COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 20 FEVRIER 2014
N° 2014/82
Rôle N° 12/09107
[G] [I]
C/
[C] [D] [H]
CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE
Grosse délivrée
le :
à :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 04 Avril 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 1111-4206.
APPELANT
Monsieur [G] [I]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 12/9625 du 19/09/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
né le [Date naissance 2] 1965, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Fabrice GILETTA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [C] [D] [H]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par la SCP W, JL& R LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Carla SAMMARTANO, avocat au barreau de MARSEILLE
CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, [Adresse 2]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Jacqueline FAURE, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christiane BELIERES, Présidente
Mme Jacqueline FAURE, Conseiller
Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Février 2014. Le 06 Février le délibéré a été prorogé au 20 Février 2014.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Février 2014,
Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Priscilla BOSIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige :
Les 29 avril et 20 mai 2009, M. [I] a subi des infiltrations d'Altim prescrites par le Dr [D] [H] pour remédier à des douleurs dorsales, à la suite desquelles, il a présenté un diabète.
L'expert [Z], désigné par ordonnance de référé du 10 septembre 2010, a déposé son rapport en date du 21 mars 2011.
Par acte du 19 octobre 2011, M. [I] a fait assigner le docteur [D] [H] devant le tribunal d'instance de Marseille en réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance.
Par jugement du 25 avril 2012, le tribunal, relevant que le demandeur a reçu une information appropriée et qu'il ne conserve aucun préjudice en lien avec les soins litigieux, a :
- débouté M. [I] de sa demande,
- laissé les dépens à sa charge, avec recouvrement comme en matière d'aide juridictionnelle.
Par acte en date du 21 mai 2012, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [I] a interjeté appel général de cette décision.
Prétentions et moyens des parties :
Par conclusions du 2 août 2012, M. [I] demande à la cour, au visa de l'article 1147 du code civil, de :
- réformer le jugement,
- juger que le docteur [D] [H] a manqué à son obligation d'information,
- le condamner à lui payer les sommes de :
. 10 000 € au titre de la perte d'une chance,
. 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ainsi que les entiers dépens.
L'appelant soutient que l'intimé a été défaillant dans son obligation de l'informer des risques encourus, en ce compris les risques exceptionnels et qu'eu égard au recours possible à d'autres traitements, il a perdu une chance de ne pas souffrir d'un diabète de type 2.
Par conclusions du 2 octobre 2012, le docteur [D] [H] demande à la cour, au visa des articles L 1142-1 et L 1111-2 du code de la santé publique, de :
- débouter M. [I] de son appel,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- condamner M. [I] à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
Il souligne que les soins dispensés ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science. Il fait valoir que la complication subie par M. [I] est exceptionnelle et qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une perte de chance réelle et sérieuse, alors qu'un premier traitement identique avait été parfaitement toléré et que l'état de santé de M. [I] justifiait de nouvelles infiltrations.
Par lettre du 9 août 2013, la CPAM des Bouches du Rhône indique n'avoir aucune réclamation à formuler.
La CPAM, régulièrement assignée à personne habilitée par acte en date du 30 août 2012, n'ayant pas constitué avocat, il convient de statuer par arrêt réputé contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile.
Motifs :
En vertu de l'article L 1111-2 du code de la santé publique, le droit d'information dû à toute personne sur son état de santé porte notamment sur les traitements proposés et les risques fréquents ou graves normalement prévisibles.
Le médecin n'est pas dispensé de cette information par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu'exceptionnellement, la seule condition étant qu'ils soient connus du médecin.
L'expert judiciaire, dont les conclusions ne sont remises en cause par aucun avis médical contraire, indique que :
- M. [I] a signé à deux reprises une information sur l'infiltration foraminale de cortisoniques les 29/04/2009 et 20/05/2009,
- s'il est vrai que l'information écrite et signée de M. [I] ne fait pas état de la possibilité de diabète induit, il faut souligner que cette complication reste exceptionnelle selon deux études récentes publiées en 2007 et 2009,
- il n'est pas inintéressant de noter qu'en décembre 2006, à l'hôpital Ambroise Paré, M. [I] avait bénéficié d'une infiltration articulaire qu'il avait parfaitement tolérée,
- les antécédents de M. [I] témoignent d'un long passé rachidien douloureux chronique avec exacerbation lors d'un traumatisme ayant rendu nécessaire la réalisation des infiltrations foraminales et d'un terrain psychiatrique avec suivi régulier du Dr [F], psychiatre,
- le diagnostic et les soins pratiqués par le Dr [D] [H] ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science. Il ne peut être relevé une imprudence, une inattention ou une négligence de ce médecin,
- malgré l'important trouble de la personnalité avec éléments psychotiques, angoisse de fond, troubles de la communication, M. [I] était en mesure de saisir le sens et la portée de l'information qui lui a été donné sur les infiltrations foraminales réalisées par la suite,
- il n'y a aucun lien de causalité direct et certain entre l'état pathologique actuel qui associe lombalgies chroniques depuis 2003 et état psychotique ancien et les infiltrations foraminales effectuées dans les règles de l'art par le Dr [D] [H],
- en l'absence d'atteinte séquellaire, il n'a pas été fixé d'Atteinte à l'Intégrité Physique et Psychique ni de date de consolidation,
- aucun préjudice n'est à retenir.
Les informations écrites données à M. [I] les 29 avril et 20 mai 2009, relatives à l'infiltration foraminale de cortisoniques qu'il allait subir et dont le Dr [D] [H] produit copie, indiquent notamment que l'infiltration prévue peut diminuer la douleur du patient, mais que le résultat n'est pas constant, qu'un risque de complication n'est pas exclu et qu'il existe, comme pour toute ponction, un risque d'infection, mais que toutes les précautions sont prises pour l'éviter.
Il en résulte que si l'appelant a été informé des risques habituels du traitement préconisé, il n'a pas été informé du risque exceptionnel de contracter un diabète, alors que ce risque était connu de l'intimé.
Il convient alors de rechercher si M. [I] a perdu une chance sérieuse de refuser le traitement proposé et, ainsi, de ne pas souffrir d'un diabète.
A cet égard, il sera relevé que les infiltrations proposées étaient nécessaires pour remédier aux lombalgies chroniques de l'appelant, tandis qu'une précédente infiltration subie le 19 décembre 2006, n'avait entraîné aucune complication, ainsi que le souligne l'expert en page 6 de son rapport.
Le refus de ce traitement est en conséquence peu probable, si bien qu'il n'est pas fait la preuve d'une perte de chance sérieuse de ne pas subir un diabète, qui, au demeurant, est aujourd'hui guéri.
M. [I], qui succombe en cause appel, supportera la charge des entiers dépens.
L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit du Dr [D] [H].
Décision :
La cour,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit du Dr [D] [H] ;
- Condamne M. [I] aux entiers dépens d'appel, dont le recouvrement aura lieu dans les conditions prescrites par l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT