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10/12/2013 | FRANCE | N°12/06352

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre c, 10 décembre 2013, 12/06352


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

6e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 10 DÉCEMBRE 2013



N° 2013/786









Rôle N° 12/06352







[D] [U]





C/



[W] [G]

































Grosse délivrée

le :

à :



Me Jean-marie JAUFFRES, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



par Me Françoise BOULAN de la SELARL

BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge aux affaires familiales de Draguignan en date du 29 Mars 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 07/00341.





APPELANTE



Madame [D] [U]

née le [Date naissance 1] 197...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

6e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 10 DÉCEMBRE 2013

N° 2013/786

Rôle N° 12/06352

[D] [U]

C/

[W] [G]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-marie JAUFFRES, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge aux affaires familiales de Draguignan en date du 29 Mars 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 07/00341.

APPELANTE

Madame [D] [U]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 5] (MAROC), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-marie JAUFFRES, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

ayant Me Lisa VESPERINI, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [W] [G]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 1] (MAROC), demeurant C/O Mr et Mme [G] [Adresse 1]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Philippe BARTHELEMY de la SCP BARTHELEMY POTHET DESANGES, avocat plaidant au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2013 en Chambre du Conseil. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène COMBES, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Hélène COMBES, Président

Madame Monique DELTEIL, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2013.

Signé par Madame Hélène COMBES, Président et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

[D] [U] et [W] [G] se sont mariés le [Date mariage 1] 1993 à [Localité 4] (Maroc) à sans contrat de mariage préalable.

Trois enfants sont issus de leur union : [N] né le [Date naissance 3] 1996 à [Localité 3], [P] née le [Date naissance 5] 2003 à [Localité 2] et [F] née le [Date naissance 4] 2005 à [Localité 2].

Le 11 janvier 2007, [D] [U] a déposé une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan qui a rendu une ordonnance de non conciliation le 23 mars 2007.

Le 3 janvier 2008, elle a assigné [W] [G] en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.

Par jugement du 21 octobre 2010, le juge aux affaires familiales a fait injonction aux parties de conclure sur l'application de la loi marocaine et de présenter leurs demandes au visa des dispositions du code de la Famille marocain.

Par jugement du 29 mars 2012 le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan a jugé que seule la loi marocaine est applicable et qu'en l'état d'un jugement de divorce rendu le 6 juillet 2011 par le tribunal de première instance de Nador, la demande en divorce de [D] [U] est irrecevable.

[D] [U] a relevé appel le 4 avril 2012.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 28 mai 2013 et par arrêt avant dire droit du 2 juillet 2013, la cour a ordonné la réouverture des débats afin que soit débattue la question de l'autorité de la chose jugée de la décision de divorce au regard de la procédure civile marocaine.

La cour a invité les parties à conclure sur la compétence et la loi applicable aux mesures accessoires du divorce et à la liquidation des intérêt patrimoniaux.

Dans ses dernières conclusions déposées le 23 octobre 2013, [D] [U] demande à la cour de :

- constater la litispendance et de dire que le tribunal français est seul compétent pour statuer sur la demande en divorce et ses conséquences.

- se déclarer compétente pour régler le litige entre les parties,

- dire que l'arrêt du 12 novembre 2012 rendu par la cour d'appel de Nador est inapplicable en France et d'appliquer la loi française.

Elle demande encore à titre principal :

- le prononcé du divorce aux torts du mari,

- la nomination d'un notaire chargé de procéder à la liquidation des droits respectifs des parties,

- l'autorisation de conserver l'usage du nom du mari,

- la condamnation de [W] [G] à lui payer 15.000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement des articles 266 et 1382 du code civil,

- la condamnation de [W] [G] à lui payer une prestation compensatoire de 60.000 euros en capital

Subsidiairement, en cas d'application de la loi marocaine, elle demande que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de [W] [G] et qu'il soit condamné à lui payer :

49.483,16 euros en application de l'article 168 de la Moudawana,

75.000 euros en réparation sur le fondement de l'article 84 du code de la famille marocain.

Elle sollicite en tout état de cause le partage de la communauté et l'attribution préférentielle de la villa sise aux Arcs, la fixation de la résidence des enfants à son domicile et la fixation de la contribution de [W] [G] à l'entretien et à l'éducation des enfants à 200 euros par enfant.

Elle réclame 8.000 euros au titre des frais irrépétibles et sollicite le prononcé d'une amende civile de 2.000 euros.

Elle expose qu'elle a été la première à saisir la juridiction française et qu'elle a acquis la nationalité française en cours de procédure de divorce, le 12 septembre 2009.

Sur les règles de détermination du tribunal compétent, elle fait valoir que la juridiction compétente est celle du lieu où les époux ont leur domicile commun ou avaient leur dernier domicile commun ;

que le conjoint français a le droit de refuser le divorce prononcé par un tribunal marocain et de revendiquer son privilège de juridiction ;

qu'en vertu de l'article 11 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981, la juridiction saisie en second lieu doit surseoir à statuer.

Sur la détermination de la loi applicable au divorce franco-marocain, elle invoque les dispositions de l'article 309 du code civil

Sur les conditions d'application en France des décisions de divorce marocaines, elle soutient que

[W] [G] aurait dû suivre la procédure d'exequatur qui est d'ordre public.

Elle observe que l'arrêt de la cour d'appel de Nador n'est toujours pas définitif puisque non signifié et non transcrit, qu'il n'a pas reçu en France d'exequatur et qu'il n'a dès lors aucune autorité de la chose jugée.

Elle fait valoir encore que le jugement de divorce marocain a été, rendu en fraude de ses droits et qu'il n'est pas applicable ;

que [W] [G] a déposé sa demande au Maroc en usant de fausses déclarations et en la domiciliant au Maroc alors que le domicile de la famille a toujours été en France.

Elle soutient que la décision rendue viole tant les accords franco-marocains que les règles du droit international privé.

Sur le fond du divorce, elle demande qu'il soit fait échec à l'article 9 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 qui dispose que ' la dissolution du mariage est prononcée selon la loi des deux Etats dont les époux ont tous les deux la nationalité à la date de la présentation de la demande.'

Elle invoque sur ce point l'acquisition de la nationalité française par un décret de naturalisation du 12 septembre 2009, soit avant la présentation de sa demande par ses conclusions récapitulatives.

Sur les manquements de [W] [G] elle invoque son comportement violent moralement et physiquement et indique qu'il l'a cantonnée dans un rôle de servante et lui était infidèle.

Sur la prestation compensatoire, elle expose que [W] [G] est traiteur ambulant, qu'elle a longtemps travaillé à ses côtés, et qu'il emploie des salariés, qu'il est propriétaire de biens immobiliers tandis qu'elle perçoit un salaire d'employée de bureau de 1.157 euros .

[W] [G] maintient ses conclusions du 21 août 2012 dans lesquelles il sollicitait la confirmation du jugement au motif que le divorce est prononcé de manière irrévocable.

Il demande à la cour de constater que les sommes mises à sa charge ont été payées.

Il lui demande également d'ordonner le partage des intérêts patrimoniaux des époux, de dire que l'autorité parentale sera exercée en commun, de fixer la résidence des enfants chez la mère et sa contribution à leur entretien et à leur éducation à 70 euros par mois et par enfant, soit 210 euros.

Il s'oppose à l'attribution préférentielle sollicitée et réclame la condamnation de [D] [U] à lui payer 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 octobre 2013.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées ;

1 - Sur la demande en divorce

Attendu qu'à la date de la requête en divorce le 11 janvier 2007 et à celle de l'assignation le 3 janvier 2008, [D] [U] et [W] [G] avaient tous les deux la nationalité marocaine ;

Attendu que la la convention franco-marocaine du 10 août 1981 prévoit en son article 9 que la dissolution du mariage est prononcée selon la loi de celui des deux Etats dont les époux ont tous deux la nationalité à la date de la présentation de la demande ;

que c'est à bon droit que le premier juge a dit que seule la loi marocaine est applicable à la demande en divorce, [D] [U] qui a acquis la nationalité française en cours de procédure n'étant pas fondée à invoquer l'application de la loi française ;

Attendu qu'alors que la procédure était pendante devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan, [W] [G] a le 12 novembre 2010, saisi le tribunal de Nador (Maroc) d'une requête en divorce ;

que devant cette juridiction, [D] [U] a en prévision de l'audience du 23 mars 2011, déposé une note par laquelle elle sollicitait sa convocation à son adresse en France et formulait ses demandes au regard de la loi marocaine : douaire du divorce, frais du délai de viduité, frais de domicile, pension des trois enfants, frais de domicile des enfants, frais d'éducation des enfants ;

Attendu que le 6 juillet 2011, le tribunal de première instance de Nador a prononcé le divorce des époux pour discorde et a condamné [W] [G] à payer à [D] [U] le don de consolation, les frais de logement pendant sa retraite légale, la pension alimentaire des enfants, les frais de logement des enfants, la rémunération de leur garde jusqu'à extinction de la retraite légale de la mère ;

Attendu qu'il ressort des termes du jugement, que [D] [U] était représentée par un avocat devant le tribunal de première instance et qu'elle y a fait valoir sa défense ;

Attendu que le 8 décembre 2011, [D] [U] représentée par un avocat, a déposé une requête d'appel à l'encontre du jugement du 6 juillet 2011, faisant notamment valoir que ses droits avaient été lésées en ce qui concerne les accessoires du divorce ;

qu'elle a sollicité l'augmentation des sommes qui lui avaient été allouées en faisant notamment référence aux dispositions de l'ordonnance de non conciliation du 23 mars 2007 ;

Attendu que le 14 novembre 2012, la cour d'appel de Nador a confirmé le jugement frappé d'appel ;

qu'il résulte d'une attestation de remise que la décision de la cour d'appel de Nador a été remise à [D] [U] le 11 juin 2013 et d'une attestation du chef du secrétariat de la cour d'appel de Nador que [D] [U] n'a pas formé de pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt ;

Attendu que les pièces produites permettent de retenir que les décisions rendues par les juridictions marocaines ne l'ont pas été en fraude des droits de [D] [U], de sorte que le jugement de divorce rendu par le tribunal de première instance de Nador qui ne contient aucune disposition contraire à l'ordre public, a l'autorité de la chose jugée ;

qu'il n'est pas déterminant à cet égard que les juridictions marocaines n'aient pas sursis à statuer en application de l'article 11 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 ;

que c'est à bon droit que le premier juge a jugé irrecevable la demande en divorce de [D] [U] ;

que sont également irrecevables toutes les demandes accessoires au prononcé du divorce : demande de prestation compensatoire, demande de dommages intérêts, demande concernant l'usage du nom du mari, demande concernant l'attribution préférentielle de la maison d'habitation ;

qu'il convient de donner acte aux parties qu'elles entendent voir procéder à la liquidation de leur régime matrimonial, sur lequel elles ne se sont toujours pas prononcées ;

2 - Sur les autres demandes

Attendu que les parties s'entendent sur l'application de la loi française quant à l'autorité parentale et à l'obligation alimentaire du père ;

Attendu que [D] [U] et [W] [G] sont d'accord sur l'exercice commun de l'autorité parentale et la fixation de la résidence des enfants au domicile de la mère ;

Attendu que [W] [G] ne s'oppose pas à la fixation de sa contribution à l'entretien et l'éducation de ses enfants puisqu'il offre 70 euros par mois et par enfant ;

qu'il ne justifie cependant pas de sa situation professionnelle actuelle, les pièces les plus récentes qu'il produit datant de 2010 ;

qu'il précise qu'il travaille avec son frère traiteur et qu'il est logé par ses parents ;

que faute pour lui de justifier du montant exact de ses ressources, il convient en tenant compte de la situation de la mère (qui déclare un salaire de 1.157 euros et perçoit les allocations familiales),et des besoins des enfants de fixer à 150 euros par mois et par enfant la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation de ses enfants (soit 450 euros par mois) ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile et de prononcer une amende civile à l'encontre de [W] [G] ;

qu'en effet, outre qu'une partie n'a pas qualité pour solliciter le prononcé d'une amende civile qui relève de la seule initiative du juge, une telle sanction ne peut être prononcée qu'à l'encontre de celui qui agit abusivement en justice, ce qui n'est pas le cas de [W] [G], défendeur à la présente instance ;

Attendu qu'il sera alloué à [D] [U] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement après débats en chambre du conseil, contradictoirement

- Confirme le jugement rendu le 29 mars 2012 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan en ce qu'il a jugé irrecevable la demande en divorce de [D] [U].

- Y ajoutant, déclare irrecevables les demandes accessoires concernant la prestation compensatoire, les dommages intérêts, l'usage du nom du mari et l'attribution préférentielle de la maison d'habitation.

- Donne acte à [D] [U] et [W] [G] qu'ils entendent procéder à la liquidation de leur régime matrimonial.

- Donne acte aux parties de leur d'accord sur l'exercice commun de l'autorité parentale et la fixation de la résidence des enfants au domicile de la mère.

- En conséquence, dit que l'autorité parentale sera exercée en commun et fixe la résidence des trois enfants mineurs au domicile de la mère.

- Condamne [W] [G] à payer à [D] [U] la somme de 150 euros par mois et par enfant (soit 450 euros) au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants.

- Dit que la pension sera indexée sur l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages série France entière et sera révisable le 1er janvier de chaque année en fonction du dernier indice publié à cette date, l'indice de référence étant celui qui est en vigueur à la date de la présente décision.

- Dit n'y avoir lieu de prononcer une amende civile.

- Condamne [W] [G] à payer à [D] [U] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

- Le condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/06352
Date de la décision : 10/12/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6C, arrêt n°12/06352 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-10;12.06352 ?
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