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06/02/2014 | FRANCE | N°12/03826

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 06 février 2014, 12/03826


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 06 FEVRIER 2014



N° 2014/87













Rôle N° 12/03826





[H] [V]





C/



Association FESTIVAL DE [Localité 2]





















Grosse délivrée

le :

à :

Me Vincent SCHNEEGANS, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Olivier GELLER, avocat au barreau de LYON



Copie certifié

e conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 09 Février 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1105.







APPELANTE



Madame [H] [V], demeurant [Adre...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 06 FEVRIER 2014

N° 2014/87

Rôle N° 12/03826

[H] [V]

C/

Association FESTIVAL DE [Localité 2]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Vincent SCHNEEGANS, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Olivier GELLER, avocat au barreau de LYON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 09 Février 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1105.

APPELANTE

Madame [H] [V], demeurant [Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Vincent SCHNEEGANS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Association FESTIVAL DE [Localité 2], prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Olivier GELLER, avocat au barreau de LYON

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Madame Annick CORONA, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Février 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Février 2014.

Signé par Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Madame [H] [V] a été engagée par l'Association FESTIVAL DE [Localité 2] qui a pour activité d'organiser un rendez- vous culturel annuel , suivant contrat à durée déterminée d'usage pour un an , du 17 Septembre 2007 au 14 Septembre 2008 en qualité de responsable de communication et du développement ,statut cadre .

Un contrat de travail à durée indéterminée a été formalisé avant le terme de ce contrat par avenant du 20 Février 2008 et Madame [V] a été placée sous l'autorité de Madame [O], Directrice de l'association ,sa rémunération ayant été fixée à la somme mensuelle brute de 2800€, sur la base de 151,67 heures .

L'association emploie habituellement au moins onze salariés (organigramme produit par l'employeur)

Madame [V] a le ,1er Avril 2010 , saisi le conseil de prud'hommes de Marseille ,section encadrement aux fins de solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail .

Par courrier en date du 15 Août 2010 ,Madame [V] a informé son employeur qu'elle prenait acte de la rupture aux torts exclusifs de celui-ci .

Dans ses dernières écritures développées devant la juridiction prud'homale ,elle a demandé à ce que la résiliation judiciaire du contrat soit prononcée à compter de la prise d'acte et a sollicité la condamnation de l'employeur à lui verser ,avec exécution provisoire , les sommes suivantes :

-7384 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

-738 € pour les congés payés afférents,

-8400 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-840 € pour les congés payés afférents,

-4200 € à titre d'indemnité de licenciement,

-10 000€ en dommages et intérêts pour harcèlement moral ,

- 25 000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

A titre subsidiaire ,elle a demandé à ce qu'il soit considéré que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en matière de protection de la santé des salariés , prononcé la résiliation du contrat pour ce motif et sollicité le paiement des sommes suivantes :

-7384 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

-738 € pour les congés payés afférents,

-8400 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-840 € pour les congés payés afférents,

-4200 € à titre d'indemnité de licenciement .

Par jugement en date du 9 Février 2012 ,le conseil de prud'hommes a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat produisait les effets d'une démission et a débouté Madame [V] de l'ensemble de ses demandes .

L'Association FESTIVAL de [Localité 2] a été déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile .

Madame [V] a , le 28 Février 2012, interjeté régulièrement appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 25 Novembre 2013 ,oralement soutenues à l'audience , l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

A titre principal :

-Constater qu'elle a été victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur ;

-Prononcer la résiliation du contrat de travail avec effet au 18 Août 2010 ;

- Condamner l'intimée à lui verser les sommes suivantes :

*10 000€ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

*7384 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

*738 € pour les congés payés afférents,

*25 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*8400 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*840 € pour les congés payés afférents,

*4200 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement .

A titre subsidiaire :

-Constater que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en matière de protection de la santé des salariés ,

-Prononcer la résiliation du contrat pour ce motif ;

-Condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

*7384 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,

*738 € pour les congés payés afférents,

*25 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*8400 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*840 € pour les congés payés afférents,

*4200 € à titre d'indemnité de licenciement .

En tout état de cause , elle entend voir fixer son salaire moyen brut à la somme de 2800€ et condamner l'employeur à lui payer la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation à prendre en charge les dépens ,

Aux termes de ses dernières écritures en date du 25 Novembre 2013 , l'intimée conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de Madame [V] à lui verser la somme de 8400€ au titre du non respect de son préavis de 3 mois ,celle de 3000€ sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et celle de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens que la salariée devra prendre en charge .

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation du contrat de travail

La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant .

Il appartient au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte en examinant l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte .

La cour examinera par conséquent ,la seule prise d'acte .

Sur la prise d'acte

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit dans le cas contraire d'une démission.

En l'espèce , aux termes de la prise d'acte ,Madame [V] reproche à son employeur les faits suivants :

'Depuis le mois de Juin 2009 ,mes conditions de travail se sont considérablement dégradées ,ce dont je vous ai alerté très précisément par courrier du 22 Mars 2010 ,votre comportement à mon égard n'était constitué que de reproches ,brimades et accès de colère injustifiés, et il s'en ai suivi une forte dépression liée aux conditions de travail que vous m'avez imposées ,et une hospitalisation du 2 au 16 Février 2010 ;et c'est dans ces conditions que j'ai saisi le conseil de prud'hommes en vue d'obtenir la résiliation du contrat de travail, je vous notifie par la présente la rupture de mon contrat de travail avec effet immédiat à vos torts exclusifs'.

Madame [V] reproche ainsi à son employeur des faits de harcèlement moral.

&-sur le harcèlement moral

Il résulte de l'article L 1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ,d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel .

Aux termes de l'article L 1154-1 du même code , le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d' un harcèlement et il incombe à l'employeur ,au vu de ces éléments, de démontrer alors que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement .

Lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments ,pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral .

Madame [V] fait valoir qu'elle a pris ses fonctions dans un contexte difficile ,plusieurs salariés (directeur adjoint ,responsables de communication ..) ayant quitté l'association ,qu'en tout état de cause la relation contractuelle s'est bien déroulée jusqu'au mois d'Août 2009 , et qu'ensuite , après avoir été témoin de difficultés et de tensions très importantes rencontrées par d'autres salariés avec la direction, elle a elle- même été la cible de critiques systématiques et particulièrement violentes adressées principalement par Madame [O] ,et est devenue 'le bouc émissaire' de sa hiérarchie .

Elle indique qu'à la suite d'un entretien ,qui s'est déroulé courant Septembre 2009,avec la directrice et Monsieur [P] ,nouveau directeur adjoint ,la direction a reconnu qu'elle faisait face à une surcharge de travail et a embauché une salariée chargée d'assurer les relations du Festival avec les publics .

Elle soutient que , pour autant ,l'employeur a continué à lui adresser de multiples reproches ,à l'agresser verbalement et à lui donner des directives contradictoires et que ces faits l'ont placée dans une situation de stress et d'angoisse à l'origine de la dégradation de son état de santé ayant justifié son hospitalisation puis une période continue d'arrêts de travail .

Elle expose qu'elle a repris son activité à mi temps thérapeutique le 17 Juin 2010 ,après avis favorable du médecin du travail mais que sa situation ne s'est cependant pas améliorée ;

Elle explique que n'ayant plus aucun avenir professionnel au sein de l'association Festival de [Localité 2], lle a été embauchée au poste de secrétaire générale du Théâtre de [Localité 1] à compter du 26 Août 2010 et occupe actuellement le poste de chef de projets pour [Localité 2] Provence .

Madame [V] produit à l'appui de ses prétentions ,des échanges de mails et de courriers avec les membres de la direction ,plusieurs attestations émanant notamment de salariés et d'anciens salariés de l'association ,un certificat d'hospitalisation ,des avis d'arrêts de travail et des fiches de visites médicales.

Aux termes d'un courrier en date du 22 Mars 2010 ,adressé à Madame [O] ,Madame [V] décrit les conditions dans lesquelles ses conditions de travail se sont dégradées depuis l'arrivée de Monsieur [P] ,les critiques incessantes dont elle fait l'objet ,évoque les brimades et pressions dont elle est victime et son hospitalisation du 2 au 16 Février 2010 justifiée par une dépression liée à ses conditions de travail .

Il résulte des attestations émanant de Madame [Y] (administratrice de 1999 à Novembre 2008) ,de Madame [T] (responsable des relations extérieures et du développement de 2002 à 2006), de Madame [U] ( administratrice de Janvier 2008 au 31 Mai 2009 ), Madame [I] (coordinatrice administrative de Février 2002 à Juin 2009 ),de Madame [G] (salariée de 2005 à Octobre 2010), de Madame [Q] ( stagiaire de Février 2008 à Août 2008 , puis salariée de Février 2010 à Juin 2010),de Madame [S] (salariée de Juin à Juillet 2010 , puis d'Octobre 2010 à Mars 2011), de Madame [T] (responsable des relations extérieures et du développement de Janvier 2002 à Juin 2006) les faits suivants :

-D'abord portée aux nues par la direction et particulièrement par Madame [O] ,Madame [V] a ensuite été la cible de propos malveillants et calomnieux ,de reproches fréquents en public, d'agressivité et de violence verbales ,et de mesures tendant à la dénigrer professionnellement et humainement .

Madame [Q] illustre ses propos par deux événements qui se sont déroulés au cours de l'année 2010 et explique notamment que Madame [O] a ,en présence d'une personne ne connaissant pas Madame [V] ,vivement critiqué celle-ci et fait état de son incompétence professionnelle et de ses abus d'alcool ;

-Madame [O] a ,en permanence ,au sein de la structure un bouc émissaire qui est responsable de tous les dysfonctionnements ,ce bouc émissaire subit alors violences verbales ,humiliations et tous types de déstabilisation , et mise à l'écart ;

-Madame [G] décrit les difficultés qu'avait Madame [V] à se faire entendre par la direction laquelle remettait en question un grand nombre de propositions ou d'actions qu'elle souhaitait concrétiser ,minimisait ou critiquait son travail ,et la déscréditait dans l'équipe et auprès de partenaires. Ce témoin précise avoir entendu hurler Madame [O] lorsqu'elle a demandé à Madame [V] les coordonnées du médecin de travail .

-Les méthodes de management mises en oeuvre par Madame [O] , basées sur la violence verbale ,l'isolement et les vexations, ont été à l'origine d' arrêts de travail pour maladie et de la démission de plusieurs salariés au sein de la structure .

Ainsi ,la cour considère que Madame [V] établit par l'ensemble des éléments qu'elle apporte, des faits de nature à présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de son employeur .

L'Association Festival de [Localité 2] conteste pour sa part l'existence de tout harcèlement moral de la part de Madame [O] à l'égard de Madame [V] ;

Elle affirme que la salariée ne rapporte aucun fait précis ,aucun exemple circonstancié et daté venant corroborer ses allégations .

Elle indique que les attestations produites par Madame [V] émanent d'anciennes salariées, auxquelles il ne saurait être accordé une valeur probante , ne font état d'aucun fait précis et ne démontrent pas la réalité des faits dont se plaint la salariée .

Elle soutient que Madame [O] entretenait d'excellents rapports avec Madame [V] comme en attestent Madame [E] (directrice artistique de Septembre 2008 à Janvier 2010 ),Madame [X] (déléguée générale ),Madame [J] [W] (coordinatrice de la programmation), Monsieur [A] (directeur du festival [Localité 3] Danse ),Madame [N] (attachée de presse), Madame [M] (personne collaborant avec le festival ), Madame [K] (attachée de production ) et Madame [R] (directrice du département mémoire et recherche du centre national de la danse) , et qu'il résulte de ces témoignages qu'il existait même une relation très complice, affectueuse et réciproque entre ces deux personnes .

Elle expose que contrairement aux allégations de Madame [V] ,celle-ci n'a jamais été mise à l'écart comme en témoignent les pièces relatives aux nombreuses missions qui lui ont été confiées et notamment sa participation ,en sa qualité de représentante du Festival de [Localité 2] , à diverses manifestations qui ont eu lieu au cours du dernier trimestre 2009 ;

Elle fait valoir que les pièces médicales produites par Madame [V] ne démontrent aucun lien entre son état de santé et son activité professionnelle et que si la fragilité de Madame [V] semble réelle ,celle-ci est antérieure à son arrivée au sein de la structure .

Elle explique que Madame [V] s'adonnait à des collaborations extérieures sans son accord, qu'elle a participé notamment à la conception et à l'écriture de plusieurs ouvrages au cours de l'année 2008 et des mois d'avril et mai 2010 (période au cours de laquelle elle se trouvait en arrêt maladie ),et que ce comportement , qui constitue par ailleurs un manquement à son obligation de loyauté ,illustre l'absence de corrélation entre ses conditions de travail et ses nombreux arrêts maladie .

Elle relève que le médecin du travail n'aurait pas autorisé la reprise du travail à mi-temps thérapeutique de Madame [V] au sein du festival le 18 Juin 2010 s'il avait estimé que celle-ci était effectivement victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur et que nonobstant le mi-temps thérapeutique , Madame [V] a sollicité et obtenu des places pour se rendre à toutes les représentations du festival qui se sont déroulées au cours de l'été 2010 ;

Elle affirme que la volonté affichée de Madame [V] de voir son contrat de travail rompu s'explique par le fait qu'elle était engagée à compter du 26 Août 2010 par la scène nationale de [Localité 1] .

Elle indique que contrairement aux allégations de Madame [V] et aux attestations qu'elle produit relatives aux méthodes de management de Madame [O] et à l'ambiance de travail ,les qualités intrinsèques de celle-ci ,tout comme l'absence d'écarts ou de pressions abusives à l'endroit de quiconque sont reconnues et attestées par de nombreux témoins dont des anciens salariés du Festival .

********************************

S'il résulte des témoignages produits par l'employeur que Madame [O] exerce ses fonctions avec 'professionnalisme ,rigueur ,passion et respect de son équipe' ,dans une bonne ambiance et qu'aucun fait des faits décrits par Madame [V] n'a été constaté ,ceux -ci ne contredisent pas de façon formelle les attestations fournies par cette dernière ;

En effet ,l'analyse des attestations produites par chacune des parties révèle qu'il existait effectivement une relation de complicité et de confiance entre Madame [O] et Madame [V] jusqu'en septembre 2009 ,situation décrite précisément par celle-ci et par les termes du mail échangé entre ces deux personnes le 1er Août 2009 aux termes duquel Madame [O] félicite Madame [V] de la qualité de son travail .

De cette même analyse , il ressort que les attestations produites par l'employeur ,aux termes desquelles les témoins affirment ne jamais avoir assisté à un quelconque fait de harcèlement , émanent , pour certaines ,de personnes ne collaborant que ponctuellement avec le Festival , lesquelles ne peuvent dès lors avoir qu'une vision extérieure des relations et événements se déroulant au sein de la structure .

Il y a lieu de constater que , contrairement à ce qu'affirme l'employeur , plusieurs salariés et ex salariés du Festival décrivent ,en qualité de témoins directs et de façon concordante, des faits de harcèlement précis et circonstanciés dont a été victime Madame [V] entre Septembre 2009 et Juin 2010 ( dénigrement en public ,propos sur son incompétence professionnelle , propos calomnieux relatifs à des abus d'alcool ...) et que plusieurs témoignages révèlent que Madame [V] n'a pas été la seule victime de faits de harcèlement moral de la part de Madame [O] , situation décrite par certains salariés ayant subi des faits de même nature avant l'arrivée de Madame [V] ;

Il est constant par ailleurs que l'hospitalisation et les arrêts de travail dont a bénéficié Madame [V] ,justifiés aux termes des pièces médicales par l'anxiété ,l'angoisse et la perte d'élan vital sont survenus au cours de la période litigieuse soit entre Février et Juin 2010 et corroborent de façon probante la réalité des faits de pressions psychologiques et de harcèlement évoqués .

Le fait que Madame [V] soit apparue, aux termes de certains témoignages , rayonnante, décontractée ,bronzée ,en pleine forme ...au festival de l'été 2010 et qu'elle ait assisté à toutes les représentations du festival ne suffit pas à remettre en cause l'état de santé de celle-ci dans la mesure où elle avait repris son activité à mi-temps thérapeutique et où ,comme elle le relève ,ses fonctions de directrice du festival lui imposaient une attitude aussi positive que possible à l'égard des partenaires et du public .

Il convient en outre de considérer que les arguments tirés de la participation de Madame [V] à l'élaboration et à l'écriture d'ouvrages ,sans l'accord de son employeur ,au cours de l'année 2008 et pendant sa période d'arrêt maladie et de la date d'embauche de Madame [V] auprès d'un nouvel employeur sont sans lien avec les griefs de harcèlement évoqués par la salariée .

Il y a lieu de relever en outre que si Madame [V] a été embauchée par la Scène Nationale de [Localité 1] le 26 Août 2010 ,il n'est pas démontré que ce nouvel emploi, dont l'annonce aurait été diffusée sur le site Internet au cours du mois de Juin , soit le réel motif de la prise d'acte ,Madame [V] ayant dès le 22 Mars 2010 ,donc antérieurement à la prise d'acte ,dénoncé les faits de harcèlement dont elle estimait être victime .

En considération de ces éléments ,la cour estime que l'Association Festival de [Localité 2] ne prouve pas que les agissements de Madame [O] tels qu'évoqués et établis par Madame [V] ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et sont justifiés par des élément objectifs étrangers à tout harcèlement .

En conséquence ,au regard des éléments produits de part et d'autre ,la cour a la conviction ,sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'instruction ,que Madame [V] a subi des agissements répétés de harcèlement moral au sens des articles sus-visés qui ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et de porter atteinte à sa dignité et d'altérer sa santé physique et mentale .

Les griefs invoqués par Madame [V] à l'encontre de son employeur sont ainsi fondés et suffisamment graves pour justifier la rupture de son contrat de travail ,de sorte que la prise d'acte par la salariée de cette rupture imputable à l'employeur doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse .

La décision du conseil de prud'hommes sera dès lors infirmée ;

&-Sur l'indemnisation de Madame [V]

-Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Il résulte des éléments qui précèdent que la rupture du contrat de travail étant imputable à l'employeur, le comportement de celui-ci a rendu impossible l'exécution du préavis .

Madame [V] réclame à ce titre la somme de 8400€ ,soit trois mois de salaire sur le fondement de l'article V .8 de la convention collective et celle de 840€ au titre des congés payés y afférents .

Le montant du salaire mensuel brut soit la somme de 2800€ ,le principe et le montant de ces indemnités ne faisant l'objet d'aucune critique par l'employeur ,il sera fait droit à cette demande .

La demande de l'employeur au titre du préavis sera, par voie de conséquence, rejetée .

-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Compte tenu du nombre de salariés travaillant au sein de l'association , de l'ancienneté dans l'entreprise de plus de deux ans de Madame [V] , de la perte injustifiée de son emploi exercé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée auquel elle a été contrainte de mettre fin en raison des agissements de son employeur et d'une nouvelle embauche dans les 15 jours suivants la rupture du contrat ,il a lieu de fixer le montant de l'indemnité due à ce titre à la somme de 20 000€ .

-Sur les dommages et intérêts pour le préjudice lié au harcèlement moral

Eu égard aux conditions stressantes dans lesquelles Madame [V] a travaillé durant plusieurs mois du fait des agissements répétés de son employeur ,il convient de fixer le préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'elle a subi à la somme de 6000€ .

-Sur l'indemnité de licenciement

Madame [V] sollicite une indemnité 'conventionnelle' de licenciement de 4200€ sur le fondement de l'article V.11 de la convention collective ,dont le principe et le montant ne sont pas contestés pas l'employeur .

Il sera en conséquence fait droit à cette demande .

Sur la demande reconventionnelle de l'Association Festival de [Localité 2] fondée sur l'article 32-1 du code civil

La cour faisant droit aux demandes de Madame [V] ,l'employeur n'est pas fondé à solliciter la condamnation de celle-ci à des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les heures supplémentaires

L'article L.3 171-4 prévoit qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail, accomplies, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ,il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande .

En l'espèce ,Madame [V] sollicite la somme de 7384€ à titre de rappel de salaire sur des heures supplémentaires et celle de 738€ au titre des congés payés y afférents

Elle fait valoir qu'elle a effectué de façon constante un horaire bien supérieur à l'horaire contractuel, qu'elle aurait dû avoir droit à des jours de récupération chaque mois ,ce qui n'a pas été le cas ,qu'elle a travaillé de nombreux week-end et en soirée .

Elle évalue à 400 heures le nombre d'heures supplémentaires réalisées et non payées ,sans s' expliquer davantage sur le mode de calcul et sur les circonstances précises dans lesquelles elle aurait réalisé ce volume d'heures supplémentaires .

Elle produit à l'appui de ses prétentions des échanges de mails et des attestations .

Aux termes des attestations produites ,il est fait état de la disponibilité de Madame [V] et du fait que celle-ci réalisait un 'volume horaire considérable' .

S'il résulte de la lecture des mails échangés entre Madame [V] ,Monsieur [P] et Madame [O] au cours des mois d'Avril 2008 ,de Mars ,Avril, Novembre et Décembre 2009 que ces conversations électroniques de nature professionnelle ont lieu souvent le samedi et le dimanche , il y a lieu de relever que ces pièces ne permettent de déterminer ni le volume ,ni la fréquence ,ni l'amplitude des heures de travail réalisées au cours de la semaine ou du mois .

En conséquence ,la cour estime que les éléments, très partiels et imprécis, produits par Madame [V] ne sont pas de nature à étayer ses prétentions et que sa demande doit dès lors être rejetée.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef .

-Sur les dispositions des articles L.1235-4 et R.1235-2 du Code du Travail

Les conditions d'application de l'article L.1235-4 du Code du Travail étant réunies en l'espèce ,il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur des allocations chômage éventuellement versées à Madame [V] dans la limite de 6 mois d'indemnités .

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens .

L'Association Festival de [Localité 2] , qui succombe principalement , supportera les dépens de première instance et d'appel , sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et devra , par application de ce texte , payer à Madame [V] la somme de 1500€ , au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel , le jugement déféré étant partiellement infirmé de ces chefs .

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt contradictoire , prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;

-Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d' heures supplémentaires de Madame [V] et les demandes reconventionnelles de l'Association Festival de [Localité 2] pour procédure abusive et frais irrépétibles .

-L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement ;

-Dit que la prise d'acte par Madame [H] [V] de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-Condamne l'Association Festival de [Localité 2] à payer à Madame [V] les sommes suivantes :

*6000€ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

*20 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*8400 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ,le salaire mensuel brut étant fixé à 2800€

*840 € pour les congés payés afférents,

*4200 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement .

-Déboute l'Association Festival de [Localité 2] de sa demande au titre du préavis ;

-Condamne l'Association Festival de [Localité 2] à payer à Madame [V] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et en cause d'appel .

-Ordonne le remboursement par l'Association Festival de [Localité 2] aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à Madame [V] dans la limite de six mois .

-Dit que conformément aux dispositions des articles L.1235-4 et R.1235-2 du Code du Travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure la salariée.

-Condamne l'Association Festival de [Localité 2] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/03826
Date de la décision : 06/02/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°12/03826 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-06;12.03826 ?
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