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31/10/2013 | FRANCE | N°13/02104

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre b, 31 octobre 2013, 13/02104


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2013

hg

N° 2013/384













Rôle N° 13/02104







[P] [C]

[R] [C]





C/



COMMUNE [Localité 1]





















Grosse délivrée

le :

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la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON





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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 31 Mai 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/4071.





APPELANTS



Monsieur [P] [C]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]



Monsieur [R] [C]

né le [Date nai...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2013

hg

N° 2013/384

Rôle N° 13/02104

[P] [C]

[R] [C]

C/

COMMUNE [Localité 1]

Grosse délivrée

le :

à :

la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 31 Mai 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/4071.

APPELANTS

Monsieur [P] [C]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]

Monsieur [R] [C]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]

représentés par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par le Cabinet MAUDUIT LOPASSO & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON,

INTIMEE

COMMUNE [Localité 1] prise en la personne de son Maire en exercice domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville, dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Bertrand ROI, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Septembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène GIAMI, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Odile MALLET, Président

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2013,

Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE:

Les frères [P] et [R] [C] (ci après dénommés les consorts [C]) sont propriétaires indivis avec leur père [B] [C], veuf de [W] [Y], d'un bien immobilier situé [Localité 1], cadastré section BL n° [Cadastre 1] ayant appartenu à leur mère et épouse, décédée le [Date décès 1] 2000.

Se plaignant d'une emprise irrégulière de la Commune [Localité 1] par l'implantation de canalisations, les consorts [C] l'ont fait assigner le 6 juillet 2009 devant le tribunal de grande instance de Toulon aux fins d'indemnisation, ou subsidiairement, de désignation d'un expert.

Par jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 31 mai 2011, leur action a été déclarée irrecevable en raison de la prescription quadriennale, et ils ont été condamnés aux dépens.

Le 21 juillet 2011, [P] et [R] [C] ont interjeté appel de cette décision.

L'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle le 8 janvier 2013, puis elle a été rétablie à la demande des appelants du 28 janvier 2013.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2013, l'affaire étant fixée à l'audience du 16 septembre 2013.

Par conclusions de procédure notifiées par RPVA le 4 septembre 2013, [P] et [R] [C] entendent voir rejeter des débats pour tardiveté et déloyauté, les pièces et conclusions adverses signifiées le 29 août 2013.

Par conclusions de procédure en réponse, notifiées par RPVA le 16 septembre 2013, la Commune [Localité 1] entend voir déclarer recevables ses pièces et conclusions signifiées le 29 août 2013, ou subsidiairement, voir renvoyer l'affaire à une audience ultérieure.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises au greffe et notifiées le 8 août 2013 auxquelles il convient de se référer, les consorts [C] entendent voir infirmer le jugement et':

- être déclarés recevables en leur action,

- voir débouter la Commune [Localité 1] de sa demande de prescription,

- la voir condamner à leur payer :

. 46 750 € de dommages et intérêts, avec intérêts légaux depuis l'assignation et capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil

. 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ils soutiennent notamment que:

- ils se sont rendus compte en 2006 que la Commune [Localité 1] avait enterré des canalisations sous leur voie privée,

- celle-ci ayant reconnu l'emprise irrégulière , aucun accord n'a pu être trouvé sur le montant de l'indemnisation,

- la prescription quadriennale ne peut valablement leur être opposée alors que la preuve de la date des travaux n'est pas rapportée, que l'année 1981 a été indiquée sans justificatif, et que la Commune leur avait donné un accord de principe sur l'indemnisation,

- le délai de prescription a été interrompu par l'échange de courriers ( article 2 de la loi du 31 décembre 1968),

- de plus, l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 ne permet pas de faire courir le délai de prescription si le créancier a ignoré l'existence de la créance, ce qui est leur cas: en effet, la maison qui leur appartient aujourd'hui n'a été habitée qu'épisodiquement avant 1982, date à laquelle [P] [C] s'y est installé, et l'existence des canalisations n'est apparue qu''en 2006, la prescription ne pouvant courir avant cette connaissance,

- subsidiairement, ils invoquent l'inconventionnalité de la prescription quadriennale au regard de l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, interdisant l'inégalité de régime entre l'Etat et les particuliers,

- plus subsidiairement, en application des articles 7 de la loi du 31 décembre 1968 et 815 du code de procédure civile, la Commune ne pouvait soulever la prescription quadriennale que par un arrêté ou une décision administrative indépendante et visée dans les conclusions de son conseil.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe et notifiées aux parties le 29 août 2013, auxquelles il convient de se référer, la commune [Localité 1] sollicite':

- la confirmation du jugement,

- le rejet des prétentions adverses,

- la condamnation des consorts [C] à lui payer 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient notamment que:

- l'action des consorts [C] est prescrite;

- par ses pièces n°2, 25 et 29, elle établit que les canalisations litigieuses sont implantées depuis 1981;

- le fait que par ses courriers datés des 29 août 2006 et 22 novembre 2007, le maire n'ait pu dater avec précision les travaux fort anciens n'empêche pas qu'ayant ensuite obtenu tous les renseignements utiles, il ait soulevé la prescription quadriennale le 31 mai 2010;

- ladite prescription a commencé à courir le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, même si le montant de la créance n'a pas été fixé;

- en l'espèce, c'est l'emprise irrégulière qui fait naitre les droits;

- la prescription était acquise le 1er janvier 1987;

- elle n'a donc pas pu être interrompue au delà de cette date par les courriers du maire, alors que la première demande des consorts [C] date du 9 juillet 2007;

- l'argumentation suivant laquelle les consorts [C] n'auraient découvert l'existence de l'emprise qu'en 2006 n'est pas sérieuse alors que les travaux ont été extrêmement importants, ont duré plusieurs mois, ont nécessité une tranchée traversant une partie du fonds et la pose d'une canalisation de 150 cms de diamètre;

- ils ne rapportent pas la preuve que les lieux n'étaient pas habités à l'époque des travaux, mais produisent seulement trois attestations insuffisantes à rapporter cette preuve;

- lorsque leur mère est décédée en 2000 et que la propriété est devenue indivise, les travaux existaient déjà, et aucune action n'avait été engagée pendant sept ans encore;

- la charge de la preuve de la suspension ou de l'interruption de la prescription incombe à celui qui s'en prévaut;

- quant à l'inconventionnalité de la prescription quadriennale, dès lors que ce délai de prescription a été fixé dans un but d'intérêt général, qu'il n'est pas exagérément court et qu'il n'a pas privé les consorts [C] d'une action en justice, le principe d'égalité des armes a été respecté.

- Le conseil de la commune a le pouvoir d'opposer la prescription dès lors qu'il est régulièrement mandaté pour agir en justice au nom de la commune;

- le moyen tiré de l'absence de signature des conclusions par ledit conseil devait être soulevé «'in limine litis'», s'agissant d'une exception de procédure; en outre, un grief doit être établi.

- Enfin, rien n'oblige à ce qu'un arrêté indépendant des conclusions soit pris par le maire pour opposer la prescription quadriennale;

- le maire peut tout à fait contresigner des conclusions opposant la prescription quadriennale, prises devant le tribunal de grande instance.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le rejet des débats des pièces et conclusions signifiées par la commune [Localité 1] le 29 août 2013:

La Commune [Localité 1] a communiqué deux pièces nouvelles , n°28 et 29 avec ses conclusions signifiées le jeudi 29 août 2013; il s'agirait de:

- un arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 juillet 2011,

- un plan topographique géomètre de février 1984 annexé à la demande de permis de construire déposé par le Centre européen de promotion en vue de l'aménagement de la zone commerciale du port du [1].

Elles ne figurent pas dans le dossier remis à la cour par la Commune [Localité 1], ni dans celui remis par les consorts [C] et seront donc écartées des débats.

En ce qui concerne les conclusions, les articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile prévoient que «les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense», le juge étant chargé de veiller au respect de cet échange en écartant au besoin les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.

En l'espèce, l'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2013, après avis adressé aux parties le 3 avril 2013 et la Commune [Localité 1] avait déjà conclu le 5 avril 2013, tandis que les consorts [C] n'y avaient répondu que le 8 août 2013 en soulevant pour la première fois l'inconventionnalité de la prescription quadriennale.

Dès lors que la Commune [Localité 1] n'a pas invoqué de nouveaux moyens ou prétentions, mais s'est limitée à répondre aux arguments développés par la partie adverse dans ses dernières conclusions notifiées en période de congés, il n'y a pas lieu de les écarter des débats.

Sur la prescription de l'action des consorts [C]':

Le point de départ de la prescription quadriennale édictée par l'article 1 de la loi du 31 décembre 1968 est le premier jour de l'année au cours de laquelle s'est produit le fait générateur allégué, en l'espèce, l'emprise irrégulière qui n'est pas contestée par la Commune [Localité 1].

Pour établir que les travaux d'implantation des canalisations réalisées sur le terrain des consorts [C] ont eu lieu en 1981, la Commune [Localité 1] se prévaut des pièces n°2, 25 et 29, cette dernière ayant été écartée des débats.

Les pièces n°2 et 25 consistent en un plan de tronçon A.E.P mentionnant le 1/1/1981 comme date de pose de la canalisation litigieuse par l'entreprise SOGEA, et un plan du réseau faisant apparaitre ladite canalisation «'FD 150'» traversant la parcelle BL [Cadastre 1].

En aucun cas, ces deux pièces ne permettent d'établir la date de réalisation des travaux, ni qu'ils auraient été le préalable indispensable à la construction de la zone commerciale du nouveau port du [1], ni l'effectivité de la date de réalisation de celui-ci en 1984.

Quant à l'interprétation par le premier juge des photographies produites par les consorts [C] qui révèleraient qu'un mur en pierres de Borme est construit tout le long de la servitude contestée, délimitant son emprise, et par là même, démontrant que les propriétaires en avaient connaissance avant 2006, date à laquelle ils indiquent en avoir appris l'existence, elle ne peut être retenue, d'une part car les photographies ne permettent pas d'établir que le mur est construit tout le long de l'emprise, et d'autre part car même s'il en était ainsi, rien ne permettrait d'en conclure qu'il ne préexistait pas aux travaux.

En l'espèce, dès lors que la date des travaux n'est pas définie ni certaine avant que les consorts [C] s'en soient plaints en 2006, la prescription quadriennale prévue par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, n'a pu commencer à courir que le 1 janvier 2007.

L'assignation de la Commune [Localité 1] datant du 6 juillet 2009, aucune prescription quadriennale ne peut valablement être opposée aux consorts [C] qui seront donc déclarés recevables en leur demande d'indemnisation, le jugement étant infirmé.

Sur le bien fondé des prétentions des consorts [C]':

L'emprise irrégulière affectant la parcelle des consorts [C] est de 187 m², et se situe sur la voie desservant l'habitation.

Le préjudice en découlant est constitué par l'interdiction de toute plantation ou construction et la nécessité de laisser intervenir les services publics pour l'entretien et les réparations des canalisations, ce qui réduit considérablement la jouissance sur cette partie du terrain, et occasionne des nuisances d'ordre esthétique aggravés lors des travaux.

Les consorts [C] seront accueillis en leur demande d'indemnisation pour atteinte à leur droit de propriété protégé par l'article 545 du code civil, à hauteur, et dans la limite de 10 000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ecarte des débats les pièces 28 et 29 communiquées par la Commune [Localité 1],

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déclare [P] et [R] [C] recevables en leur action non prescrite,

Condamne la Commune [Localité 1] à leur payer 10 000 € de dommages et intérêts,

Condamne la Commune [Localité 1] à leur payer 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/02104
Date de la décision : 31/10/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4B, arrêt n°13/02104 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-31;13.02104 ?
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