ARRÊT AU FOND DU 05 DECEMBRE 2013
No2013/ 53
Rôle No 11/ 00040
DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES
C/
SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE LES ISCLES MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DE NICE
Grosse délivrée : à :
le :
réf Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'expropriation des ALPES MARITIMES en date du 06 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le no 10/ 75.
APPELANT
DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES, représenté par Monsieur le Président du Conseil Général des Alpes-Maritimes, Monsieur Eric X..., demeurant Centre administratif départemental-...-06. 201 NICE CEDEX 3
représentée par Maître Françoise CHRISTEN, avocat au Barreau de NICE
INTIMES
SOCIETE CIVILE D'EXPLOITATION AGRICOLE LES ISCLES, représentée par sa gérante en exercice la SARL LA CHAPELLE SAINT GEORGES, elle-même prise en la personne de son représentant légal Monsieur Gaston Y..., demeurant ...-06. 550 LA ROQUETTE SUR SIAGNE
représentée par Maître Marilyn DIET, avocat au Barreau de GRASSE
MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DE NICE, demeurant Trésorerie Générale-Service du Domaine-Brigade des Evaluations Domaniales-15 bis rue Delille-06. 073 NICE CEDEX 1
représenté par Monsieur Jean-Marc Z..., Commissaire du Gouvernement
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre SERMANSON, Président désigné pour présider la Chambre des Expropriations, en qualité de titulaire, par ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel d'Aix en Provence.
Madame Françoise BARBET, Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance de TOULON, Monsieur André TOUR, Vice-Président au Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS, spécialement désignés comme juges de l'Expropriation.
Greffier lors des débats : Monsieur Maurice NGUYEN
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au Greffe le 05 Décembre 2013
Les avocats présents ont été entendus.
Le Commissaire du Gouvernement a été entendu en ses réquisitions.
Après clôture des débats, la Cour a mis l'affaire en délibéré.
Puis les mêmes magistrats ont délibéré de l'affaire, conformément à la loi, hors la présence du Commissaire du Gouvernement et du Greffier.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé publiquement le 05 Décembre 2013 et signé par Monsieur Pierre SERMANSON, Président et Monsieur Maurice NGUYEN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Les communes de Pégomas et d'Auribeau sur Siagne sont reliées à l'autoroute numéro A 8 et à la route départementale No 6007 par deux routes départementales servant également de desserte pour les communes environnantes de Cannes, Mandelieu, la Roquette sur Siagne.
Dans le but d'améliorer les axes de transit existants et d'assurer la proximité des zones urbaines, le DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES a projeté la réalisation d'un nouveau tracé routier empruntant le centre de la plaine de la Siagne afin de relier l'échangeur de l'autoroute A 8 au sud de la commune de Pégomas.
Un arrêté préfectoral a été pris le 8 juin 2004 prescrivant l'ouverture des enquêtes publiques conjointes et préalables à la déclaration d'utilité publique parcellaire.
Les enquêtes ainsi ordonnées se sont déroulées du 28 juin au 30 juillet 2004.
La déclaration d'utilité publique est intervenue le 14 mars 2005.
L'arrêté de cessibilité des immeubles nécessaires à la réalisation de l'opération a été pris le 16 mai 2008, remplacé par un arrêté du 27 mai 2009.
Deux ordonnances successives d'expropriation ont été rendues le 13 février 2009 et le 31 août 2009.
SUR CE :
La SCI GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE CENTIFOLIA est propriétaire des parcelles sises sur la commune de la Roquette sur Siagne, cadastrées section AB 55 et 148, AT 6, 7, 8, 9, 74 et 79 au lieu-dit Les Iscles, Les Courrins, Saint-Georges le vieux, concernées par une emprise totale de 5. 701 mètres carrés s'agissant des terrains cultivés et 2. 441 mètres carrés pour ce qui concerne les terrains maraîchers non en exploitation.
Les parcelles sont situées en zone NCA au plan d'occupation des sols de la commune de la Roquette sur Siagne.
Le plan de prévention des risques naturels d'inondations a été approuvé le 23 décembre 1998 et révisé le 18 juin 2001, approuvé le 20 juillet 2003. Les parcelles sont en risque B 1 s'agissant de la section AT 55 et en risque B 2 pour les autres.
Toutes les parcelles dont s'agit sont louées suivant un bail rural à long terme en date du 26 février 2000 au profit de la société SCEA LES ISCLES, exploitées à titre horticole, produisant des roses et des jasmins.
Le DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES, à la suite du refus du prix proposé par lettre recommandée en date du 24 juin 2010, a saisi le juge de l'expropriation du département des Alpes-Maritimes suivant requête déposée au Greffe le 31 août 2010, pour voir fixer l'indemnité de dépossession.
Par mémoire du 31 août 2010, déposé devant le premier juge, l'autorité expropriante a offert à l'expropriée une indemnité de dépossession de 33. 600 euros pour l'ensemble de l'exploitation.
Par nouveau mémoire du 27 juin 2011, l'autorité expropriante a proposé une indemnité d'éviction pour l'EP 12 d'un montant de 1. 200 euros, et une indemnité d'éviction au titre de l'exploitation de l'EP 22 de 4. 878, 92 euros, outre 5. 580, 30 euros pour l'indemnité liée à la perte de récolte et 22. 701, 04 euros pour amélioration liée aux travaux effectués sur le terrain en vue de la récolte future. En conclusion elle a offert pour l'EP 22 une indemnité totale de 42. 500 euros.
Par mémoire en réponse, la SCEA LES ISCLES a sollicité concernant les parcelles objet de l'expropriation EP 12 une indemnité principale de 6. 360 euros, et 1. 204 euros à titre d'indemnité de remploi, outre une somme de 5. 000 euros à titre d'aide de frais d'avenant à l'acte authentique de bail qui devra être dressé ; concernant les parcelles objet de l'expropriation EP 22 : une indemnité à titre principal de 222. 063, 73 euros, une indemnité de remploi de 23. 206, 37 euros, outre une somme de 5. 000 euros à titre d'aide de frais de l'avenant à l'acte authentique de bail qui devra être dressé.
Le commissaire du gouvernement a déposé son mémoire, sans toutefois proposer un chiffrage.
Par jugement en date du 6 octobre 2011, le juge de l'expropriation des Alpes-Maritimes a :- fixé la date de référence au 28 juin 2003,- donné acte au département des Alpes-Maritimes de ses engagements divers d'aménagement de voirie et autre travaux, à ses frais et charges,- fixé l'indemnité totale de dépossession due par le DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES en faveur de la SCEA LES ISCLES à la somme de 195. 457 euros, se décomposant comme suit :
pour l'EP 12, la somme de 5. 343 euros, se décomposant comme suit : Indemnité principale : 4. 452 euros, Indemnité de remploi : 891 euros,
pour l'EP 22 : la somme de 190. 114 euros se décomposant comme suit : Indemnité principale : 171. 922 euros, Indemnité de remploi : 18. 192 euros,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné le département des Alpes-Maritimes à payer à la SCEA LES ISCLES la somme de 4. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES a relevé appel de ce jugement, la SCEA LES ISCLES a relevé appel incident de cette décision.
Le commissaire du gouvernement a conclu.
SUR CE :
Sur l'irrecevabilité soulevée :
La SCEA LES ISCLES soulève l'irrecevabilité de l'appel principal eu égard à sa tardivité ; Qu'elle fait valoir que cet appel a été déposé au Greffe plus d'un mois après la notification du jugement critiqué ;
Attendu qu'aux termes de l'article R13-47 du code de l'expropriation, l'appel doit être interjeté par les parties ou le commissaire du gouvernement dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ; Que ce délai d'un mois pour déposer de mémoire d'appel commence à courir le lendemain de la notification du jugement ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que le DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES a notifié le jugement don't s'agit par lettre du 12 octobre 2011 réceptionnée par la SCEA LES ISCLES le 13 octobre 2011 ;
Que l'appel a été formalisé par le DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES auprès du Greffe de la cour de céans le 10 novembre 2011, soit moins d'un mois après la notification du jugement, ainsi qu'il résulte du timbre du Greffe figurant sur l'acte d'appel déposé et figurant sur le mémoire de l'appelant qui a été notifié régulièrement par le Greffe à l'expropriée ;
Attendu qu'en conséquence, l'appel du DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES n'a pas été formé hors délai, comme le prétend la SCEA LES ISCLES, mais conformément aux exigences fixées par les dispositions des articles L 13-21 et R 13-47 du code de l'expropriation ;
Attendu qu'ainsi l'appel principal est parfaitement recevable, ainsi que conséquemment l'appel incident ;
Attendu que les parties ont repris leurs demandes respectives telles qu'elles les avaient exprimées devant le premier juge ;
Sur la date de référence :
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L 13-15 du code de l'expropriation, le bien exproprié doit être estimé à sa valeur actuelle, selon son usage effectif un an avant l'ouverture de l'enquête publique, soit en l'espèce le 28 juin 2003 ;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur l'évaluation du bien concerné et indemnité accessoire :
Attendu qu'aux termes de l'article L 13-15-1 du code de l'expropriation, les biens doivent être estimés à la date de la décision de première instance,
Que les terrains dont s'agit étaient, à la date de référence à usage agricole, horticole, faisant l'objet d'une location au profit de la SCEA LES ISCLES ;
Attendu que les termes de comparaison portant sur les terrains dont l'usage effectif est industriel ou commercial ne peuvent être retenus ;
concernant l'expropriation EP 12 : Attendu que les parcelles concernées sont en état de jachère ainsi qu'il en a été constaté par le premier juge, l'indemnité d'éviction doit donc être calculée au prix du m ² avec un abattement de 20 % ;
Que la valeur de 14 euros le mètre carré retenue par le premier juge est tout à fait raisonnable et doit être confirmée ;
Qu'ainsi l'indemnité d'éviction pour les parcelles concernées par l'expropriation, EP 12 doit être établie à 5. 343 euros, se décomposant comme suit :
indemnité principale : 318 m ² x 14 euros = 4. 452 euros, l'indemnité de remploi : 4. 452 euros x 20 % soit une somme arrondie à 891 euros ;
Attendu que le bail rural, même à long terme, n'est pas soumis à l'obligation de rédaction d'un acte authentique,
Qu'en conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande indemnitaire accessoire formée à ce titre ;
concernant l'expropriation EP 22 :
Attendu que les parcelles sont exploitées en vertu d'un bail rural à long terme pour la production de roses à parfum ;
Attendu que le premier juge a relevé que les parties étaient d'accord pour fixer les postes suivants comme suit :- indemnité au titre des améliorations culturales et perte d'un fumure, se décomposant comme suit : * préparation et désinfection du terrain : 8. 377 euros hors taxes *fumures : 5. 035, 54 euros hors taxes, * frais de main-d'¿ uvre pour la plantation : 3. 322, 50 euros hors taxes ;
Attendu que pour solliciter la réformation du jugement, la SCEA LES ISCLES, fait valoir essentiellement des pertes de récolte pour les années 2012 à 2015 inclus ; qu'elle réclame une somme minimale totale de 250. 201, 04 euros hors taxes ;
Attendu que la SCEA LES ISCLES ne justifie pas du nombre de plants de rosiers ;
Que c'est à juste titre que le juge de première instance a retenu le nombre de plants indiqués par l'autorité expropriante, à savoir 1950 ;
Attendu que pour fixer l'indemnité due au titre de la perte des récoltes des années 2010 à 2013 inclus, le premier juge s'est appuyé sur le rapport contradictoire de Monsieur C..., et a retenu, une valeur de 15, 50 euros, soit 36. 149, 10 euros par année toutes taxes comprises ; Que ce mode de calcul doit être entériné, car conforme aux usages de la profession, ainsi qu'il résulte du rapport de M. C...;
Attendu que la perte de loyers sur l'emprise sur trois ans telle que retenue par le premier juge est équitable, soit une somme de 4. 878, 92 euros TTC ;
Attendu qu'en conséquence, le premier juge a retenu une juste indemnité de dépossession s'élevant à 190. 114 euros toutes taxes comprises pour l'EP 22 ;
Attendu que le juge de l'expropriation, par des motifs appropriés, que la cour fait siens, a fait une juste appréciation de la valeur des terrains concernés en appliquant un abattement de 20 % ;
Attendu qu'en conséquence, l'évaluation retenue par le premier juge doit être confirmée dans toutes ses composantes, soit une indemnité d'éviction totale due à la SCEA LES ISCLES locataire des terrains concernés par les opérations EP 12 et EP 22 ;
Attendu que le premier juge a pu à bon droit condamner le département des Alpes-Maritimes à payer à la SCEA LES ISCLES la somme de 4. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu cependant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont pu débourser en cause d'appel, dont elles ne justifient pas de l'effectivité ; que les demandes à ce titre seront donc rejetées ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, et par mise à disposition au Greffe,
Déclare recevables l'appel principal et conséquemment l'appel incident ;
Confirme le jugement dans toutes ses dispositions ;
Déboute les parties du surplus de leur demande y compris celles en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse les dépens à la charge du DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES.
LE GREFFIER LE PRESIDENT