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06/02/2014 | FRANCE | N°12/11350

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 06 février 2014, 12/11350


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 06 FEVRIER 2014



N° 2014/77













Rôle N° 12/11350





[V] [A]





C/



SAS SHARK

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Martine PANOSSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Yves MORAINE, avocat au barreau de MARSEILLE

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Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 08 Juin 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1826.







APPELANT



Monsieur [V] [A], demeurant [Adresse 2]



compa...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 06 FEVRIER 2014

N° 2014/77

Rôle N° 12/11350

[V] [A]

C/

SAS SHARK

Grosse délivrée

le :

à :

Me Martine PANOSSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Yves MORAINE, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 08 Juin 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1826.

APPELANT

Monsieur [V] [A], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Martine PANOSSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS SHARK, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Yves MORAINE, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Madame Annick CORONA, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Février 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Février 2014.

Signé par Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [V] [A] a été engagé par la société Test Moto suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er Septembre 1993 en qualité d'assistant à la direction commerciale

Par avenant au contrat en date de Novembre 1998 ,la société SHARK a été substituée à la société Test Moto ,Monsieur [A] ayant été nommé directeur des ventes France et du service compétition moyennant , dans le dernier état de la relation de travail , un salaire mensuel brut de 15 000€ .

Au cours de l'année 2005 ,les codirigeants ont cèdé leurs parts dans la société SKARK au fonds d'investissement Atria Partenaires ,l'équipe managériale ,dont Monsieur [A] a pris 20% du capital .

Le 9 Mars 2011 ,le fonds d'investissement Perceval Capital a racheté les parts de la société ,la même équipe managériale perdant la totalité de ses parts du capital .

Par lettre recommandée en date du le 11 Mars 2011, une mise à pied à titre conservatoire a été notifiée à Monsieur [A] lequel a été convoqué à un entretien préalable fixé le 24 Mars 2011 , par lettre recommandée du 29 Mars 2011 avec avis de réception, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave.

Par courrier en date du 31 Mars 2011 , le salarié a contesté chacun des griefs exposés dans la lettre de licenciement .

Contestant la légitimité de son licenciement, Monsieur [A] a , le 12 Avril 2011 , saisi le conseil de prud'hommes de Marseille , section encadrement , lequel , par jugement en date du 8 Juin 2012 a :

*Dit le que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse

*Condamné l'employeur à payer au salarié:

-45000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant aux 3 derniers mois de salaire brut ;

-4500 € à titre de congés payés sur préavis,

-96 384,48€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

-8307,51€ à titre de rappel mise à pied ;

-830,75€ au titre des congés payés y afférents ;

-90 000€ au titre de l'indemnité relative à la clause de non concurrence;

-1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

*Débouté Monsieur [A] de ses autres demandes (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,pour perte injustifiée de DIF ,pour circonstances vexatoires ,indemnité de préavis ,intérêts de droit à compter de la saisine ,et dénonciation du solde de tout compte )

*Condamné l'employeur aux dépens.

Le 21 Juin 2012 , Monsieur [A] a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 25 Novembre 2013 , l'appelant demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives à l'indemnité conventionnelle et aux sommes allouées à titre de rappel sur mise à pied et à titre de congés payés sur ce rappel .

Il sollicite l'infirmation du jugement pour le surplus et la condamnation de l'intimée à lui verser les sommes suivantes :

-650 000€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-46 388,25 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-4639 € pour les congés payés afférents,

-180 000€ au titre de l'indemnité relative à la clause de non concurrence;

-12 500 € à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée du DIF ;

-30 000€ à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoire ;

-3000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

-Condamner l'intimée à prendre en charge les dépens.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 25 Novembre 2013, aux termes desquelles elle forme un appel incident , la société SHARK conclut à titre principal à l'infirmation du jugement entrepris Elle entend voir constater que le licenciement pour faute grave de Monsieur [A] est justifié et débouter celui-ci de l'ensemble de ses demandes .

A titre subsidiaire ,elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et la limitation des condamnations prononcées à son encontre aux montants suivants :

-45000€ au titre de l'indemnité de préavis ;

-96 384,48€ au titre de l'indemnité conventionnelle ;

-8307,51€ au titre du rappel de salaire pour la mise à pied outre 830,75€ pour les congés payés y afférents ;

A titre plus subsidiaire ,elle entend voir limiter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 90 000€ correspondant à 6 mois de salaire brut ;

Elle demande à ce qu'il soit constaté que Monsieur [A] a été libéré de son obligation de non concurrence ,et ne justifie d'aucun préjudice particulier en relation directe avec la nullité de la clause de non concurrence ,l'indemnité mise à sa charge au titre de cette nullité devant être limitée à 1000€ .

L'intimée conclut en outre à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses autres demandes ;

Elle sollicite le paiement de la somme de 4500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'appelant à prendre en charge les dépens .

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Selon l'article L1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce ,aux termes de la lettre de licenciement il est reproché à Monsieur [A] les faits suivants :

'

Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement inadmissible constitutif d'une faute grave, ce dont

nous vous avons fait part lors de notre entretien préalable en date du 24 mars 2011 lors duquel vous étiez. assisté par Monsieur [H] [I] ,salarié et représentant du personnel de la société.

Par ailleurs était présente Mademoiselle [Z] [W], Responsable Ressources Humaines à ma

demande.

Nous vous reprochons pour l'essentiel d'avoir eu envers plusieurs salariés de l'entreprise une attitude

incorrecte qui s'est manifestée par des propos agressifs, indélicats, incorrects, discourtois ou méprisants, au point que plusieurs de vos collègues de travail en ont été sérieusement affectés jusque dans leur santé aumoins pour l'un d'entre eux.

Ainsi, Mademoiselle [G] [O] m'a informé par courrier électronique du 2 mars 2011 à 17h49 qu'elle ne pouvait plus supporter votre attitude agressive envers elle en m'indiquant notamment « [V] [A] m'a déjà à plusieurs reprises agressée verbalement. Je ne peux pas tolérer d'être insultée, méprisée ou agressée verbalement sur mon lieu de travail... ''.

J'ai naturellement interrogé immédiatement Mademoiselle [O] qui a confirmé les faits et m'a

indiqué qu'elle n'était pas la seule à en être victime. .

D'autres salariés m'ont ensuite effectivement confirmé avoir été victimes de votre part de faits du même type ou avoir constaté que certains de leurs collègues en étaient victimes.

L'un d'entre eux m'a suggéré d'interroger Mademoiselle [B] [E] qui avait quitté notre entreprise après un CDD de quelques mois et comme suite à un arrêt de travail en date du ler octobre 2010.

Celle-ci m'a décrit longuement dans un courrier qu'elle m'a adressé le « harcèlement grave '' dont elle a été victime de votre part en donnant des exemples de votre attitude irrespectueuse et agressive, en insistant sur les symptômes de la dépression réactionnelle que cela lui a causé (trouble du sommeil, trouble de la concentration, hyperactivité, humeur triste, trouble de l'alimentation, pessimisme, dévalorisation, idées noires.. -).

Madame [F] ET conclut ainsi son courrier: « Je vous encourage à prendre les mesures nécessaires à l'encontre de ce monsieur dont je n'ai pas été la seule victime, même si pour ce qui me concerne j'aí eu la chance de m'en remettre et d'oublier ce petit chef agressif et insultant qui transforme Ie travail en véritable enfer ».

Plusieurs autres salariés, y compris cadres, nous ont encore une fois confirmé ces faits qui, outre qu'ils sont par nature et moralement si j'ose dire inadmissibles, étaient susceptibles aussi de mettre en jeu la

responsabilité de la société en tant qu'employeur.

La mise à pied conservatoire sans salaire est confirmée.

Vous cesserez définitivement d'appartenir à notre personnel à la date de notification de ce courrier.

Nous vous libérons par ailleurs parla présente de la clause de non concurrence qui était prévue par votre

contrat de travail et plus généralement de toute obligation de non concurrence.

Vous pourrez vous présenter, après réception de la présente, dans les locaux administratifs de notre siège

pour recevoir les sommes vous restant dues au titre des indemnités de congés payés, retirer votre certificat de travail et votre attestation POLE EMPLOI qui seront à votre disposition.

Nous vous précisons qu'en raison de la gravité de la faute qui vous est reprochée, vous perdez vos droits

acquis au titre de votre droit individuel à formation.

Nous vous informons que conformément aux textes réglementaires, le maintien de la couverture prévoyance'.....

*********

Aux termes d'un courrier électronique en date du 2 Mars 2011 ,confirmé par une attestation établie dans les formes légales le 2 Mars 2012 ,Melle [O] ,responsable communication , affirme avoir été victime ,de la part de Monsieur [A] , d'un traitement agressif au-delà des limites acceptables dans une relation de travail ,ne plus supporter le dénigrement de ses actions ,ses insultes ,la force et le ton de ses propos ,et son attitude de 'petit chef'

La société SHARK fait valoir que dès la réception de ce courrier électronique ,elle a ,dans le cadre de son obligation légale de sécurité , mené une enquête auprès des autres salariés afin de vérifier les allégations de Melle [O]

Elle explique que par courrier électronique daté du 11 Mars 2011 ,dont les termes sont confirmés par une attestation établie dans les formes légales le 24 Février 2012 ,Melle [E] qui, a quitté la société plusieurs mois auparavant ,révèle avoir subi de la part de Monsieur [A] ,son supérieur hiérarchique un harcèlement grave .

Elle explique que son supérieur critiquait son travail de manière régulière ,contredisait ses dires ,lui reprochait insinueusement et règulièrement de ne pas aller plus vite et précise que ce qui l'a fait craquer, c'est la pression qu'il exerçait sur elle ,son manque de respect permanent et ses paroles déplacées.

Elle indique qu'elle recevait de façon permanente des directives floues et contradictoires et que les tâches étaient mal définies .

Elle décrit deux événements caractéristiques de directives contradictoires suivies de reproches irrespectueux et infondés qui se sont déroulés en Septembre 2009 .

Elle affirme que ces faits sont à l'origine de la dégradation de son état de santé et des premiers symptômes de la dépression réactionnelle qu'elle a subie d'Avril 2010 à Octobre 2010 ;

Elle joint à son témoignage l' attestation d'un psychologue lequel indique avoir pris en charge le suivi psychologique de Madame [E] dans le cadre de sa dépression réactionnelle.

La société SHARK expose que plusieurs autres témoignages confirment le comportement de Monsieur [A] ainsi :

Monsieur [X] ,salarié de la société depuis 2002 ,atteste que Monsieur [A] avait un comportement extrêmement méprisant ,donnait des ordres complètement inutiles comme celui de faire nettoyer les roues d'un camion destiné à être stationné plusieurs semaines ajoutant que sa phrase préférée était 'si t'es pas content ,t'es viré'.

Monsieur [P] confirme l'existence de ' prises à partie' régulières , agressives et méprisantes de la part de Monsieur [A] à l'égard des salariés et le lien entre ce comportement et les arrêts de travail et le départ de l'entreprise de plusieurs salariés .

Monsieur [U] (directeur d'une filiale du groupe SHARK ) ,atteste avoir travaillé avec Monsieur [A] de Janvier à Décembre 2009 et avoir constaté que celui-ci a régulièrement eu ,au cours des réunions ,un comportement agressif et insolent .

Il évoque notamment une agression verbale véhémente qu'il a subi de la part de ce salarié au sujet d'une remarque qui avait été faite sur l'absence d'atteinte des objectifs de ventes prévues sur le marché français et affirme que ces soucis lui ont créé un stress non négligeable l'ayant conduit à partir travailler au Portugal.

Monsieur [L] (dirigeant par intérim de la société SHARK de Novembre 2006 à Mars 2008)

explique qu'un incident était survenu concernant Monsieur [D] ( salarié du service informatique) lequel aurait été violemment pris à partie et menacé par Monsieur [A] dans les locaux de l'entreprise au sujet de relations qu'aurait entretenues Monsieur [D] avec une des ses collaboratrices. Il indique qu'après avoir reçu les deux protagonistes en entretien ,il a adressé oralement à Monsieur [A] un rappel à l'ordre .

Il est versé au débat un mail ,daté du 11 Juin 2010 ,adressé à Monsieur [A] aux termes duquel, le dirigeant de la société lui rappelle qu'en un an ,il l'a vu attaquer fortement [K] ,[S] ,[J] et [R] indirectement ,avec des propos toujours excessifs ,et l' invite à modérer ses propos excessifs et son caractère ;

Monsieur [A] explique qu'il est au service de la société SHARK depuis 17 ans ,qu'il n'a jamais fait l'objet de sanction disciplinaire et qu'il est à l'origine de la réussite de cette société .

Il soutient que la lettre de licenciement ,qui fixe les limites du litige , fonde son licenciement uniquement sur deux courriers électroniques émanant de deux salariées ,et fait état d'autres salariés ayant été victimes du même type de faits sans en mentionner les noms .

Il affirme que Melle [O] ne faisait pas partie de son service , et qu'il résulte des entretiens d'évaluation ,qu'elle avait des difficultés relationnelles avec une partie de ses collègues de travail .

S'agissant du témoignage de Mademoiselle [E] ,il affirme que l'attestation de celle-ci date du 9 Mars 2011 soit quelques heures seulement après l'assemblée générale au cours de laquelle il a refusé de céder ses parts contre 1 euro symbolique ,que la production de ce témoignage n'est qu'une mise en scène

et qu'en tout état de cause les faits dénoncés par ce témoin , sont prescrits dans la mesure où de toute évidence ,la société SHARK en a eu connaissance dès le mois d'octobre 201O ,date à laquelle Melle [E] a quitté l'entreprise .

Il soutient qu'il n'a jamais tenu les propos que les témoins et l'employeur lui prêtent et qu'il a entretenu d'excellentes relations avec l'ensemble des personnes qu'il côtoyait .

Il produit les attestations de 13 professionnels externes à l'entreprise aux termes desquelles il est relevé ses qualités professionnelles , sa disponibilité ,sa contribution importante à la réussite de la société SHARK ,ses bonnes relations avec ses collaborateurs .

Monsieur [T] ,journaliste dans la presse moto ,affirme que chaque fois qu'il s'est retrouvé en présence de Monsieur [A] et de Madame [O] ,il n'a jamais senti la moindre animosité ,ni entendu de paroles déplacées ,ni perçu de tensions entre eux ou avec d'autres salariés de l'équipe .

Monsieur [Y] ,client de la société ,explique avoir rencontré Madame [O] un soir au cours du mois d'octobre 2O11 ,et n'avoir remarqué aucune animosité entre Monsieur [A] et cette personne au cours de la conversation qui s'est déroulée durant quelques minutes devant un restaurant .

Il résulte des attestations établies par des salariés et ex salariés de la société SHARK que leurs relations avec Monsieur [A] étaient très bonnes ,sans conflits ,qu'il régnait au sein de l'entreprise un bonne ambiance ,et qu'ils n'ont jamais été témoin d'un quelconque comportement agressif et insultant de la part de cette personne envers qui que ce soit .

Monsieur [M] ,ex salarié et délégué du personnel affirme n'avoir jamais eu de problème avec Monsieur [A] et n'avoir jamais entendu parler de quoi que ce soit au sein de l'entreprise

Il ajoute que le climat social au sein de la société s'est dégradé concomitamment à la nomination de Monsieur [N] à la présidence du groupe en Février 2008 ,dégradations qui ne peuvent lui être imputées et que les comptes rendus de 7 réunions du CHSCT qui se sont déroulées de Décembre 2009 à Mai 2011 ,ne l'ont jamais visé comme étant à l'origine des risques pschycosociaux dénoncés au sein de l'entreprise par certains salariés .

Il fait en outre valoir que Madame [Q] ,élue au CHSCT ,a ,par courrier en date du 17 Août 2011 , alerté Monsieur [N] sur le climat délétère qui règne sur l'entreprise depuis son arrivée

Si aux termes des attestations fournies par Monsieur [A] ,celui-ci ,décrit comme un très bon professionnel entretient avec les clients , les professionnels de la moto ,et le journaliste presse moto d'excellentes relations , si certains membres du personnel ou ex salariés affirment ne jamais avoir entendu ou constater de la part de Monsieur [A] les propos ou attitudes qui lui sont reprochés ,ces témoignages ne viennent pas formellement contredire la réalité des faits rapportés par plusieurs salariés de la société .

Les attestations établies par Mesdames [O] et [E] sont précises , circonstanciées et détaillées et sont corroborées par le témoignage de plusieurs autres salariés qui attestent avoir été témoins des faits dénoncés par ces salariées et avoir été elles-mêmes victimes de faits similaires .

S'agissant des griefs dénoncés par Melle [E] , il n'est pas démontré que l'employeur en avait connaissance avant le 11 Mars 2011 ,date à laquelle il a réceptionné le mail , la prescription de ces faits au sens des dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail ne peut dès lors être acquise .

L' argument tiré de la concomitance entre la date de l'attestation de Melle [E] et la réunion de l'assemblée générale du 9 Mars 2011 apparaît inopérant dans la mesure où cet argument est sans lien avec les faits reprochés au salarié et où la production du procès verbal de cette assemblée générale comporte ,aux dires de l'employeur ,la signature de Monsieur [A] validant son accord ;

S'agissant des dégradations du climat social dans l'entreprise depuis l'arrivée de Monsieur [N],il convient de relever que cette situation apparaît étrangère aux motifs du licenciement objet du litige .

Il résulte de l'ensemble des pièces produites et des explications fournies par chacune des parties que la matérialité des faits reprochés à Monsieur [A] est suffisamment établie .

S'agissant de l'appréciation de gravité de ces faits ,la cour estime que ,l'employeur démontre que Monsieur [A] avait fait l'objet ,antérieurement aux faits dénoncés dans le cadre de cette procédure ,d'au moins deux rappels à l'ordre sur son comportement agressif et insolant à l'égard de plusieurs salariés ,et que la répétition de faits graves dénoncés de façon ,précise ,détaillée et circonstanciée par au moins deux salariées dont l'une travaillant encore dans la société rendaient impossible le maintien de salarié au sein de la société , même pendant la durée du préavis , cette situation obligeant l'employeur ,eu égard à son obligation de sécurité ,à réagir .

L'ancienneté de Monsieur [A] ne permet pas ainsi ,eu égard aux éléments qui précèdent d'atténuer la gravité de la faute .

En conséquence ,il y a lieu de considérer que le licenciement pour faute grave de Monsieur [A] est justifié .

Monsieur [A] sera dès lors débouté de l'ensemble de ses demandes relatives au licenciement.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef .

Sur la clause de non concurrence

Il résulte des dispositions de l'article L1121-1 du code du travail que les restrictions apportées aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ,une clause de non concurrence devant ,à peine de nullité ,nécessairement comporter une contrepartie financière .

Monsieur [A] fait valoir que la clause de non concurrence figurant sur son contrat de travail est nulle dans la mesure où elle ne comporte aucune contrepartie financière .

Il ajoute que cette contrepartie financière n'est pas non plus prévue par la convention collective du commerce de gros .

Il soutient que la société SHARK ne peut avancer l'argument selon lequel elle l'aurait délié de cette obligation dans la lettre de licenciement ,dans la mesure où en l'absence de dispositions dans la convention collective applicable permettant à l'employeur de délier le salarié de son obligation ,la renonciation doit être expressément autorisée par la clause de non concurrence .

Il affirme qu'il est dès lors fondé à se voir payer la somme de 180000€ correspondant à un an de salaire brut, conformément à la clause pénale prévue au contrat de travail .

La société SHARK reconnaît que la clause de non concurrence est effectivement nulle et fait valoir qu'ayant été délié de cette clause au moment de son licenciement ,Monsieur [A] doit apporter la preuve d'un préjudice lié à l'entrave à sa liberté de travail .

Elle indique que le salarié ne démontrant pas le préjudice effectivement subi ,elle estime que la somme de 1000€ suffit à réparer le préjudice causé par cette nullité .

Aux termes du contrat de travail liant les parties ,la clause de non concurrence ,qui ne comporte aucune contrepartie financière, avait vocation à s'appliquer le jour de la rupture du contrat de travail .

S'il est constant que cette clause de non concurrence est nulle du fait de l'absence de contrepartie financière, cette nullité produit au profit du salarié les mêmes effets que si la clause n'avait jamais existé, de sorte que cette nullité qui affecte la clause dans son ensemble libère le salarié de son obligation de non concurrence et rend de nul effet la clause pénale prévue en cas de manquement à cette obligation ,le salarié ne pouvant dès lors se fonder sur cette clause pénale pour solliciter des dommages et intérêts en raison de la nullité affectant la clause .

Il est non moins constant que bien que réputée n'avoir jamais existé ,cette clause illicite a pu néanmoins causé un préjudice au salarié dans la mesure où celui-ci s'interdit de quitter l'entreprise pour exercer une activité prohibée à tort par la clause .

Il résulte des pièces et explications fournies par les parties que Monsieur [A] a été délié de la clause de non concurrence le jour de la notification de la lettre de licenciement ,et qu'il a pu être ensuite embauché par une entreprise concurrente .

Eu égard à l'ensemble de ces éléments , la cour estime que la somme de 15 000€ suffit à réparer le préjudice subi par Monsieur [A] de ce chef .

Sur l'indemnité au titre de la perte injustifiée du DIF

Il résulte des dispositions des articles L 6323-17 et L6323-19 que l'employeur doit , en cas de licenciement non consécutif à une faute lourde ,informer le salarié de ses droits en matière de droit individuel à la formation ,le salarié devant demander à en bénéficier avant l'expiration du délai de préavis .

En l'espèce , il est indiqué dans la lettre de licenciement notifiée à Monsieur [A] qu'eu égard à la gravité de la faute qui lui est reprochée ,il perd ses droits acquis au titre de son droit individuel à formation .

Il est constant que Monsieur [A] a ,nonobstant cette mention ,demandé à en bénéficier dès la saisine du conseil de prud'hommes le 12 Avril 2011 ,alors que la période égale au délai du préavis

qui aurait été applicable , hors licenciement pour faute grave, n'avait pas expiré .

En conséquence ,il y a lieu de considérer que le manquement de la société SHARK à son obligation d'information est constitué et que le préjudice en résultant subi par Monsieur [A] qui a perdu la chance de voir liquider son droit à une action de formation appropriée peut être évalué à 800€

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef .

Sur les circonstances vexatoires du licenciement

Monsieur [A] fait valoir que la société SHARK est à l'origine d'un article publié le 18 Mars 2011 sur le site internet Motor-Infos.Pro dans lequel son licenciement est annoncé .

Il explique que cet article fait état de sa mise à l'écart en lien avec le rachat des parts sociales par la société Perceva Capital ,et qu'eu égard au contenu de cet article et à la concomitance entre la date de celui-ci et la date de l'entretien préalable et de la lettre de licenciement ,son employeur avait déjà pris la décision de le licencier au moment de l'entretien préalable .

Il affirme que cette publicité faite à ses dépens lui a causé un grave préjudice .

La société SHARK soutient qu'il n'est nullement démontré qu'elle ait porté la situation de ce salarié à la connaissance du site internet .

Il convient de constater que Monsieur [A] n' étaye ses prétentions par aucun élément de nature à démontrer que la société SHARK soit directement ou indirectement à l'origine de l'article de presse cité .

L'appelant sera en conséquence débouté de ce chef de demande ,le jugement déféré étant confirmé sur ce point .

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens .

Monsieur [A] qui succombe principalement supportera les dépens de première instance et d'appel , sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et devra , par application de ce texte , payer à la société SHARK la somme de 1000€ , au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et en cause d'appel , le jugement déféré étant infirmé de ces chefs .

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt contradictoire , prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;

-Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [A] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et circonstances vexatoires du licenciement .

- Infirme le jugement déféré pour le surplus ,

-Statuant à nouveau sur le points infirmés et y ajoutant ;

*Dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [V] [A] est justifié ;

*Déboute Monsieur [A] de ses demandes relatives au licenciement ;

*Condamne la société SHARK à payer à Monsieur [A] les sommes suivantes :

-15 000 € à titre de dommages-intérêts liés à la nullité de la clause de non concurrence ;

-800 € à titre de dommages et intérêts pour la perte injustifiée du DIF ;

-1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles par elle exposés en première instance et en cause d'appel .

*Condamne Monsieur [A] aux dépens de première instance et d'appel .

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/11350
Date de la décision : 06/02/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°12/11350 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-06;12.11350 ?
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