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31/10/2013 | FRANCE | N°13/02978

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 31 octobre 2013, 13/02978


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2013



N° 2013/833













Rôle N° 13/02978





[R] [U]





C/





GIE VITALIA





























Grosse délivrée

le :

à :



Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS



Me Benjamin DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 25 Janvier 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/529.







APPELANTE



Madame [R] [U],

demeurant [Adresse 1]



représentée par ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2013

N° 2013/833

Rôle N° 13/02978

[R] [U]

C/

GIE VITALIA

Grosse délivrée

le :

à :

Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS

Me Benjamin DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 25 Janvier 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/529.

APPELANTE

Madame [R] [U],

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

GIE VITALIA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette quallité au siège social, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Benjamin DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Septembre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre

Madame Annick CORONA, Conseiller

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2013.

Signé par Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Mme [R] [U] a été embauchée par le groupement d'intérêt économique Vitalia selon contrat à durée indéterminée en date du 4 janvier 2008 en qualité de directrice régionale de la région sud-est, catégorie cadre dirigeant, position 3 telle que prévue par la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs ' conseils et sociétés de conseils (dite syntec), moyennant une rémunération brute annuelle fixe de 135'000 € et l'allocation d'une prime variable pouvant atteindre 30 % de sa rémunération fixe annuelle, calculée en fonction des résultats du GIE Vitalia et de sa performance individuelle.

Le 11 janvier 2011, elle s'est vue remettre en mains propres une lettre de convocation à un entretien préalable prévu le 20 janvier 2011 et notifier sa mise à pied conservatoire ainsi qu'une dispense d'effectuer son préavis de trois mois, lequel lui serait intégralement payé et par courrier recommandé en date du 10 février 2011, elle a été licenciée.

Contestant la légitimité de son licenciement, elle a, le 14 avril 2011, saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins d' obtenir des dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, licenciement dans des circonstances brutales et vexatoires et privation de la convention de reclassement personnalisé.

Par jugement rendu le 25 janvier 2013, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [R] [U] de l'ensemble de ses demandes, débouté le GIE Vitalia de ses demandes et condamné Mme [U] aux entiers dépens.

Mme [U] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses conclusions déposées le 2 septembre 2013, oralement soutenues à l'audience, elle demande à la cour de :

Infirmer le jugement dont appel en l' intégralité de ses dispositions,

et statuant à nouveau,

Condamner le GIE Vitalia à lui verser les sommes de :

' 222'214,59 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 55'553,64 € à titre de dommages et intérêts du fait des circonstances brutales et vexatoires de la rupture,

' 55'553,64 € à titre de dommages et intérêts du fait du préjudice causé par la privation de la convention de reclassement personnalisé,

' 53'553,64 € à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

' 5'355,36 € à titre de congés payés afférents.

Et, en tout état de cause,

Condamner le GIE Vitalia à lui payer la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ,

Ordonner que ces sommes produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

Condamner le GIE Vitalia aux entiers dépens.

Selon conclusions déposées le 2 septembre 2013 et développées à l'audience, le GIE Vitalia sollicite le rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions de madame [U] et la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 1794 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les éventuels dépens.

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu que, pour la bonne compréhension du litige, il convient de préciser que le GIE Vitalia comporte 48 établissements en France , regroupés en six régions ( est, centre sud, ouest et nord, centre nord, sud ouest et sud est ou PACA) et que madame [U] était directrice régionale de la région Sud-Est comprenant cinq cliniques, soit les cliniques [1] et [6] à [Localité 3], les cliniques [3] et [Adresse 4] à [Localité 1], la clinique [4] à [Localité 2], et le centre d'hémodialyse à [Localité 4] ;

I Sur le bien fondé du licenciement

Attendu que la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige , est rédigée dans les termes suivants :

«..... après réflexion, nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants :

Vous avez été embauchée à compter du 4 janvier 2008 en qualité de Directrice Régionale de la Région Sud-Est, statut cadre dirigeant, position 3 de la convention collective nationale Syntec.

En cette qualité, votre contrat de travail prévoyait, entre autres missions, de :

' « assurer directement ou par délégation les différentes responsabilités budgétaires et fonctionnelles »

' « agir pour obtenir l'atteinte des objectifs économiques et financiers et des résultats dans tous les domaines, pour cela, mettre en place les outils mis à sa disposition par le GIE Vitalia et produire dans tous les domaines de ses responsabilités des outils de contrôle, de suivi et d'évaluation. »

Or, les résultats largement insuffisants en 2010 de la région sud-est démontrent que vous n'avez pas été à même de remplir votre mission.

Ainsi, le résultat d'EBITDAR de la région que vous dirigez (16 535 K€) est très inférieur au budget (18'394 €), ce qui représente un écart de 1859K€ ($gt; 10 %).

Il est même négatif par rapport aux résultats obtenus en 2009 (-244K€), ce qui place votre région en dernière position puisqu'elle est la seule à enregistrer en 2010 des résultats en baisse ; en effet, toutes les autres régions du GIE Vitalia sont de leur côté en progression (entre + 5,4 % et + 19,6 % par rapport à N-1).

Plus particulièrement, les résultats des cliniques [1] et [6] (qui représentent 47 % du chiffre d'affaires hors négoce de la région et 90 % de l'écart d'EBITDAR) sont catastrophiques.

À titre d'exemple, la clinique [1] a réalisé un EBITDAR de 3723 K€ en 2010, ce qui représente un écart 2514K€ avec le budget (5237K€), soit un objectif atteint à hauteur de 71 %. En outre, ce résultat est en baisse de près de 700K€ par rapport à l'exercice de 2009 (-15 %).

Dans ce contexte, je vous avais reçue au début du dernier trimestre 2010 afin de vous alerter sur les problèmes de fonctionnement de votre région et la crainte qui était la mienne sur les prévisions de résultats annuels des établissements qui la composent. Je vous ai suggéré de revoir rapidement votre organisation régionale et vous ai rappelé que les directions fonctionnelles du siège étaient là pour vous aider.

Or, non seulement vous n'avez pas été capable de prendre les mesures qui s'imposaient, mais nous avons au surplus découvert au mois d'octobre dernier que les comptes que vous présentiez depuis plusieurs mois étaient faux, puisque votre chiffre d'affaires était artificiellement gonflé de 790K€.

De la même façon, nous avons constaté que vous aviez présenté pour [Localité 1] un budget 2010 comportant une saisonnalité irréaliste. En effet, en présentant un budget prévoyant un premier semestre timide au regard des résultats réalisés au mois le mois par cet établissement au cours des exercices 2008 et 2009, et un second semestre ambitieux (mais en réalité inatteignable), vous avez pu présenter à fin juin des résultats un peu en retard par rapport au budget (écart de 73K€), mais qui masquaient en réalité à mi- année des résultats catastrophiques sur toute l'année 2010, la clinique [5] ayant fini l'année en retard de 235K€ par rapport à son budget, et ce sans nous permettre de corriger le tir dès cette date.

Compte tenu de ce qui précède, nous vous notifions par la présence votre licenciement. »

Attendu qu'aux termes de la lettre de licenciement il est reproché à Mme [U] une insuffisance de résultats ;

Que si l'insuffisance de résultats ne constitue pas, en soi, une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle peut toutefois en constituer une s'il est établi qu'elle résulte d'une faute du salarié concerné ou d'une insuffisance professionnelle de celui-ci, les éléments caractérisant cette insuffisance devant être objectivement vérifiables ;

Attendu que, pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris, madame [U] qui a, dès le 7 mars 2011, contesté le licenciement prononcé à son encontre en adressant un courrier très circonstancié à son employeur et qui indique, sans être démentie, n'avoir jamais obtenu de réponse, ce qui l' aurait déterminée à saisir la juridiction prud'homale, conteste point par point les motifs invoqués par le GIE Vitalia ;

Qu'elle fait valoir d'une part, qu'aucune insuffisance de résultats ne peut lui être reprochée, d'autre part, que le véritable motif de son licenciement est en réalité la réorganisation du GIE Vitalia et la suppression de la direction régionale sud-est et que le motif personnel de licenciement allégué dans la lettre de licenciement n'est pas réel ,de sorte que ce licenciement procède d'un motif économique et qu'elle soutient qu'en tout état de cause, son licenciement est abusif ;

Qu'elle souligne tout d'abord qu'avant de la licencier motifs pris d'une insuffisance de résultats, le GIE Vitalia ne lui a jamais adressé le moindre reproche concernant ses résultats mais qu'au contraire, elle a perçu en 2010 une prime d'un montant de 80'000 € , dont elle souligne l'importance , pour ses résultats de l'année 2009, ce qui n'aurait pas été le cas si son employeur avait été mécontent de ses performances ;

Que le bulletin de paye du mois de janvier 2010 de madame [U] mentionne effectivement le versement d'une prime de 79'324 € , ce qui n'est pas contesté ;

Que le GIE Vitalia soutient que Mme [U] a été reçue le 22 septembre 2010 comme celle-ci le reconnaît dans sa lettre de contestation et comme indiqué dans la lettre de licenciement mais que Mme [U] réplique qu'elle n'a bénéficié que d'un entretien informel, « d'une petite heure » pour évoquer notamment « les perspectives de la région PACA » avec monsieur [J], directeur général , reprenant ainsi les termes mêmes du mail que lui a adressé ce dernier le 15 septembre 2010 pour prendre rendez-vous ;

Qu'elle ajoute que cet entretien, dont elle n'a jamais contesté l'existence, a été uniquement l'occasion de faire un point global sur l'organisation de la région , qu'à aucun moment cet entretien n'a eu pour but de la « recadrer » au constat de ses prétendues performances insuffisantes et qu'il n'a été ni précédé ni suivi d'un constat objectif et formel de résultats insuffisants, aucune action correctrice n'ayant non plus été définie à cette occasion ;

Qu'elle verse le mail invoqué corroborant ses propos et que force est de constater que le GIE Vitalia ne verse, quant à lui, aucune pièce permettant de considérer qu'il a reçu la salariée le 22 septembre 2010 afin de « l'alerter » sur l'insuffisance de ses résultats qu'il aurait déjà constatée à cette date et sur sa « crainte » concernant ses résultats annuels et de connaître la teneur de l'entretien et les conséquences pratiques qui en auraient éventuellement été tirées ;

Que l'employeur ne justifie pas davantage des mails invoqués qu'il aurait adressés à madame [U] pour l'alerter et la « recadrer » sur d'éventuelles insuffisances de résultat ;

Que le GIE Vitalia ne peut par ailleurs valablement se retrancher derrière le fait qu' aucune disposition légale ou réglementaire n'imposerait de procéder à un entretien formel de « recadrage » avant de notifier un licenciement pour insuffisance de résultats au regard de la gravité et des conséquences pour le salarié d'une telle mesure ;

Que madame [U] fait, non sans pertinence, observer que son employeur lui reproche une insuffisance de résultats fondée sur l'analyse des données de l'année 2010 alors que cet exercice n'était pas encore clôturé à la date de l'engagement de la procédure de licenciement puisque la clôture des comptes de l'année avait en général lieu à la fin du mois de janvier de l'année suivante;

Que, s'agissant des insuffisances invoquées par l'employeur et plus précisément du fait que madame [U] serait la seule sur l'ensemble des régions du GIE Vitalia à enregistrer des résultats en baisse en 2010, l'employeur ne verse qu'un document qu'il intitule dans son bordereau des pièces communiquées « résultats du GIE Vitalia 2010 par établissement » mais qui ne comporte en réalité aucun titre ni indications sur son origine et ses conditions de rédaction, de sorte que madame [U], qui fait, par ailleurs, valoir qu'ayant été licenciée avant la clôture des comptes de 2010, elle a été privée de toute possibilité d'accéder aux données chiffrées mentionnées dans le courrier de licenciement, réfute à juste titre la force probante dudit document , cette pièce n'étant de surcroît corroborée par aucune autre sur le fait invoqué ;

Que madame [U] souligne que le GIE Vitalia ne peut valablement se livrer dans ses conclusions à une comparaison entre les résultats de la clinique [1] et ceux de la clinique [2] située à [Adresse 3] alors qu'à supposer même les chiffres fournis exacts, ce qui n'est pas établi, ces deux établissements, outre leur situation géographique distincte, n'ont pas du tout le même volume d'activité et ont des activités différentes , ce qui n'est pas sérieusement contredit par l'employeur qui ne verse aucun document à cet égard ;

Que les pièces versées aux débats ,sous forme de tableaux ,par le GIE Vitalia , à l'appui des insuffisances alléguées concernant les cliniques [1] et [6] ,ne sont ni explicitées ni commentées et ne permettent même pas de retrouver certains des chiffres cités par l'employeur et que les comptes annuels 2010 de la S. A. S. Clinique [1] ne sont que partiellement produits puisque seules deux pages sont versées aux débats (les deux autres étant des en-têtes) ;

Qu'en outre, madame [U] fait valoir que les budgets des cliniques, qui étaient élaborés par les directeurs d'établissement et validés par elle-même, ont subi des modifications décidées unilatéralement et imposées par la direction générale du GIE Vitalia, ce dont elle justifie par la communication de divers mails dont l'un en date du 1er décembre 2009, émanant du directeur général adjoint, indiquant les corrections à effectuer sur les budgets présentés ;

Qu'elle en déduit qu'il ne peut ainsi lui être reproché de ne pas avoir atteint les objectifs alors que les perspectives budgétaires , qui se sont révélées erronées, ne correspondaient pas à ce qu'elle avait proposé en toute connaissance de cause et dont il n'a pas été tenu compte par le GIE Vitalia ;

Qu'elle ajoute que le budget de la clinique [1] avait été établi en fonction de plusieurs hypothèses qui n'ont pu être réalisées , sans que cela ne puisse lui être imputé, de sorte que la simple référence à des résultats inférieurs au budget ne peut suffire à établir une insuffisance de résultats et qu'à titre d'exemples, elle indique que les travaux prévus pour la création d'un service de 20 postes de dialyse n'ont pu être réalisés en raison de problèmes de stabilité et de solidité du bâtiment ,diagnostiqués à la fin du mois de décembre 2009, soit postérieurement à la validation des budgets et que le changement du scanner, prévu en juillet, n'a pu, compte tenu des procédures internes au GIE Vitalia concernant les investissements, être réalisé que fin août 2010, ce qui a privé l'établissement du bénéfice escompté de cette installation pendant deux mois ;

Quelle réfute les allégations de l'employeur selon lesquelles elle n'aurait pas vérifié la faisabilité du projet de dialyse à la clinique [1] en soutenant que ce projet a été conduit par un architecte désigné par le siège du GIE Vitalia et son directeur immobilier et qu'elle verse des mails faisant effectivement apparaître l'intervention de ce dernier et corroborant ainsi ses dires ;

Qu'elle fait encore état des problèmes de volume d'activité rencontrés, liés à la maladie brutale d'un praticien et au faible développement d'activité d'un nouveau chirurgien, ce que ne conteste pas l'employeur ;

Que si ce dernier prétend que madame [U] a, en revanche, bénéficié d'une subvention de l'ARS, de remises d'achat et d'une indemnité versée par un laboratoire non budgétisées, il ne produit aucune pièce pour en justifier ;

Que si le GIE Vitalia formule, en outre, des griefs à l'encontre de Mme [U] concernant les cliniques situées à [Localité 1], tels que précédemment exposés par la lettre de licenciement, aucune pièce ne permet d'en confirmer la réalité et le sérieux ;

Que, quoi qu'il en soit, Mme [U] rappelle que le directeur des cliniques UrbainV et [3] à [Localité 1] ayant été licencié par le GIE Vitalia au début de l'année 2010, elle a dû assumer les fonctions de celui-ci en sus de celles de directrice de région, ce qui a entravé ses missions régionales;

Qu'elle réfute les allégations du GIE Vitalia qui prétend que c'est elle-même qui aurait décidé de licencier ledit directeur, M. [Z], en soutenant qu'il s'agit d'une décision du GIE Vitalia, que l'entretien préalable au licenciement a été réalisé par M.Augey, directeur des ressources humaines du GIE Vitalia, et que M. [Z] était un salarié du GIE Vitalia et qu'elle verse deux mails faisant effectivement ressortir les interventions du directeur général et de M.Augey ;

Que si les mails produits par le GIE Vitalia font ressortir que madame [U] s'est entretenue avec la direction générale du projet de licenciement de monsieur [Z] , ce qui est normal compte tenu de sa qualité de directrice régionale, la lettre de licenciement, également versée par l'employeur révèle qu'elle est signée par le responsable du GIE Vitalia ;

Que , s'agissant de la découverte par l'employeur de comptes qualifiés de faux «puisque le chiffre d'affaires était artificiellement gonflé», également évoquée par la lettre de licenciement, madame [U] fait valoir que c'est elle-même qui, après avoir constaté des anomalies de durées de séjour , a informé le directeur général du problème, lequel avait une origine purement technique et ne lui était pas imputable dès lors qu'il s'agissait d'un dysfonctionnement informatique qui aurait dû en réalité être détecté par la direction financière du siège pilotant et formant les comptables du GIE Vitalia ;

Que l'employeur réplique que les résultats sont revus par la région avant d'être envoyés au GIE Vitalia, lequel ne valide en aucune façon les encours et que les comptables locaux sont placés sous la responsabilité des dirigeants locaux et non sous celle de la direction financière du GIE Vitalia , ce à quoi Mme [U] répond en s'interrogeant sur le motif pour lequel le directeur de la clinique n'a, dans ces conditions, pas été sanctionné pour ce problème ;

Que, par ailleurs, madame [U] souligne qu'à la suite des inondations ayant eu lieu le 15 juin 2010 à [Localité 2], la clinique [4] a dû être fermée, ce qui a généré un travail considérable pour les équipes locales et régionales et occupé une partie très importante de son temps puisqu'elle a dû s'occuper, entre autres, de nombreux problèmes liés aux médecins, de la coordination sur place, des relations avec les organismes de tutelle et les établissements hospitaliers territoriaux ainsi que de la coordination des discussions avec l'assureur ;

Que, pour contrer les dires de l'employeur qui fait valoir qu'elle n'était pas seule puisque la directrice et la directrice adjointe de l'établissement ont largement oeuvré et que c'est la direction immobilière du GIE Vitalia qui a piloté les travaux, madame [U] verse plusieurs courriels et échanges de courriels, notamment avec le directeur immobilier du GIE Vitalia, la directrice de la clinique et l'expert faisant ressortir qu'elle s'est impliquée de façon importante dans la reconstruction de ladite clinique et confortant ses dires ;

Attendu qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, la cour estime qu'en l'espèce, il ne peut être retenu à l'encontre de Mme [U] ni une insuffisance de résultats , ni une insuffisance professionnelle ni une quelconque faute dans l'exercice de ses fonctions ;

Attendu, dès lors, que le licenciement de madame [U] doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse et que le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef ;

Que ,pour autant , au regard des éléments apportés aux débats et de l'ensemble des pièces soumises à son appréciation, la cour considère qu'il n'est en l'espèce pas établi que le véritable motif du licenciement était en réalité un motif économique, ainsi que le soutient madame [U] ;

Qu'à cet égard, la cour n'est pas tenue par les décisions, sur lesquelles s'appuie principalement l'argumentation de madame [U] , prises par le conseil de prud'hommes de [Localité 3] concernant Mme [N] , directrice adjointe de la clinique [1] 8 et M. [D] , responsable technique et coordinateur technique régional dont , au demeurant, la situation professionnelle et les motifs des licenciements prononcés à leur encontre étaient sensiblement différents de ceux de madame [U] , contrairement à ce que prétend cette dernière ;

Que, alors que madame [U] soutient, tout à la fois, que le motif de son licenciement est en réalité économique comme résultant de la volonté du groupe de supprimer la direction régionale sud-est mais aussi les directeurs régionaux, le GIE Vitalia fait observer qu'à l'exception de madame [U] , aucun directeur régional n'a été licencié, ce dont il justifie;

II Sur les demandes indemnitaires de madame [U]

1° Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Attendu que madame [U] avait 47 ans lors de son licenciement, qu'il est constant qu'en 2010, elle a perçu une rémunération globale de 222'214,60 € bruts, soit 18'517,88 € bruts par mois et qu' au regard de son ancienneté supérieure à deux années et de l'effectif du GIE Vitalia , son employeur, elle peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article L. 1235 ' 3 du code du travail ;

Attendu qu'elle fait valoir qu'elle a été placée brutalement dans une situation précaire et que, suite à son licenciement, elle a dans un premier temps retrouvé un emploi en contrat à durée déterminée, qu'aux termes de celui-ci ,elle a été à nouveau au chômage et a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi et que ce n'est qu'au début du mois d'octobre 2011 qu'elle a retrouvé une situation professionnelle stable en contrat à durée indéterminée, sans toutefois donner davantage de précisions ;

Que le GIE Vitalia fait ,quant à lui ,valoir que madame [U] a été dispensée d'effectuer son préavis de trois mois, lequel lui a été intégralement rémunéré ,de sorte qu'elle ne peut soutenir avoir été placée brutalement dans une situation précaire, qu'elle ne verse aucune pièce de nature à établir la précarité de sa situation depuis son licenciement et qu'il est au surplus établi qu'elle a retrouvé un emploi équivalent au sein d'un groupe concurrent avant même l'expiration de son préavis , ce dont il justifie par la production du courrier qu'il a adressé le 10 mars 2011 à madame [U] et de la réponse de celle-ci le 24 mars suivant dont il résulte que l'intéressée travaillait alors chez un nouvel employeur ;

Attendu que, pour justifier de sa situation économique et professionnelle à la suite de son licenciement, Mme [U] se borne à verser deux pièces, en l'occurrence, un courrier du 27 septembre 2011 de pôle emploi l'informant qu'ayant repris une activité professionnelle depuis le 22 septembre 2011, elle cesse d'être inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi à compter de cette date et un relevé de situation du 2 octobre 2011 de ce même organisme mentionnant qu'elle a bénéficié, pour la période du 1er au 21 septembre 2011, d'une allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant brut de 4635,54 € et net de 4107,80 €, à l'exclusion de tout autre pièce ;

Qu'elle ne justifie ainsi pas de la date à laquelle elle a retrouvé un emploi et du montant du salaire alors perçu, ni de la durée durant laquelle elle est restée au chômage, ni de la date de son contrat à durée indéterminée, ni de la rémunération qu'elle perçoit depuis ;

Attendu qu'en considération de ces éléments, de l'âge , de l'ancienneté et de la rémunération de madame [U] au moment de son licenciement, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être fixée à la somme de 120'000 €;

2° Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les circonstances brutales et vexatoires de la rupture

Attendu que la cour n'ayant pas retenu que le véritable motif du licenciement était économique ainsi que le prétend madame [U], celle-ci ne peut se voir allouer des dommages-intérêts en faisant valoir qu'au lieu d'assumer les conséquences financières de la réorganisation qu'il avait souhaité mettre en oeuvre, le GIE Vitalia a fait reposer sur elle la responsabilité de la rupture de son contrat en alléguant de prétendus mauvais résultats ;

Qu'en revanche, madame [U] fait justement valoir que le GIE Vitalia a été jusqu'à l'accuser d'avoir délibérément et artificiellement gonflé les résultats de la clinique [1] alors que les erreurs diagnostiquées dans les chiffres provenaient d'un problème informatique dont elle avait aussitôt averti la direction du GIE Vitalia , ce qui présente effectivement un caractère vexatoire et porte préjudice à la salariée ;

Que le GIE Vitalia soutient vainement qu'il s'est contenté de reprocher à sa salariée d'avoir présenté des comptes erronés mais pas de façon délibérée dès lors que les termes de la lettre de licenciement, tels que précédemment exposés, sont tout autres ;

Que Mme [U] invoque, en outre , les conditions brutales de la rupture de son contrat de travail en ce que, lors d'un entretien informel dont elle n'avait pas été informée de l'objet qui s'est tenu le 11 janvier à 19 heures dans le hall d'un hôtel à [Localité 4], elle s'est vue remettre une convocation à un entretien préalable au licenciement pour le 20 janvier et a été mise à pied à titre conservatoire dès cette remise, de sorte qu'elle a dû quitter ses fonctions de manière extrêmement brutale et inattendue ;

Que ces circonstances sont établies par les pièces versées aux débats et ne sont pas sérieusement contestées par le GIE Vitalia et que , contrairement à ce que soutient ce dernier, la mise à pied conservatoire de madame [U] ne se justifiait pas en l'espèce ;

Que le préjudice subi à ce titre par madame [U] doit être réparé ;

Que madame [U] fait encore valoir que le GIE Vitalia a cru bon de lui rappeler son obligation de confidentialité et de non sollicitation à l'expiration de la relation contractuelle avec une copie à son nouvel employeur et, ce, alors qu'aucun manquement de sa part à ses obligations n'avait été relevé ;

Que ce fait, qui résulte du courrier, précédemment évoqué, adressé le 10 mars 2011 à madame [U] par le GIE Vitalia et concernant lequel ce dernier ne formule ni critique ni observation, doit être retenu comme préjudiciable à celle-ci et justifiant une réparation ;

Attendu que la demande de dommages et intérêts formulée par madame [U] en réparation du préjudice causé par les circonstances brutales et vexatoires de la rupture de son contrat de travail doit être accueillie en son principe mais que l'indemnité doit être fixée à la somme de 9000 € ;

3° Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la privation de la convention de reclassement personnalisé

Attendu que la cour n'ayant pas retenu le motif économique du licenciement tel qu'invoqué par madame [U], cette demande ne peut prospérer ;

Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté madame [U] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;

4° Sur la demande de rappel d'indemnité compensatrice de préavis

Attendu que, devant la cour, madame [U] conteste son rattachement à la convention collective Syntec visé à son contrat de travail et revendique l'application à son profit de la convention collective de l'hospitalisation privée à but lucratif prévoyant en son article 45, pour les cadres supérieurs ou dirigeants, un préavis de six mois en cas de licenciement en faisant principalement valoir que ses fonctions correspondaient à des fonctions purement opérationnelles exercées pour le compte des cliniques membres du GIE Vitalia qu'elle avait sous sa responsabilité et qui correspondaient à l'activité de celles-ci, ce que le GIE Vitalia réfute ;

Que l'employeur fait justement valoir que, s'il est exact que le statut collectif d'un salarié découle de la réalité concrète des activités qu'il exerce, les activités exercées par madame [U] au sein du GIE Vitalia ne relevaient pas des activités relatives à l'hospitalisation privée et qu'en sa qualité de directrice régionale, celle-ci travaillait au sein et pour le compte du GIE Vitalia, dans des locaux dédiés à l'exercice de ses fonctions ;

Qu'il ajoute que le fait que ses fonctions de directrice régionale de la région sud-est d'un groupe de cliniques privées l'aient amenée à agir précisément dans l' intérêt des cliniques faisant partie de son territoire, soumises à la convention collective de l'hospitalisation privée, ne saurait entraîner sa soumission automatique à cette convention et que bien au contraire, en signant le 4 janvier 2008 un contrat de travail avec le GIE Vitalia , madame [U] s'est, aux termes de ce contrat, engagée à :

' contribuer à la stratégie du GIE Vitalia (notamment participer à la définition de la stratégie, assurer les relations avec les praticiens ),

' veiller à la bonne marche des établissements (notamment assurer les responsabilités budgétaires et fonctionnelles et atteindre les objectifs économiques et financiers),

' assurer les relations avec les autorités de tutelle et les collectivités territoriales ;

Que si les actions menées par madame [U] pour la réalisation de ses missions pour le compte du GIE Vitalia la conduisait à intervenir au sein des cliniques dont elle avait la charge, pour autant, ses résultats n'étaient pas calculés simplement clinique par clinique, mais aussi au niveau de la région dont elle était en charge, ce dont il résulte qu'elle agissait bien pour les intérêts financiers du GIE Vitalia dont les cliniques sont membres ;

Que, conformément aux termes de son contrat de travail, madame [U] participait également elle-même à l'élaboration de la stratégie du GIE Vitalia ;

Que l'employeur souligne qu'en sa qualité de directrice régionale, madame [U] exerçait des fonctions pour le compte du GIE Vitalia dont l'activité principale est « l'exploitation en commun de tous services, principalement au profit de membres mais également pour toutes entreprises et notamment l'organisation, l'information, la comptabilité, le contrôle de gestion, l'assistance juridique, la communication, la gestion et en particulier celle des ressources humaines, l'organisation des systèmes informatiques, l'assistance dans la gestion des participations, et d'une manière générale, le conseil et l'audit de toute nature, ainsi que l'étude de tout problème technique, administratif, financier ou autres», comme mentionné par l'extrait Kbis du GIE Vitalia versé aux débats ;

Attendu qu'en considération de ces éléments , la demande de Mme [U] tendant à obtenir son rattachement à une convention collective autre que celle figurant sur son contrat de travail ainsi que sur ses bulletins de paye, en l'occurrence la convention collective de l'hospitalisation privée, et sa demande, consécutive, tendant à la condamnation du GIE Vitalia à lui payer un rappel d'indemnité compensatrice de préavis de 53'553,64 €, outre les congés payés y afférents, doivent être rejetées ;

III Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu que le GIE Vitalia ,qui succombe principalement, supportera les dépens de première instance et d'appel, sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et devra en application de ce texte, payer à madame [U], pour l'ensemble de la procédure, la somme de 2000 € ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté madame [R] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour privation de la convention de reclassement personnalisé,

Infirme le jugement entrepris pour le surplus,

et statuant à nouveau,

Condamne le GIE Vitalia à payer à madame [R] [U] les sommes de :

' 120'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 9'000 € à titre de dommages et intérêts du fait des circonstances brutales et vexatoires de la rupture,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en application de l'article 1153-1 du code civil,

Déboute Mme [R] [U] de sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents,

Déboute le GIE Vitalia de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et le condamne sur ce fondement à payer à madame [R] [U] la somme de 2000 €,

Condamne le GIE Vitalia aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/02978
Date de la décision : 31/10/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°13/02978 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-31;13.02978 ?
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