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27/11/2013 | FRANCE | N°12/18091

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 27 novembre 2013, 12/18091


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 27 NOVEMBRE 2013



N°2013/876



Rôle N° 12/18091







[Q] [F] épouse [U]

[I] [U]

[E] [U]

[G] [U]





C/



SARL SUD EST SERVICES

Société TRANS SUD EST

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE



ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur (anciennement DRASS)

















Grosse délivrée le :

à :





Me Eri

c BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE



Me George PONS, avocat au barreau d'AVIGNON



CPCAM DES BOUCHES DU RHONE







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 27 NOVEMBRE 2013

N°2013/876

Rôle N° 12/18091

[Q] [F] épouse [U]

[I] [U]

[E] [U]

[G] [U]

C/

SARL SUD EST SERVICES

Société TRANS SUD EST

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur (anciennement DRASS)

Grosse délivrée le :

à :

Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me George PONS, avocat au barreau d'AVIGNON

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 13 Septembre 2012,enregistré au répertoire général sous le n° 21007211.

APPELANTS

Madame [Q] [F] épouse [U], demeurant [Adresse 1]

assistée de Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [I] [U], demeurant [Adresse 1]

assisté de Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [E] [U], demeurant [Adresse 5]

assisté de Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [G] [U], demeurant [Adresse 3]

assisté de Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉES

SARL SUD EST SERVICES, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me George PONS, avocat au barreau d'AVIGNON

Société TRANS SUD EST, demeurant [Adresse 7]

représentée par Me George PONS, avocat au barreau d'AVIGNON

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 6]

représentée par Mme [R] [J] (Autre) en vertu d'un pouvoir spécial

PARTIE INTERVENANTE

ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur (anciennement DRASS), demeurant [Adresse 4]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 30 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette AUGE, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2013

Signé par Madame Bernadette AUGE, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les consorts [U] ont saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Bouches du Rhône d'un recours tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur de [S] [N] [U], les sociétés Sud Est Services et Trans Sud Est, dans le cadre de l'accident du travail survenu le 11 décembre 2008 et dont ce dernier est décédé.

Le Tribunal par jugement en date du 13 septembre 2012, a rejeté son recours.

Les consorts [U] ont relevé appel de cette décision, le 26 septembre 2012.

Le conseil des appelants expose que la déclaration d'accident du travail mentionne : « lors d'une man'uvre de mise à quai d'un véhicule en marche arrière, la victime (Mr [U]) s'est retrouvée coincée entre le quai et le véhicule. Les pompiers ' n'ont pu constater que son décès » ; que l'accident est survenu dans des conditions constitutives de la faute inexcusable, tant par les circonstances de sa réalisation, que, surtout, en raison de ce que l'employeur a été condamné au paiement de dommages et intérêts dans le cadre de l'instance pénale ayant été diligentée contre lui en raison de l'accident du 11 décembre 2008.

Il sollicite la réformation en ce sens du jugement déféré, la majoration de la rente, l'allocation forfaitaire, diverses sommes en réparation du préjudice moral de la veuve de la victime, et de chacun de ses trois fils, ainsi qu'une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Sud Est Services et Trans Sud Est, gérées par [A] [W] et sa compagne [Q] [X], laquelle occupe les fonctions de directeur technique, sont les employeurs de [S] [N] [U] ainsi que du chauffeur du camion, [Z] [B], qui conduisait le camion lors de l'accident. Elles exposent que d'une part sur le plan pénal le tribunal correctionnel d'Aix en Provence a certes prononcé la culpabilité du chauffeur du camion, mais a relaxé les sociétés employeurs des fins de la poursuite des chefs d'homicide volontaire par personne morale, et que d'autre part les conditions de la faute inexcusable ne sont pas réunies, le TASS ayant à juste titre décidé que la man'uvre de la victime était de nature à constituer un danger fortuit dont l'employeur ne pouvait avoir eu conscience.

Elles sollicitent la confirmation du jugement entrepris et une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

De son côté la Caisse entend s'en remettre sur la détermination éventuelle de la faute inexcusable des sociétés employeur, mais précise qu'en tout état de cause l'allocation forfaitaire ne saurait être allouée, la victime n'ayant pas été atteinte d'un taux d'incapacité de 100% préalablement fixé.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.

La DRJSCS régulièrement convoquée n'a pas comparu.

SUR CE

Attendu que [S] [N] [U], employé par les sociétés Sud Est Services et Trans Sud Est dans le cadre d'un CDI depuis le 1er avril 2008 en qualité de chauffeur manutentionnaire, est décédé lors d'un accident du travail survenu le 11 décembre 2008 dans les conditions précisées dans la déclaration d'accident du travail, qui mentionne : « lors d'une man'uvre de mise à quai d'un véhicule en marche arrière, la victime (Mr [U]) s'est retrouvée coincée entre le quai et le véhicule. Les pompiers ' n'ont pu constater que son décès » ;

Que plus précisément, le chauffeur du camion, [Z] [B], explique avoir reculé « dans le but d'aller coller la remorque contre le quai jusqu'à entendre le bruit d'enclenchement » du verrouillage de l'attelage de la remorque ; que lors du recul du camion, [S] [N] [U] qui se trouvait entre le quai et l'arrière du camion, a été écrasé contre le quai par la semi remorque ;

Sur la faute inexcusable

Attendu, concernant la faute inexcusable, que l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou de l'activité confiée à celui ci ;

Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée, d'une part l'imputabilité de l'accident à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur l'exposait, ne l'ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de prévention utiles ;

Attendu que les consorts [U] soutiennent que l'accident est survenu dans des conditions constitutives de la faute inexcusable, tant par les circonstances de sa réalisation, que, surtout, en raison de ce que l'employeur a été condamné au paiement de dommages et intérêts dans le cadre de l'instance pénale ayant été diligentée contre lui en raison de l'accident du 11 décembre 2008 ;

Attendu en effet qu'une procédure pénale a été diligentée, ayant abouti au jugement du tribunal correctionnel d'Aix en Provence en date du 20 octobre 2010, lequel a condamné sur l'action publique [Z] [B] chauffeur du camion du chef d'homicide involontaire, sur l'action civile a reçu les consorts [U] en leurs constitutions de partie civile, a constaté que les parties civiles ne formulent aucune demande d'indemnisation à son encontre car se réservant de saisir la juridiction compétente, et a relaxé les sociétés employeur, Trans Sud Est et Sud Est Services des fins de la poursuite ;

Que par arrêt du 25 octobre 2011, la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Aix en Provence, saisie du seul appel des parties civiles, a certes constaté que le jugement en date du 20 octobre est définitif sur l'action publique, mais infirmé ledit jugement en ses dispositions civiles, reçu les consorts [U] en leurs constitutions de parties civiles dirigées contre les sociétés Trans Sud Est et Sud Est Services et contre Mr [B], et condamné solidairement ces derniers ;

Attendu que la cour d'appel en son arrêt du 25 octobre 2011 a justement consacré l'indépendance de l'action publique et de l'action civile, la cour d'appel saisie du seul appel des parties civiles n'étant pas liée en ce qui concerne les intérêts civils par la décision de relaxe, et est tenue, au regard de l'action civile, de rechercher si les faits déférés concernant les deux sociétés employeur, sur la base desquels les parties civiles fondent leur action, constituent des infractions pénales ;

Qu'en l'espèce, la cour en sa formation correctionnelle a estimé que les éléments du délit reproché étaient réunis, et en a tiré justement les conséquences sur l'action civile ;

Qu'en effet, les sociétés employeurs ont été ainsi déclarées responsables de négligences et d'imprudences en ne formalisant pas par écrit de protocoles de sécurité relative aux modalités des opérations de chargement et de déchargement, et en ne formalisant pas par écrit de document unique d'évaluation des risques ; qu'en l'occurrence, les manquements ainsi relevés ont été qualifiés comme étant en relation certaine avec le décès de [S] [N] [U] ;

Qu'ainsi la responsabilité des sociétés employeurs dans le décès de [S] [N] [U] est reconnue par cet arrêt du 25 octobre 2011 susvisé, devenu définitif ;

Attendu qu'en conséquence cette condamnation de l'employeur, même sur la seule action civile, signifie à la fois la conscience que l'auteur de la faute avait du danger ainsi que l'absence de mesure de protection nécessaire, et caractérise l'existence d'une faute inexcusable ; que pour la reconnaissance d'une faute inexcusable en application de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, il suffit en effet que la faute de l'employeur soit en lien de causalité avec le dommage pour que la responsabilité de ce dernier soit engagée alors même que d'autres fautes auraient concouru à la réalisation du dommage ;

Sur la réparation du préjudice moral des ayants droit

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la faute inexcusable de l'employeur est reconnue ; qu'ainsi les consorts [U] font valoir des demandes de réparation de leur préjudice moral, ainsi qu'il suit :

- Madame veuve [Q] [U] : 100 000 €,

- Chacun des trois fils de la victime : 50 000 € ;

Attendu que la situation de la veuve et des enfants est caractérisée par deux éléments fortement significatifs, soit le relativement jeune âge de la victime comme étant de 53 ans au jour du décès, et le traumatisme engendré par la fulgurance et le sentiment d'injustice que l'accident a inspiré ;

Que les réparations pourront être ainsi raisonnablement fixées à hauteur de 40 000 € pour la veuve de la victime et de 30 000 € pour chacun des trois enfants ;

Attendu qu'il ressort d'un arrêt du 12 novembre 2010 prononcé par la cour d'appel d'Aix en Provence, ayant statué sur l'accident du 11 décembre 2008 en qualité d'accident de la circulation, que par application de la loi du 5 juillet 1985 la société Trans Sud Est est condamnée notamment à verser à la veuve de la victime la somme de 20 000 €, et à chacun des trois fils la somme de 12 000 €, ces versements étant à valoir sur la réparation de leur préjudice moral ;

Attendu qu'en application du principe de l'unicité du préjudice, les dommages et intérêts alloués à une victime devant réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit, les sommes ainsi allouées par l'arrêt en date du 12 novembre 2010 susvisé seront imputées sur le montant de la réparation fixé par la présente décision ;

Sur l'indemnité forfaitaire

Attendu que la caisse fait ressortir que l'assuré est décédé avant toute détermination d'un taux d'incapacité permanente totale consécutive à sa maladie lui ouvrant droit au bénéfice d'une rente ; qu'ainsi la demande relative à l'attribution de l'indemnité forfaitaire doit être rejetée car ne correspondant pas aux exigences de l'article L 452-3 al.1 in fine du code de la sécurité sociale ;

Qu'en conséquence, l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 452-3 susvisé ne pourra être attribuée ;

Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en rejetant le recours, le premier juge n'a pas fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être infirmée ;

Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des consorts [U] à hauteur de la somme de 2 000 € ;

Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,

Déclare recevable l'appel des consorts [U],

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Fait droit à la demande de reconnaissance de la faute inexcusable des sociétés employeur Sud Est Service et Trans Sud Est dans le cadre de l'accident du 11 décembre 2008 et ce, avec toutes conséquences de droit,

Fixe la réparation du préjudice moral des ayants droit ainsi qu'il suit :

- [Q] [U], veuve de la victime : 40 000 €

- chacun des trois fils : 30 000 €

Constate que par arrêt du 12 novembre 2010 prononcé par la cour d'appel d'Aix en Provence, l'employeur a été condamné notamment à verser à la veuve de la victime la somme de 20 000 €, et à chacun des trois fils la somme de 12 000 €,

Dit que ces sommes seront imputées sur le montant de la réparation fixé par la présente décision,

Rejette la demande des consorts [U] sur l'indemnité forfaitaire,

Dit y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des consorts [U] à hauteur de la somme de 2 000 €,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 12/18091
Date de la décision : 27/11/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°12/18091 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-27;12.18091 ?
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