COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 08 JANVIER 2014
N°2014/18
Rôle N° 12/21161
SOCIETE GEMFOS
C/
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE
ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur (anciennement DRASS)
Grosse délivrée le :
à :
Me Laurent SAUTEREL, avocat au barreau de LYON
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Arrêt de Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 27 Juillet 2012,enregistré au répertoire général sous le n° 20900683.
APPELANTE
SOCIETE GEMFOS, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Laurent SAUTEREL, avocat au barreau de LYON substitué par Me Julie HAZART, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Mme [I] [B] en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur (anciennement DRASS), demeurant [Adresse 1]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette AUGE, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2014
Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société GEMFOS a saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Bouches du Rhône d'un recours tendant à contester la décision en date du 2 décembre 2008 de la Commission de Recours Amiable (CRA) de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie sur l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre de l'accident du travail du 13 juin 2005, subi par [T] [N].
Le Tribunal par jugement en date du 27 juillet 2012, a rejeté son recours.
La société GEMFOS a relevé appel de cette décision, le 7 novembre 2012.
Le conseil de l'appelant expose que l'accident du travail du 13 juin 2005 subi par Monsieur [N], docker professionnel mensualisé, a fait l'objet d'une déclaration d'accident du 14 juin 2005 mentionnant « en montant à bord de la péniche, je me suis tordu la cheville sur la coupée », que pour autant la consolidation n'est intervenue que le 10 juillet 2006, soit 354 jours d'arrêt de travail, que la prise en charge de cet accident a été imputée sur les relevés de compte employeur pour les années 2005 et 2006 ; que GEMFOS a alors sollicité l'avis d'un médecin conseil, docteur [Y], lequel avis médico légal rendu le 9 mai 2012 fait ressortir « Il existait une pathologie intriquée pré ou post traumatique à l'accident survenu le 13 juin 2005 ' l'état de santé de Mr [N] était stabilisé au plus tard 3 mois après la date de l'accident du travail, et les soins et arrêts de travail n'étaient pas contributifs à l'amélioration de son état de santé » ; qu'il existe ainsi un différend d'ordre médical entre la caisse et l'employeur, ce dernier ne disposant d'aucun élément suffisant en l'absence de toute expertise ; qu'en conséquence, cette situation constitue une atteinte au principe de l'égalité des armes et au droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la CEDH.
Il sollicite l'infirmation du jugement déféré, demande que soit constatée l'impossibilité pour l'employeur d'apprécier si la prise en charge des arrêts de travail au titre professionnel est justifiée, fait ressortir qu'il existe des doutes sérieux sur la réelle imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail indemnisés, et qu'à tout le moins une expertise médicale devrait être ordonnée afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail pris en charge.
De son côté la Caisse entend obtenir la confirmation de la décision, rappelle qu'il incombe à l'employeur qui conteste l'imputabilité s'attachant à toute lésion survenue au temps et au lieu du travail, d'apporter la preuve de l'existence d'un état pathologique antérieur du salarié, que cette preuve n'est pas rapportée en l'espèce, de confirmer la décision en date du 2 décembre 2008 de la Commission de Recours Amiable, et de rejeter la demande d'expertise au titre des dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, une mesure d'instruction ne pouvant être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.
La DRJSCS régulièrement convoquée n'a pas comparu.
SUR CE
Attendu que [T] [N], docker professionnel mensualisé, a subi un accident du travail le 13 juin 2005 qui a fait l'objet d'une déclaration d'accident du 14 juin 2005 mentionnant « en montant à bord de la péniche, je me suis tordu la cheville sur la coupée » ;
Que le certificat médical initial du 13 juin 2005 atteste : « Entorse de la cheville gauche » ;
Que pour autant, il est constant que la consolidation n'est intervenue que le 10 juillet 2006, soit 354 jours plus tard ;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que la Caisse a, sans instruction préalable, reconnu le caractère professionnel de l'accident de [T] [N] ;
Que c'est à la date du 24 septembre 2008 que la société employeur a saisi la CRA de la caisse aux fins de contestation de la prise en charge au titre professionnel par la caisse, de l'ensemble des prestations ayant fait suite à cet accident ;
Attendu que plus précisément la société employeur a saisi la commission de recours amiable en inopposabilité de l'ensemble des indemnités journalières versées à [T] [N] ;
Attendu que l'employeur fait ainsi valoir que les indemnités journalières versées au salarié ne sauraient lui être opposables, car les lésions initiales étaient bénignes et ne pouvaient entraîner une incapacité professionnelle de longue durée ; que le traumatisme dont s'agit entraîne habituellement une incapacité de quelques semaines et non d'une durée de 354 jours comme en l'espèce, selon lui ;
Qu'à l'appui de ses affirmations l'employeur produit comme document, l'avis du docteur [Y] ; que cet avis médico légal rendu le 9 mai 2012 fait ressortir : « Il existait une pathologie intriquée pré ou post traumatique à l'accident survenu le 13 juin 2005 ' l'état de santé de Monsieur [N] était stabilisé au plus tard 3 mois après la date de l'accident du travail, et les soins et arrêts de travail n'étaient pas contributifs à l'amélioration de son état de santé » ;
Qu'ainsi, il apparaît que c'est la durée totale de la prise en charge qui, selon l'employeur, ne saurait être imputée en son entier à l'accident de travail initial ;
Attendu que la société GEMFOS fait valoir par ailleurs qu'elle n'a pas eu un procès équitable, car n'ayant eu aucunement possession des éléments médicaux successifs de son salarié ;
Que subsidiairement, la société sollicite qu'une expertise médicale judiciaire soit ordonnée aux fins notamment de déterminer les lésions initiales provoquées par l'accident du travail, et de fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe et exclusive avec ces lésions ;
Attendu que la caisse répond que l'employeur ne peut remettre en cause la prise en charge des soins et arrêts de travail consécutifs à un accident de travail, qu'à condition de détruire la présomption d'imputabilité de ceux-ci à l'accident ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ;
Que le premier juge, pour rejeter le recours de l'employeur, a entériné cette démonstration de l'organisme social ;
Attendu toutefois que l'employeur fait valoir que la caisse n'a procédé à aucune communication de pièces ;
Qu'il ressort effectivement de la rédaction même de la décision du 2 décembre 2008 de la CRA, que « la caisse, après sa décision de prise en charge de l'accident, au titre de l'accident du travail, n'est plus tenue de communiquer à l'employeur le dossier constitué » ;
Attendu qu'ainsi l'employeur démontre à juste titre qu'il n'a pas eu accès au dossier de l'assuré et n'a pas été placé à égalité vis-à-vis de la caisse dans le débat sur la destruction de la présomption d'imputabilité, alors qu'il soulève des moyens sérieux de contestation en raison de la longueur de l'arrêt de travail ;
Attendu que l'employeur met alors en évidence les principes sur le droit de toute personne à un procès équitable et au respect de ses biens, principes dégagés par application notamment de l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme (CEDH) ;
Qu'indubitablement, il en résulte que l'employeur doit avoir connaissance de l'ensemble des pièces, y compris des pièces médicales que la caisse a eu en sa possession pour prendre les décisions de prise en charge, et d'arrêts de travail ;
Attendu qu'en l'espèce, l'employeur démontre qu'il a été dans l'impossibilité de connaître la nature des prestations versées par la sécurité sociale à son salarié et imputées à son compte, et ce, de manière à pouvoir en vérifier le bien fondé ;
Attendu qu'ainsi, il appartient aux organismes de sécurité sociale, sous peine d'inopposabilité des prestations litigieuses à l'employeur, de produire tous les éléments médicaux communiqués par le salarié à l'appui de sa demande portant sur ces prestations ;
Qu'en l'espèce, comme rappelé ci-dessus, la caisse n'a pas procédé à la communication de ces pièces, et dans ses écritures, se borne à affirmer que l'employeur n'avait ni contesté la matérialité du fait accidentel, ni démontré l'existence d'une cause étrangère au travail du salarié ;
Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède, que les soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre professionnel suite à l'accident du travail de [T] [N], ne doivent pas être considérés, dans les rapports entre l'employeur et la caisse, comme la conséquence de cet accident du travail, et qu'ils ne sont pas opposables à la société GEMFOS ;
Qu'il résulte également de ce qui précède, que la demande de mise en place d'une expertise devient sans objet ;
Attendu qu'il convient en conséquence de considérer qu'en rejetant le recours, le premier juge n'a pas fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être infirmée ;
Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Déclare recevable l'appel de la société GEMFOS,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que les soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre professionnel suite à l'accident du travail de [T] [N], ne sont pas opposables à la société GEMFOS, et ce, avec toutes conséquences de droit,
Rejette les autres demandes des parties,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT