COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 28 NOVEMBRE 2013
jlg
N° 2013/420
Rôle N° 11/12866
[G] [U] [S] [YB] divorcée [B]
C/
[R] [T] [P] [Q]
[L] [D] [J] [Q] épouse [DD]
ME [Y]
Grosse délivrée
le :
à :
la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE
la SELARL GOBAILLE & SARAGA-BROSSAT
la SCP COHEN-GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 15 Juillet 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 05/6160.
APPELANTE
Madame [G] [U] [S] [YB] épouse [B]
née le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 5], demeurant [Adresse 5]
représentée par de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place Me Jean-Michel BOTTAI de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués anciennement constités, plaidant par Me Hubert DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Madame [R] [Q]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 2], demeurant [Adresse 6]
représentée par la SELARL GOBAILLE & SARAGA-BROSSAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place la SCP PRIMOUT FAIVRE, avoués anciennement constitués, plaidant par Me Luc COLSON, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [L] [D] [J] [Q] épouse [DD]
née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
représentée par la SELARL GOBAILLE & SARAGA-BROSSAT, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constitué aux lieu et place de la SCP PRIMOUT FAIVRE, avoués anciennement constitués, plaidant par Me Luc COLSON, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Maître [A] [Y]
demeurant [Adresse 4]
représenté par la SCP COHEN-GUEDJ-MONTERO-DAVAL-GUEDJ avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par la SCP LOUSTAUNAU FORNO, avocats au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Odile MALLET, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2013,
Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties :
Selon acte reçu le 28 février 1991 par Maître [X] [M], notaire à [Localité 6], [N] [UY] veuve [Q] a vendu à Mme [G] [YB] :
-le lot 33 d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 3], cadastré section B n° [Cadastre 3] pour 63ca et n° [Cadastre 4] pour 1a 7ca,
-les lots 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 de l'immeuble en copropriété situé [Adresse 2], cadastré section B n° [Cadastre 2] pour 1a 63ca.
Selon acte reçu le 8 octobre 1994 par Maître [X] [M], [N] [UY] a également vendu à Mme [G] [YB] les lots 5, 6 et 7 de l'immeuble en copropriété cadastré B [Cadastre 2].
Ces lots sont ainsi désignés :
-lot 5 : un appartement de quatre pièces au premier étage et les 180/1000èmes des parties communes générales.
-lot 6 : un appartement de trois pièces au deuxième étage et les 90/1000èmes des parties communes générales.
-lot 7 : un appartement de trois pièces au deuxième étage et les 90/1000èmes des parties communes générales.
[N] [UY] est décédée le [Date décès 1] 2005 en laissant pour lui succéder ses deux filles Mme [R] [Q] et Mme [L] [Q].
Par acte du 12 juillet 2005, Mme [R] [Q] et Mme [L] [Q] ont assigné Mme [G] [YB] épouse [V] en revendication de la propriété du lot 28 de l'immeuble en copropriété cadastré section B n° [Cadastre 3] et [Cadastre 4].
Par acte du 31 juillet 2009, Mme [YB] a appelé en garantie M. [A] [Y], notaire, pris en sa qualité de successeur de Maître [M].
Par jugement du 12 décembre 2007, le tribunal de grande instance de Draguignan a désigné en qualité d'expert M. [Z] [O] qui a établi son rapport le 12 décembre 2007.
Par jugement du 15 juillet 2011, le tribunal de grande instance de Draguignan a :
-dit que Mmes [R] [Q] et [L] [Q] sont propriétaires du lot 28 situé au second étage du bâtiment A dépendant d'un ensemble immobilier comprenant trois bâtiments A, B, C, situé à [Localité 1], cadastré B [Cadastre 1] (anciennement cadastré B [Cadastre 3] et [Cadastre 4]) [Adresse 3] dont l'entrée s'effectue par l'immeuble situé au [Adresse 2] ;
-dit le bail régularisé entre Mme [YB] et Mme [W] ou tout autre locataire, inopposable aux dames [Q] ;
-dit que Mme [W] ainsi que tous autres occupants sont occupants du lot 28 sans droit ni titre ;
-ordonné à Mme [YB] de restituer les lieux, libres de tous occupants et meubles, dans leur état initial, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai de trois mois suivant la signification du jugement ;
-dit que Mme [YB] devra régler à Mmes [Q] une indemnité d'occupation à compter du jugement, jusqu'à la restitution du lot 28, libre de tout occupant, d'un montant de 340 euros par mois ;
-rejeté le surplus des demandes au titre du préjudice de jouissance ;
-rejeté la demande en paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 1371 du code civil ;
-rejeté la demande en paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 1382 du code civil ;
-rejeté la demande en paiement de la somme de 10 000 euros au titre des meubles,
-dit recevable l'action en garantie dirigée par Mme [YB] à l'encontre de Maître [Y], en sa qualité de successeur de Maître [M] ;
-rejeté l'ensemble des demandes de Mme [YB], y compris la demande de désignation d'un expert et la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-rejeté l'action en garantie dirigée par Mme [YB] à l'encontre de Maître [Y], en sa qualité de successeur de Maître [M] ;
-condamné Mme [YB] à payer à Mmes [Q] la somme totale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamné Mme [YB] à payer à Maître [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamné Mme [YB] aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise.
Mme [YB] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 19 juillet 2011.
Par arrêt du 29 janvier 2013, la cour a ordonné la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 19 juin 2013 et auxquelles il convient de se référer, Mme [YB] demande à la cour :
-de réformer le jugement entrepris,
-en conséquence, de débouter Mmes [Q] de l'ensemble de leurs demandes,
-à titre principal, de dire et juger qu'elle est la légitime propriétaire du lot litigieux tant par l'acquisition qu'elle en a faite le 8 octobre 1994 que par la possession qu'elle a eue de ce bien de manière paisible, publique et non équivoque lui permettant d'acquérir la propriété en vertu des dispositions de l'article 2272 du code civil,
-à titre subsidiaire, dans l'intérêt d'une bonne justice, de désigner un expert,
-à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour entrerait en voie de condamnation à son encontre, de dire et juger qu'elle sera relevée et garantie par M. [Y], notaire successeur de M. [M],
-pour le cas où la cour ne condamnerait pas le notaire à la relever et garantir et estimerait qu'elle n'est pas propriétaire du lot litigieux, de condamner Mmes [Q] à lui payer une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qu'elle subit du fait qu'elle a payé un lot qui ne lui a jamais été livré,
-de condamner, en tout état de cause, Mmes [Q] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-de condamner Mmes [Q] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 19 août 2013 et auxquelles il convient de se référer, Mmes [Q] demandent à la cour :
-sur la prescription soulevée par Mme [YB] :
-au visa de l'article 564 du code de procédure civile,
-de dire et juger irrecevable la prescription soulevée par Mme [YB], comme étant une demande nouvelle qui aurait dû être débattue in limine litis en première instance,
-de dire et juger qu'en tout état de cause elle n'apporte pas la preuve d'une jouissance paisible, publique et non équivoque,
-sur le surplus,
-de débouter l'appelante de toutes ses demandes,
-de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
-y ajoutant,
-de dire et juger que la date de privation de jouissance sera fixée au 8 août 2003 sur la base du montant du loyer fixé par l'expert, ledit loyer dûment indexé,
-de condamner Mme [YB] à leur payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
-de condamner Mme [YB] à leur payer, au titre de la procédure d'appel, la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.
Aux termes de ses conclusions remises au greffe le 13 décembre 2011 et auxquelles il convient de se référer, M. [Y] demande à la cour :
-de confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de Mme [YB] à son encontre, pris en lieu et place et en qualité de successeur de Maître [M],
-d'accueillir la fin de non-recevoir par application de l'article 122 du code de procédure civile,
-à titre infiniment subsidiaire,
-de débouter Mme [YB] de sa prétention,
-de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros supplémentaire par application de l'article 700 du code de procédure civile,
-de la condamner aux dépens.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2013.
Motifs de la décision :
Selon acte reçu le 11 septembre 1969 par Maître [F] [H], notaire à [Localité 6], [J] [I] a fait donation à sa fille [N] [UY] de la nue-propriété de la totalité de l'immeuble cadastré B [Cadastre 2] et c'est par cet acte que l'état descriptif de division de cet immeuble a été établi.
Dans cet état descriptif, il est notamment mentionné, d'une part, que le lot 6 est constitué d'un appartement de trois pièces donnant sur la rue, au deuxième étage, d'autre part, que le lot 7 est constitué d'un appartement de trois pièces donnant sur l'atelier, au deuxième étage.
À la suite de l'énumération des 14 lots de l'immeuble, il est en outre mentionné ce qui suit :
« Une chambre au deuxième étage de l'immeuble voisin cadastré section B n° [Cadastre 3] pour 63 centiares,
Et une chambre au troisième étage de l'immeuble voisin cadastré section B n° [Cadastre 3],
Et un grenier au quatrième étage dudit immeuble.
Ces parties d'immeubles formant les lots n° 2, 3, 4 ont été créés par monsieur le conservateur des hypothèques de [Localité 3] le 22 août 1969, suivant note qui est demeurée ci-après annexée après mention. »
L'état descriptif de division du groupe d'immeubles cadastré section B[Cadastre 3] et B [Cadastre 4] a été établi selon acte reçu le 25 janvier 1990 par Maître [X] [M].
Il est mentionné dans cet acte que l'immeuble cadastré B [Cadastre 4] a fait l'objet d'un état descriptif de division établi le 16 septembre 1981 par Maître [F] [H].
Il y est également mentionné ce qui suit :
« Mme [Q] est propriétaire dans cet ensemble immobilier :
Au deuxième étage : un appartement composé de : hall, séjour avec alcôve cuisine et pièce obscure et débarras,
Comme semblant avoir été repris sous le numéro 2 délivré par monsieur le conservateur le 22 août 1969.
Au troisième étage : un appartement composé de : hall, séjour, cuisine, pièce obscure, salle de bains et débarras.
Comme semblant avoir été repris sous le numéro 3 délivré par monsieur le conservateur le 22 août 1969. »
Les lots 2 et 3 de l'immeuble cadastré B [Cadastre 3] sont respectivement devenus les lots 28 et 33 du groupe d'immeubles cadastré B [Cadastre 3] et B [Cadastre 4].
Il résulte du rapport d'expertise, et il n'est pas contesté, qu'il n'est possible d'accéder à ces lots 28 et 33 qu'à partir de l'immeuble cadastré B [Cadastre 2].
Aux termes de l'acte du 11 septembre 1969, [N] [UY] veuve [Q] a reçu de sa mère tous les lots de l'immeuble B [Cadastre 2] ainsi que les lots 2 et 3 de l'immeuble cadastré B [Cadastre 3] et il résulte de cet acte que cette dernière était propriétaire de ces biens par suite de l'attribution qui lui en avait été faite selon un acte de donation-partage reçu le 20 avril 1941 par Maître [C], notaire à [Localité 1].
Ainsi, entre le 20 avril 1941 et le 8 octobre 1994, le lot 6 de l'immeuble cadastré B [Cadastre 2] et le lot 2 (devenu le lot 28) du groupe d'immeubles cadastré B [Cadastre 3] et B [Cadastre 4], ont appartenu à la même personne.
Mmes [Q] soutiennent que pour créer un appartement d'environ 76 m² loué à un tiers depuis le 15 août 2003, Mme [YB] s'est appropriée le lot 28 que leur mère n'a jamais vendu, ainsi que le couloir formant un angle droit, permettant d'accéder à ce lot et constituant selon elle une partie commune de l'immeuble cadastré B [Cadastre 2].
L'expert précisant que le lot 28 a une superficie de 45 m², on peut en déduire que lot 6, désigné comme un appartement de trois pièces, ainsi que le couloir permettant d'accéder au lot 28, ont ensemble une superficie totale de 31 m² (76 m² - 45 m²).
Il résulte par ailleurs, tant du plan constituant l'annexe 6 du rapport d'expertise que du plan à l'échelle 1/50 établi par le géomètre-expert [E] (pièce 21 produite par Mme [YB]), d'une part, que le couloir susvisé constitue le seul accès au wc-débarras qui dépend pourtant du lot 6, d'autre part, que si ce couloir était une partie commune, le lot 6 serait alors constitué d'une pièce avec deux fenêtres donnant sur la rue de la république et d'une petite pièce obscure actuellement à usage de salle de bain, ce qui semble difficilement compatible avec la définition d'un appartement de trois pièces. Ce couloir ne peut donc être une partie commune de l'immeuble cadastré B [Cadastre 2] comme le soutiennent Mmes [Q].
Ainsi que l'indique le géomètre-expert [K] [E] dans une attestation établie le 1er février 2012 à la demande de Mme [YB], il parait inconcevable que la vente du 8 octobre 1994 ne porte que sur une partie du local que [N] [UY] occupait et que cette dernière reste propriétaire d'une partie enclavée et n'ayant aucun accès aux parties communes. Il s'ensuit que la vente du 8 octobre 1994 portait nécessairement sur un appartement bien délimité, donnant sur la rue et constitué du lot 6 de l'immeuble cadastré section B [Cadastre 2], ainsi que du lot 28 de l'immeuble cadastré B [Cadastre 1]. La propriété de ce lot 28 ayant été transmise à Mme [YB] par leur mère, Mmes [Q] seront déboutées de leurs demandes.
L'appel en garantie formé par Mme [YB] à l'encontre de M. [Y] est sans objet. Mme [YB] sera toutefois condamnée aux dépens exposés en première instance et en appel par ce dernier qui ne pouvait en aucun cas répondre des fautes commises par le notaire [X] [M] dont il est seulement le successeur.
Par ces motifs :
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Déclare Mme [G] [YB] propriétaire du lot 28 du groupe d'immeubles en copropriété situé à [Localité 1], cadastré section B n° [Cadastre 1] ;
Déboute en conséquence Mme [R] [Q] et Mme [L] [Q] de leurs demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [R] [Q] et Mme [L] [Q] à payer la somme de 3 000 euros à Mme [YB] ; rejette la demande de M. [Y] ;
Condamne Mme [YB] aux dépens exposés en première instance et en appel par M. [Y] et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés contre elle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [R] [Q] et Mme [L] [Q] à tous les autres dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés contre elles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT