COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 25 OCTOBRE 2013
N° 2013/513
Rôle N° 13/12370
SARL L'AVENTURE
C/
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE
Grosse délivrée
le :
à : Me Agnes ERMENEUX-CHAMPLY
la SCP DUHAMEL AGRINIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/4812.
APPELANTE
SARL L'AVENTURE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Agnes ERMENEUX-CHAMPLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Vincent DURAND, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (anciennement LE CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN), prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP DUHAMEL AGRINIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, assisté de Me François KUNTZ, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Françoise BEL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Madame Françoise BEL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2013,
Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Aux termes d'un acte sous-seing-privé du 21 août 2007 réitéré dans un acte notarié contenant vente , prêt et affectation hypothécaire , passé devant Maître [Q] notaire à [Localité 4] le 20 septembre 2007, la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHÔNE-ALPES AUVERGNE, ci-après SA CIFRAA, a consenti à la SARL L'AVENTURE un prêt d'un montant de 1.282.372 € en principal amortissable en 240 mensualités, au taux de 4,85 % l'an, pour l'acquisition d'un bien immobilier sis sur la commune de [Localité 3] ( Var ) [Adresse 3], moyennant un prix de 930.000 €.
Le prêt immobilier est garanti par un privilège de prêteur de deniers à hauteur de 930.000 € et par une hypothèque complémentaire pour le surplus soit la somme de 362.372 € portant sur le bien immobilier objet de l'acquisition.
La SA CIFRAA poursuit à l'encontre de la SARL L'AVENTURE suivant commandement aux fins de saisie immobilière délivré par acte de Maître [H] [K] huissier de justice à [Localité 2] ( Ain) le 15 mars 2012 publié le 4 mai 2012 à la conservation des hypothèques de [Localité 1] volume 2012 S numéro 36 pour un montant de 1.318.528,83 € en principal, intérêts et accessoires outre intérêts contractuels de 4,85 % et demeuré sans effet, la vente de biens et droits immobiliers ci-dessus désignés.
Par acte d'huissier délivré le 27 juin 2012, le poursuivant a fait citer la débitrice saisie à comparaître le 7 septembre 2012 à l'audience d'orientation du juge de l'exécution statuant en matière immobilière du Tribunal de Grande Instance de Draguignan , tenue après divers renvois le 5 Avril 2013.
Par jugement déféré du 17 mai 2013, le juge de l'exécution rejetant la demande de nullité du taux effectif global considérant que celle-ci représente une nullité relative ,soumise au délai de cinq ans s'agissant d'un prêt entre professionnels, prescrite car formée par conclusions du 4 septembre 2012 alors que le contrat de prêt est réputé conclu dès le 21 août 2007, a constaté que les conditions des articles L. 311-2 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies , a fixé la créance à 1.318.528,83 € en principal, intérêts et accessoires outre intérêts contractuels de 4,85 % , autorisé la vente amiable du bien, fixé la mise à prix à 1.500.000 €, le dossier étant rappelé à l' audience du 6 septembre 2013, rejeté la demande de frais irrépétibles formée par la créancière.
Par déclaration au greffe de la cour en date du 13 juin 2013, la SARL L'AVENTURE a relevé appel de cette décision, limité aux dispositions du jugement ayant rejeté la demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels au motif que celle-ci serait prescrite .
Autorisée à assigner à jour fixe sur requête du 20 juin 2013 l'appelante a fait délivrer assignation par acte délivré le 8 juillet 2013 déposé au greffe de la cour le 23 juillet 2013.
Par dernières conclusions déposées et notifiées le 28 août 2013 la SARL L'AVENTURE :
demande à la cour de :
Vu l'article L313-4 du Code Monétaire et Financier, Vu les articles 1152 et 1504 du Code Civil Vu les pièces versées aux débats,
Réformer le jugement du juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 17 mai 2013,
Statuant à nouveau,
Dire et juger que la demande en nullité des intérêts conventionnels formulée par la société L'AVENTURE n'est pas prescrite,
Dire et juger que le TEG indiqué par le CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHÔNE-ALPES AUVERGNE est erroné,
Prononcer la déchéance totale des intérêts conventionnels dudit prêt consenti par le CIFRAA;
Dire et juger que seul le taux légal devra être appliqué par le CIFRAA depuis la date d'octroi du prêt ;
Dire et juger que la créance du CIFRAA jusqu'à la date de déchéance du prêt du 31 décembre 2011, hors indemnité de résiliation, s'élève à seulement 1,095,413,90 € en application du taux d'intérêt légal depuis le début du prêt.
Sur la contestation nouvelle,
Dire et juger que l'indemnité de résiliation de 7 % du capital restant dû qui constitue une clause pénale est manifestement excessive au regard du préjudice réel subi par le CIFRAA suite à la résiliation anticipée du contrat de prêt,
Diminuer le montant de la clause pénale appliquée par le CIFRAA à une somme symbolique de 1 €,
En tout état de cause,
Condamner le CIFRAA à payer à la société L'AVENTURE une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner le CIFRAA aux entiers dépens, distraits au profit de Maître ERMENEUX-CHAMPLY, - Laurence LEVAIQUE, Avocats Associés qui y a pourvu.
Soutenant que :
- l'absence de prescription de la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels en ce que la prescription court à compter de la date de l'acte de prêt en l'espèce l' acte authentique du 20 septembre 2007, la conclusion du prêt étant subordonnée à la réitération de l' acte authentique,
- le caractère erroné du taux effectif global mentionné à l'acte authentique, le détail des garanties et charges du contrat AVIVA étant connu dès l'offre de prêt,
- le caractère manifestement excessif de l'indemnité de résiliation anticipée,
Par dernières conclusions déposées et notifiées le 4 septembre 2013 le CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHÔNE-ALPES AUVERGNE pour combattre les demandes de l 'appelante ,
sollicite :
Vu l'article L. 313-4 du Code Monétaire et financier,
Vu l'article L. 313-2 du Code de la consommation
Vu l'article 1304 du code civil, 1134 et 1152 du Code civil,
Vu les articles R 322-4 et suivants du Code des Procédures Civiles d'Exécution,
Vu les articles R. 322-5 2, R. 322-15 et R 322-18 dudit Code,
Débouter la société L'AVENTURE SARL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Dire et juger irrecevable en cause d'appel la demande nouvelle relative au caractère prétendument excessif de la clause pénale pour remboursement anticipé du contrat de prêt, pour défaut de lien suffisant aux prétentions originaires.
En conséquence,
Confirmer le Jugement du Juge de l'exécution immobilier du Tribunal de Grande instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Mai 2013, en toutes ses dispositions.
Y ajoutant :
Condamner la société L'AVENTURE SARL à verser au CIFRAA la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au motif que :
- le point de départ de la prescription, entre deux professionnels la date de signature du contrat de prêt, est la date de l'offre de prêt contenant toutes les mentions requises par les articles L312-7 à 12, laquelle vaut contrat,
- le taux effectif global mentionné n'est pas erroné , le contrat d'assurance AVIVA n'ayant été souscrit que postérieurement à l' acte authentique, le 3 octobre 2007,
- la demande nouvelle relative à la clause pénale est irrecevable , à tout le moins le caractère de la clause pénale n'est pas excessif,
MOTIFS
La prescription de la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels :
Il résulte des conditions générales du contrat que la conclusion du prêt objet de l'offre est subordonnée à la réitération par acte authentique du contrat de prêt et le cas échéant des garanties complémentaires , en l'espèce une hypothèque de premier rang sur le bien immobilier financé au moyen du prêt, à une date convenue entre les parties, soit le 20 septembre 2007, et au plus tard dans un délai de quatre mois à compter de l'acceptation de l'offre. Dans l' hypothèse d'une acquisition, l' acte authentique de prêt doit être régularisé le même jour.
La volonté les parties est de conclure le contrat contenant les mentions de l'offre et les garanties au profit du prêteur à la date de réitération par acte authentique fixée au 20 septembre 2007.
S'agissant d'un contrat de prêt, le point de départ de la prescription de l'action en nullité se situant à la date du contrat, date à laquelle l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global , il en résulte qu'à la date du 4 septembre 2012, date de la demande en nullité des intérêts conventionnels , le délai quinquennal de prescription courant jusqu'au 20 septembre 2012 n'est pas acquis et la demande en nullité des intérêts contractuels n'est pas prescrite de sorte que le jugement est infirmé de ce chef.
La demande de déchéance totale des intérêts conventionnels :
Aux termes de l'article L. 313-2 du code de la consommation , le taux effectif global déterminé comme il est dit à l'article L. 313-1 doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section.
L'examen de l' acte authentique établit que les mentions relatives au taux effectif global annuel, indiquées, hors assurance et assurances comprises, d'un même montant de 4,933 % sont en conséquence erronées, le taux assurances comprises ne comprenant pas le taux, connu du nécessairement du prêteur , et mentionné à la page suivante de l'acte, l'emprunteur n'étant pas effectivement informé du montant du taux annuel effectif global appliqué au prêt.
La charge de l'assurance AVIVA était connue lors de la signature de l'offre préalable et figure dans cet acte, contrairement à ce que soutient le prêteur.
En effet, celui-ci a accepté l'offre comportant mention du taux d'assurances, le 7 août 2007.
Le taux effectif global assurances comprises devait intégrer le coût de l'assurance.
Le caractère erroné du taux effectif global justifie l'annulation de la stipulation d' intérêts contractuels et la fixation de l' intérêt au taux légal dès la conclusion du contrat.
La créance doit être fixée, compte non tenu de l'indemnité de résiliation de 81.220,51 € , à 1.095.413,90 € au 31 décembre 2011 outre les intérêts au taux légal.
Le caractère manifestement excessif de l'indemnité de résiliation anticipée :
Conformément aux dispositions de l'article R311-5 du Code des Procédure Civiles d'Exécution 'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R322-15 à moins qu'elle ne porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci'.
Ces dispositions sont d'ordre public en matière de saisie immobilière , sans qu'il y est lieu de rechercher l' application des dispositions des articles 567 et 70 du code de procédure civile.
Aux termes du jugement entrepris, la société L'AVENTURE n'a pas déposé de conclusions écrites avant l'audience d'orientation tendant à faire trancher la contestation sur le caractère manifestement excessif de l'indemnité de résiliation anticipée qu'elle élève devant la cour ce dont il résulte que la demande, formée postérieurement à l'audience d'orientation , est irrecevable.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrite la demande en nullité de la stipulation d'intérêts contractuels,
Statuant à nouveau,
Dit que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts contractuels n'est pas prescrite,
Dit que le taux effectif global mentionné à l' acte authentique du 20 septembre 2007 est erroné,
Prononce la déchéance totale des intérêts conventionnels du prêt consenti par la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHÔNE-ALPES AUVERGNE,
Dit que s'applique le taux légal d' intérêts depuis la conclusion du prêt,
Fixe la créance de la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHÔNE-ALPES AUVERGNE à 1.095.413,90 € au 31 décembre 2011 outre l'indemnité de résiliation de 81.220,51 € , les intérêts au taux légal et les frais,
Ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de la société L'AVENTURE tendant à voir juger le caractère manifestement excessif de l'indemnité de résiliation anticipée,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes les demandes,
Condamne la SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHÔNE-ALPES AUVERGNE aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,