La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2013 | FRANCE | N°12/02395

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 11 décembre 2013, 12/02395


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 11 DECEMBRE 2013



N° 2013/503













Rôle N° 12/02395







[W] [F]

SA MAAF ASSURANCE





C/



[Z] [E]

[I] [U]

[N] [D] épouse [E]

[P] [U]

[R] [H] épouse [U]

Organisme CPAM DES ALPES MARITIMES





















Grosse délivrée

le :

à :




r>







Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 15 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/01602.



APPELANTS



Monsieur [W] [F]

né le [Date naissance 7] 1971 à [Localité 7] (83), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Agnes ERMENEUX-CHAMPLY...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 11 DECEMBRE 2013

N° 2013/503

Rôle N° 12/02395

[W] [F]

SA MAAF ASSURANCE

C/

[Z] [E]

[I] [U]

[N] [D] épouse [E]

[P] [U]

[R] [H] épouse [U]

Organisme CPAM DES ALPES MARITIMES

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 15 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 10/01602.

APPELANTS

Monsieur [W] [F]

né le [Date naissance 7] 1971 à [Localité 7] (83), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Agnes ERMENEUX-CHAMPLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

ayant Me Jean PIN de l'Association PIN JEAN BERTRAND PIN, avocat au barreau de TOULON,

SA MAAF ASSURANCE RCS NIORT N° 542 073 580 , agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège, [Adresse 4]

représentée par Me Olivia DUFLOT de la SCP FRANCOIS-CARREAU FRANCOIS TRAMIER AUDA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [Z] [E]

né le [Date naissance 6] 1969 à [Localité 2] (73), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jean jacques VIALLET, avocat au barreau de TOULON

Madame [I] [K] née [U] née le [Date naissance 5] 1946 à [Localité 6]

[Localité 6] en qualité de représentante légale de sa fille mineure Mademoiselle [C] [T] née le [Date naissance 4] 1999 à [Localité 4], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Audrey CIAPPA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [N] [D] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1] (73), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean jacques VIALLET, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [P] [U]

né le [Date naissance 2] 1938 à [Localité 3] (94), demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Pierre ESCLAPEZ de l'Association ESCLAPEZ-MATHIEU-SINELLE, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Magali BOTTEMER, avocat au barreau de TOULON

Madame [R] [H] épouse [U]

née le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 5] (45), demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Pierre ESCLAPEZ de l'Association ESCLAPEZ-MATHIEU-SINELLE, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Magali BOTTEMER, avocat au barreau de TOULON

Organisme CPAM DES ALPES MARITIMES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité audit siège, [Adresse 3]

représentée par Me Philippe- laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Octobre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Jacqueline FAURE, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2013. Le 27 Novembre 2013, le délibéré a été prorogé au 11 Décembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2013,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

La jeune [C] [T], âgée de 6 ans, a été victime d'un accident survenu le 17 avril 2006, alors qu'ayant perdu le contrôle de la mini-moto appartenant à M. [W] [F], voisin de ses grands-parents, M. et Mme [P] [U], auxquels sa mère, Mme [I] [U] épouse [K], l'avait confiée, elle est venue heurter la remorque appartenant à M. et Mme [E], garée devant chez eux.

Par ordonnance de référé du 8 septembre 2009, Mme [K], es qualités de représentante légale de sa fille mineure, [C] [T], née le [Date naissance 8] 1999, a obtenu l'institution d'une mesure d'expertise médicale confiée au docteur [G].

L'expert a déposé son rapport en date du 2 novembre 2009.

Par actes en date des 4 mars, 12 mars et 17 mars 2010, Mme [K] es qualités, a fait assigner M. [F], la CPAM des Alpes Maritimes et la Mutuelle Nationale Territoriale devant le tribunal de grande instance de Toulon pour obtenir l'indemnisation du préjudice corporel.

Par acte du 18 juin 2010, M. [F] a appelé en cause M. et Mme [E].

Par actes des 15 juillet 2010 et 23 juillet 2010, M. et Mme [E] ont appelé en cause M. et Mme [P] [U], ainsi que la MAAF en sa qualité d'assureur de la remorque.

Par acte du 8 mars 2011, M. [F] a appelé en cause son propre assureur assurance habitation, la société MAAF.

Par jugement du 15 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Toulon a :

- condamné M. [F] à payer à Mme [I] [U] épouse [K] es qualités la somme de 23'300 € à titre de dommages et intérêts,

- condamné pour les mêmes causes, M. [F] à payer à la CPAM des Alpes Maritimes la somme de 14'770,48 € en remboursement de ses débours et celle de 980 € en application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale,

- condamné M. [F] à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de :

. 1 000 € à Mme [K],

. 800 € aux époux [E],

. 800 € aux époux [U],

. 150 € à la CPAM des Alpes Maritimes,

- condamné M. [F] aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire,

- condamné la MAAF Assurances à relever et garantir M. [F] de l'ensemble des condamnations mises à sa charge,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

- dit que l'emploi des indemnités à revenir à l'enfant s'effectuera sous la surveillance et le contrôle du juge des tutelles mineurs du tribunal de grande instance de Grasse dans le ressort duquel est domicilié Mme [K] et qu'à cette fin, une copie du jugement sera adressée à cette juridiction.

Cette décision détaille le préjudice subi comme suit :

. dépenses de santés actuelles et futures, pris en charge par la CPAM : 14'770,48€

. déficit fonctionnel temporaire : 4 500,00€

. souffrances endurées : 6 000,00€

. préjudice esthétique : 7 000,00€

. déficit fonctionnel permanent (3 %) : 5 800,00€

La MAAF et M. [F] ont interjeté appel de cette décision par acte en date respectivement des 9 février 2012 (RG 12/2395) et 9 juillet 2012 (RG 12/12793), dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées. Ces deux procédures ont été jointes par ordonnance du 4 septembre 2012, l'affaire étant poursuivie sous le seul numéro 12/2395.

Prétentions et moyens des parties :

Par conclusions du 2 septembre 2013, la SA MAAF Assurances demande à la cour, au visa des articles L110-1 du code de la route, 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, de :

- déclarer son appel bien fondé,

- confirmer le jugement en ce qu'il met les époux [E] hors de cause,

- débouter les intimés de l'ensemble de leurs prétentions,

- réformer le jugement pour le surplus,

- juger que la mini-moto est un véhicule terrestre à moteur au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985,

- constater que la garantie multirisque habitation exclut les dommages résultant d'un véhicule terrestre à moteur,

- juger que la MAAF Assurances ne doit pas sa garantie à M. [F],

Subsidiairement,

- juger que [C] [T] a commis une faute de nature à exclure son droit à indemnisation,

- en tout état de cause réduire à de plus justes proportions les demandes de Mme [K] es qualités,

- dire que la garantie de la MAAF ne portera que sur les condamnations au profit de Mme [K] es qualités,

- condamner M. [F] ou toute autre personne succombante à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

La société d'assurance fait valoir que la mini-moto en cause n'est pas un jouet, mais un véhicule terrestre à moteur, si bien que l'accident relève d'un fait de circulation, soumis à la loi du 5 juillet 1985.

Elle dénie sa garantie en se fondant sur l'exclusion prévue par la police d'assurance multirisques-habitation souscrite par M. [F] pour les dommages causés ou subis par un véhicule terrestre à moteur lorsque l'assuré en a la propriété, la conduite ou la garde.

Subsidiairement, si sa garantie était retenue, elle invoque la faute de conduite de la jeune [C], qui a brusquement accéléré.

Par conclusions en date du 25 juin 2012, M. [F] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il condamne la MAAF à le relever et garantir de l'ensemble des condamnations mises à sa charge,

- le réformer en ce qu'il retient sa seule responsabilité,

- juger qu'il ne peut être retenu que pour un tiers des conséquences financières de l'accident en l'état de la responsabilité partagée avec les époux [U] d'une part et [E] d'autre part,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

L'appelant soutient :

1. sur l'appel de la MAAF, que le pocket-bike ne présente pas les caractéristiques d'un véhicule terrestre à moteur ; que la réglementation résultant de la loi du 26 mai 2008, entrée en vigueur le 2 juin 2009, invoquée par la MAAF, n'est pas applicable à l'accident survenu le 17 avril 2006 ; que contrairement à ce que prétend l'assureur, il n'avait pas la garde de la jeune [C], sortie librement de chez ses grands-parents pour jouer avec son amie et utiliser, après elle, la moto ; qu'au surplus, la MAAF en vertu de son devoir de conseil, aurait dû l'informer de l'exclusion de garantie relative à certains types d'accidents ou d'engins, de façon à ce qu'il souscrive une garantie complémentaire ;

2. sur sa responsabilité, que sa faute réside dans le fait d'avoir fait confiance aux déclarations de l'enfant et qu'il est bien fondé à appeler en garantie son assureur ;

3. sur l'appel en cause de la compagnie MAAF, qu'il n'y a pas eu transfert de garde de l'enfant des parents aux grands-parents, ni des grands-parents à lui-même, si bien qu'en sa qualité de tiers par rapport à l'enfant, il doit être garanti par son assureur multirisque habitation.

4. sur le défaut de surveillance des grands-parents de l'enfant, que la jeune [C] est sortie, alors que son grand-père discutait et celui-ci a poursuivi sa conversation sans s'inquiéter du bruit de la mini-moto, alors qu'il aurait dû envisager que [C] aurait très envie d'imiter son amie [J] et intervenir avant que les faits ne se produisent ;

5. sur le rôle causal de la remorque des époux [E], qu'elle était garée dans la rue et dans un virage, alors qu'en l'absence de ses utilisateurs, elle aurait dû être rangée dans leur propriété ou à tout le moins sur le parking réservé au lotissement ; que malgré sa qualité de chose inerte, ce véhicule n'était pas en position normale et a été l'instrument au moins partiel du dommage, justifiant la responsabilité des époux [E] sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du code civil.

Par conclusions récapitulatives du 14 août 2013, M. et Mme [E] demandent à la cour, au visa des articles 1382 et suivants, notamment 1383 et 1384 alinéa 1er du Code civil, de :

Principalement,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, particulièrement en ce qu'il déclare M. [F] seul responsable des divers préjudices subis par la victime mineure,

- juger, de nouveau et par l'effet dévolutif de l'appel, qu'ils doivent être définitivement mis hors de cause dans la présente instance comme pour l'avenir,

Subsidiairement,

- condamner la MAAF à relever et garantir M. et Mme [E] de toute condamnation éventuellement prononcée à leur encontre,

En tout état de cause,

- débouter les parties adverses de toutes leurs demandes à leur encontre,

- condamner M. [F] à leur payer la somme de 1 000 € en dédommagement de la procédure abusivement intentée par lui à leur encontre en cause d'appel,

- juger que M. [F] ou toute autre partie que l'action révélera le mieux (les époux [U] et/ou la MAAF) seront tenus solidairement et indivisiblement de les relever et garantir de toute condamnation éventuellement prononcée à leur rencontre,

- condamner sous la même solidarité et indivisibilité, M. [F] ou toute autre partie que l'action révélera le mieux à leur payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'exposer dans le cadre des précédentes procédures de première instance, au fond, en référé, et en appel, ainsi qu'à leur rembourser l'entièreté des dépens comprenant en particulier les frais de délivrance des assignations portant appel en cause et des significations.

Les intimés exposent que la remorque, qui leur avait été prêtée pour effectuer des travaux, était inerte et normalement stationnée le long du mur sans créer de gêne ; que d'ailleurs, aucune tâche de sang n'a été relevée sur cet engin, si bien que la collision avec le véhicule conduit par la victime n'est même pas certain ; qu'elle n'a pas été une cause nécessaire du dommage, qui se serait produit même en son absence, mais qu'en mettant fin à la course de la moto, qui allait vers le mur, elle en a diminué la gravité, si bien qu'il n'y a pas lieu à partage de responsabilité avec M. [F].

Ils soulignent le rôle également causal du défaut de surveillance des grands-parents et de la faute de la victime, cette dernière, qui présente les caractères de la force majeure, étant exonératoire à leur égard.

Subsidiairement, ils ajoutent que la remorque n'étant pas attelée à un véhicule au moment des faits, la MAAF ne peut dénier sa garantie.

Par conclusions du 29 mai 2012, Mme [I] [U] épouse [K], es qualités, demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger que la mini-moto ne peut être assimilée à un véhicule terrestre à moteur et que la loi du 5 juillet 1985 n'est pas applicable en l'espèce,

- juger que M. [F] a conservé la garde de la mini-moto et qu'il engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil,

- débouter la MAAF de toutes ses prétentions,

- juger la MAAF tenue à garantie,

- condamner in solidum M. [F] et la MAAF à payer à Mme [U] épouse [K] es qualités les sommes de :

. 23'300 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de l'accident,

. 2 000 € titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. les dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire, et d'appel.

Mme [K] soutient que les mini-motos, qui n'ont pas vocation à circuler sur les voies ouvertes à la circulation, ne sont pas soumises à immatriculation, ni à l'obligation d'assurance, si bien que l'application de la loi du 5 juillet 1985 est exclue.

Elle ajoute que M. [F], ayant conservé la qualité de gardien de la moto, doit être déclaré responsable du préjudice sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du code civil.

Par conclusions du 30 septembre 2013, Monsieur [P] [U] et Madame [R] [H] épouse [U] demandent à la cour, au visa de l'article 1382 du Code civil, de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter les époux [E] et tout demandeur de leur demande formée à leur encontre,

- liquider le préjudice de [C] [T] conformément à la jurisprudence habituelle de la cour,

- condamner tout succombant à leur payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens de l'instance.

Ils contestent un défaut de vigilance, alors qu'ils avaient l'habitude de garder leur petite fille et de la laisser jouer au sein du lotissement avec les autres enfants, précisant qu'à le supposer établi, ce défaut serait sans lien causal avec le dommage, qui résulte de la seule défaillance de M. [F].

Par conclusions du 2 juillet 2012, la CPAM des Alpes Maritimes demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- condamner le responsable de l'accident à lui payer la somme de 14'770,48 € en remboursement de ses débours, comprenant :

. les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation à hauteur de 13'080,20 €, à imputer sur le poste dépenses de santé actuelles,

. les frais de transport, à hauteur de 279,20 €, à imputer sur le poste frais divers,

. les frais futurs, à hauteur de 1411,08 € à imputer sur le poste dépenses de santé futures,

- le condamner à lui payer la somme de 980 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L376-1alinéa 9 du code de la sécurité sociale,

- le condamner à lui payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Motifs :

1. Sur l'action de la victime à l'encontre de M. [F] :

En vertu de l'article 1er loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, les victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur sont en droit de prétendre à l'indemnisation de leur dommage.

Lorsqu'un véhicule est seul impliqué, le conducteur, s'il n'en est pas le gardien, a droit, de la part de celui-ci, à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice.

En vertu de l'article L 110-1 du code de la route le terme 'véhicule à moteur' désigne tout véhicule terrestre pourvu d'un moteur à propulsion circulant sur route par ses moyens propres.

Lors de son audition par les services de gendarmerie, le 21 juin 2006, M. [F] a indiqué que la 'pocket-bike' en cause était une petite moto acquise d'occasion auprès d'un collègue de travail en mars 2006. Cette désignation et les circonstances mêmes de l'accident démontrent que l'engin piloté par la jeune [C] [T] au moment des faits se déplace sur route au moyen d'un moteur à propulsion, avec faculté d'accélération. Il s'en déduit que cette pocket-bike ou mini-moto est un véhicule terrestre à moteur, étant observé que tout en contestant cette qualification, M. [F] ne produit aucune notice ou fiche technique, permettant de considérer l'engin comme un simple jouet.

Le bien fondé de la demande sera dès lors envisagé sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

M. [F], propriétaire de la mini-moto, en est présumé gardien. Il n'a pas perdu cette qualité, en permettant à l'enfant d'en prendre possession sous son contrôle, dans un espace et pour un temps limités.

Il n'est pas démontré, ni d'ailleurs prétendu par M. [F], que la victime a elle-même commis une faute en relation avec son dommage. Au demeurant, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre d'une enfant de 6 ans, utilisant l'objet dangereux qui lui a été confié par un adulte.

M. [F] sera dès lors tenu d'indemniser l'entier préjudice subi par la jeune [C] [T] à la suite de l'accident dont elle a été victime le 17 avril 2006.

2. Sur la garantie de la MAAF au titre de l'assurance habitation de M. [F] :

Aux termes du procès-verbal de synthèse du 5 juillet 2006, M. [F] a reconnu que le véhicule n'était pas assuré.

L'assurance multirisque habitation qu'il a souscrite auprès de la MAAF, comporte en page 33 une exclusion expresse de garantie pour les dommages résultant du choc d'un véhicule appartenant à un assuré ou conduit par lui, ou par une personne dont il est civilement responsable.

Au vu de ces dispositions claires et dépourvues d'ambiguïté, l'assureur, dont il n'est pas démontré qu'il a été avisé par M. [F] de l'achat d'un pocket-bike, n'a commis aucun manquement à son obligation de conseil.

En conséquence, et alors que la qualité de tiers de M. [F] à l'égard de l'enfant est indifférente, M. [F], propriétaire du véhicule qui a causé le choc à l'origine des dommages subis par la jeune [C], ne peut prétendre être garanti par la MAAF au titre de l'accident en cause, le jugement étant infirmé sur ce point.

3. Sur l'action récursoire de M. [F] à l'encontre des grands-parents :

Aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de M. et Mme [U] pour avoir permis à leur petite-fille [C] de rejoindre son amie du même âge, [J], chez leur voisin, où il n'est pas contesté qu'elle avait l'habitude de se rendre.

De même, et alors qu'il savait l'enfant sous la surveillance de son voisin, il ne peut être reproché à M. [U] d'avoir poursuivi sa conversation avec un tiers, malgré le bruit produit par le démarrage de la mini-moto.

La demande de M. [F] tendant à voir consacrer la responsabilité partielle des grands-parents sera en conséquence rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.

4. Sur l'action récursoire de M. [F] à l'encontre de M. et Mme [E] :

En application de l'article 1384 alinéa 1er du code civil, le gardien d'une chose inerte, dont il est démontré qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état, est responsable du dommage dont elle a été l'instrument.

Entendue par les gendarmes le 27 juin 2006, Mme [E], dont la villa se situe au fond d'une impasse, se terminant par un parking central où garent les véhicules, indique qu'ils avaient laissé la remorque, prêtée par son beau-père pour transporter des gravats pendant le week-end, devant leur portail contre le mur et qu'ils étaient absents toute la journée.

Le schéma reproduit sur le procès-verbal de constat signé par M. [L] [T], père de la victime, révèle que la remorque était rangée sur le côté de la chaussée. L'exactitude de ce croquis, non contresigné par M. [F], mais régulièrement communiqué aux débats, n'est contesté par aucune des parties.

Toutefois, M. [F], qui ne justifie pas d'un règlement du lotissement interdisant le stationnement de tout véhicule ou attelage en dehors du parking ou des propriétés privées, ne démontre pas que par son seul emplacement sur la voie commune à toutes les habitations, la remorque se trouvait dans une position anormale et qu'elle a été l'instrument du dommage.

La responsabilité de M. et Mme [E] en leur qualité de gardiens de la remorque étant exclue, la demande de M. [F] sera en conséquence rejetée.

6. Sur le préjudice :

L'expert judiciaire indique que [C] [T] a subi un traumatisme crânien direct responsable d'une embarrure temporo-frontale droite avec un hématome extra dural et une discrète contusion cérébrale en regard, dont il est subsisté des céphalées post traumatiques.

Il décrit le préjudice corporel comme suit :

. [C] [T] n'a pas pu aller à l'école jusqu'à la fin de l'année scolaire, le 30 juillet 2006. Elle est passée dans la classe supérieure en septembre

. consolidation : 17 avril 2007

. IPP : 3 %

. souffrances endurées : 3/7

. préjudice esthétique : 3/7

Ce rapport, contre lequel ne peut être retenue aucune critique médicalement fondée, constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par [C] [T], née le [Date naissance 8] 1999, élève au cours préparatoire au moment de l'accident.

Au vu des pièces produites et compte tenu du recours subrogatoire des tiers payeurs, qui s'exerce poste par poste sur les seules indemnités réparant les préjudices qu'ils ont pris en charge, il convient d'indemniser le préjudice comme suit :

1. Préjudices patrimoniaux :

a. Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

. Dépenses de santé actuelles :

La victime n'invoquant aucun frais médicaux ou assimilés restés à charge, ces dépenses sont constituées des seules prestations prises en charge par la CPAM :14 770,48€

b. Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :

sans objet

sous-total 1 :14 770,48€

2. Préjudices extra-patrimoniaux :

a. Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

. Déficit fonctionnel temporaire :

Compte tenu de la gêne dans la vie courante et de la privation des activités d'agrément et de loisir, l'expert précisant que la victime n'a pu terminer sa scolarité en cours préparatoire pendant son indisponibilité de 2,5 mois: 4 500,00€

. Souffrances endurées :

Estimées par l'expert à 3/7, elles résultent du choc traumatique, des soins nécessaires comprenant une intervention chirurgicale, suivie d'une hospitalisation de 11 jours et d'un traitement médicamenteux.

Son indemnisation a été justement fixée par le premier juge à la somme de : 6 000,00€

b. Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

. Déficit fonctionnel permanent :

Estimé par l'expert à 3 %, il résulte de l'existence de céphalées post traumatiques.

Son indemnisation pour un sujet âgé de 7,5 ans lors de la consolidation, a été justement fixé à la somme de : 5 800,00€

. Préjudice esthétique :

Estimé par l'expert à 3/7, il résulte d'une cicatrice temporo-frontale droite de 21 cm/0,5 cm du lobe de l'oreille droite, dépassant le milieu du front et remontant sur quelques centimètres dans le cuir chevelu, d'une protubérance osseuse au niveau de la jonction temporo-frontale droite et d'une petite dépression au milieu de l'arcade orbitaire supérieure droite.

Eu égard en outre, au jeune âge de la victime, son indemnisation a été justement fixée par le premier juge à la somme de : 7 000,00€

sous-total 2 :23 300,00€

total :38 070,48€

Le préjudice corporel global de [C] [T] s'établit ainsi à 38 070,48 € dont 23 300 € lui revenant et celle de 14 770,48 € revenant à la CPAM, outre pour celle-ci, l'indemnité forfaitaire de 980 € en application de l'article L 376-1 alinéa 9 du code des assurances.

M. [F] doit ainsi être condamné à payer :

- à Mme [K], es qualités, la somme de 23 300 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par sa fille,

- à la CPAM des Alpes Maritimes, les sommes de :

. 14 770,48 € en remboursement des prestations servies à l'occasion de l'accident,

. 980 € à titre d'indemnité forfaitaire.

Le jugement sera confirmé sur l'indemnisation du préjudice corporel, ainsi que sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qui ne font l'objet d'aucune critique,

M. [F], qui succombe à l'instance, supportera la charge des entiers dépens exposés en appel.

L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel.

Décision :

La cour,

- Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il retient la responsabilité de M. [F] en application de l'article 1384 alinéa 1er du code civil et condamne la MAAF, assureur multirisques-habitation, à le relever et garantir de l'ensemble des condamnations mises à sa charge ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Dit que la pocket-bike pilotée par la jeune [C] [T] est un véhicule terrestre à moteur au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;

- Condamne M. [F], en sa qualité de propriétaire et gardien de la pocket-bike, à indemniser l'entier préjudice subi par la jeune [C] [T] ;

- Dit que la MAAF, assureur habitation de M. [F], n'est pas tenue de le garantir des conséquences dommageables de l'accident ;

- Dit n'y avoir lieu à application de le l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel ;

- Condamne M. [F] aux entiers dépens exposés en appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 12/02395
Date de la décision : 11/12/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°12/02395 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-11;12.02395 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award