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28/11/2013 | FRANCE | N°12/23356

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 28 novembre 2013, 12/23356


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 28 NOVEMBRE 2013



N°2013/887















Rôle N° 12/23356







EXPLOITATION 13





C/



[B] [Q]



























Grosse délivrée le :

à :

Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Charles-andré PERRIN, avocat au barreau de MARSEILLE
>

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Décembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/2429.





APPELANTE



EXPLOITATION 13, demeurant [Adresse 2]



représ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 28 NOVEMBRE 2013

N°2013/887

Rôle N° 12/23356

EXPLOITATION 13

C/

[B] [Q]

Grosse délivrée le :

à :

Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Charles-andré PERRIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Décembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/2429.

APPELANTE

EXPLOITATION 13, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [B] [Q], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Charles-andré PERRIN, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 30 Septembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Annick CORONA, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Madame Annick CORONA, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2013

Signé par Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [B] [Q] a été engagé par la Société Exploitation 13 ,suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er Novembre 2003 avec effet au 1er Septembre 2003 ,en qualité de directeur et manager commercial moyennant une rémunération mensuelle brute de 3000€ .

Parallèlement à son contrat de travail ,Monsieur [Q] a acquis une participation financière au sein de la Société Exploitation 13.

Après avoir fait l'objet d'une mise à pied conservatoire en date du 14 Novembre 2005, et après convocation le 28 Novembre 2005 à un entretien préalable, par lettre recommandée du 6 Décembre 2005 avec avis de réception, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave en ces termes :

'Par correspondance du 19 août 2005, je vous sensibilisais sur les raisons qui m'avaient conduit à vous accorder ma confiance et à conclure une relation Contractuelle avec vous, outre le fait que j'aie consenti à vous intégrer parmi nos associés de la filiale Exploitation 13.

Par ce même envoi, je vous faisais part de nos inquiétudes profondes face à vos défaillances professionnelles récurrentes en dépit de toute l'assistance que nous vous avions fournie dès les premières manifestations de vos écarts,

Je m'interrogeais également sur votre attitude et comportement.

En effet, plus votre inconséquence professionnelle se révélait, plus vous multipliiez les tentatives de déstabilisation du personnel et les provocations à mon égard.

Je vous demandais donc de vous repositionner de façon positive et pour ce faire, vous fixais une série de réalisations à concrétiser à échéance du 30 novembre 2005, en vous faisant accompagner par l'un de nos associés.

Loin de réagir « intelligemment » par rapport à cet envoi qui aurait pourtant dû vous pousser à agir dans le bon sens, les incidents se multipliaient et votre prestation régressait au fil des jours.

A titre d'exemple, vous persistiez à ne pas respecter les procédures imposées par la nature de notre prestation et sans lesquelles nous perdrions toute crédibilité vis à vis de nos clients.

Afin de nourrir votre mémoire, quelques illustrations survenues au cours des 2 mois précédant votre convocation à l'entretien préalable s'imposent ici,

-sur les procédures d'incinération, vous avez agi sans suivre les indications logistiques au préalablement définie et laissé traîner hors sécurité pendant huit jours, des documents confidentiels à détruire ;

-vous avez engagé la responsabilité de l'entreprise sans en référer au gérant et en signant sans contrôle des certificats de destruction de lettres chèques vierges..

-vous avez modifié informatiquement des fichiers commerciaux soit par destruction, soit par création de documents antidatés,

-Vous n'avez pas réalisé les objectifs définis contractuellement ....

Parallèlement, en interne les incidents se multipliaient, me contraignant à vous adresser une correspondance particulièrement détaillée le 2 novembre dernier, en réponse à votre envoi incongru daté du 28 octobre.

En marge de ces dérives professionnelles inquiétantes pour le fonctionnement de la société et dont la gravité augmente par votre qualité d'associé, Monsieur [O] vous surprenait le 25 octobre dernier, alors que vous étiez en train de procéder, au mépris le plus total du principe de confidentialité exigé au sein de notre entreprise, au transfert d'un fichier confidentiel interne, sur votre messagerie privée Yahoo, par le réseau Internet.

Beaver Exploitation 13, possède son propre serveur de messagerie, interrogeable à distance, ce transfert ne peut pas être considéré comme un acte Professionnel.

Le fichier « classeur répertoire .xls » au transfert duquel vous avez procédé, sans droit ni titre à l'extérieur dans un site non sécurisé, contient les coordonnées des associés, des salariés, des clients et des prospects de l'entreprise.

Il ne fait pas partie de vos documents de travail, il est détenu par la secrétaire de direction et vous n'y avez normalement pas accès.

Pour entrer en possession de ce fichier, Il vous a été nécessaire de vous introduire sur le poste de travail de la secrétaire, opération que vous avez effectuée sans autorisation, pour en faire une copie sur un support.

C'est donc délibérément, frauduleusement et avec l'intention de nuire que vous vous êtes emparé de ce fichier.

Contractuellement (article 9 de votre contrat de travail) vous vous êtes engagé à respecter scrupuleusement la confidentialité totale sur l'entreprise BEAVER en général et sur son activité en particulier .

De même, la charte BEAVER du bon usage dos moyens informatiques et du réseau, à laquelle vous avez adhéré en intégrant nos effectifs, stipule en son article 2.1, que « tout utilisateur s'engage à respecter les règles de déontologie informatique et notamment à ne pas effectuer des opérations ayant pour but d'utiliser un poste de travail ou toute autre source informatique sans une autorisation explicite de la personne à qui elle est attribuée, d'accéder aux données d'autrui sans raccord express des détenteurs, même lorsque ces données ne sont pas explicitement Protégées '''

En l'état de vos ,agissements, dans un premier temps l'administrateur réseau, conformément à l'article 4.2 de la charte informatique, a procédé à des vérifications qui lui ont permis de constater un usage anormal de l'internet et notamment un transfert de volume de données sortants très important et inhabituel,

Dans le respect de la charte susvisée, deux rapports ont été établis par la société qui permettent de confirmer les adresses IP des serveurs contactés par votre ordinateur et le volume de données que vous avez envoyées depuis votre compte d'utilisateur et votre PC professionnel connecté via une connexion interne.

Il est ainsi apparu que postérieurement au 20 août 2005, c'est à dire après réception par vos soins, de ma lettre de rappel à l'ordre, un volume considérable de données sortantes ont été téléchargées (opération de « UPLOAD) vers des serveurs extérieurs à l'entreprise ' le 23 août 2005 notamment ' vous avez procédé à des envois en masse sur internet.

Ces rapports établissent que vous avez envoyé des fichiers de l'entreprise sur votre compte Yahoo.

Dès lors, dans un second temps, le 8 novembre 2005, un constat d'huissier auprès de la société Yahoo a confirmé les échanges entre votre poste au sein de BEAVER et le serveur Yahoo (le constat d'huissier a été autorisé par ordonnance du tribunal de grande instance de Paris du 31 octobre 2005).

En l'état de ces constatations édifiantes sur l'absence d'éthique et de loyauté vis à vis de l'entreprise, nous avons saisi le juge pénal de dossier.

Il est en effet indéniable que multiples sont les délits qui seront constitués par votre comportement.

Quoi qu'il en soit, si nous ne pouvons pas à ce jour préjuger des suites pénales que le juge donnera à ce dossier (étant précisé que nous avons déposé plainte avec constitution de partie civile, contre vous, devant le doyen des juges d'instruction), il demeure indéniable que sur le plan civil votre comportement, en l'état des faits visés dans la présente, sont séparément et ensemble, constitutifs de la faute grave.

Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité de rupture.

Vous cesserez de faire partie de nos effectifs dès la première présentation de ce courrier à votre domicile. ....'.

Contestant la légitimité de son licenciement, Monsieur [Q] a, le 17 Mai 2011, saisi le conseil de prud'hommes de Marseille , section encadrement ,lequel par jugement en date du 5 Décembre 2012 a:

-Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-Condamné la Société Exploitation 13 à payer au salarié:

- 2250€ € au titre de la mise à pied conservatoire ;

- 225€ pour les congés payés afférents,

- 9000€ à titre d'indemnité de préavis,

- 900€ pour les congés payés afférents,

- 1200€ à titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 9000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse nette de CSG-CRDS ,

-Débouté le salarié du surplus de ses demandes relatives au remboursement de frais indûment retenus et à une indemnité concernant la clause de non concurrence ;

-Ordonné l'exécution provisoire pour l'indemnité de préavis ,les congés payés sur préavis ,les salaires correspondant à la mise à pied conservatoire ,et les congés payés sur la mise à pied conservatoire ;

-Condamné la Société Exploitation 13 à verser à Monsieur [Q] la somme de 700€au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

-Condamné la Société Exploitation 13 aux dépens .

La Société Exploitation 13 a le 11 Décembre 2012 interjeté régulièrement appel de ce jugement.

A l'issu de l'audience de plaidoirie fixée le 30 Septembre 2013 ,l'examen de l'affaire a été mise en délibéré.

Après réouverture des débats à l'audience du 7 Octobre 2013 motivée par une difficulté liée à la communication des pièces ,les parties ont été entendues en leur observations .

La Société Exploitation 13 dûment autorisée , en application de l'article 445 du Code de Procédure Civile a communiqué ,à la cour et à la partie adverse ,une note en délibéré , par fax du 8 Octobre 2013.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions ,soutenues oralement à l'audience , l'appelant demande à la cour de réformer le jugement déféré et de :

-Dire que le licenciement de Monsieur [Q] reposait sur une faute grave avérée ,

-Dire que la décision rendue sur le plan pénal et en cause d'appel ne lie en rien la Cour d'Appel ;

-Débouter Monsieur [Q] de l'ensemble de ses demandes ,fin et conclusions ;

-Ordonner à Monsieur [Q] la restitution des sommes qui lui ont été versées au titre de l'exécution provisoire ;

-Condamner Monsieur [Q] à lui verser 1 euro de dommages et intérêts au titre de la violation de la clause de non concurrence;

-Confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a débouté Monsieur [Q] du surplus de ses demandes ;

-Condamner Monsieur [Q] à lui verser la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

-Laisser les dépens à la charge de Monsieur [Q] .

Aux termes de ses dernières écritures en date du 30 Septembre 2013 , soutenues oralement à l'audience, l'intimé entend voir :

-Dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-Condamner la Société Exploitation 13 à lui verser les sommes suivantes :

- 2250€ € au titre de la mise à pied conservatoire ;

- 225€ pour les congés payés afférents,

- 9000€ à titre d'indemnité de préavis,

- 900€ pour les congés payés afférents,

- 1200€ à titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 60 000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse nette de CSG-CRDS ,

-1500€ au titre des frais indûment retenus ;

-36 000€ de dommages et intérêts au titre de l'application de la clause de non-concurrence -Dire que les sommes allouées seront assorties du taux d'intérêt légal capitalisé conformément à l'article 1154 du Code Civil ;

-Condamner la Société Exploitation 13 à lui verser la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

Pour plus ample exposé, la Cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.

MOTIFS

Sur la relation contractuelle

Il résulte des pièces contractuelles versées aux débats , que la Société BEAVER est titulaire de la marque 'BEAVER -Recyclage et destruction mobile du papier' et que la Société Exploitation 13 ,filiale de la Société BEAVER a été créée en Juillet 2003, par voie d'apport partiel d'actif, pour exploiter de façon exclusive le procédé BEAVER dans le département 13.

Monsieur [Q] ,salarié de la Société BEAVER a signé ,le 3 Mars 2003, un accord de confidentialité avec cette société et le 23 Mai 2003 ,un protocole d'accord aux termes duquel il s'est engagé à acquérir 40% des parts de la filiale Exploitation 13 pour la somme de 148 000€ .

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er Novembre 2003 avec effet au 1er Septembre 2003, Monsieur [Q] a été engagé par la Société Exploitation 13 ,en qualité de directeur , manager commercial ,moyennant une rémunération mensuelle brute de 3000€ .

Un avenant à ce contrat a été signé entre les parties le 30 Janvier 2004 aux termes duquel , 'en raison du transfert d'activité BEAVER sur Exploitation 13 ,Monsieur [Q] sera salarié de la Société Exploitation 13 à compter du 1er Octobre 2003 ,l'ensemble de ses acquis salariaux et ancienneté étant transféré'.

Aux termes de l'attestation du commissaire aux comptes de la Société BEAVER ,établie le 22 Septembre 2013 ,Monsieur [Q] a reçu lors de son embauche un exemplaire de la chartre d'utilisation de l'informatique et de la charte technique .

Sur la procédure pénale , le sursis à statuer et l'incidence de la décision pénale

La Société SARL BEAVER a déposé plainte avec constitution de partie civile le 15 Novembre 2005 contre Monsieur [Q] des chefs de contrefaçon ,violation du secret de fabrique ,vol et accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données .

Par ordonnance en date du 13 Février 2009 ,Monsieur [Q] a été renvoyé devant le Tribunal Correctionnel de Marseille des chefs de soustraction frauduleuse de divers fichiers informatiques au préjudice de la Société BEAVER et d'accès frauduleux à tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données au préjudice de la Société BEAVER.

Par jugement en date du 11 Mars 2010, le Tribunal Correctionnel de Marseille a relaxé Monsieur [Q] pour l'infraction d'accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, l'a déclaré coupable des faits de vol ,et l'a condamné à payer une amende délictuelle de 2000€ et la somme de 1€ à titre de dommages et intérêts à la Société BEAVER.

Par arrêt en date du 18 Février 2011 ,la Cour d'Appel d'Aix en Provence a confirmé la décision du Tribunal Correctionnel en ce qu'elle a relaxé Monsieur [Q] du chef d'accès frauduleux à un système automatique , l'a infirmé s'agissant de la condamnation du chef de soustraction frauduleuse et débouté la Société BEAVER de sa demande de dommages et intérêts .

Cet arrêt n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation .

Il résulte des pièces versés aux débats que le Conseil de Prud'hommes de Marseille, saisi par Monsieur [Q] le 14 Décembre 2005, d'une action en contestation de son licenciement pour faute grave a ,par jugement en date du 29 Septembre 2006 ,ordonné un sursis à statuer sur le fondement de l'article 4 du Code de Procédure Pénale .

Par jugement en date du 19 Mars 2010 , le Conseil de Prud'hommes a ,à la demande écrite des parties, ordonné le retrait de l'affaire du rôle après que les parties aient été convoquées à une audience fixée le 17 Décembre 2008.

L'affaire a été mise à nouveau au rôle du Conseil de Prud'hommes le 17 Mai 2011 après que la décision pénale soit devenue définitive .

Si selon l' article 4 du Code de Procédure Pénale et l'article 1351 du Code Civil , 'le pénal tient le civil en l'état', ce principe ne s'applique que lorsque les deux actions procèdent des mêmes faits et ne prive pas le juge civil du pouvoir d'apprécier les faits qui lui sont soumis .

Il convient de relever en outre que ,contrairement à l'argument développé par Monsieur [Q] ,la décision de sursis à statuer ,prononcée par le Conseil de Prud'hommes le 29 Septembre 2006 , n'implique pas la reconnaissance par cette juridiction du caractère identique des faits dénoncés au pénal et décrits dans la lettre de licenciement .

sur le licenciement

Selon l'article L1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aucune irrégularité de procédure n'est en l'espèce invoquée .

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ,il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce ,aux termes de la lettre de licenciement il est notamment fait grief au salarié :

-de n'avoir pas respecté les procédures imposées concernant les incinérations en ayant laissé traîner, hors sécurité pendant huit jours ,des documents confidentiels à détruire ;

-d'avoir engagé la responsabilité de l'entreprise sans en référer au gérant et en signant sans contrôle des certificats de destruction de lettres chèques vierges ;

-d'avoir modifié informatiquement des fichiers commerciaux par destruction ou par création de documents antidatés ;

-d'avoir le 25 Octobre 2005 ,au mépris du principe de confidentialité ,transféré un fichier confidentiel interne sur sa messagerie privée Yahoo par le réseau internet ;ce fichier 'classeur répertoire.xls'contenant les coordonnées des associés ,des salariés ,des clients et des prospects de l'entreprise et ne faisant pas partie de ses documents de travail était détenu par la secrétaire de direction sur le poste duquel il s'est introduit sans autorisation ,pour en faire une copie sur un support

-d'avoir ,au cours du mois d'Août 2005, téléchargé des fichiers de l'entreprise sur son compte personnel Yahoo malgré une lettre de rappel à l'ordre .

Il lui était rappelé qu'un service de messagerie indépendant sécurisé lui permettait ,d'accéder à distance ,via internet ,aux fichiers de l'entreprise et que les fichiers incriminés appartenant à une société différente de celle où il travaillait n'avaient aucune utilité pour une démarche commerciale .

Il lui est indiqué qu'une plainte pénale a été déposée et que sans préjuger des suites pénales ,son comportement ,en l'état des faits visés sont séparément et ensemble ,constitutifs de la faute grave .

A l'appui de ses prétentions ,la Société Exploitation 13 rappelle qu'elle est la seule entreprise à détenir un brevet de collecte sélective de papier sécurisé ,que ses clients sont notamment la Police Nationale ,la Police Scientifique ,la Banque de France ...,que pour sécuriser ses informations , elle a mis en place une politique de sécurité informatique ,qu'ainsi un membre du groupe de sécurité BEAVER ne peut consulter les fichiers de la Société Exploitation 13 s'il n'en a pas les droits ,et de la même manière qu'un membre du groupe de sécurité de la Société Exploitation 13 ne peut pas consulter les fichiers de BEAVER s'il n'en a pas le droit.

Elle soutient que Monsieur [Q] ne possédant aucune autorisation d'accès direct ou héritée sur le répertoire BEAVER a , au mépris de la clause de confidentialité figurant sur son contrat de travail de l'accord de confidentialité et de la charte informatique qui lui a été remise ,envoyé sur sa messagerie personnelle via le réseau internet des fichiers BEAVER , les extrayant de la protection qui les entourait, toute confidentialité cessant ainsi d'exister.

S'agissant de ce grief , il résulte des pièces tirées de la procédure pénale et notamment des rapports d'expertise informatique que sur la base des informations communiquées par la Société Yahoo , il a été constaté que sur la période comprise entre le 3 Décembre 2004 et le 21 Avril 2006 ,Monsieur [Q] a envoyé et consulté sur sa boîte mail personnelle privée des fichiers de la Société BEAVER , et notamment le fichier plan d'action Dev 13 et le fichier prospect PACA 13.xls.

L'expert relève en outre que Monsieur [Q] a transféré à nouveau ,entre deux adresses mail personnelles , ces deux fichiers BEAVER, le 3 Janvier 2006 , alors qu'il n'était plus salarié de la Société Exploitation 13.

Monsieur [Q] a reconnu , lors d'une confrontation organisée dans le cadre de la procédure pénale, qu'il était bien en possession des fichiers 'classeur répertoire' et 'plan d'action Dev 13" appartenant à la Société BEAVER , 'qu'il les gardait pour s'en inspirer',et qu'en sa qualité de cadre dirigeant de fait ,il en avait le libre accès .

Il convient de relever qu'aux termes de ses écritures , Monsieur [Q] qui fonde son argumentation sur l'autorité de la chose jugée au pénal, ne conteste pas avoir transféré, sur son adresse mail , les données informatiques confidentielles appartenant à la Société BEAVER .

Il affirme ne pas avoir eu communication de la charte informatique ,contrairement aux termes de l'attestation du commissaire aux comptes de la Société BEAVER .

Il ne donne par ailleurs aucune explication en réponse à la remarque formulée par l'employeur concernant l'inutilité de cet accès au fichier BEAVER , dans la mesure où il disposait d'un fichier client spécifique à la filiale Exploitation 13 et qu'étant affecté à la partie commerciale et au développement dans les Bouches du Rhône ,il n'en avait aucune utilité pour son activité professionnelle.

Si aux termes de la procédure pénale ,il n'a pas été démontré que Monsieur [Q] ait transféré les fichiers BEAVER à des tiers ,et ait commis les infractions pénales qui lui étaient reprochées ,le fait d'avoir transféré , à plusieurs reprises , des fichiers confidentiels d'une société dont il n'était ni salarié ,ni dirigeant ,via internet , au mépris des clauses contractuelles , des accords conventionnels ,et des consignes de sécurité informatique constitue un manquement à ses obligations contractuelles .

En effet ,nonobstant le mode d'accès à ces données que Monsieur [Q] ait pu utiliser , en les transférant sur le réseau internet, il les a extraites de la protection qui les entourait et a ainsi insécurisé les informations confidentielles détenues par la Société BEAVER ,dont la spécificité de son activité consiste à assurer à ses clients une confidentialité optimale .

L'argument tiré du fait qu'il n'avait aucun intérêt à divulguer à des tiers des données confidentielles appartenant à la Société BEAVER eu égard à sa qualité d'actionnaire est inopérant dans la mesure où le transfert des données informatiques via le réseau internet, impliquant nécessairement un risque de fuite , suffit à constituer un manquement à ses obligations contractuelles .

Il y a lieu ,à ce titre ,de constater qu'aux termes du courrier électronique en date du 8 Novembre 2005 adressé par Monsieur [Q] à Maître GUILLOSSON (Avocat) , il est question de la valorisation de ses parts au sein de la Société Exploitation 13 et 'd'indemnités prud'hommes' dans l'hypothèse d'une rupture de contrat ,ce qui démontre qu'il envisageait ,avant même la notification du licenciement ,la négociation de ses parts sociales .

S'agissant des autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement , il résulte des courriers échangés entre l'employeur et le salarié que les manquements constatés dans le cadre des procédures 'Sûreté' relatives à la destruction par incinération de documents confidentiels avaient été reprochés à Monsieur [Q] dans les mois précédant son licenciement et que Monsieur [Q] s'en était expliqué, sans en contester la matérialité .

Il y a lieu en conséquence de relever que les griefs dénoncés dans la lettre de licenciement sont suffisamment établis par l'employeur et non contredits par les pièces fournies par le salarié et constituent ,par leur multiplicité, des manquements graves aux obligations contractuelles auxquelles étaient soumis Monsieur [Q], manquements qui justifient eu égard à leur nature et à leur contexte, la mise à pied conservatoire et le licenciement pour faute grave ,le maintien du salarié dans l'entreprise s'étant avéré impossible même pendant la durée du préavis .

La mise à pied conservatoire et le licenciement pour faute grave étant justifiés ,Monsieur [Q] ne peut en conséquence prétendre, sur le fondement des articles L 1234-1 ,L1234-5,L1234-9 à aucune indemnité légale de licenciement ,à aucune indemnité au titre de la mise à pied ,du préavis ,de congés payés y afférents et d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse .

S'agissant de l'indemnité conventionnelle de licenciement sollicitée ,il ne résulte d'aucune des mentions figurant aux contrats ,ni d'aucune pièce versée aux débats qu'une telle indemnité a été prévue , il sera dès lors également débouté de ce chef de demande .

-Sur la demande relative aux frais indûment retenus par l'employeur

Monsieur [Q] sollicite le paiement de la somme de 1500€ au titre du remboursement de frais indûment retenus par la Société Exploitation 13 au moment du licenciement mais ne fournit aucune explication précise sur l'origine de cette somme et le caractère injustifié de cette retenue .

Il résulte des écritures de l'appelante et des pièces communiquées par celle-ci ,et notamment des factures établies par la Société A&L GENOT ,Groupe SALUSTRO adressées à Monsieur [Q] et à la Société BEAVER ,que Monsieur [Q] n'avait pas réglé le montant des honoraires de ce cabinet intervenu dans le cadre de la présentation à Monsieur [Q] du dossier BEAVER ;

La Société Exploitation 13 fait valoir que le montant total de ces deux factures s'élevait à la somme de 4784€ et que Monsieur [Q] ne s'étant pas acquitté de la facture le concernant contrairement à ses engagements ,elle a réglé celle-ci en ses lieux et place ce qui justifie , en partie la retenue contestée .

Elle fait valoir en outre que Monsieur [Q] avait indûment obtenu au titre des exercices 2003/2004 et 2004/2005 , un remboursement de frais kilométriques surévalués et produit à l'appui de ses prétentions des tableaux récapitulatifs des kilomètres réellement parcourus .

Elle affirme que la retenue de 1500€ est ainsi parfaitement justifiée .

Monsieur [Q] ne produisant aucun élément, autre que la fiche de paie sur laquelle apparaît la retenue, permettant de contredire ceux fournis par l'employeur et d'établir que cette retenue n'était pas justifiée ,sera débouté de ce chef de demande .

-Sur la clause de non-concurrence

Aux termes des dispositions du contrat de travail ,en cas de résiliation du contrat à quelque époque et pour quelque cause que ce soit ,le collaborateur est lié par une clause de non-concurrence pour une durée de deux ans à charge pour lui de faire la preuve qu'il est demandeur d'emploi .

Il est précisé que le versement de l' indemnité, soit 20% du traitement brut , n'est pas du en cas de licenciement pour faute grave .

Le licenciement pour faute grave étant justifié ,Monsieur [Q] sera débouté de ce chef de demande.

-Sur la demande reconventionnelle de l'employeur relative à la clause de non concurrence

La Société Exploitation 13 sollicite 1 € de dommages et intérêts au titre de la transgression de la clause de non- concurrence arguant de la déloyauté délibérée de Monsieur [Q] lequel a pris attache avant et après son licenciement avec les représentants de la Société VEOLIA ,entreprise concurrente;

Elle s'appuie sur les e-mails échangés entre Monsieur [Q] et les représentants de cette société.

Il résulte des éléments développés précédemment qu'il n'a pas été démontré que Monsieur [Q] ait adressé ou communiqué à des entreprises concurrentes les données informatiques qui se trouvaient dans sa boîte mail .

Si la réalité des échanges de e-mails entre Monsieur [Q] et des représentants de la Société VEOLIA ,les 17 Novembre 2005 et 28 Mars 2006 , n'est pas contestée par le salarié , leur contenu n'établit pas pour autant l'existence d'actes positifs de déloyauté de sa part eu égard à la clause de non-concurrence.

Monsieur [Q] justifie en outre qu'il exerce actuellement une activité d'agent général d'assurance AXA .

La Société Exploitation 13 sera dès lors déboutée de ce chef de demande .

-Sur la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire

L'arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restituer les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement entrepris et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution.

Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner expressément le remboursement des sommes versées en exécution du jugement .

-Sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens

Monsieur [Q] qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel, sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et devra , par application de ce texte ,payer à la Société Exploitation 13 la somme de 1000€ au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et en cause d'appel .

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt contradictoire , prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ,les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [Q] de ses demandes relatives aux frais retenus par l'employeur et à la clause de non-concurrence ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant de nouveau ;

Dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [B] [Q] est justifié ;

Dit que l'arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restituer les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement entrepris et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution.

Dit n'y avoir lieu d'ordonner expressément le remboursement des sommes versées en exécution du jugement .

Déboute Monsieur [Q] de l'ensemble de ses demandes liées au licenciement ,aux dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens ;

Y ajoutant ,

Condamne Monsieur [Q] à verser à la Société Exploitation 13 la somme de 1000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel .

Déboute la Société Exploitation 13 de sa demande de dommages et intérêts relative à la clause de non concurrence ;

Condamne Monsieur [Q] aux dépens de première instance et d'appel .

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/23356
Date de la décision : 28/11/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°12/23356 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-28;12.23356 ?
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