COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2013
N°2013/584
Rôle N° 11/22090
[Y] [P] épouse [F]
C/
[X] . [Z]
[T] [I]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP COHEN
SCP BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 16 Décembre 2011 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 06/4801.
APPELANTE
Madame [Y] [P] épouse [F]
née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Laurent COHEN de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Alain BERDAH, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Maître [X] [Z]
pris en sa qualité de Commissaire à L'exécution du plan de cession de la SCP Marc NICOLAI, Claude NICOLAI et Michel CARABALONA et pris en sa qualité de représentant des créanciers de la SCP MARC NICOLAI, Claude NICOLAI et Michel CARABALONA
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Philippe MARIA de l'Association MARIA/RISTORI-MARIA, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Frédérique JOUHAUD, avocat au barreau de GRASSE,
Maître [T] [I]
pris en sa qualité d'Administrateur ad hoc de la SCP NICOLAI
CARABALONA MCM
né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 3] (31), demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Philippe MARIA de l'Association MARIA/RISTORI-MARIA, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Frédérique JOUHAUD, avocat au barreau de GRASSE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Guy SCHMITT, Président, et Madame Catherine DURAND, Conseiller,
Monsieur Guy SCHMITT, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2013.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2013.
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement frappé d'appel rendu le 16 décembre 2011 par le tribunal de grande instance de Nice ;
Vu les conclusions déposées le 16 août 2013 par [Y] [P], appelante;
Vu les conclusions déposées le 25 mai 2013 par maître [I] et [Z], le premier en sa qualité d'administrateur ad hoc de la société NICOLAÏ - NICOLAÏ - CARABALONA, le second en celle de commissaire à l'exécution du plan et représentant des créanciers au redressement judiciaire de la même société ;
Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties;
Attendu que suite à la suspension de ses membres la société Marc NICOLAÏ, Claude NICOLAÏ et Michel CARABALONA (la société), titulaire d'un office d'huissier de justice à Cagnes-sur-Mer, a été pourvue d'un administrateur provisoire par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Grasse en date du 9 avril 1999, la mission d'administrateur ayant en définitive été assumée par [Y] [P] déléguée par la chambre départementale des huissiers des Alpes-Maritimes ; que par jugement en date du 14 mai 1999 le tribunal de grande instance de Grasse a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société et désigné Me [U] comme administrateur judiciaire et maître [Z] comme représentant des créanciers; que par jugement en date du 4 avril 2000 il a arrêté un plan de cession et désigné maître [Z] comme commissaire à l'exécution ;
Attendu que par ordonnance en date du 27 mars 2002 le président du tribunal de grande instance de Grasse a condamné la société représentée par le commissaire à l'exécution à payer à l'administrateur provisoire à titre de provision à valoir sur sa rémunération une somme de 114'648,34 € ; que par arrêt en date du 8 octobre 2003 la provision a été limitée à 90'000 € HT ; que, saisi de la contestation du commissaire à l'exécution et de l'administrateur provisoire de la société par un jugement d'incompétence rendu le 26 janvier 2006 par le tribunal de grande instance de Grasse, le tribunal de grande instance de Nice, par jugement en date du 4 septembre 2008, a désigné un expert chargé de chiffrer la rémunération revenant à l'administrateur provisoire ; que sur le fondement du rapport déposé il a condamné par le jugement attaqué [Y] [P] à restituer à la société et au commissaire à l'exécution un trop perçu de 3346 €;
SUR CE,
Attendu que l'expert judiciaire a constaté que la comptabilité de la société d'huissiers était tenue en recettes-dépenses et révisée en créances-dettes ; que, la première de ces comptabilités ayant été selon lui affectée d'incohérences clairement détaillées et non discutées , au contraire de la comptabilité révisée techniquement cohérente, il a justement décidé de ne retenir que cette dernière pour l'exécution de sa mission, ce d'autant qu'il n'a pu appréhender de nombreux documents et justificatifs confiés à une société d'archivage qui ne les a pas retrouvés, tel le compte de résultat fiscal annuel de l'année 2001;
Attendu qu'il a procédé à un certain nombre de corrections qui ne sont contestées par les parties que pour ce qui concerne le calcul du demi-produit de l'exercice 2001, la déduction d'un certain nombre de frais considérés comme personnels à l'administrateur provisoire, l'imputation des charges sociales et frais de déplacement de ce dernier aux charges de la société, et l'application de la TVA à la rémunération due;
Attendu, s'agissant du demi-produit de l'année 2001 que l'administrateur provisoire soutient qu'il faut majorer le chiffre retenu par l'expert judiciaire des factures d'honoraires non encore parvenues à la date d'établissement des comptes, clairement détaillées par l'expert; qu'il faut relever à cet égard que si les factures non encore établies sont neutres dans la comptabilité tenue en recettes-dépenses, elles ne le sont pas dans celle prise en considération par l'expert judiciaire tenue en créances-dettes ; que rien cependant ne permet de retenir que l'expert a commis une erreur alors qu'aucun détail, notamment l'annexe numéro 2 du rapport d'expertise, n'autorise avec certitude la rectification et la majoration revendiquées par l'administrateur provisoire qui s'est abstenu de soumettre ce problème à l'expert ;
Attendu que l'expert judiciaire a exclu des charges les frais de réparation du véhicule personnel de l'administrateur provisoire, utilisé par ce dernier pour l'exécution de sa mission et accidenté à cette occasion ; qu'il est établi à cet égard par un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 11 mai 2006 qui a dit n'y avoir lieu à poursuites contre l'administrateur des chefs d'abus de confiance, escroquerie et faux en écriture publique, que le véhicule en cause servait essentiellement aux déplacements professionnels effectués pour le compte de la société d'huissier ; que cette circonstance, si elle exclut l'élément intentionnel des infractions poursuivies, n'est certes pas de nature à permettre à elle seule l'imputation de ces frais au compte de l'étude; qu'en l'absence de renseignements suffisants quant à la disponibilité d'un véhicule de fonction et aux modalités d'assurance, il faut néanmoins considérer au vu de cet arrêt que les frais de réparation ont été exposés pour la réparation d'un dommage causé au véhicule alors qu'il était en service pour les besoins du fonctionnement de l'étude d'huissier ; qu'il y a par suite pas lieu à déduction de ce chef ;
Attendu que l'expert judiciaire a également constaté qu'avaient été imputés au compte de l'étude des frais de restauration élevés concernant généralement plusieurs personnes ainsi que d'autres frais tels que bijoux, matériel hi-fi, linge de maison, produits de toilette, disques, lunettes, ou alcools, et les a exclus pour moitié des charges ; que l'administrateur a certes bénéficié, pour ces frais également, du non-lieu rappelé ci-dessus en considération, notamment, des déclarations des employés de l'étude qui avaient émis l'avis que si des irrégularités avaient été commises, c'était sans intention de nuire et consécutivement au retard accumulé du fait d'un incendie ; que cependant, seule l'absence d'élément intentionnel justifiant le non-lieu, et les dépenses en cause étant manifestement étrangères à l'activité de l'étude d'huissier, l'expert judiciaire les a exclues à juste titre des charges dans une proportion qui n'encourt en soi aucune critique ;
Attendu que l'expert a encore mis en évidence, en premier lieu l'imputation des frais de téléphone personnels de l'administrateur au compte de l'étude et procédé de ce chef à une correction pour moitié, en second lieu le montant très élevé des autres frais de téléphone eu égard à l'effectif réduit de l'étude et réintégré de ce chef 25 % de la dépense dans les comptes, et, en troisième lieu, de très importants frais informatiques en 2001 liés selon lui indiscutablement à la cession projetée de l'étude qu'il a pour cette raison retranchés des charges de cette dernière ; que compte tenu des proportions mises en évidence ces corrections sont totalement justifiées ;
Attendu que la société d'huissier a été condamnée par deux arrêts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 28 juin 2004 à payer à deux salariés une somme totale de 51'260 € que les organes de la procédure collective entendent voir imputer aux frais de fonctionnement de l'étude sur le fondement de l'article 20 de l'ordonnance du 28 juin 1945 qui dispose que l'administrateur perçoit les émoluments et autres rémunérations relatifs aux actes qu'il accomplit, et paye à concurrence de ces produits les charges afférentes au fonctionnement de l'Office; que, les licenciements ayant été la conséquence, non de la gestion de l'administrateur provisoire, mais de la situation de l'étude liée à la suspension de ses membres, l'expert a justement considéré que les indemnités en cause devaient être imputées au compte de la société et non déduites du résultat servant d'assiette au calcul de la rémunération de l'administrateur ;
Attendu que, l'étude d'huissiers gérée par l'appelante ayant été constituée sous la forme d'une société civile professionnelle, les associés étaient soumis personnellement à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices non commerciaux qui leur était attribuée en vertu des dispositions de l'article 8 ter du code général des impôts ; que, ces bénéfices n'étant pas susceptibles d'être majorés de la TVA au profit des associés, et l'administrateur provisoire percevant, aux termes des articles 20 et 33 de l'ordonnance du 28 juin 1945, tout ou partie de la rémunération à laquelle auraient pu prétendre les titulaires de l'étude qu'il remplace dans leurs fonctions, la TVA n'est pas due, comme justement décidé par les premiers juges ;
Attendu que les indemnités kilométriques correspondent à des frais exposés pour l'exercice de la fonction d'huissier et doivent par suite être remboursés et intégrés aux comptes de la société administrée ; que, l'administrateur provisoire exerçant dans les mêmes conditions que les huissiers associés, il en est de même de ses charges sociales personnelles en vertu des dispositions de l'article 154 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'époque des faits ;
Attendu que l'administrateur provisoire a perçu un certain nombre d'avances dont il prétend qu'elles comportent pour partie la TVA, les charges sociales ou encore des indemnités kilométriques ; que ces contestations sont cependant sans portée dès lors que la TVA n'est pas due et que les charges sociales et indemnités kilométriques ont été intégrées à la rémunération par l'expert après que dans un premier temps les comptes aient été expurgés des sommes perçues, de sorte que le détail des avances est sans incidence sur la détermination finale de la rémunération ;
Attendu que dans ces conditions la rémunération litigieuse s'établit de la manière suivante:
' demi-produit déterminé par l'expert :................................................. 264'998 € HT
' indemnités kilométriques :.....................................................................21'908 €
' charges sociales :....................................................................................12'015 €
' total :.....................................................................................................298'921 €
À déduire :
' frais généraux sous déduction des frais de réparation du véhicule :...... 29'763 €
' sommes payées par Me [U] :..............................................................123'101 €
' autres sommes versées :............................................................................ 7'643 €
' provision nette perçue :........................................................................ .107'140 €
' total :.......................................................................................................267'647 €
Solde du :.....................................................................................................31'274 € HT
Attendu que le paiement de cette somme incombe au commissaire à l'exécution du plan de cession de la société d'huissiers dès lors qu'il s'agit d'une charge de la procédure collective au cours de laquelle elle est née ; que les intérêts seront accordés comme réclamé à compter de la mise en demeure du 21 décembre 2001 ; que, les contestations des organes de la procédure collective ne revêtant aucun caractère abusif, la demande de dommages-intérêts de l'administrateur provisoire sera rejetée ; qu'aucune considération d'équité ne commande l'application des dispositions de l'articles 700 du code de procédure civile en faveur de l'une des parties;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare les appels réguliers et recevables en la forme.
Au fond, réforme le jugement attaqué et, statuant à nouveau,
Fixe le solde de la rémunération due à [Y] [P] à la somme de 31'274 € HT.
Condamne maître [Z] es qualités à payer cette somme à [Y] [P] avec les intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2001.
Déboute les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires.
Fait masse des dépens de première instance et d'appel et les partage par moitié entre [Y] [P] d'une part, maître [Z] es qualités d'autre part.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que ce soit pour la première instance ou pour l'appel.
La Greffière Le Président