COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 09 JANVIER 2014
N° 2014/12
Rôle N° 13/00677
[D] [K] épouse [Q]
C/
[O] [T]
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE
CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE
SAS FRAIKIN
SA GENERALI IARD
Mutuelle MACSF PREVOYANCE
Grosse délivrée
le :
à :
Décision déférée à la Cour :
jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 18 Décembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/01435.
APPELANTE
Madame [D] [K] épouse [Q]
née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1], demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Elie ABOUTEBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sylvie DELMORO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [O] [T], demeurant [Adresse 4]
représenté et plaidant par Me Laurence BOZZI de la SCP AZE BOZZI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Alexandra BREMENT, avocat au barreau de MARSEILLE
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE des infirmiers, masseurs kinésithérapeutes , orthophonistes et orthoptistes, pris en la personne de son représentant lég al en exerccie y domicilié, [Adresse 5]
défaillante
CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE Pris en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, [Adresse 2]
défaillante
SAS FRAIKIN prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 3]
représentée et plaidant par Me Laurence BOZZI de la SCP AZE BOZZI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Alexandra BREMENT, avocat au barreau de MARSEILLE
SA GENERALI IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette nqualité audit siège, [Adresse 6]
représentée et plaidant par Me Laurence BOZZI de la SCP AZE BOZZI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Alexandra BREMENT, avocat au barreau de MARSEILLE
Mutuelle MACSF PREVOYANCE Mutuelle prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en qualité au siege social, [Adresse 1]
représentée par Me Julien DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Stéphane CHOISEZ, avocat au barreau de PARIS substitué par Me RATRIMOARIVONY, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christiane BELIERES, Présidente
Mme Jacqueline FAURE, Conseiller
Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2014
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2014,
Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 30 mars 2007, Mme [K] a été victime, en qualité de piéton, d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. [T], employé de la société Fraikin, assuré auprès de la société Générali, qui ne contestent pas devoir indemniser l'entier préjudice de celle-ci.
Par ordonnance de référé du 10 août 2007, le Dr [C] a été désigné pour procéder à l'expertise médicale de Mme [K]. Il a déposé son rapport le 11 mars 2009.
Statuant sur assignation du 20 janvier 2010, le tribunal de grande instance de Marseille, après avoir rejeté une demande de révocation de l'ordonnance de clôture et en présence de la CPAM des Bouches-du-Rhône et de la Carpimko,
- a donné acte à M. [T], la société Fraikin et la société Générali de ce qu'ils ne contestent pas le droit à indemnisation de Mme [K],
- les a condamnés in solidum à verser à celle-ci, avec intérêts au taux légal à compter du jugement la somme de 99 458,52 euros, en réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la provision précédemment allouée, ainsi que la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les a condamnés à payer à la MACSF la somme de 41 648,48 euros en remboursement des prestations versées à Mme [K] et 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a ordonné l'exécution provisoire
- a condamné 'sous la même solidarité'M. [T], la société Fraikin et la société Générali aux entiers dépens.
Le tribunal a notamment retenu que Mme [K] avait subi une perte de gains s'élevant à 33 008,52 euros au cours des années 2007 à 2009, après déduction des indemnités reçues de la MACSF, et que ses séquelles avaient des conséquences sur sa situation professionnelle justifiant une indemnisation à hauteur de 50 000 euros.
Par déclaration du 11 janvier 2013, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestés, Mme [K] a formé un appel général contre cette décision.
Prétentions et moyens des parties :
Par ses dernières conclusions du 9 août 2012, Mme [K] a sollicité la confirmation du jugement en ce qui concerne son droit à indemnisation et la condamnation de M. [T], la société Fraikin et la société Générali aux dépens et sa réformation en ce qui concerne l'évaluation de son préjudice.
Elle a sollicité leur condamnation in solidum
- à lui verser la somme de 424 758,52 euros en réparation de son préjudice corporel après déduction des débours de la CPAM des Bouches-du-Rhône et des indemnités versées par la MACSF, et celle de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- à verser à la MACSF la somme de 41 648,48 euros.
Mme [K] soutient que l'incidence professionnelle de l'accident a été sous évaluée par le tribunal. Elle indique qu'elle exerçait la profession d'infirmière libérale au moment de l'accident, ce qui lui assurait des revenus mensuels de 4 980,83 euros, et que l'accident lui a fait perdre sa clientèle. Elle précise qu'à l'heure actuelle, elle n'exerce qu'en effectuant des remplacements à hauteur de 15 à 20 heures par semaine.
Mme [K] sollicite la fixation de son préjudice ainsi qu'il suit :
- Préjudice patrimoniaux
Frais divers (confirmation ): 450€
Pertes de gains : 33 008,52 €
Incidence professionnelle : 350 000€
- Préjudices extra-patrimoniaux :
Déficit fonctionnel temporaire : 9 000€
Souffrances endurées : 15 000€
Déficit fonctionnel permanent : 33 000€
Préjudice esthétique : 12 000€
Préjudice d'agrément : 12 000€
Total : 467 458,52 €
Provision à déduire : 42 700€
Total restant du 424 758,52€
Par ses dernières conclusions du 10 mai 2013, la MACSF a conclu à la confirmation du jugement et à la condamnation solidaire de M. [T], la société Fraikin et la société Générali à lui verser la somme de 41 648,48 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ainsi qu'à la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par leurs dernières conclusions du 21 octobre 2013, M. [T], la société Fraikin et la société Générali ont sollicité la confirmation du jugement en toutes ses dispositions. Ils ont par ailleurs demandé la condamnation de Mme [K] à leur verser la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et conclu au débouté de la demande formée par celle-ci sur le même fondement .
La CPAM des Bouches-du-Rhône, assignée à personne habilitée le 10 avril 2013, n'a pas constitué avocat mais a fait connaître le montant de ses débours qui s'élèvent à 25 244,48 euros constitués de frais médicaux et d'hospitalisation.
La CARPIMKO, assignée à personne habilité le 10 avril 2013, n'a pas constitué avocat.
Invitée par la cour à justifier en délibéré des sommes qu'elle avait perçues de la CARPIMKO, Mme [K] a produit le 25 novembre 2013 une attestation de cet organisme indiquant qu'il ne lui avait versé aucune prestation.
L'arrêt sera réputé contradictoire par application de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient, à titre préalable, de constater qu'aucune partie ne critique le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [T], la société Fraikin et la société Générali à verser à la MACSF Prévoyance la somme de 41 648,48 euros. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
S'agissant du préjudice de Mme [K], il ressort du rapport qu'expertise que celle-ci, née le [Date naissance 1] 1972 et exerçait la profession d'infirmière à titre libéral, a souffert en raison de l'accident d'un important traumatisme du pied droit (dégantage cutané de la cheville et du pied) ayant nécessité une intervention chirurgicale le jour même puis deux autres opérations le mois suivant en raison d'une nécrose. Elle regagnera son domicile le 25 avril 2007 et devra subir des pansements quotidiens puis tous les deux jours, et se déplacer avec des cannes anglaises. Le 25 mai 2007, elle subira une greffe de peau et deux autres interventions auront lieu le 2 octobre 2007 et le 1er février 2008. Mme [K] a déclaré à l'expert avoir repris son travail le 8 septembre 2008.
Les conclusions de l'expert sont les suivantes :
- ITT du 30 mars 2007 au 30 août 2007, puis du 2 octobre 2007 au 2 novembre 2007, puis du 31 janvier 2008 au 21 février 2008,
- ITP du 31 août 2007 au 1er octobre 2007, puis du 3 novembre 2007 au 30 janvier 2008, puis du 22 février 2008 au 30 août 2008,
- consolidation le 4 mars 2009,
- Souffrances : 4/7,
- Préjudice esthétique : 3,5/7,
- IPP : 15%,
- Préjudice d'agrément certain pour toutes les activités de marche prolongée, de course ou de sport nécessitant des appuis talonniers régulièrement répétés,
- Incidence professionnelle liée à la reconstruction progressive d'une activité équivalente à l'ancienne. L'expert estime à environ 3 ans le temps nécessaire pour retrouver le niveau d'activité qui était le sien antérieurement à l'accident. Il indique par ailleurs qu'une ou deux interventions à visée d'amélioration de la trophicité des cicatrices peuvent être faites dans les deux ou trois années à venir (ITT de trois semaines pour chacune et arrêt de travail de 30 à 45 jours).
Au vu de ces éléments médicaux qui ne font l'objet d'aucune contestation de la part des parties, de l'âge de Mme [K] au moment de la consolidation et des pièces produites il y a lieu de fixer ainsi qu'il suit son préjudice.
Préjudices patrimoniaux temporaires :
- Dépenses de santé actuelles : 25 244,48 €
Ces dépenses ont toutes été prises en charge par la CPAM des Bouches-du-Rhône et sont justifiées par l'état produit et non contesté.
- Frais divers : 450 €
Montant alloué par le tribunal au titre de l'assistance aux opérations d'expertise et non contesté en appel.
- Pertes de gains professionnels actuels (Montant alloué par le tribunal et non contesté en appel) :
Indemnités versées par la MACSF 28 053,52 €
Perte de gains supportée par Mme [K] 33 008,52 €
Préjudices extra patrimoniaux temporaires :
- Déficit fonctionnel temporaire (montant non contesté en appel) : 9 000€
- Souffrances endurées (4/7) : 10 200€
Mme [K] sollicite la réévaluation de ce poste de préjudice évalué à la somme de 10 200 euros par le tribunal. Constituées par les multiples interventions subies et la greffe de peau, ce poste de préjudice, qui indemnise les souffrances entre la date de l'accident et la consolidation, a exactement été évalué à la somme de 10 200 euros par le tribunal.
Préjudices patrimoniaux permanents :
- Incidence professionnelle : 50 000 €
L'interruption de son activité libérale par Mme [K] pendant 18 mois a eu une incidence sur ses revenus jusqu'à la date de consolidation, qui a été réparée au titre des pertes de gains actuels. Les pièces produites font apparaître par ailleurs que Mme [K] a pu retrouver son niveau de revenu antérieur à compter de l'année 2010. Cependant, il ressort de l'expertise qu'elle garde des séquelles douloureuses qui affectent la marche et la mobilisation du pied, ce qui entraîne une plus grande fatigabilité pour l'exercice d'une profession non sédentaire nécessitant de conduire, comme celle de Mme [K]. Les difficultés quotidiennes éprouvées dans l'exercice de sa profession en raison de ces séquelles ont toutefois été justement évaluées par le tribunal à la somme de 50 000 euros.
Préjudices extra patrimoniaux permanents :
- Déficit fonctionnel permanent (15%) : 32 000€
Compte tenu des constatations médicales ci-dessus énoncées et de l'âge de Mme [K] au moment de la consolidation, il y a lieu d'indemniser ce poste de préjudice par la somme de 32 000 euros.
- Préjudice esthétique (3,5/7) : 8 000€
Ce préjudice est constitué principalement par l'aspect inesthétique du pied droit de Mme [K], ayant subi une greffe de peau et que l'expert décrit ainsi : 'l'ensemble de la cheville et du pied est cicatriciel sauf la partie la plus antérieure de la plante du pied et des orteils. Cette cicatrice est hypertrophique à la plante avec un aspect de lichenification'.
Il inclut également les cicatrices induites sur d'autres parties du corps par les prélèvement de peau nécessités par la greffe (cicatrice sus pubienne de 25 cm et à l'intérieur de la cuisse, quadrilatère de 15X15cm). Ce préjudice a été justement réparé par l'allocation de la somme de 8000 euros par le tribunal.
- Préjudice d'agrément : 3 000€
S'il est certain que les séquelles que conserve Mme [K] constituent un handicap pour la pratique de nombres d'activités de loisir ou sportive, ce poste de préjudice s'apprécie in concreto en considération des activités sportives ou de loisir spécifique pratiquées par la victime. Mme [K] ne produisant aucune pièce propre à établir ce préjudice, la cour confirmera le montant alloué par le tribunal de ce chef, dont le montant est offert par les intimés.
Le préjudice corporel de Mme [K] s'établit donc à la somme de 198 956,52 euros dont 145 658,52 euros lui reviennent après déduction de la créance de la CPAM de Bouches-du-Rhône et de celle de la MACSF.
Il y a donc lieu de condamner in solidum M. [T], la société Fraikin et la société Générali à lui verser la somme de 145 648,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2012, pour la somme de 142 158,52 euros et du présent arrêt pour le surplus, provisions perçues non déduites.
Sur les demandes annexes :
M. [T], la société Fraikin et la société Générali succombant, ils seront condamnés aux dépens d'appel et à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [K] la somme de 2000 euros et à la MACSF celle de 1500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité allouée à Mme [K],
Statuant à nouveau,
- Fixe à 198 956,52 euros le préjudice corporel de Mme [K] ;
- Dit que la somme de 145 658,52 euros lui revient après déduction de la créance de la CPAM des Bouches-du-Rhône et de la MACSF prévoyance ;
- Condamne in solidum M. [T], la société Fraikin et la société Générali à lui verser la somme de 145 648,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2012, pour la somme de 142 158,52 euros et du présent arrêt pour le surplus, provisions perçues non déduites ;
Y ajoutant,
- Condamne in solidum M. [T], la société Fraikin et la société Générali à verser à Mme [K] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne in solidum M. [T], la société Fraikin et la société Générali à verser à la MACSF Prévoyance la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne in solidum M. [T], la société Fraikin et la société Générali aux dépens et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffierLe président