de suicider.
Les actes de décès étaient établis le 23 mai 2002 sur déclaration d'une personne des pompes funèbres, et mentionnent tous les deux comme date du décès le [Date décès 2] 2002 à 9 heures.
Mme [U] [O] épouse [X] avait souscrit deux contrats d'assurance-vie auprès du Crédit Agricole.
Le premier contrat, contrat n°00931719724 indiquait comme bénéficiaire son conjoint, à défaut ses enfants nés et à naître, vivants ou représentés, à défaut ses héritiers. Le capital décès de 554.304,73 € a été versé au frère de la défunte, M.[B] [O], l'assureur ayant considéré
que M.[Q] [X] ayant tué son épouse, il ne pouvait en être bénéficiaire.
Le second contrat, contrat n°10000042748, présentait un capital décès de 199.280,61 €.
Le capital décès de ce second contrat a été porté au crédit de la succession et adressé au notaire Me [A].
Me [A], notaire à [Localité 1], a dressé le 22 juin 2004 l' acte de notoriété des deux époux.
Me [A] considérant que [U] [O] était décédée avant son mari qui avait, par suite, recueilli l'intégralité de la communauté, a permis la remise des actifs de la succession de [Q] [X] à l'association Perce-Neige, désignée comme légataire universelle de celui-ci par le testament olographe du 8 mai 2002.
Le 26 mars 2010, M. [B] [O], frère de feu [U] [O], a fait assigner la SCP [I] [L] et [E] [A], notaire en charge de la succession de sa soeur et de son beau-frère, devant le tribunal de grande instance de Nice, en lui reprochant d'avoir considéré que l'épouse était décédée la première et d'avoir ainsi dévolu l'actif patrimonial de celle-ci à son conjoint.
Par jugement contradictoire en date du 19 mars 2013, le tribunal de grande instance de Nice a :
- écarté les fins de non-recevoir soulevées par la défenderesse,
- débouté [B] [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- débouté la SCP [I] [L] et [E] [A] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,
- condamné [B] [O] à verser à la SCP [I] [L] et [E] [A] la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné [B] [O] aux dépens en accordant à la SCP FRANCK-BERLINER-DUTERTRE-LACOUTS le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le tribunal a considéré que la présomption d'ordre des décès des co-mourants ne s'appliquait pas alors qu'il y avait eu deux événements successifs
Par déclaration de Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, en date du 26 avril 2013, M.[B] [O] a relevé appel de ce jugement.
L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 octobre 2013, M. [B] [O] demande à la cour d'appel de:
- réformer la décision dont appel,
- constater que les époux [X] sont décédés dans un même événement sinon dans la même action et que, signataires d'un contrat de mariage contenant une clause d'attribution intégrale de communauté au conjoint survivant, le moment des décès n'étant pas discernable, chaque moitié de communauté avait vocation à constituer la succession de chaque époux sans que l'autre époux y soit appelé,
- qu'en conséquence, dans un premier temps Mme [X] était habile à recevoir la moitié de la communauté de l'actif successoral,
- qu'en suite M.[O] venait en représentation à la succession de sa soeur décédée,
- dire de ce fait l'office notarial responsable de l'exclusion de M.[O] de la succession de sa soeur et de son préjudice corrélatif,
- en conséquence, vu l'artic1e 1382 du code civil,
- condamner l'office notarial à payer à M.[O] à titre de dommages et intérêts l'équivalent en valeur de la moitié des biens et sommes attribués indûment au légataire de M.[Q] [X] à savoir 772.114,11 € non compris le montant du contrat d'assurance-vie de 199.280,61 € soit au total 971.374,72 € avec intérêts de droit à compter de l'assignation et dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,
- condamner l'office notarial au paiement à M.[O] de la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens dont distraction au profit de Me Jérôme CAMPESTRINI pour ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision et ce au visa de l'article 699 du code de procédure civile, ceux d'appel distraits au profit de la Selarl BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocats.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 août 2013, la SCP [I] [L] et [E] [A] demande à la cour d'appel de :
- juger M.[O] irrecevable aux visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile et des articles 14 et 16 du code de procédure civile à vouloir faire juger que la communauté [X]/[O], intégralement dévolue à M.[X] et à son décès à son légataire universel, revenait pour moitié à Mme [O] et donc à 1ui même, hors le contradictoire de1'ayant droit de M.[X], seul concerné, et seul éventuellement tenu de rapporter 1a moitié des actifs de communauté à la succession [O],
- pour le surplus,
- dire M.[O] radicalement infondé en son appel et l'en débouter,
- confirmer le jugement entrepris,
- constater que les époux [X] ne sont pas décédés au cours d'un 'même événement', mais de deux événement successifs, et que la chronologie de leurs décès successifs est établie par les circonstances de fait du dossier,
- juger que M.[X] ayant survécu, même de peu, à son épouse, il a recueilli l'intégralité de la communauté en application de l'avantage matrimonial convenu dans leur contrat de mariage, l'homicide ne pouvant permettre d'écarter le jeu dudit avantage, comme confirmé par le CRIDON, et qu'en conséquence, Me [L] a correctement réglé les successions au profit du légataire universel de M [X], le Comité PERCE NEIGE,
- juger en conséquence que Me [L] n'a commis strictement aucune faute de nature à engager sa responsabilité dans le règlement de cette succession et débouter M.[O] de toutes ses prétentions afférentes,
- juger par ailleurs que la SCP notariale concluante ne saurait être tenu du paiement, en capital et intérêt, du contrat d'assurance vie FLORIGE 10000042748, des lors qu'une part que l'éventuelle erreur d'application dudit contrat par la Banque et l'assurance n'est nullement de son fait, et que d'autre part, la demande en répétition de l'indu ne peut peser que sur l'enrichi, savoir en l'occurrence le légataire universel de M.[X] , qui a encaissé le capital,
- juger en outre que le notaire est totalement étranger au versement tardif par le Crédit Argicole et Predica du capital du contrat d'assurance Florige 00931719724 entre les mains de M.[O] et ne saurait donc être tenu d'intérêts moratoires en indemnisation d'un préjudice qui n'est pas de son fait,
- débouter en conséquence M.[O] des fins de son appel et de toutes ses demandes, fins
et conclusions, radicalement irrecevables et inondées,
- reconventionnellement, le condamner à payer à la SCP FONTAINE-SEGUIN la somme de 5.000 € a titre de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive par application de l'article 32-1du code de procédure civile et 1382 du code civil,
- le condamner en tout état de cause au paiement de la somme supplémentaire de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, distraits au profit de SCP COHEN GUEDJ MONTERO sur ses offres de droit.
MOTIFS,
La présente action est une action en responsabilité civile professionnelle formée contre
Me [E] [A], notaire associé à [Localité 1].
Sa faute consisterait en une rédaction erronée de l'acte de notoriété, quant au décès de sa soeur, Mme [U] [O] épouse [X], erreur qui l'aurait privé du capital d'assurance vie Crédit Agricole Florilège n°10000042748.
L'acte de notoriété litigieux a été établi le 22 juin 2004 par Me [E] [A], notaire, sur déclarations de deux témoins, Mlle [T] [G], employée de banque, demeurant à [Localité 2], et M.[M] [K], sculpteur, demeurant à [Localité 2].
Cet acte de notoriété a trait aux décès de M.[Q] [X] et de Mme [U] [O] épouse [X].
Il indique comme premier décédé Mme [U] [X], de sorte que par application du contrat de communauté universelle avec clause d'attribution de communauté, alors au surplus qu'il existait déjà une donation entre époux, son mari se trouvait attributaire de tout le patrimoine. Il indique comme second décédé M.[Q] [X], mentionne l'absence d'héritier réservataire et l'existence d'un legs universel au profit de l'association Perce-Neige.
Cet acte de notoriété vise les deux actes de décès.
L'acte de décès de Mme [U] [O] mentionne un décès survenu le [Date décès 2] 2002 à [Localité 2]. Il précise que la défunte est Mme [U] [O] épouse [X].
L'acte de décès de M.[Q] [X] mentionne un décès survenu le [Date décès 2] 2002 à [Localité 2]. Il précise que le défunt est M.[Q] [X] veuf de [U] [O]. Cette mention 'veuf de [U] [O]' établit un décès postérieur à celui de son épouse même si l'heure du décès indiquée '9 H' est la même dans les deux actes.
Selon ces actes d'état civil, l'ordre des décès est ainsi en premier Mme [U] [O] et en second M.[Q] [X].
Le notaire n'avait pas accès au dossier de police de l'enquête, aux dossiers d'autopsies, et il ne peut lui être tenu grief de n'avoir pas procédé à une analyse des faits à partir des observations des enquêteurs.
Me [A] savait, de notoriété publique, que le décès de Mme [U] [O] avait été provoqué par M.[X] et que ce dernier s'était donné la mort ensuite, c'est à dire que les décès étaient la conséquence de deux événements successifs et non d'un seul.
Il n'est donc pas établi que Me [E] [A] ait commis une faute dans la rédaction de l'acte de notoriété, lequel correspondait à l'ordre des décès établi par les actes d'état civil.
Par la suite Me [E] [A] n'a fait que respecter les dispositions testamentaires de feu [Q] [X].
Il est à observer qu'il n'est fait état d'aucune action en indignité successorale, pour autant qu'elle ait été possible, s'agissant d'une communauté universelle.
Le jugement sera confirmé avec substitution de motifs sur l'action de M.[O].
Le jugement sera purement et simplement confirmé avec adoption de motifs sur le rejet de la demande reconventionnelle en dommages et intérêts.
Par équité, chaque partie conservera ses dépens de première instance et d'appel et ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 19 mars 2013 par le tribunal de grande instance de Nice en toutes ses dispositions sauf sur les frais irrépétibles et les dépens,
Dit que chaque partie conservera ses dépens de première instance et d'appel et ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT