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28/02/2014 | FRANCE | N°13/15301

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 28 février 2014, 13/15301


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 28 FEVRIER 2014



N° 2014/ 133













Rôle N° 13/15301





SARL D.R.C.R, exploitant sous l'enseigne 'LE FOURNIL D'HERRIOT'





C/



[S] [V] [R]

SNC PANISUD













Grosse délivrée le :



à :



-Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- Me Vincent BURLES, avocat au barreau

d'AIX-EN-PROVENCE



- Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 09 Ju...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 28 FEVRIER 2014

N° 2014/ 133

Rôle N° 13/15301

SARL D.R.C.R, exploitant sous l'enseigne 'LE FOURNIL D'HERRIOT'

C/

[S] [V] [R]

SNC PANISUD

Grosse délivrée le :

à :

-Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 09 Juillet 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/2487.

APPELANTE

SARL D.R.C.R, exploitant sous l'enseigne 'LE FOURNIL D'HERRIOT', demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [S] [V] [R], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SNC PANISUD, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Janvier 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

Madame Laurence VALETTE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Février 2014.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Février 2014.

Signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [S] [R] a été engagé par la SNC PANISUD qui exploitait plusieurs boulangeries- pâtisserie sur l'agglomération de [Localité 1], par contrat à durée indéterminée en date du 7 octobre 1997, en qualité de responsable stagiaire de magasin (agent de maîtrise niveau 4 échelon 2) à compter du 9 octobre.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie industrielle et du règlement intérieur de l'entreprise.

Le 22 avril 2011, la société PANISUD a cédé à la SARL DRCR le fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie situé [Adresse 3] dont M. [R] était le responsable.

Suite à cette cession, le contrat de travail de M. [R] a été transféré à la société DRCR.

Le 19 mai 2011, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille pour demander à l'encontre de la société DRCR :

- la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur pour violation des fonctions, refus de paiement des heures supplémentaires, refus d'octroi du repos compensateur, violation des durées maximales de travail, et les sommes dues à titre de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur outre congés payés, indemnité compensatrice de préavis et de congés payés, indemnité pour travail dissimulé, indemnité conventionnelle de licenciement, dommages-intérêts pour résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, avec intérêts de droit à compter de la demande et exécution provisoire.

La société PANISUD a été appelée en cause.

Par jugement contradictoire du 9 juillet 2013, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

- prononcé la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de la société DRCR pour violation des fonctions nées du contrat de travail, mise à l'écart, refus de paiement des heures supplémentaires et octroi du repos compensateur,

- condamné solidairement les sociétés PANISUD et DRCR à payer à M. [R] les sommes suivantes avec intérêts de droit :

68 578,40 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période de 2006 à 2011,

6 857,80 euros à titre de congés payés afférents,

3 039,50 euros à titre de repos compensateur pour la période de 2006 à 2011,

303,95 euros à titre de congés payés afférents,

- condamné la société DRCR à payer à M. [R] les sommes suivantes, avec intérêts de droit :

5 574 euros à titre de préavis,

557,40 euros à titre de congés payés afférents,

16 817 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

8 000 euros à titre de rappel d'indemnité complémentaire de licenciement,

16 722 euros à titre de dommages-intérêts pour résiliation judiciaire aux torts de l'employeur,

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail, l'exécution provisoire est de droit pour les sommes accordées en application de l'article R. 1454-14 à hauteur maximale de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

- ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté les parties défenderesses de leurs demandes reconventionnelles,

- condamné solidairement la société PANISUD et la société DRCR aux entiers dépens.

Par ordonnance de référé du 4 novembre 2013, le président de chambre de la cour d'appel d'Aix en Provence, délégué à cet effet par ordonnance du premier Président, a constaté l'intervention volontaire de la société PANISUD, a rejeté la demande de l'arrêt de l'exécution provisoire de droit du jugement du 9 juillet 2013, a arrêté l'exécution provisoire ordonné par ce même jugement mais à hauteur de seulement la moitié des condamnations soumises à cette exécution provisoire, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a laissé les dépens à la charge des sociétés DRCR et PANISSUD.

Entre-temps, près convocation à un entretien préalable auquel M. [R] ne s'est pas présenté, la société DRCR lui a notifié sa décision de le licencier par lettre recommandée avec avis de réception du 2 avril 2012, pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par lettre remise au greffe de la cour d'appel le 22 juillet 2013, la société DRCR a régulièrement interjeté appel général du jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 9 juillet 2013.

Au visa de ses conclusions écrites déposées et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société DRCR demande de :

- rejeter la demande de mise hors de cause de la société PANISUD,

- infirmer le jugement déféré,

A titre principal,

- dire M. [R] mal fondé dans l'ensemble de ses demandes et le débouter de toutes ses demandes dirigées contre la société DRCR et la société PANISUD,

A titre subsidiaire,

- dire que le contrat de travail de M. [R] n'a pas été modifié lors de sa reprise en 2011 et que la société DRCR n'a manqué à aucune de ses obligations,

- en conséquence, rejeter la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail dirigée contre la société DRCR en raison de prétendus manquements qui seraient intervenus au sein de la société PANISUD,

- dire que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- et débouter M. [R] de toutes ses demandes dirigées contre la société DRCR,

Dans l'hypothèse de la constatation de certains manquements imputables à la société PANISUD,

- dire que dans le cadre d'une cession de fonds de commerce et de l'application des articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail, le transfert de dommages-intérêts n'est pas organisé,

- en conséquence, rejeter la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail dirigée contre la société DRCR en raison de prétendus manquements qui seraient intervenus au sein de la société PANISUD,

- mettre exclusivement à la charge de la société PANISUD des éventuelles condamnations qui résulteraient de ses propres manquements,

- condamner la société PANISUD à relever et garantir la société DRCR de l'ensemble des condamnations qui pourraient être mises à sa charge à raison des relations ayant existé entre la société PANISUD et M. [R],

- condamner M. [R] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir notamment :

- que dans le courant de l'année 2009, la société PANISUD avait plusieurs motifs légitimes de rappeler M. [R] à l'ordre notamment quant à l'obligation de respecter ses horaires de travail, et même de le sanctionner par la notification d'un avertissement,

- que la société DRCR n'a repris la direction de la boulangerie et des contrats de travail du personnel en place que le 23 avril 2011,

- que M. [R] n'est resté en poste que trois semaines puisque dès le 14 mai 2011 il a été en arrêt de travail,

- que les arrêts de travail se sont prolongés jusqu'à la fin de l'année 2011 sans qu'il ne manifeste une quelconque intention de reprendre ses fonctions,

- que la demande de rappel de salaire formée par M. [R] au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et des congés payés n'est pas étayée par des éléments probants et n'est pas justifiée, qu'il est en réalité impossible de déterminer précisément l'horaire de travail de M. [R], que la société PANISUD ne l'a jamais autorisé à effectuer des heures supplémentaires et au contraire lui a rappelé à maintes reprises de respecter ses horaires de travail de 35 heures par semaine, qu'il demandait l'autorisation pour effectuer des heures supplémentaires qu'il pouvait récupérer,

- que ni l'élément matériel ni l'élément intentionnel du travail dissimulé ne peuvent être retenus à son encontre,

- que les fonctions de M. [R] n'ont jamais évolué, que la reprise du fonds passait nécessairement par une période d'observation et d'adaptation et éventuellement de réorganisation, notamment pour passer à un mode de production exclusivement artisanal ce qui n'était pas le cas auparavant,

- que la gestion des dépôts de fonds à l'agence bancaire ne constituait pas une prérogative essentielle du contrat de M. [R] et devait être modifiée pour des raisons de sécurité et pratiques, que M. [R]conservait la vérification des caisses et le contrôle des encaissements,

- que M. [R] n'a été exclu d'aucune réunion du personnel, en dehors d'entretiens privés et que l'ensemble de ses autres griefs ne sont pas fondés,

- qu'elle a respecté son obligation de reclassement, que M. [R] n'a jamais répondu à sa proposition de poste d'assistant du chef d'entreprise, qu'elle n'avait pas à lui proposer un poste de pâtissier nécessitant une formation initiale et l'obtention d'un diplôme qu'il n'avait pas.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société PANISUD demande :

- la réformation du jugement,

- sa mise hors de cause dans la mesure où elle n'est plus l'employeur de M. [R] et que la succession d'employeur s'est opérée dans le cadre d'une convention particulière échappant à la compétence du conseil de prud'hommes,

- A titre subsidiaire, que M. [R] et la société DRCR soient déboutés de l'ensemble de leurs demandes dépourvues de tout fondement,

- condamner tout contestant au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au visa de ses conclusions écrites déposées et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, M. [R] demande de :

A titre principal,

- de confirmer le jugement du 9 juillet 2013 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et sur l'article 700 du code de procédure civil,

- de le réformer en ce qui concerne le montant des condamnations en :

- condamnant solidairement les sociétés PANISUD et DRCR à lui payer :

76 873 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires (46 661 euros pour la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2009 et 30 212 euros pour la période du 1er mai 2009 au 30 avril 2011), outre congés payés afférents,

33 138 euros à titre de repos compensateur (21 690 euros pour la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2009 et 11 448 euros pour la période du 1er mai 2009 au 30 avril 2011), outre congés payés

17 220 euros (2 870 x 6) à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- condamnant la société DRCR à lui payer :

5 698 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

569 euros à titre de congés payés afférents,

8 148 euros nets à titre de rappel d'indemnité complémentaire de licenciement,

120 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résiliation judiciaire aux torts de l'employeur,

- de lui allouer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et condamner solidairement les deux sociétés au paiement de cette somme.

Il demande également en page 40 de ses conclusions (demande non reprise dans le dispositif) que les registres d'entrée et de sortie du personnel produits par la société DRCR (pièce 36) soient écartés des débats car communiqués tardivement.

MOTIFS

Aux termes de l'article 135 du code de procédure civile, le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile. Il s'agit là d'une application du principe général du respect du contradictoire.

En l'espèce, les pièces en cause, à savoir les registres d'entrée et de sortie du personnel versés au débat par la société DRCR, ont certes été communiquées tardivement mais il s'agit de pièces que M. [R] réclamait, qui sont utiles au débat et sur lesquelles il a pu conclure en réponse au fond et dont il se sert pour étayer ses demandes.

Il n'y a donc pas lieu de les écarter du débat.

Sur le transfert du contrat du contrat de travail et ses effets

Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Cette règle est d'ordre public.

L'article L. 1224-2 du même code, précise que le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification sauf en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou en cas de substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.

En l'espèce, il est incontestable que non seulement il y a eu cession d'un fonds de commerce de boulangerie et transfert des contrats de travail en cours, mais également que cette opération s'est faite dans le cadre d'une convention entre les employeurs successifs.

L'acte de cession du fonds de commerce en date du 22 avril 2011 comporte en page 6 un paragraphe intitulé 'Personnel' dans le cadre duquel sont expressément visées les dispositions des articles précitées et figure la liste de tous les salariés employés pour l'exploitation du fonds, dont M. [R] en tant que responsable magasin.

Le nouvel employeur est tenu à l'égard du salarié de toutes créances salariales et autres éléments de rémunération non payés par l'ancien employeur, à charge de recours contre le cédant.

Mais l'article L. 1224-2 n'interdit pas au salarié d'agir en paiement directement contre son premier employeur ou à l'encontre des deux employeurs successifs en paiement des salaires échus à la date de la modification de leur situation juridique ; ces derniers sont tenus in solidum à son égard.

Le nouvel employeur n'est par contre pas tenu des créances de dommages-intérêts sanctionnant une faute de l'ancien employeur.

M. [R] est donc en droit de demander aux sociétés PANISUD et CRDC tout ce qui est créances salariales mais ne peut diriger sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé que contre la société PANISUD.

La société PANISUD ne saurait donc être mise hors de cause.

De plus dans les rapports entre elles, la société DRCR est bien fondée à demander que la société PANISUD assume ce que la cour estime lié à ses manquements.

Sur rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

L'article L.3171-4 prévoit qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail, accomplies, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, le contrat de travail du 7 octobre 1997 comporte à la rubrique intitulée 'clause horaire' les dispositions suivantes : 'Votre rémunération ne comporte aucune référence à un horaire défini. Vous vous engagez à consacrer le temps requis à l'exécution des tâches de votre emploi. Vous ne sauriez, en conséquence, prétendre à aucune majoration de rémunération au motif de dépassement d'horaire',

Mais il ressort des fiches de paie produites que M. [R] était payé sur la base de 151,67 heures par mois (2 650 euros brut par mois).

Il justifie avoir perçu une prime de fin d'année de 2006 à 2010 (1 847 euros en 2006, 2 462 euros en 2007, 2 439 euros en 2008 et 2 446 euros en 2009, 2 388 en 2010) mais le paiement d'une telle prime ne peut être considéré comme valant paiement d'heures supplémentaires.

Le salarié produit en outre au débat :

- une fiche de poste établie par l'employeur le 12 octobre 1998 selon laquelle il a la mission de diriger le magasin sous l'autorité de MM. [C] et [Z], dans laquelle sont inventoriées ses attributions, décrites ses activités, et définis ses horaires comme 'variables en fonction du magasin'

et, en annexe, ses tâches réparties de manière détaillée sur l'horaire suivant : lundi 7h-13h30 et 17h-18h30, mardi et jeudi 5h30-13h30 et 17h-18h30, mercredi repos, vendredi 7h-13h30 et 17h-18h30, samedi et dimanche 7h-13h30, soit au total 48 heures par semaine,

- une lettre qu'il a adressée à la société PANISUD le 7 juillet 2003 (en réponse à un courrier du 27 juin 2003) dans laquelle il écrit '...avoir toujours fait preuve d'un esprit constructif et responsable non seulement en manageant les boulangers de près mais aussi en les suppléant maintes et maintes fois et notamment à l'ouverture du magasin à 5h45 et ce, tous les jours même parfois lors de sa seule journée de repos',

- une autre qu'il a adressée le 28 janvier 2008 dans laquelle il écrit '...depuis l'exécution habituelle et quotidienne de mon contrat de travail j'assume déjà l'ensemble de ces obligations, allant d'ailleurs au-delà des termes de mon travail et de mon contrat ce qui me contraint à assurer un horaire quotidien d'au moins 10h par jour ...',

- un courrier de l'employeur en date du 29 avril 2009 lui notifiant un avertissement concernant la gestion du magasin et déplorant que '...malgré nos remarques verbales répétées, vous ne respectez pas vos propres horaires conformément à ceux que nous avions fixés ensemble, et vous les avez aménagés à votre façon. Nous vous rappelons une nouvelle fois et vous demandons de vous y conformer'. Lundi, mardi et vendredi : 8h-13h et 16h-17h30, mercredi : repos, jeudi et samedi : 8h-13h, et dimanche : 7h30-13h, soit un total de 35 heures par semaine,

- son courrier du 18 mai 2009 dans lequel il conteste l'avertissement et répond s'agissant de ses horaires de travail : 'je me suis strictement conformé à la fiche de poste que vous m'avez adressée par lettre du 12 octobre 1998 ainsi que vous avez pu le constater sur le registre de présence comportant le relevé des heures effectuées par l'ensemble des salariés de la boulangerie et tenu depuis plusieurs années. Les horaires que vous me notifiez et dont je prends connaissance pour la première fois à réception de votre lettre du 29 avril 2009 ne me permettront plus d'effectuer les tâches prévues dans la fiche de poste adressée par lettre du 12 octobre 1998 et se situant avant ou après les nouvelles périodes de travail. Je vous demande donc de bien vouloir me définir une nouvelle fiche de poste compte tenu de ces modifications horaires et me préciser à qui sont attribuées les tâches que j'effectue jusqu'à ce jour dans les plages horaire se situant notamment avant 8 heures le matin.',

- le courrier de son employeur en date du 26 mai 2009 accusant réception de sa lettre du 18 mai, maintenant l'avertissement mais ne répondant pas sur les horaires de travail,

- son courrier adressé à la société PANISUD le 15 juin 2009 dans les termes suivants : '...concernant le contrôle des livraisons, je vous rappelle que celui-ci a toujours été effectué par moi dès ma prise de poste à 5h30. Depuis les nouveaux horaires que vous m'avez notifiés par lettre du 29 avril 2009, le personnel qui me remplace a pour directive de contrôler tout ce qui est livré avant ma prise de poste à 8h (ou à 7h30 le dimanche)...Je vous rappelle que mes horaires avaient été fixés par la fiche de poste que vous m'avez adressée le 12 octobre et que j'ai toujours respecté cet horaire de travail lequel correspondait également aux tâches à effectuer. Au regard de cette fiche de poste il apparaît que mon horaire de travail s'est élevé à plus de 46 heures par semaine. Malgré ce aucune heure supplémentaire ne m'a été rémunérée à ce jour ni récupérée. Je vous demande donc de nouveau de me définir une nouvelle fiche de poste tenant compte de ces nouveaux horaires...',

- l'attestation de Mme [I] épouse [J] qui témoigne le 31 mai 2011, que le travail de responsable de magasin ne peut se faire en 35 heures hebdomadaire et que lorsqu'elle a travaillé avec M. [R] de 1997 à 1998, il faisait les horaires suivants : 5h30-13h30 et 16h-17h30 voir 18h.

Cette attestation doit être prise avec beaucoup de recul eu égard au contentieux prud'hommal ayant opposé ce témoin à la société PANISUD et dans le cadre duquel M. [R] a également témoigné pour cette collègue. Les horaires précis dont elle témoigne sont en outre très anciens et ne concernent pas la période sur laquelle M. [R] forme sa demande.

Les attestations de :

Mme [P], vendeuse à la retraite depuis octobre 2008, qui témoigne avoir de 2003 jusqu'au 29 octobre 2005 été amenée à remplacer M. [R] pendant ses jours de congés et de repos et précise 'A cet effet j'assurais ses horaires et notamment dès 5h30 du matin les jours où Mr [S] [R] devait prendre son poste à cet horaire et jusqu'à sa fin de poste',

Mme [F], vendeuse, qui témoigne avoir, d'octobre 2005 à avril 2009, été amenée à remplacer M. [R] pendant ses congés payés et ses jours de repos et précise 'j'assurais ses horaires notamment dès 5h30 le matin'.

Mme [L], vendeuse, qui témoigne avoir entre 2009 et la reprise du fonds par la société DRCR, été amenée à remplacer M. [R] pendant ses congés payés et précise 'j'assurais même ses horaires notamment dès 5h30",

La similitude des termes employés par ces trois témoins interroge et ceci d'autant plus qu'il est établi que lorsqu'il leur arrivait de faire des remplacements, ces trois salariés percevaient pour cela une prime de remplacement en fonction du nombre de jours mais pas d'heures supplémentaires. De plus, le témoignage de Mme [P] n'a pas trait à la période en cause dans le cadre de la présente instance et surtout ne permet pas de retenir comme le soutient M. [R] qu'il commençait tous les matins à 5h30.

- des registres de présence du personnel de septembre 2007 à juin 2009, selon lesquels il effectuait un horaire journalier généralement compris entre 10 heures et 11 heures.

Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer, au moins partiellement, sa demande.

Il invoque également une attestation produite par la société DRCR, celle de M. [D], boulanger, qui atteste prendre son poste à 3h tous les matins et être présent à l'arrivée de M. [R] à 5h30 tous les jours d'ouverture du magasin.

De son côté, l'employeur verse au débat :

- une note adressée aux responsables de magasin leur rappelant qu'ils ne doivent pas faire effectuer des heures supplémentaires au personnel de la boulangerie car celles-ci ne seront plus payées et les informant qu'il n'y aurait aucune dérogation à cette mesure qui entrera en vigueur dès le 26 avril 1996.

Cette note qui est ancienne ne concerne que le personnel de la boulangerie et pas le responsable.

- une directive de la direction du 3 octobre 2008 adressée aux responsables de magasin déplorant que depuis quelques mois ils ont accordé un certain nombre d'heures supplémentaires sans explication mettant la direction devant le fait accompli en fin de mois et leur demandant 'à l'avenir :

1) de respecter le planning mis en place,

2) en cas de nécessité, si vous devez y apporter des changements (et en particulier si vous faites faire des heures supplémentaires), vous devez IMPÉRATIVEMENT nous envoyer un fax, LE JOUR MEME en précisant le nom de la personne de la personne qui devra effectuer ces heures, celui de la personne remplacée, et LE MOTIF de ce changement...',

- une télécopie autorisant M. [R] à arriver à 5h30 au lieu de 8h le jeudi 11 juin 2009 et lui demandant de récupérer les 2h30 avant la fin de la semaine en indiquant par retour le détail de cette récupération,

- une fiche remplie par M. [R] dans le cadre de cette directive, pour lui-même les 2, 3, 9 et 10 janvier 2010 (total 18 heures),

- deux courriers de l'employeur en date des 10 et 18 janvier 2010, comptabilisant les heures supplémentaires effectuées par M. [R] (respectivement 15h30 et 18h) et lui demandant de les récupérer au plus tôt en communiquant les dates de récupération.

- une attestation rédigée par M. [R] le 29 mai 2011 (et dont il n'est pas contesté qu'elle a été produite dans le cadre de l'instance prud'hommale ayant opposé la société PANISUD et Mme [I] épouse [J]) dans ces termes : 'Panisud m'avait fixé un horaire sur la base de 35h/ semaine sachant qu'elle savait pertinemment que l'ensemble des tâches qu'elle me demandait d'exécuter pouvait être difficilement réalisées dans les horaires impartis par celle-ci'.

Par ailleurs, il conteste non pas la fiche de poste du 12 octobre 2008 en elle-même (deux pages) mais l'annexe (deux autres pages) sur laquelle les tâches sont réparties pour chaque jour travaillé selon un horaire très précis et découpé.

Il y a en effet un doute sur cette annexe versée au débat par le salarié. Non seulement le courrier de présentation adressé au personnel intitulé 'note au personnel', daté du 12 octobre 1998,vise uniquement les rubriques de la fiche de poste elle-même ('à la demande de la caisse régionale d'assurance maladie, nous avons établi une fiche reprenant pour chaque poste : les caractéristiques, les travaux à effectuer, les risques liés au poste de travail, les protections spécifiques, les produits chimiques utilisés éventuellement et la conduite à tenir en cas d'accidents'), mais en outre l'annexe produite par M. [R] dont le format de police et la présentation ne correspondent pas à celle de la fiche de poste elle-même, est en contradiction avec la fiche qui, s'agissant des horaires, les présente comme 'variables'.

Toutefois, dans deux courriers M. [R] fait référence à cette fiche et même expressément (dans celui du 15 juin 2009) aux horaires fixés dans ce cadre, sans que l'employeur n'ait répondu sur ce point et n'ait donc contesté l'annexe ou les horaires invoqués sur cette base.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'il convient de distinguer deux périodes ; celle jusqu'au 30 avril 2009 et celle postérieure (c'est d'ailleurs ce que fait M. [R] dans ses écritures).

Du 1er mai 2006 au 30 avril 2009, M. [R] produit des éléments étayant sa demande. Il effectuait un horaire largement supérieur au seuil de déclenchement des heures supplémentaires sans que ces heures supplémentaires ne lui soient payées et sans qu'il soit allégué qu'il les ait récupérées. Il en a toutefois récupérées quelques unes ainsi que cela ressort des registres produits (les 9 et 10 février, 23 avril, 1er août et 14 septembre 2008, ainsi que les 11 janvier et 10 avril 2009).

La société PANISUD ne fournit aucun élément sur les horaires effectivement réalisés par son salarié, pas de planning précis et individualisé qui serait contraire à celui allégué par M. [R] sur la base de la fiche de poste.

Il ne peut être sérieusement contesté que les heures effectuées par M. [R] étaient rendues nécessaires non seulement par les tâches qui lui étaient confiées mais également par des problème de personnel (absences ou retard des boulangers par exemple).

Pour calculer les heures supplémentaires qu'il a effectués, M. [R] se base non sur les registres de présence du personnel mais sur l'horaire annexé à la fiche de poste soit 48 heures par semaine dont il convient de rappeler qu'il n'a jamais été contesté par l'employeur avant la procédure en cours.

Il importe peu que le salarié n'ait pas expressément réclamé le paiement de ces heures supplémentaires avant sa demande de résiliation judiciaire.

Après le 30 avril 2009, le registre des heures n'est plus rempli le concernant et M. [R] s'est soumis à l'horaire prescrit par son employeur à savoir 35 heures par semaine tout en déplorant que ça ne lui permettait plus d'effectuer les mêmes tâches qu'auparavant et en réclamant une nouvelle fiche de poste qu'il n'a jamais reçue. Mais il s'est organisé différemment et a pu notamment faire exécuter certains tâches comme la réception des livraisons matinales, par d'autres salariés en poste à ces heures là. Il n'a dès lors plus effectué systématiquement des heures supplémentaires et lorsqu'il en a effectuées il a, soit demandé l'autorisation (juin 2009), soit suivi les directives en remplissant une fiche (janvier 2010). Dans ce cas, l'employeur lui a systématiquement demandé de les récupérer, et M. [R] ne justifie nullement qu'il n'a pas pu le faire.

Il convient donc de faire droit à la demande de M. [R] mais uniquement sur la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2009, en lui allouant la somme de 46 661 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires outre 4 661 euros de congés payés afférents, et de le débouter pour le surplus.

Conformément à la demande du salarié, les deux employeurs successifs seront condamnés in solidum au paiement de ces sommes mais la société PANISUD à laquelle incombait le paiement des heures supplémentaires, devra rembourser à la société DRCR les sommes qu'elle serait amenée à payer à M. [R] à ce titre.

Sur le repos compensateur

Chaque heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent ouvre droit à un repos compensateur.

M. [R] a comptabilisé les heures effectivement réalisées (sur la base de 48 heures par semaine) et produit un calcul du repos compensateur dû, étant précisé que les sociétés PANISUD et DRCR ne contestent pas le contingent annuel conventionnel retenu par M. [R] dans ses calculs, soit 180 heures.

Ainsi qu'il a été dit plus avant, M. [R] a récupéré certaines heures supplémentaires.

Au vu des pièces et calculs produits, la cour fait partiellement droit à la demande en allouant à M. [R] pour la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2009, la somme de 10 000 euros outre 1 000 euros au titre des congés payés afférents.

Conformément à la demande du salarié, les deux employeurs successifs seront condamnés in solidum au paiement de ces sommes mais, dans les rapports entre elles, la société PANISUD à laquelle est imputable le non octroi du repos compensateur, devra rembourser la société DRCR des sommes qu'elle serait amenée à payer à M. [R] à ce titre.

Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Selon l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail,

La dissimulation du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur, en ne mentionnant pas les heures supplémentaires sur les bulletins de paie, a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, la seule circonstance que l'employeur n'ait pas procédé au paiement d'heures supplémentaires qu'il conteste et dont le paiement n'a pas été expressément réclamé par M. [R] pendant l'exécution de la relation de travail, est insuffisante pour justifier de son intention frauduleuse.

La demande de M. [R] de ce chef doit rejetée.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

En l'espèce, la demande de résiliation judiciaire ayant été formée avant le licenciement, il convient de statuer en premier lieu sur cette demande.

M. [R] reproche à son employeur deux types de faits :

- 1 la violation des fonctions issues du contrat de travail

M. [R] fait valoir que dès la reprise de la boulangerie par la société DRCR et le transfert de son contrat de travail, il a été mis à l'écart de ses fonctions ; qu'on lui a notamment supprimé l'accès au coffre, à son bureau, aux réunions du personnel, qu'on lui a interdit de répondre au téléphone, qu'on lui a supprimé tout pouvoir hiérarchique sur le personnel, la gestion des commandes, les relations avec les fournisseurs et la gestion de la caisse, et qu'on l'a affecté à la préparation et la cuisson des produits. Il précise que ses fonctions ont été reprises par M. [E], gérant de la société DRCR, une vendeuse prénommée [O] et la directrice du personnel Mme [O] [Q].

A l'appui de ce grief il verse le témoignage de Mme [L] qui atteste que 'les fonctions de Mr [R] ont été reprises par Mr [E] [U] et par deux autres personnes, la vendeuse [O] et par la directrice du personnel nommé [O] également', que 'le mardi 26 avril 2011 il y a eu une réunion du personnel organisée par [O] directrice du personnel qui a refusé, en ma présence l'accès à la réunion à Mr [R]' et que pendant cette réunion, la directrice du personnel 'nous a dit à l'avenir il n'y aura plus de responsable de magasin mais des bras droits choisis parmi les vendeuses', que M. [R] 'n'exerçait plus les fonctions de responsable du magasin, à la place celui-ci avait été affecté à la cuisson et à la fabrication', et qu'il 'ne donne plus de directives au personnel, plus de gestion du planning, ne s'occupe plus des commandes et qu'on lui a retiré les clefs du coffre et de son bureau'.

Cette attestation est confirmée par celle de M. [N] qui témoigne le 26 août 2011 que '...depuis le 23 avril 2011 son travail n'était plus celui d'un responsable il consistait à fabriquer des pizzas des quiches des tourtes à cuire du pain Il n'était plus question pour lui de diriger le personnel il ne possédait plus les clés du bureau et du coffre ...il lui a même été interdit d'assister à une réunion de vendeuses. Je ne recevais plus non plus de directives de sa part mais de la part de [O] la nouvelle responsable et de monsieur [E].'

M. [R] a écrit à son nouvel employeur dès les 11 et 17 mai 2011 pour lui faire part de l'ensemble de ces éléments et lui demander dans un premier temps si les modifications apportées à son travail sont définitives, et dans un deuxième temps de mettre fin à ces agissements.

De son côté la société DRCR produit cinq attestations.

Une attestation de M. [N] en date du 24 mai 2011 (dont l'écriture est différente de celle produite par M. [R] mais pas la signature) qui fait état de ce que depuis le changement d'employeur il commence tous les jours sauf mercredi à 11h30 et 'relève Mr [R] qui lui termine dès mon arrivée' ce que confirme Mme [M] (attestation du 23 mai 2011).

Une attestation de M. [G] qui témoigne le 6 juin 2001 que le travail de M. [R] n'a pas changé avec l'arrivée de M. [E] 'si ceux n'ai que plus alléger'.

Mme [Q] déclare à la fois qu'il n'a jamais été question qu'elle soit employée par la SARL DRCR mais que 'à l'occasion quand le gérant n'était pas disponible je le secondais en tant que bras droit' ; on est en droit de ce se demander à quel titre elle intervenait en tant que bras droit si elle n'était pas alors salariée. Il ressort des pièces produites par la société DRCR elle-même que finalement cette personne sera embauchée par M. [E] dans un de ses points de vente le 1er octobre 2012. Mais surtout, le terme même employé par ce témoin qui se qualifie de bras droit du gérant montre à quel point elle est impliquée dans la gestion des affaires de ce gérant.

M. [O] [A] qui est la vendeuse dont parlent Mme [L] et M. [N], témoigne mais sans dater son attestation, que ses relations avec M. [R] qu'elle n'a 'jamais agressé ni empêché de faire quoique ce soit', ont été 'sans problème jusqu'au jour où il est devenu agressif envers moi et les autres employés' sans plus de précision. Elle est la seule à parler d'agressivité et d'autoritarisme concernant M. [R] qui lui de son côté dénonce dans le courrier adressé à son employeur le 17 mai 2011 qu'elle l'a agressé verbalement le 13 mai 2011 devant des clients.

Il ressort très nettement de l'ensemble de ces éléments que dès le reprise du fonds, le nouvel employeur a privé M. [R] d'une partie essentielle de ses fonctions notamment celles consistant d'après la fiche de poste à 'animer et coordonner les différentes équipes, régler les éventuels litiges entre équipes, coordonner les équipes et maintenir un bon climat social, fixer les planifications horaires et congés payés, veiller à la bonne tenue du cahier de caisse et utiliser les cadenciers de commandes'.

Les attestations, y compris celles produites par l'employeur, démontrent que contrairement à ce que soutient la société DRCR il y a eu un changement important dans le travail de M. [R] qui curieusement finit sa journée à 11 heures ce qui n'était pas le cas auparavant et ne correspond manifestement pas à un horaire de responsable de magasin.

Le fait d'être exclu d'une réunion du personnel du magasin dont il est censé être responsable et ce dès le 26 avril 2011, c'est à dire trois jours après le changement d'employeur, par Mme [Q] qui se qualifie elle-même de bras droit et annonce aux personnes présentes à cette réunion qu'il n'y aura plus de responsable de magasin, monte à quel point M. [R] a très vite été mis à l'écart.

Dans ces conditions, la société DRCR est mal venue d'évoquer une nécessaire période d'adaptation et d'observation.

M. [R] a été très affecté du traitement qui lui a été réservé et, alors qu'il n'avait aucun antécédent psychiatrique, le docteur [B], psychiatre, atteste qu'il a présenté un 'état dépressif caractérisé, sans symptôme psychotique, de nature réactionnel...avec souffrance morale, perte de confiance en soi, troubles cognitifs, troubles du sommeil, asthénie globale à la fois physique et psychologique, perte de rendement, perte de l'anticipation, état anxieux profond'.

Cet état a nécessité une prise en charge psychiatrique et a conduit le médecin du travail a le déclarer inapte .

Ce premier grief est établi.

- 2 le non paiement des heures supplémentaires et le non octroi du repose compensateur.

Ainsi qu'il a été jugé plus avant ce deuxième grief est établi.

La demande de résiliation judiciaire formée par le salarié est donc justifiée ; il convient d'y faire droit avec effet à compter du licenciement.

Cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur les incidences indemnitaires de la rupture

Au moment de la rupture, M. [R] avait plus de 14 ans d'ancienneté.

La société DRCR comptait habituellement 11 salariés. Cela ressort de l'attestation pôle emploi remplie par l'employeur et il importe peu comme le soutient ce dernier (sans en rapporter la preuve) qu'au moment de la rupture l'effectif ait été en équivalent temps plein de moins de onze salariés, puisque ce qui compte c'est l'effectif habituel et non l'effectif présent au moment du licenciement.

Il n'est pas contesté que la rémunération brute dont bénéficiait le salarié pendant les six derniers mois était de 2 650 euros par mois ; c'est le montant retenu par M. [R] lui-même dans ses écritures pour l'année 2011 alors que pour les années précédentes il avait en outre inclus une prime annuelle, étant observé qu'il n'allègue pas avoir perçu une prime annuelle en 2011 et qu'il ne produit pas sa fiche de paie de décembre 2011. Dans ces conditions, M. [R] n'est pas fondé à inclure, comme il le fait, dans le calcul de sa rémunération brute des douze derniers mois d'activité la prime annuelle de 2010.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférants

Au visa des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, et tenant compte de l'ancienneté dans l'entreprise et du salaire brut perçu à la date du licenciement, M. [R] est en droit de prétendre à la somme de 5 300 euros, outre celle de 530 euros au titre des congés payés afférents, de telle sorte que le jugement doit être infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité de licenciement

Selon les articles L 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté (auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté).

En application de ces dispositions, et sur la base d'un salaire brut de 2650 euros, M. [R] a perçu une indemnité de licenciement de 9 261,66 euros.

Il ne peut prétendre à plus car cette indemnité ne saurait être calculée sur la base d'un salaire brut de 2 849 euros comme il le sollicite.

Il prétend à une indemnité complémentaire sur le fondement des articles 33 et 34 de la convention collective applicable. L'article 33 de cette convention prévoit que le salarié âgé d'au moins 55 ans, licencié suite à inaptitude médicalement constatée, percevra en complément de l'indemnité légale de licenciement, une indemnité complémentaire dont le montant sera égal à la différence entre l'indemnité théorique de départ (et non de mise) à la retraite prévue par l'article 34 et son indemnité de licenciement. L'indemnité conventionnelle de départ à la retraite étant de 1 mois et demi de salaire entre 15 et 20 ans d'ancienneté comme c'est le cas de M. [R], soit inférieure à son indemnité de licenciement, il n'y a pas lieu à indemnité complémentaire.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou abusif)

Selon l'article L. 1235-3 du code du travail applicable en l'espèce, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et qu'il n'y a ni demande ni accord sur sa réintégration dans l'entreprise, le juge lui octroie une indemnité ; cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement.

En l'espèce, compte tenu de l'ancienneté de M. [R], de son âge, de sa qualification, et de sa rémunération, ainsi que des circonstances de la rupture, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, il convient de fixer l'indemnité à la somme de 50 000 euros, de telle sorte que le jugement doit être infirmé sur ce point.

M. [R] dirige sa demande d'indemnité pour licenciement abusif uniquement à l'encontre de la société DRCR. Mais eu égard aux manquements respectifs des employeurs successifs, la cour estime que la société DRCR est fondée à demander à être relevée et garantie de cette condamnation par la société PANISUD à concurrence de la moitié.

Sur les autres demandes

Les intérêts au taux légal avec capitalisation sur le fondement de l'article 1154 du code civil sur les sommes sus visées seront dus dans les conditions précisées au dispostif.

Les employeurs successifs qui succombent ne peuvent bénéficier de l'article 700 du code de procédure civile et doivent être tenu aux dépens.

La somme de 3 000 euros dit être allouée à M. [R] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en matière prud'homale,

Dit n'y avoir lieu d'écarter du débat les registres d'entrée et de sortie du personnel communiqués par la société DRCR (pièce 36) ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [R] au torts de l'employeur pour violation des fonctions, mise à l'écart, non paiement des heures supplémentaires et non octroi du repos compensateur, en ce qu'il a alloué à M. [R] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné les sociétés PANISUD et DRCR aux dépens ;

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur ce point sur les points réformés et y ajoutant,

Déboute M. [S] [R] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

Déboute M. [S] [R] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents pour la période du 1er mai 2009 au 30 avril 2011 ;

Déboute M. [S] [R] de sa demande d'indemnité complémentaire de licenciement ;

Condamne in solidum la SNC PANISUD et la SARL DRCR, prise chacune en la personne de son représentant légal, à payer à M. [S] [R] les sommes suivantes :

- 46 661 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période du 1er mai 2006 au 30 avril 2009,

- 4 661 euros pour les congés payés afférents,

- 10 000 euros au titre de rappel de repos compensateur,

- 1 000 euros pour les congés payés afférents,

Dit que la SNC PANISUD devra rembourser à la SARL DRCR les sommes que cette dernière serait amenée à payer au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et des congés payés afférents ;

Condamne la SARL DRCR, prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [S] [R] les sommes suivantes :

- 5 300 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 530 euros pour les congés payés afférents,

- 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que dans les rapports entre-elles, la SNC PANISUD devra relever et garantir la SARL DRCR de la somme mise à sa charge à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à hauteur de la moitié ;

Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l'article 1154 du code civil sont dus à compter de la demande initiale sur les créances salariales (rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur et de préavis), et à compter du présent arrêt pour les autres sommes,

Condamne solidairement la SNC PANISUD et la SARL DRCR, prise chacune en la personne de son représentant légal, à payer à M. [S] [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement les SNC PANISUD et la SARL DRCR, prise chacune en la personne de son représentant légal, aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/15301
Date de la décision : 28/02/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°13/15301 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-28;13.15301 ?
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