COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 4 DECEMBRE 2013
N° 2013/496
Rôle N° 11/09893
[P] [N]
[E] [F]
C/
[O] [W]
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES
[K] [N]
Grosse délivrée
le :
à :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Mars 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 00/7399.
APPELANTS
Monsieur [P] [N]
né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de Me Jean-Michel BOTTAI de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués,
plaidant par Me Jérôme LAVOCAT, avocat au barreau de LYON substitué par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [E] [F]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de Me Jean-Michel BOTTAI de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués,
plaidant par Me Jérôme LAVOCAT, avocat au barreau de LYON substitué par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [O] [W]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Emmanuel BRANCALEONI, avocat au barreau de NICE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES agissant poursuites et diligences de son Gérant en exercice y domicilié [Adresse 1]
assignée,
défaillant
PARTIE INTERVENANTE
Madame [K] [N]
née le [Date naissance 4] 1994, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Jérôme LAVOCAT, avocat au barreau de LYON substitué par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christiane BELIERES, Présidente
Mme Jacqueline FAURE, Conseiller
Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2013. Le 13 Novembre 2013 le délibéré a été prorogé au 20 Novembre 2013 et le 20 Novembre 2013 le délibéré a été prorogé au 04 Décembre 2013.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Décembre 2013,
Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE
Mme [F] enceinte de son 2ème enfant qui était suivie par M. [O] [W], gynécologue obstétricien, a accouché par voie basse le 8 novembre 1994 d'un enfant de sexe féminin prénommée [K].
Lors de l'accouchement est survenue une dystocie des épaules entraînant une paralysie du plexus brachial qui a laissé chez l'enfant des séquelles sous forme d'une atteinte globale du membre supérieur droit.
Par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse du 2 mars 2010, une mesure d'expertise médicale a été prescrite confiée au docteur [A] [R] dont la mission a été étendue par nouvelle ordonnance du 25 octobre 1995, lequel a eu recours à deux sapiteurs le professeur [X], spécialiste en orthopédie traumatologique et le docteur [M], pédiatre spécialiste en neurologie infantile et qui a déposé son rapport le 6 octobre 1998.
Par acte du 13 novembre 2000 Mme [F] et M. [P] [N] agissant tant à titre personnel qu'en qualité d'administrateurs légaux de leur fille mineure [K], ont fait assigner M. [W] devant le tribunal de grande instance de Grasse en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis et ont appelé en cause la Caisse Primaire d'Assurances Maladie (Cpam) des Alpes Maritimes.
Par jugement du 22 mai 2003 cette juridiction a prescrit une mesure de contre expertise et désigné en qualité d'expert le professeur [Y] qui a fait appel à un sapiteur, le professeur [H] spécialiste en chirurgie orthopédique infantile, et qui a déposé le 6 juin 2006 son rapport de non consolidation.
Par ordonnance du juge de la mise en état du 5 février 2009 une mesure d'expertise complémentaire destinée à déterminer la date de consolidation et à chiffrer les postes de préjudice définitifs a été prescrite confiée au même technicien judiciaire qui déposé son rapport définitif le 2 mars 2010.
Par jugement du 8 mars 2011le tribunal a
- constaté que le rapport d'expertise des docteurs [Y] et [H] ne permet pas de conclure avec certitude à une faute imputable au docteur [W] dans la survenance du plexus brachial dont a été atteint [K] lors de l'accouchement
- constaté que ce rapport d'expertise ne permet pas d'établir le lien certain de causalité entre les préjudices subis par [K] et la prétendue faute de M. [W]
- débouté Mme [F] et M. [N] agissant en leur qualité d'administrateurs légaux de leur enfant mineur [K] de leurs demandes en paiement au titre des différents préjudices subis par leur fille et de leur demande en réparation de leur propre préjudice
- débouté M. [W] de sa demande en contre-expertise
- déboute Mme [F] et M. [N] es qualité de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné Mme [F] et M. [N] es qualité au entiers dépens y compris les frais d'expertise.
Par acte du 1er juin 2011, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [F] et M. [N] ont interjeté appel général de cette décision.
Par conclusions du 16 septembre 2013 [K] [N] est intervenue volontairement à l'instance, étant devenue majeure le 8 novembre 2012.
MOYENS DES PARTIES
Mme [F], M. [N] et [K] [N] dans leurs dernières conclusions communes du 16 septembre 2013 de 41 pages auxquelles il convient de se reporter pour plus de précisions sollicitent de
- donner acte à [K] [N] de son intervention volontaire
- infirmer le jugement
- dire que M. [W] a commis plusieurs fautes dans le suivi de la grossesses de Mme [F], n'a pas assuré la surveillance suffisante en l'état de ses antécédents personnels et familiaux et des signes qui auraient du l'alerter et faire suspecter une macrosomie foetale
- condamner M. [W] à verser à [K] [N] les sommes suivantes :
* dépenses de santé futures : à réserver
* frais de véhicule adapté : à réserver
* incidence professionnelle : à réserver
* déficit fonctionnel temporaire : 55.810 €
* souffrances endurées : 20.000 €
* préjudice esthétique : 15.000 €
* déficit fonctionnel permanent : 48.000 €
* préjudice d'agrément : 20.000 €
- condamner M. [W] à payer à Mme [F] et M. [N] les sommes de
* 21.727,60 € correspondant aux frais de déplacements engagés par eux
* 30.000 € chacun en réparation du préjudice moral par ricochet subi par eux en raison des troubles dans leurs conditions d'existence
- condamner M. [W] à verser à Mme [F] la somme de 20.000 € au titre de la perte de chance de faire échapper son enfant au risque qui s'est réalisé
- condamner M. [W] à verse à Mme [F] et M. [N] la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Ils font valoir que M. [W] a commis d'importantes fautes d'imprudence et de négligences à l'occasion du suivi de la grossesse et des manoeuvres inappropriées au moment de l'accouchement, en relation de causalité directe avec les dommages subis par [K] lors de sa naissance.
Ils se prévalent du rapport de l'expert judiciaire [Y] qui a considéré que les soins prodigués n'ont pas été parfaitement attentifs, diligents et conformes aux règles de bonne pratique médicale valables en 1994 car la surveillance de la grossesse aurait du être plus attentive, ce qui aurait permis de mettre en évidence une macrosomie foetale importante, notamment par des examens cliniques plus rigoureux (3ème échographie nécessaire et arbitrairement supprimée, meilleure évaluation de la hauteur utérine qui était au-dessus de la moyenne), eu égard aux antécédents familiaux et personnels de la mère (premier enfant déjà macrosome, parents diabétiques) qui constituent des facteurs de risques identifiables et aurait sans doute amené M. [W] à éviter de procéder à un déclenchement artificiel du travail et à une extraction instrumentale, décision qui s'est avéré inopportune et contre indiquée dans un tel cas, et à vraisemblablement poser une indication de césarienne et, à tout le moins, prévoir le personnel nécessaire au bon déroulement d'un tel accouchement et préparer son exécution correcte.
Ils ajoutent que si le diagnostic de dystocie des épaules a été immédiatement porté au moment de l'accouchement, l'obstétricien n'a pas réalisé les manoeuvres recommandées dans cette hypothèse (telles les manoeuvre de Mac Roberts ou de Jacquemier ou autres manoeuvres identifiées), ce qui a pu augmenter le risque de lésions du plexus bracchial.
Ils en déduisent que le lien de causalité entre les fautes commises et le préjudice corporel subi par l'enfant est clairement établi, ne relève pas d'un aléa thérapeutique mais est directement lié au traitement de la dystocie des épaules.
Ils considèrent que l'absence d'un bon diagnostic avec la suppression de la 3ème échographie face à une parturiente aux antécédents de macrosomie, un diagnostic erroné qui a conduit au déclenchement artificiel inapproprié de l'accouchement, l'injection de Syntocinon dont la première contre-indication est la dystocie des épaules, l'extraction instrumentale du nouveau né, la manoeuvre osbtétricale non adapté en présence d'un enfant macrosome, l'absence d'un anesthésiste et du pédiatre sur place sont autant d'éléments qui ont entraîné les séquelles d'[K] et permettent de retenir l'incontestable responsabilité de M. [W].
Subsidiairement, ils réclament un complément d'expertise confié à un collège d'experts et de ne pas supporter la charge des dépens, car il est tout à fait légitime pour des parents de vouloir défendre au mieux les intérêts de leur enfant.
M. [W] réclame dans ses conclusions du 27 août 2013 de
A titre principal,
- confirmer le jugement
- débouter les consort [N]/[F] de la totalité de leurs demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire,
- ordonner une nouvelle expertise confiée à un collège d'expert
A titre infiniment subsidiaire,
- dire qu'[K] ne peut prétendre qu'à l'indemnisation au titre de la perte d'une chance
- débouter les consorts [N]/[F] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner tout succombant aux entiers dépens.
Il conteste toute responsabilité en l'absence de faute démontrée à son encontre en relation de causalité avec les préjudices subis.
Il fait valoir qu'aucun défaut de surveillance dans le suivi de la grossesse n'est caractérisé
puisqu'il a effectivement mesuré la hauteur utérine, à 27 semaines, 31 semaines et demi et 37 semaines et demi, que selon l'expert [Y] il n'y avait pas d'indication formelle de césarienne ni avant le début du travail ni au cours du travail, de sorte que toutes les prétendues fautes alléguées au titre des examens qui auraient du être réalisés pour déterminer la macrosomie du foetus sont sans intérêt, l'accouchement par voie basse étant l'indication qui s'imposait au moment des faits et qu'il a, à juste titre, retenue.
Il ajoute que l'absence de 3ème échographie à 32 semaines ne saurait lui être reprochée car le diagnostic de macrosomie avait été posé dès la 28ème semaine et celle-ci n'aurait rien apporté de nature à modifier les modalités de l'accouchement, l'examen clinique révélant un excellent bassin, une bonne position du foetus, ce qui impliquait un bon pronostic d'accouchement par voie basse alors que la mère avait déjà donné naissance à un enfant d'un poids élevé, que la recherche effectuée révélait qu'elle ne présentait aucun diabète et que la mesure de hauteur utérine avait été faite à plusieurs reprises.
Il souligne que le fait de poser un diagnostic de macrosomie n'implique pas automatiquement et obligatoirement d'envisager une césarienne prophylactique, laquelle ne fait pas disparaître le risque de lésion du plexus bracchial qui reste un accident imprévisible.
Il affirme que les manoeuvres non conformes au moment de l'expulsion ne sont nullement démontrées puisqu'elles ne sont pas décrites par l'expert, qu'il a du intervenir dans une très grande urgence avec comme priorité de sauvegarder la vie de la patiente et que leur lien de causalité avec le dommage n'est pas davantage établi, une grande partie des lésions du plexus brachial n'ayant d'autre explication que la propulsion arrêtée du foetus.
Subsidiairement, il sollicite une mesure de contre-expertise afin de clarifier le débat, confiée à un collège d'experts, car le rapport du professeur [Y] contient de nombreuses incohérences et confusions le rendant inexploitable.
Encore plus subsidiairement, il soutient que l'indemnisation d'[K] [N] devrait être limitée à une simple perte de chance dont il appartiendra à la cour de fixer la quote-part.
Ils concluent au rejet des demandes au titre des frais de déplacement, en l'absence de justificatifs et font les propositions suivantes sur le préjudice corporel de l'enfant
* dépenses de santé futures : rejeter, une nouvelle intervention sur le bras droit étant particulièrement hypothétique
* frais de véhicule adapté : rejet en l'absence de justificatif
* incidence professionnelle : rejet
* déficit fonctionnel temporaire : 10.372 €
* souffrances endurées : 7.000 €
* préjudice esthétique temporaire : 1.000 €
* déficit fonctionnel permanent : 30.000 €
* préjudice esthétique permanent : 1.000 €
* préjudice d'agrément : 2.000 €
La Cpam des Alpes Maritimes assignée par les appelants par acte du 2 septembre 2011
délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat ; par courrier du 29 décembre 2011 elle a indiqué 'qu'à ce jour notre organisme n'a pas de prestations à faire valoir concernant cette affaire'
L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les responsabilités et leurs incidences
En raison de la date de réalisation des actes médicaux litigieux, antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 qui ne s'applique qu'à ceux réalisés à compter du 5 septembre 2001, la responsabilité de M. [W] est régie par l'article 1147 du code civil
Sur les données de l'expertise
Le professeur [Y], expert national, indique dans son rapport du 6 juin 2006 'qu'[K] est née le [Date naissance 4] 1994 à la 37ème semaine de gestation et pesait 4850 gr, qu'il s'agissait d'un enfant macrosome (plus gros que la moyenne) pour l'âge gestationnel, qu'elle présentait une paralysie obstétricale du plexus brachial pratiquement complète, constatée d'emblée.. que l'électromyographe réalisé en mars 1995 a mis en évidence des signes d'atteinte neurologique périphérique au niveau de toutes les racines du plexus brachial droit qui ont conduit à pratiquer une intervention chirurgicale en mai 1995 puis à une rééducation régulièrement poursuivie jusqu'en 1999 puis à la demande.
Il explique que 'L'accouchement a été marqué par la survenance d'une dystocie des épaules nécessitant la pratique de manoeuvres obstétricales. La paralysie obstétricale du plexus brachial est une complication rare mais connue de l'accouchement. Si certaines de ces paralysies peuvent être dues à une malposition utérine ou survenir lors d'accouchements pratiquement normaux, elles sont en général la conséquence directe d'un accouchement marqué par une dystocie des épaules ayant nécessité des manoeuvres obstétricales.
Le risque de lésions du plexus brachial est d'environ 1 pour 2000 accouchements. Ce risque est multiplié par 2,5 chez les enfants dont le poids de naissance est compris entre 4000 et 4500 grammes et par 10 ceux qui pèsent plus de 4500grammes c'est-à-dire 0,5 %.
Le seul moyen d'éviter la survenue d'une paralysie obstétricale du plexus brachial est d'éviter la survenue d'une dystocie des épaules et donc de réaliser une césarienne.
Les soins et actes médicaux pratiqués par M. [W] y compris l'accouchement n'ont pas été parfaitement attentifs, diligents et conformes aux données de la science médicale valables en 1994...
Le docteur [W] aurait du surveiller plus attentivement la grossesse de Mme [F] afin de mettre en évidence une macrosomie éventuelle, compte tenu des antécédents de la mère (diabète dans la famille, antécédents d'accouchement de gros bébé) ; il aurait du réaliser une 3ème échographie et mieux évaluer la hauteur utérine.
Il n'y avait pas d'indication formelle de césarienne prophylactique (la réalisation d'une césarienne avant le début du travail pour macrosomie foetale est rarement nécessaire et recommandée lorsque le poids du foetus est estimé supérieur à 4500 gr chez une patiente diabétique et 5000 gr chez une patient non diabétique) ; mais il n'y avait pas d'indication à procéder à un déclenchement artificiel du travail qui est susceptible, en cas de foetus macrosome, d'augmenter le risque de dystocie des épaules.
Il faut également souligner que si le docteur [W] avait eu connaissance d'une macrosomie foetale il n'aurait sans doute pas posé une indication d'extraction instrumentale (qui s'est déroulée apparemment sans difficultés majeures) dont on sait qu'elle augmente le risque de dystocie des épaules.
Le traitement de la dystocie des épaules n'a pas été conforme aux bonnes pratiques médicales, les manoeuvres réalisées n'étant pas classiques, ce qui a pu augmenter le risque de lésion du plexus bracchial'.
L'expert [Y] a procédé à ses investigations de façon contradictoire, recueilli toutes les doléances des parties, procédé à une analyse complète du dossier médical, transmis aux parties un pré-rapport en les invitant à formuler leurs dires, déposé un rapport motivé répondant point par point à chacune des observations présentées et à chacun des chefs de la mission confiée.
Aucune des pièces versées aux débats n'apporte d'élément nouveau susceptible de remettre en cause ses conclusions parfaitement claires, précises et circonstanciées étayées par des données objectives et des considérations médico-légales.
Au vu de l'ensemble de ces données la demande de contre-expertise médicale présentée par M. [W] doit être rejetée, étant souligné qu'en vertu de l'article 246 du code de procédure civile le juge n'est pas lié par les constatations ou conclusions du technicien.
Sur la responsabilité du médecin
Il se forme entre le médecin et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien l'engagement de donner des soins attentifs, consciencieux, et, sous réserve de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; la violation même involontaire de cette obligation, qui revêt la nature juridique d'une obligation de moyens, engage sa responsabilité contractuelle .
Au vu du rapport d'expertise de M. [Y] et de l'ensemble des éléments versés aux débats des négligences de l'obstétricien en relation de causalité avec le préjudice subi, dont la charge de la preuve pèse celui qui l'invoque, sont caractérisées, eu égard au comportement approprié qu'aurait du avoir, à la date des soins, un médecin normalement avisé, diligent et compétent, placé dans la même situation.
** sur les fautes
M. [W] a été défaillant dans la surveillance de la grossesse.
En l'absence de recommandation précise, à l'époque, sur le dépistage systématique du diabète gestationnel, il ne saurait lui être fait grief de s'être limité à la surveillance de la glycémie et au dépistage du diabète par une glycémie à jeun, examen insuffisant pour diagnostiquer tous les états diabétiques ou pré-diabétiques.
En revanche, il n'a pas été attentif au risque de récidive de macrosomie foetale alors que Mme [F] avait des antécédents personnels l'y exposant puisqu'elle avait déjà accouché d'un enfant pesant plus de 4 kg.
L'expert [Y] indique, notamment, à la page 12 de son rapport que 'les examens cliniques étaient sommaires, que la hauteur utérine a été inconstamment mesurée alors qu'il s'agit d'un geste de bonne pratique élémentaire, que la surveillance échographique a été très réduite, deux échographies seulement ayant été pratiquées, et la seconde ayant été faite le 31 août à 28 semaines c'est-à-dire plus de 9 semaines avant l'accouchement alors qu'il aurait été logique d'en réaliser une troisième à proximité du terme, sans doute au cours de la deuxième quinzaine d'octobre'.
Ce suivi insuffisant a privé l'obstétricien de la possibilité de porter le diagnostic de macrosomie foetale et plus précisément de son ampleur, étant souligné que l'enfant [K] pesait 4900 gr à 37 semaines et demi d'aménorrhée, ce qui veut probablement dire qu'elle était destinée à peser à terme près de 5,5 kg (page 13 du rapport).
M. [W] affirme, certes, qu'il avait connaissance de la macrosomie dès la 28ème semaine, date de la première prise de hauteur utérine renouvelée et confirmée à 31 semaines et demi puis à 37 semaines et demi.
Mais ce simple geste, peu rigoureux, n'était pas de nature à permettre d'apprécier de façon précise le poids foetal, qui a été sous estimé alors que la macrosomie était très importante.
M. [W] a également manqué à son obligation de prodiguer des soins adaptés au moment de l'accouchement.
S'il a porté immédiatement le diagnostic d'accouchement dystocique (difficile) des épaules, il n'a pas procédé aux manoeuvres recommandées dans un tel cas ; au vu des renseignements donnés par l'obstétricien à l'expert judiciaire, les manoeuvres pratiquées ne correspondent pas à celles préconisées ; 'la manoeuvre d'hyperflexion des cuisses de Marc Roberts n'a pas été effectuée ...et pas davantage une manoeuvre typique de Jacquemier qui consiste à introduire la main dans la filière génitale pour extraire le bras postérieur' puisqu''il note dans sa déclaration écrite avoir procédé à une traction pour dégager le bras postérieur. Cette manoeuvre n'est pas classique' (pages 6 et 14 du rapport).
Si l'expert [Y] mentionne qu'il est assez difficile de dire, avec certitude, quelles manoeuvres ont été effectuées puisque rien n'a été noté à ce sujet sur la fiche d'intervention, il est formel sur l'absence de conformité de celles qui lui ont été décrites par le médecin lui-même, par rapport aux règles de bonnes pratiques médicales.
Cette mise en oeuvre de moyens techniques insuffisants et d'absence de réponse médicale satisfaisante, au regard des normes et méthodes scientifiques de la profession, comme explicité aux pages 12 à 14 du rapport d'expertise, revêt un caractère fautif.
Les manquements de ce médecin à l'obligation de donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science à la date de ceux ci sont parfaitement établis.
** sur leurs incidences
Ces fautes ont privé Mme [F] de bénéficier, en temps utile, d'examens et soins spécialisés et adaptés qui auraient pu avoir une influence favorable sur le déroulement de l'accouchement en évitant la survenue de lésions sur l'enfant.
L'expert estime, en effet, que si M. [W] avait, grâce à une surveillance suffisante de la grossesse, porté correctement le diagnostic de macrosomie foetale, 'il aurait sans doute été amené à gérer différemment la fin de grossesse'..' il n'aurait certainement pas procédé à un déclenchement artificiel du travail (qui augmente le risque de dystocie des épaules) et aurait peut-être pris la décision, au contraire, de procéder à une césarienne prophylactique.... il n'aurait sans doute pas posé une indication d'extraction instrumentale dont on sait qu'elle augmente aussi le risque de dystocie des épaules. (Page 13 du rapport)
Un meilleur suivi aurait donc modifié la prise en charge que la situation, ultérieurement révélée et diagnostiquée, imposait.
Aux risques supplémentaires de dystocie des épaules ainsi créés s'est également ajouté le risque aggravé de lésion du plexus brachial né des manoeuvres obstétricales pratiquées pour traiter la dystocie, qualifiées de non conformes.
Ces fautes engagent la responsabilité civile de M. [W], dès lors qu'elles ont eu pour effet de l'amener à prendre des décisions peu opportunes face au risque d'atteinte à l'intégrité physique de l'enfant à naître en faisant perdre à celui-ci une chance d'y échapper.
Le lien de causalité direct entre ces fautes et la survenue de la paralysie du plexus bracchial n'est, certes, pas démontré puisqu'il ne peut être affirmé avec certitude que si les fautes n'avaient pas été commises la lésion n'aurait pas eu lieu, ce qui ne permet pas la réparation de l'entier dommage qui en résulte.
Mais il est certain que, sans les fautes, l'enfant porté par Mme [F] avait une chance de l'éviter, ce qui permet l'indemnisation du dommage au titre de la perte de chance.
Le préjudice de la victime présente, en effet, un caractère certain et direct chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable.
M. [W] est donc tenu de réparer les conséquences dommageables qui en découlent pour l'enfant lui-même et pour les deux parents par ricochet.
Sur l'indemnisation
** sur son étendue
Le dommage en relation avec la faute retenue, et donc juridiquement indemnisable, n'est pas la paralysie du plexius brachial elle-même mais la perte d'une chance d'échapper, par des examens et soins plus appropriés au risque qui s'est finalement réalisé.
Dans le cas où la faute médicale a fait perdre au patient une chance d'éviter une atteinte à l' intégrité physique, l'indemnisation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle était réalisée ; elle correspond à une fraction seulement des différents chefs de préjudices subis et son étendue doit s'apprécier en prenant en considération l'état de santé du patient et les conséquences qui en découlent.
Mme [F] présentait des antécédents familiaux de diabète ainsi qu'un antécédent personnel de grossesse d'enfant macrosome l'exposant à un risque de récidive de la macrosomie foetale, qui s'est avéré réel et particulièrement marqué ; négligé ou, tout au moins, largement sous-estimé, ce facteur de risque de dystocie des épaules n'a pas été anticipé par l'obstétricien alors qu'il aurait du le guider vers plus de prudence par abstention de certains actes (déclenchement artificiel du travail, extraction instrumentale) ou réalisation d'autres actes (césarienne envisageable ou à tout le moins pratique de manoeuvres obstétricales spécifiques lors de l'accouchement) pour procurer des conditions d'accouchement et de prise en charge optimales.
L'expert ne va pas toutefois jusqu'à considérer que la césarienne prophylactique s'imposait ni qu'il y avait une indication à réaliser une césarienne en cours de dilatation dans la mesure où celle-ci a progressé rapidement et où le rythme cardiaque de l'enfant était normal ; il écrit, en effet, dans ses conclusions 'nous estimons qu'il n' y avait pas d'indication à réaliser une césarienne au cours de l'accouchement (pag 13) nous pensons qu'il n'y avait pas d'indication de césarienne prophylactique mais nous pensons également qu'il n'y avait pas d'indication à procéder à un déclenchement artificiel du travail (page 17).'.
Au vu de l'ensemble de ces données, cette perte de chance doit être évaluée à 50 % du dommage et la condamnation de M. [W] limitée à cette proportion qui représente la partie du préjudice total à la réalisation duquel il a contribué par ses fautes.
Sur le montant de l'indemnisation
sur le préjudice corporel de l'enfant
L'expert indique dans ses rapports du 6 juin 2006 et du 2 mars 2010 qu'[K] [N] qui est gauchère sans que l'on puisse dire si ceci est familial (sa mère et son frère sont gauchers) ou lié à la paralysie du plexus brachial, présente une atteinte globale du membre supérieur droit qui se positionne en légère rotation interne, la fonction de l'épaule étant limitée de façon importante d'une part en abduction (30 ° à droite contre 180 ° à gauche) et dans ses mouvements de rotation externe (-10 ° à droite contre 45° à gauche) ; au niveau du coude, la mobilité active est limitée de façon modérée en extension (manque de 15°) et en flexion (manque de 30°) mais le secteur de mobilité de l'articulation le plus utilisé est respecté ; au niveau de l'avant bras, du poignet et de la main existe une limitation des mouvements de supination (30° à droite contre 70° à gauche), la flexion dorsale du poignet étant absente à droite avec par contre une mobilité des doigts satisfaisante ; la force musculaire, bien que plus faible à droite qu'à gauche est satisfaisante sauf au niveau de l'épaule (muscle deltoïde et muscle rotateur externe) et au niveau du poignet (muscles radiaux), ces différents muscles étant peu ou pas fonctionnels ; il existe une discrète amyotrophie du membre supérieur droit légèrement plus court que le gauche, sans trouble sensitif.
L'expert après avoir affirmé que toutes ces séquelles sont en relation directe avec les difficultés observées lors de l'accouchement conclut à
- un déficit fonctionnel temporaire total du 8 au 14 novembre 1994
- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 15 novembre 1994 au 8 mai 1995
- un déficit fonctionnel temporaire total du 9 mai 1995 au 30 mai 1995
- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 18 % du 30 mai 1995 au 2 mars 2010
- une consolidation au 1er octobre 2009 avec réserves (en cas de nouvelle intervention chirurgicale)
- des souffrances endurées de 4/7
- un préjudice esthétique temporaire de 2/7
- un déficit fonctionnel permanent de 18 %
- une impossibilité de prétendre effectuer une profession qui nécessiterait une fonction bilatérale normale des membres supérieurs
- un préjudice né des souffrances endurées de 4/7
- un préjudice esthétique de 2/7
- un préjudice d'agrément de 3/7
Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime (née le [Date naissance 4] 1994), de son activité (étudiante), de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale.
Préjudices patrimoniaux
Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
- Dépenses de santé actuelles
La Cpam a expressément indiqué n'avoir pas de créance à faire valoir et la victime n'allègue pas avoir supporté personnellement des dépenses à ce titre.
Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)
- Dépenses de santé future, si une chirurgie s'avère nécessaire
- Frais de véhicule adaptés, en raison de la nécessité d'utiliser une boîte automatique, lorsque la victime aura obtenu son permis de conduire
- Incidence professionnelle, à envisager éventuellement lorsque la victime aura terminé ses études et rentrera dans la vie active
Ces trois postes doivent être expressément réservés.
Préjudices extra-patrimoniaux
Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
- Déficit fonctionnel temporaire28.229,00 €
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément pendant l'incapacité temporaire qui a duré de la naissance à la consolidation soit pendant 179 mois ; l'expert en fixe le terme au jour du dépôt de son rapport mais de façon erronée dès lors qu'il a retenu comme date de consolidation le 1er octobre 2009 qui en marque nécessairement le terme avec la stabilisation des lésions médicalement constatée.
Il doit être indemnisé sur la base de 800 € par mois eu égard à la nature et à l'importance des troubles, soit les sommes de
* 773 € pendant la période d'incapacité totale de 29 jours
* 2.333 € pendant la période d'incapacité partielle à 50 % de 175 jours
* 25.123 € pendant la période d'incapacité partielle à 18 % de 5.234 jours
soit au total 28.229 € ramené, après application du taux de 50 % de perte de chance à la somme de 14.114,50 €.
- Souffrances endurées15.000,00 €
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de plusieurs hospitalisations, d'une intervention chirurgicale pour exploration des racines nerveuses et greffe des 5ème, 6ème et 7ème racines cervicales avec prise de greffons des nerfs saphènes internes des deux jambes, de la nature et de la longueur des soins de rééducation prodigués à raison de deux séances par semaine chez une personne jeune, avec ses répercussions psychologiques.
Il doit être réparé par l'octroi d'une indemnité de 15.000 € à la charge du médecin à hauteur de 50 % soit 7.500 €.
- Préjudice esthétique temporaire2.000,00 €
Evalué à 2/7 par l'expert, il justifié une indemnisation de 2000 €, qui doit être réduite de moitié en raison du taux de perte de chance retenu soit une indemnité revenant à la victime de 1.000 €
Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)
- Déficit fonctionnel permanent48.000,00 €
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales)
Caractérisé par une atteinte globale du membre supérieur droit positionné en légère rotation interne limitant de façon importante la fonction de l'épaule et de façon modérée celle du coude, de l'avant bras et du poignet avec faiblesse musculaire au niveau de l'épaule et du poignet, il a été évalué à un taux de 18 % ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 48.000 €, comme demandé, pour une jeune fille âgée de 15 ans à la consolidation
Au vu du pourcentage de perte de chance retenu soit 50 % la somme à la charge du tiers responsable est ramenée à 24.000 € au titre du droit à réparation de la victime
- Préjudice esthétique permanent4.000,00 €
Evalué à 2/7 par l'expert il est constitué par diverses cicatrices au niveau du cou de 12 cm de long d'une largeur comprise entre 2 et 5 mm, à la face postérieure des mollets et au tiers inférieur de 6cm de long sur 2 mm de largeur et en arrière de la malléole externe de 5 cm de long sur 2 mm de large, à droite comme à gauche, toutes étant souples, incolores, non pigmentées et peu visibles et par une amyotrophie modérée du membre supérieur droit avec une circonférence de 2 cm inférieure à droite par rapport au côté gauche, une main légèrement plus petite (18 cm à droite contre 19,5 à gauche), un membre supérieur droit discrètement plus petit que le gauche (3 cm environ), chez une jeune fille.
Ces éléments justifient l'octroi d'une indemnité de 4.000 € qui doit être réduite de moitié après application du pourcentage soit un préjudice réparable de 2.000 €.
- Préjudice d'agrément 10.000,00 €
Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.
Il a été retenu par l'expert qui souligne que la victime ne peut prétendre effectuer des activités sportives ou de loisirs nécessitant une fonction normale des deux membres supérieurs, ce qui chez une personne jeune qui subit son handicap depuis sa naissance constitue une réelle contrainte et restriction.
Ce chef de dommage n'est indemnisable, eu égard au taux de perte de chance retenue, que dans la limite de moitié ou 5.000 €.
Le préjudice corporel global subi par [K] [N] s'établit ainsi à la somme de 107.229
€ indemnisable par M. [W] à hauteur de moitié soit 53.614,50 € qui lui revient entièrement et qui porte intérêts conformément à l'article 1153-1 du code civil à compter du prononcé du présent arrêt.
** sur les préjudices par ricochet des parents
Le préjudice moral subi par les père et mère d'[K] [N] à la vue de l'état de leur enfant diminué à sa naissance résulte suffisamment de la nature des séquelles présentées par cette victime directe avec son retentissement avéré pour les membres du très proche entourage qui ont nécessité une aide et un soutien attentif et constant.
Il doit être fixé à la somme de 15.000 € pour chacun d'eux, à la charge de M. [W] à hauteur de moitié seulement , en raison de la perte de chance ci-dessus retenue, soit la somme de 7.500 € pour Mme [F] et de 7.500 € pour M. [N].
La demande de Mme [F] présentée au titre de 'la perte de chance de faire échapper son enfant au risque qui s'est réalisé'doit, en revanche, être rejetée ; celle-ci ne justifie pas subir une préjudice personnel spécifique, distinct de son propre préjudice moral, déjà indemnisé, ou du préjudice corporel subi par l'enfant lui-même.
M. [N] et Mme [F] sont également bien fondés à réclamer indemnisation au titre des frais de transport exposés pour se rendre aux multiples examens et consultations médicales (25 consultations au cabinet du docteur [S], chirurgien orthopédiste) séances de rééducation qui ont émaillé toute la petite enfance d'Amenda (340 entre 1994 et 1999), et aux réunions d'expertise judiciaires (2 aller et retour à [Localité 3] en 2005 et en 2009), ce qui représente au vu des indication données et décomptes détaillés figurant aux pages 34 et 35 de leurs conclusions, la somme de 20.000 €.
Supportée par l'entourage, née directement et exclusivement de l'événement dommageable, cette dépense est par là-même indemnisable et réparable dans le cadre de la perte de chance retenue qu'à hauteur de 50 % soit 10.000 €.
En vertu de l'article 1153-1 du code civil ces indemnités portent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
Sur les demandes annexes
M. [W] qui succombe sur l'essentiel de ses prétentions supportera la charge des entiers dépens de première instance en ce compris les frais de référés et des deux expertises conformément à l'article 695 4° du code de procédure civile et les dépens d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du même code.
L'équité commande d'allouer aux consorts [N]/[F] une indemnité globale de 5.000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal et la cour.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Donne acte à [K] [N] de son intervention volontaire en reprise d'instance.
- Infirme le jugement.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Dit que M. [W] a engagé sa responsabilité envers [K] [N].
- Dit que le préjudice subi est constitué par la perte d'une chance d'[K] [N] d'échapper au risque de paralysie du plexus brachial qui s'est réalisé.
- Dit qu'il est indemnisable par M. [W] à hauteur de 50 %.
- Réserve les postes dépenses de santé future, frais de véhicule adaptés, incidence professionnelle.
- Fixe le préjudice corporel global d'[K] [N], hors postes réservés, à la somme de 107.229 € dont 53.614,50 € à la charge de M. [W].
- Condamne M. [W] à payer à [K] [N] la somme de 53.614,50 € avec intérêt au taux légal à compter du 4 décembre 2013.
-Fixe les préjudices par ricochet des père et mère à la somme de 15.000 euros chacun pour leur préjudice moral et à la somme globale de 20.000 euros pour leur préjudice matériel.
- Condamne M. [W] à payer à
* M. [N] la somme de 7.500 €
* Mme [F] la somme de 7.500 €
en réparation de leur préjudice moral par ricochet
* M. [N] et Mme [F] la somme globale de 10.000 € en réparation de leur dommage matériel par ricochet
avec intérêt au taux légal à compter du 4 décembre 2013.
- Déboute Mme [F] de sa demande d'indemnisation complémentaire au titre de la perte de chance de faire échapper son enfant au risque qui s'est réalisé.
- Condamne M. [W] à payer à M. [N] et à Mme [F] la somme globale de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Déboute M. [W] de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles.
- Condamne M. [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
- Dit qu'ils seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffierLe président